Les mentors de l’association Les Ombres accompagnent les jeunes de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) dans leur insertion académique, professionnelle et numérique. Objectif : casser les déterminismes sociaux. Qui peut être mentor, et qu’est-ce que cela apporte ? Quelles autres aides peuvent apporter les entreprises ? Des réponses avec nos invités Gabriel Marvier, cofondateur des Ombres, et Benjamin Chanseau, mentor.
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00:06 Le débat de ce Smart Impact porte sur l'aide sociale à l'enfance.
00:10 Avec Gabriel Marvier, bonjour, bienvenue.
00:12 Bonjour Thomas.
00:13 Membre fondateur de l'association Les Ombres et Benjamin Chansot, bonjour et bienvenue.
00:17 Vous êtes mentor au sein de cette association.
00:20 Les Ombres, vous l'avez créée en 2021 avec votre frère Antoine et avec Louis Poinsignon.
00:26 Racontez-moi pourquoi. C'est quoi Les Ombres ?
00:28 Les Ombres, c'est une association loi 1901 qui vient pour accompagner les jeunes de l'aide sociale à l'enfance sur trois volets.
00:37 L'insertion académique, l'insertion professionnelle et la lutte contre l'électronisme.
00:42 L'histoire des Ombres, c'est une histoire avant tout personnelle.
00:45 C'est une volonté depuis l'enfance d'entreprendre avec mon frère.
00:49 Ensuite, c'est un drame personnel, c'est le décès de l'associé avec lequel mon frère avait créé une société de conseil en orientation.
00:56 Et décès qui nous a interrogé sur comment donner plus de sens au projet qu'il portait.
01:00 Et le tourner notamment vers ceux qui en ont le plus besoin et donc les jeunes de l'aide sociale à l'enfance.
01:05 On va détailler ce qu'est l'aide sociale à l'enfance.
01:07 Un mot Benjamin Chansot, vous êtes mentor depuis quasiment la première heure.
01:12 C'est ça.
01:13 Pourquoi cet engagement ? Et puis combien de jeunes vous avez déjà accompagnés depuis que vous êtes mentor pour les Ombres ?
01:21 Alors bonjour. Alors effectivement, ça fait depuis le début que je participe à cette association avec Gabriel, avec Antoine.
01:30 Moi, j'ai mentoré sur la première année 8 jeunes.
01:33 Alors le mentorat, c'est une forme d'engagement qui est un peu différente des engagements de d'habitude.
01:40 Parce que c'est un engagement plus flexible qui permettait en moi, en tant que jeune salarié, de pouvoir mettre à profit mes compétences.
01:48 Parce que je venais de sortir des études à des jeunes qui allaient s'insérer dans le marché de l'emploi
01:53 ou qui cherchaient à parfaire leur orientation scolaire, un nouveau diplôme, etc.
01:58 D'ailleurs, c'est quoi vos métiers respectifs ?
02:00 Alors respectivement, moi, je suis consultant dans une grande société de conseil qui s'appelle Capgemini.
02:04 Ok. Et vous ?
02:05 Moi, je suis cadre réglementaire dans une petite banque.
02:07 Ok. Bon, voilà les compétences que vous pouvez partager avec ces jeunes de l'aide sociale à l'enfance.
02:13 Plus de 350 000 jeunes qui sont pris en charge par ce service public.
02:17 Mais ce qui est intéressant et désastreux quand on y réfléchit, cette espèce de cercle vicieux,
02:23 25% des sans-abri en France sont issus de cette aide sociale à l'enfance.
02:28 Est-ce que c'est justement pour briser ce cercle vicieux que vous vous êtes dit qu'il faut créer les hommes ?
02:33 Alors exactement. Et merci beaucoup de citer justement ce genre de chiffres.
02:37 Je vais même en ajouter un parce qu'aujourd'hui, quand je viens justement sur ce plateau de télévision, c'est avec un peu deux messages.
02:42 Un message avant tout d'urgence et un message aussi d'espoir.
02:46 Le message d'urgence correspond justement à ce constat.
02:48 Vous parlez de 25% des sans domicile fixe en France sont issus de la ZEU.
02:52 Je dirais aussi 70% des jeunes de la ZEU la quittent sans diplôme.
