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Le livre de Vanessa Springora reposait sur un titre, "Le Consentement", qui faisait vaciller une notion prétendue claire, oui c’est oui, non c’est non, en décrivant son utilisation perverse par un adulte sur une enfant.

L'Edito culture de Christine Angot du 19 octobre :
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Transcription
00:00 C'est le moment Angot, on vous écoute Christine.
00:02 Le livre de Vanessa Springora reposait sur un titre, le consentement, qui faisait vaciller
00:09 une notion prétendue claire, oui c'est oui, non c'est non, en décrivant son utilisation
00:13 perverse par un adulte sur un enfant.
00:15 Par l'acte d'écrire, Vanessa Springora était sortie du cadre qu'il avait mis sur
00:21 le même plan que Mads Neff, dans une chambre, dans un lit, dans des draps.
00:24 On s'apercevait que la justice pour mineurs était inadaptée à la réalité sociale
00:31 et psychique des adolescents et des agresseurs, mis sur le même plan, par l'artifice du
00:36 mot consentement, à un même acte, dans un même lit.
00:39 Et son livre devenait politique.
00:41 Quand je faisais mes études en droit, une prof nous répétait l'adage de la cordère
00:48 entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.
00:52 Le livre est adapté au cinéma.
00:55 Et là, retour en arrière.
00:58 L'homme et la fille filmés comme un couple, un couple moderne, tremblant sous les caresses.
01:04 Comment plus il fallait que l'actrice soit majeure pour qu'on puisse la dénuder.
01:08 L'image devient l'allié objectif de Mads Neff, qui n'en demandait pas tant, et qui
01:13 doit bien se frotter les mains, et peut-être pas seulement.
01:15 A l'époque où Mads Neff était encore une star littéraire, il faut se souvenir que
01:25 les enfants et les adolescents, même quand ils participaient au dîner des parents, sont
01:30 encore des ombres, des personnages secondaires, qui n'ont pas voix au chapitre, des écoliers
01:37 à qui on demande s'ils travaillent bien à l'école, des sortes de petits paquets
01:40 n'ayant une existence que projetés sur les parents, le futur métier, la future place
01:44 dans la société, alors qu'ils sont des tonnes à être abusés.
01:47 A l'époque, il n'y a pas de littérature qui les raconte, pas de personnages qui les
01:53 représentent.
01:54 Il faut aller chercher David Copperfield, Cosette, comme si les enfants violés n'existaient
01:59 pas, étaient restés coincés dans la littérature du XIXe sous l'enfant pauvre, abandonné,
02:05 battu, ou masqué sur la couverture du poche par les lunettes de soleil en chœur de Lolita.
02:10 Quand Matzneff se met en scène en train de les violer, personne ne voit rien.
02:16 Pourquoi ? Parce qu'on ne regarde que lui, l'homme, l'adulte, l'invité des médias,
02:27 le séducteur, l'élégant, qui parle bien.
02:30 À la publication du livre de Springera, on se désole et s'étonne de la société
02:36 permissive de l'époque dans les milieux intellectuels parisiens.
02:39 Comme si les enfants ailleurs étaient miolotis, comme si tout ça était une affaire de sixième
02:45 arrondissement.
02:46 C'est un peu facile.
02:48 Les enfants n'étaient pas vus, les violeurs pas considérés comme tels, et ça dans tous
02:54 les milieux Paris-Province.
02:56 Jean-Paul Rouve, qui joue Matzneff aujourd'hui, dit lui-même qu'il ne comprend pas le personnage
03:03 qu'il a joué.
03:04 Surtout ne pas comprendre, ne pas vouloir, et s'en vanter.
03:09 Être quelqu'un de trop bien pour comprendre ça.
03:12 Le titre de Vanessa Springera faisait douter du consentement comme notion juridique du
03:18 viol sur mineurs, en soulignant l'aspect balbutiement, gêne, hésitation, peur, le
03:22 oui pour ne pas faire d'histoire et satisfaire l'adulte.
03:25 Ce n'est pas le cas dans l'adaptation au cinéma.
03:27 Le consentement se retrouve assorti d'images qui balaient tout ça et qui effacent le non
03:33 du oui.
03:34 Sur le sujet, on peut faire ou des films porno ou des films de guerre.
03:38 Là, il y a des tremblements érotiques, des culottes blanches petits bateaux qui volent,
03:44 une lumière David Hamiltonisée.
03:46 Tout se passe comme si le consentement reprenait son sens premier.
03:51 -Merci, Christine Angot, et à jeudi prochain.

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