Expulsion de l'imam Mahjoubi: son avocat fait le point sur la situation

  • il y a 7 mois
L'imam Mahjoubi a été expulsé dans le nuit de jeudi à vendredi 23 février en Tunisie. Cela fait suite à des propos anti-France qu'il a tenu au cours d'un prêche. Son avocat, Me Samir Hamroun, fait le point sur la situation.
Transcript
00:00 – M. Hamroon, Vincent dit à l'instant que votre client n'est absolument pas un homme abattu,
00:04 qu'il va se battre, comment allez-vous vous battre désormais ?
00:08 Alors qu'encore une fois on a eu, pardon pour l'expression,
00:10 on met l'expulsion express, comment allez-vous pouvoir vous battre
00:14 maintenant que votre client est en Tunisie ?
00:16 – Oui, bonjour, oui c'est un homme combatif,
00:21 depuis cette nuit, le moment de l'interpellation,
00:24 et effectivement les policiers ont eu un très bon comportement,
00:27 ce qui a été difficile, je vais très vite, c'était l'interpellation,
00:31 devant ses enfants en pleurs, mais bien évidemment les policiers
00:33 n'ont fait montre d'aucune violence.
00:35 Le choc étant passé aujourd'hui, j'ai pu m'entretenir avec lui
00:38 très longuement cette nuit lorsqu'il est arrivé en Tunisie,
00:41 l'axe de défense c'est tout simplement la loi, les règlements et les procédures.
00:46 La saisine d'une tribunale administrative en référé dans un premier temps,
00:49 ce qu'on appelle un référé liberté, pour démontrer qu'il y a des attaches familiales
00:53 qu'il laisse derrière lui en France, et que les propos qui lui sont imputés
00:57 sont soit sortis d'un contexte, soit tronqués,
01:01 je ne sais pas si nous y reviendrons avec vous, et que sa place est en France,
01:05 en attendant que la procédure soit débattue sur le fond dans plusieurs mois,
01:08 voire dans plusieurs années, et conclue définitivement.
01:12 – Mais vous espérez, vous imaginez un retour en France, quand ?
01:15 – Alors, je ne peux pas vous répondre à cette question,
01:19 mais pour vous faire réfléchir avec moi très simplement,
01:23 un référé va être déposé très probablement aujourd'hui,
01:26 il sera audiencé en début de semaine ou en milieu de semaine prochaine.
01:29 Si la décision du tribunal administratif en référé est favorable pour M. Majoubi,
01:34 il pourra rentrer en France immédiatement,
01:37 sous réserve d'un appel du ministère de l'Intérieur.
01:40 Donc ça peut être 15 jours, 3 semaines, 1 semaine.
01:42 Si notre référé est rejeté, Monsieur, là ça prendra des mois,
01:48 si tant est que nous gagnons la procédure au fond, des mois voire des années.
01:52 Donc nous sommes absolument dans un certain flou,
01:55 ne pouvant pas connaître la décision du tribunal à l'avance bien évidemment.
01:58 – Je voudrais qu'on regarde, Maître, le tweet posté par Gérald Darmanin
02:01 qui se félicite de l'expulsion de votre client, l'imam radical Majoubi.
02:04 C'est ce que dit Gérald Darmanin,
02:06 "Vient d'être expulsé du territoire national moins de 12 heures après son interpellation.
02:09 C'est la démonstration que la loi immigration,
02:11 sans laquelle une telle expulsion si rapide n'aurait pas été possible,
02:14 rend la France plus forte, nous ne laisserons rien passer."
02:17 Vous avez un ministre de l'Intérieur qui était déterminé
02:20 à expulser votre client et vous avez un ministre de l'Intérieur
02:24 qui dans d'autres cas a déjà été déterminé à ne pas "rapatrier"
02:28 des personnes qui avaient été expulsées et dont la justice ordonnait leur retour en France.
02:32 Comment allez-vous gérer cela, votre confrontation avec Gérald Darmanin ?