02:56 Donc on a un système qui est volontariste.
02:59 Et je loue la qualité du travail du personnel des référents, des éducateurs spécialisés qui au quotidien accompagnent ces enfants,
03:06 mais qui clairement ne fonctionnent pas.
03:08 Parce qu'ils n'ont pas assez de moyens ?
03:10 C'est un sujet de moyens. C'est aussi un sujet d'alculturation.
03:13 L'insertion académique, l'insertion professionnelle, ça passe par tout un tas de codes sociaux, de capital social,
03:19 qu'on obtient tout simplement souvent de ses parents.
03:22 Or c'est des jeunes qui justement ont moins de capital social de par leur situation.
03:27 Et nous, l'objectif aux ombres, c'est de leur apporter.
03:29 Et ça, c'est le message d'espoir ?
03:31 La possibilité de finalement combler ces lacunes du service public ?
03:36 Exactement. Et je dirais le message d'espoir, il va aussi un cran plus loin,
03:40 il est de se dire que les lignes bougent.
03:42 L'association, elle a 3 ans. C'est une association qui est très jeune.
03:45 Mais en 3 ans, on a déjà aidé plus de 1500 jeunes.
03:47 On a déjà fédéré une communauté de plus de 500 bénévoles en France.
03:50 Et c'est cette communauté dont j'ai envie de parler aussi.
03:53 C'est que la nouvelle génération, elle a envie d'avoir un impact positif.
03:56 Elle a envie de s'engager pour la société. Et c'est ça qu'on observe.
04:00 Effectivement, je redonne vos chiffres. Plus de 1500 jeunes accompagnés.
04:03 150 structures de l'ASE, plus de 500 bénévoles, vous l'avez dit,
04:08 qui forment cette communauté de mentors dont Benjamin Chansot.
04:11 Quels sont les défis à relever ? Parce que vous me dites, j'ai 8 jeunes la première année.
04:16 Ce n'est pas rien. C'est beaucoup de temps. J'imagine.
04:19 Quel défi vous devez relever avec eux ?
04:21 Effectivement, il faut savoir les comprendre.
04:23 Il faut savoir comprendre l'environnement dans lequel ils sont.
04:25 Il faut savoir comprendre leurs attentes.
04:27 Bien que dans le format de notre association, c'est eux qui vont vers nous.
04:30 Et nous qui devons les écouter et apporter l'aide qu'on peut apporter.
04:36 Le défi, c'est vraiment de savoir les accompagner, de savoir rester en contact avec eux
04:41 et apporter une réponse très concrète, très adaptée à la manière dont ils vont recevoir notre aide.
04:46 Alors évidemment, il y a autant de cas particuliers. 1500 jeunes, c'est 1500 histoires et solutions différentes, j'imagine.
04:54 Mais dans quelles difficultés sont-ils souvent ?
04:58 Et qu'est-ce que vous pouvez leur apporter comme réponse ? Vous voyez ce que je veux dire ?
05:01 Oui. Ces jeunes, c'est des jeunes de l'aide sociale à l'enfant qui sont souvent placés,
05:05 qui n'ont pas eu le même cadre éducatif que nous, qui n'ont pas le même contact avec l'extérieur que nous
05:10 et qui ont un référent qui est un référent pour plusieurs enfants.
05:14 Donc, ils sont moins disponibles et qui ne leur permettent pas d'avoir les clés que peuvent leur apporter des jeunes comme nous.
05:20 Mais aussi des moins jeunes, des personnes qui ont travaillé dans ce milieu-là.
05:23 Parce que nos bénévoles, ce n'est pas forcément que des jeunes.
05:25 Et à ce titre-là, nous, on peut, par le biais de petites actions simples,
05:31 qui sont en fait des réflexes qu'on a eus dans le cadre de notre parcours scolaire ou de notre orientation professionnelle,
05:36 débloquer des situations, leur apporter une aide concrète qui leur permet d'avancer.
05:41 Et peut-être, je ne peux pas le dire, pour donner des exemples très concrets à celles et ceux qui nous écoutent,
05:46 on les aide sur justement la relecture de leur CV, de leur DM, l'aide de motivation,
05:50 on les aide à se préparer aux entretiens, on les aide dans leur candidature Parcoursup.
05:54 L'objectif, c'est vraiment de leur faire aussi un coaching pour l'orientation.
05:57 On a tout un tas de sujets qui vont du mentorat, j'allais dire, court terme, une action concrète.
06:01 Est-ce que quelqu'un peut relire mon CV ? Dans mon foyer, il n'y a personne qui est en mesure de le faire.
06:05 Ou est-ce qu'on peut faire des actions plus long terme ?
06:07 Est-ce que sur les six prochains mois, vous pouvez m'aider à définir mon parcours d'orientation ?
06:12 Et nous, on part de trois constats qu'on a observés sur le terrain,
06:15 puisque effectivement, tous nos bénévoles dans la France entière sont sur le terrain.
06:19 C'est qu'on a des jeunes qui ont un manque de capital social et donc un manque de réseau, tout simplement.
06:23 Donc l'idée des hommes, c'est aussi de leur apporter ce premier réseau,
06:26 le fameux stage d'observation qui est souvent issu du réseau de nos parents.
06:29 Justement, on peut les aider sur ce sujet-là.
06:32 Il y a un manque de capital social que je mentionnais.
06:35 Il y a un manque pour moi aussi qui est, on les pousse vers des formations très courtes.
06:39 Le pousser vers des formations très courtes, c'est très bien.
06:41 Il faut qu'on développe nos filières professionnelles.
06:43 Il y a beaucoup pour les entreprises justement qui nous écoutent de jeunes
06:46 qui sont dans ces filières et qui vont pouvoir rentrer dans le marché de l'emploi.
06:50 Il y a aussi des profils qui sont capables d'aller plus loin.
06:52 Et moi, je regarde...
06:54 Et qui s'auto-censurent parfois.
06:55 Exactement.
06:56 Et je prends souvent un exemple.
06:57 On a récemment accompagné un jeune qui est rentré en classe préparatoire,
07:00 la physique chimie, il y a quelques semaines.
07:02 On a ce genre de profil qui existe aussi à l'ASE.
07:04 On a plus de 20% des jeunes de l'ASE qui suivent un lycée général
07:07 et des formations d'études supérieures.
07:09 Il faut aussi les encourager à ne pas s'auto-censurer.
07:12 Est-ce qu'ils ont parfois perdu confiance envers les adultes ?
07:16 C'est quoi leur relation avec le monde des adultes ?
07:19 Vous êtes super jeune, hein.
07:20 Vous y êtes depuis peu dans le monde des adultes.
07:23 Je ne sais pas si je peux parler forcément au nom des adultes.
07:25 En tout cas, nous, notre âge est facilitant.
07:28 Il est facilitant.
07:30 Et pour ceux qui auraient perdu leur relation avec le monde des adultes,
07:32 nous, c'est facilitant.
07:34 Vous avez quel âge ?
07:35 Moi, j'ai 25 ans.
07:36 Donc, le monde des adultes, je le connais depuis peu.
07:39 Mais en ayant un contact avec le référent et avec les structures,
07:43 nous, on peut aussi réussir à faire passer des messages.
07:46 Faire passer des messages d'aide,
07:48 effectivement, leur permettre de ne pas s'auto-censurer
07:51 et de pouvoir avancer.
07:52 Et puis, on leur donne, je pense aussi, surtout un pont avec le monde hors de l'ASE.
07:56 Ce n'est pas pour critiquer l'ASE du tout.
07:58 Mais pour ces jeunes qui sont, il faut se rendre compte,
08:00 au quotidien dans des foyers,
08:02 là, c'est le moyen d'avoir un contact avec quelqu'un de l'extérieur.
08:05 Donc, d'ouvrir leur perspective, quel que soit l'âge.
08:07 Effectivement, vous le citiez, on a plus de deux tiers de nos mentors
08:09 qui ont, j'allais dire, moins de 30 ans.
08:11 On en a aussi, ça veut dire, un tiers qui ont souvent plus de 40,
08:13 même plus de 50 ans, qui ont été anciennes familles de Coeur.
08:16 Est-ce que c'est plus difficile de créer le lien de confiance
08:18 quand on a 40, 50 ?