02:40 – Écoutez, elle sera gérée tout simplement par le biais de procédures,
02:44 de requêtes, de mémoires, d'arguments jurisprudentiels, factuels,
02:49 devant les tribunaux administratifs et éventuellement le Conseil d'État.
02:53 Ce sera ça ma confrontation avec le ministre de l'Intérieur,
02:56 j'ai absolument le respect pour sa fonction, très grand,
02:59 mais lorsqu'il se félicite sur Twitter,
03:03 s'il nous écoute, je pense qu'il vous écoute, vous êtes la première chaîne en France.
03:06 Monsieur le ministre de l'Intérieur, il faut impérativement
03:09 qu'il puisse prendre en considération qu'il y a des bambins âgés de 7 ans
03:13 et une vie familiale, un droit à la vie privée et familiale en France,
03:18 l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
03:21 Il ne peut pas dégainer simplement comme ça en se félicitant
03:23 qu'il y a un homme qui ait disparu de la circulation.
03:25 Monsieur Majoubi n'est pas un objet, c'est un être humain qui a des sentiments,
03:29 qui a une famille, qui a des liens, qui a une situation professionnelle.
03:33 Aujourd'hui il est combatif, je le connais un peu,
03:36 je sais qu'il aime bien garder le visage haut,
03:38 mais je peux vous garantir que la situation est extrêmement poignante
03:41 et difficile pour lui et pour ses enfants.
03:43 – Vincent.
03:44 Maître, au mois de décembre, le Conseil d'État avait rendu une décision
03:48 demandant à la France de rapatrier une personne qui avait été expulsée
03:52 en Ouzbékistan.
03:54 Cette décision n'a finalement jamais été appliquée,
03:56 c'était pour des raisons différentes de celles de votre client,
04:00 mais est-ce qu'aujourd'hui si la justice française vous donne raison,
04:03 si le Conseil d'État ou le tribunal administratif vous donnent raison,
04:06 est-ce que vous avez confiance aux autorités judiciaires
04:08 pour que la décision de rapatrier votre client soit réelle ?
04:13 – J'ai confiance en la justice et aux autorités administratives
04:19 et aux pouvoirs publics dans ce pays,
04:21 mais au-delà de la confiance c'est tout simplement l'application du droit.
04:24 Une décision entrée en autorité de chose jugée,
04:27 c'est-à-dire définitive pour parler plus simplement, doit s'appliquer.
04:30 Et dans le premier dossier que vous avez rappelé,
04:33 il y a une décision de justice qui est définitive
04:35 puisque le recours à la CEDH n'est pas suspensif,
04:38 ni le recours que je m'apprête à exercer pour M. Mahdjoubi,
04:40 rien n'est suspensif, c'est vrai, il faut que ces décisions de justice s'appliquent.
04:44 Parce que, attention, un dernier mot sur ça,
04:46 là nous sommes en train de parler d'un Tunisien musulman
04:48 qui fait peur à beaucoup de monde malheureusement, à tort.
04:52 Mais si on commence à occulter le respect de certaines décisions de justice
04:56 de la plus haute autorité administrative en France,
04:59 c'est des difficultés pour vous et pour moi.
05:02 On commence à ressentir des choses qui sont extrêmement dangereuses dans ce pays.
05:06 Vous dites qu'on fait peur avec ce musulman, votre client, à tort.
05:13 Quand on lit l'arrêté d'expulsion signé par Gérald Darmanin,
05:17 il est expliqué que votre client a désigné les juifs comme ennemis,
05:21 des ennemis hostiles, des musulmans alliés de l'antéchrist.
05:24 Il fait l'éloge de la charia, encore une fois, c'est d'après l'arrêté d'expulsion,
05:27 qui parle d'appel à la haine, de séparatisme,
05:29 d'atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État.
05:31 Un imam qui attise la haine, terreau d'une radicalisation,
05:34 encore une fois, je cite l'arrêté d'expulsion.
05:36 Votre client qui déplore que les mosquées ne produisent plus de combattants
05:40 comme au temps du prophète, qui présente les femmes comme vénales, inférieures,
05:44 légitimise la séquestration au nom de la religion.
05:47 Vous vous dites "tout ça c'est faux, tout ce qui est écrit dans l'arrêté d'expulsion, tout est faux".
05:54 – Non, je ne le dis pas comme ça.
05:56 Il y a des propos que vous rappelez dans cet arrêté qui ont été tenus,
05:58 dans un contexte de prêche qui dure généralement entre 45 et 50 minutes.
06:02 Un mot rapidement, je sais que nous devons aller assez vite.
06:06 Le hadith qui a été cité concernant les juifs, ça s'appelle de l'eschatologie,
06:10 ça existe dans le judaïsme, dans le christianisme et dans l'islam.
06:14 J'en appelle tout de suite aux autorités de ce pays,
06:16 au président de la République, au ministère de l'Intérieur
06:18 et aux autorités représentatives des musulmans,
06:20 de reprendre tout ça en main et d'apprendre à ces prêcheurs,
06:23 mon client le premier, d'apprendre à ces prêcheurs
06:26 à prêcher convenablement et à expliquer leurs propos dans un contexte.
06:30 Monsieur, ce que vous dites, je le comprends.
06:33 Ceux qui nous écoutent doivent comprendre que je comprends
06:35 qu'ils soient choqués ou interloqués.
06:38 Mais à aucun moment il n'a tenu un propos personnel visant à dire
06:41 "mais les juifs c'est des ennemis, les femmes c'est des inférieurs".
06:44 Ce sont des propos qui relèvent de l'eschatologie classique islamique
06:49 qui date de 1400 ans, dont les sources sont contestées par ailleurs.
06:53 Il faut simplement rappeler que ce ne sont pas des propos
06:56 qu'il tient de son propre chef dans le sens,
06:59 je ne dis pas qu'il a été contraint de les tenir,
07:00 dans le sens où il pense ça, il cite des textes religieux.
07:04 – Il cite des textes religieux, d'accord,
07:06 mais vous reconnaissez vous-même qu'il n'aurait pas dû le faire ?
07:09 Vous reconnaissez vous-même qu'il aurait dû être d'une certaine manière formé
07:13 pour ne pas tenir ce genre de propos face à des fidèles ?
07:17 – Je confirme à 100% ce que vous venez de dire et je vais même plus loin,
07:22 Monsieur Majoubi a été extrêmement maladroit.
07:25 Monsieur Majoubi n'est pas formé pour prendre une parole publique
07:30 devant un auditoire de plusieurs centaines de personnes.
07:33 Mais c'est la situation de l'islam en France, malheureusement.
07:36 Donc ne lui mettons pas ces choses-là sur le dos,
07:39 je puis vous garantir que Monsieur Majoubi n'est pas une personne radicalisée
07:43 ni dangereuse, maladroite, bête, il n'y a aucun problème.
07:48 Ça ne m'aurait pas choqué qu'il soit placé en garde à vue,
07:51 auditionné, même un peu vigoureusement,
07:54 mais cette expulsion est beaucoup trop disproportionnée.
07:57 – Ce que vous nous dites c'est qu'il voulait juste faire référence au Coran,
08:02 au Hadith, au texte sacré de l'islam qui date de 1500 ans
08:05 et en tout cas qu'il ne les pensait pas forcément personnellement.
08:08 C'est du reste également ce qu'il dit, sa défense c'est de dire
08:12 "je faisais référence au texte sacré".
08:17 – C'est exactement ça, vous coupez-moi si je suis trop long, pardon,
08:20 mais le Monsieur le ministre de l'Intérieur dans son arrêté,
08:24 vous le présente comme si c'était Monsieur Majoubi assis dans un café
08:27 qui vous dit "mais les juifs sont des ennemis,
08:29 les femmes il faut les contraindre et les enfermer à la maison".
08:31 Ce n'est pas du tout ce contexte-là, ce n'est pas du tout ce contexte-là.
08:35 C'est pour ça que nous contestons cette expulsion.

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