08:21 Je pense que c'est des gens encore plus motivés aussi
08:23 qui le font à cet âge-là.
08:24 Et souvent, qui ont connu l'écosystème de l'ASE
08:27 et qui, du coup, ont envie de lui redonner.
08:29 Donc, ils vivent en foyer.
08:30 Il y a sans doute une bonne partie des téléspectateurs
08:33 qui ne savent pas ce qu'est l'ASE.
08:34 Ce sont des jeunes qui sont en rupture avec leur...
08:38 Soit ils ne connaissent pas leurs parents, soit ils ont été abandonnés, etc.
08:41 Ils vivent dans des foyers ?
08:42 Effectivement, l'ASE, c'est tout simplement une compétence du département
08:46 issue des lois de décentralisation des années 80
08:49 qui, en fait, permet de protéger l'ensemble des enfants
08:52 qui sont confrontés à des difficultés sociales
08:54 qui peuvent nuire gravement à leur équilibre.
08:57 Donc, ils sont effectivement, pour la plupart, placés,
08:59 mais pas tous, certains restent dans leur famille.
09:01 Ils sont, pour la plupart, l'objet de mesures de placement judiciaire.
09:04 Et les structures d'accueil, j'allais dire,
09:06 elles diffèrent selon le territoire et les situations.
09:08 Il existe des maisons d'accueil de jour,
09:10 des maisons d'accueil sur l'ensemble des semaines et plusieurs mois.
09:15 On a des jeunes qui sont placés jusqu'à leurs 18 ans.
09:17 Ce qu'il faut comprendre, c'est que ces jeunes,
09:19 quelle que soit la structure dans laquelle ils sont placés,
09:21 l'accompagnement de l'ASE dont ils font l'objet s'arrête à leurs 18 ans.
09:24 Et qu'il existe depuis peu un système qui s'appelle le contrat jeune majeur
09:28 qui leur permet de poursuivre cet accompagnement jusqu'à 21 ans.
09:32 Mais quelle que soit leur situation,
09:35 un jeune dans l'aide sociale à la France,
09:37 il n'est plus accompagné par l'État à 21 ans.
09:39 Et je me permets de se dire, et je nous interroge tous,
09:43 à 21 ans, est-ce qu'on aurait été capables nous-mêmes
09:46 de s'insérer dans le monde professionnel facilement ?
09:48 Je ne pense pas. Je pense que c'est quelque chose qui reste très jeune.
09:51 Et c'est pour ça aussi qu'on a besoin d'associations
09:53 comme la nôtre et comme d'autres pour les accompagner sur le long terme.
09:56 Benjamin Chansot, est-ce que parfois vous intervenez en urgence ?
09:59 Est-ce qu'il y a des jeunes qui vous appellent un peu perdus
10:02 ou même confrontés à un coup dur dans leur vie ?
10:05 Alors ça, c'est l'avantage du mentorat,
10:07 c'est qu'on a une relation à distance avec le jeune.
10:09 On a le numéro de téléphone et eux, on leur propose
10:12 de pouvoir nous appeler dans des situations.
10:14 Les situations d'urgence, elles sont très concrètes.
10:16 Un jeune pense avoir un stage, il le perd au dernier moment.
10:19 Nous, on peut agir.
10:21 Un jeune a un besoin matériel qu'on est capable de remplir,
10:23 par exemple un ordinateur pour pouvoir postuler à des annonces,
10:26 des choses comme ça. Nous, on peut leur apporter une réponse.
10:29 Donc oui, on est capable, avec notre forme de bénévolat,
10:32 c'est mon mentorat, de pouvoir répondre à des questions d'urgence.
10:35 Dernière question, il reste une minute trente.
10:37 En 2022, la fondation Break Poverty a mené une étude de six mois
10:40 pour évaluer les résultats du mentorat, justement pour ces jeunes de l'ASE.
10:45 Quel résultat ? Ça marche le mentorat ?
10:49 Alors le mentorat, ça marche. On peut effectivement utiliser aussi
10:52 les résultats de plusieurs études du collectif mentorat,
10:55 qui regroupe toutes les associations en France qui ont un impact
10:57 et qui agissent en faveur du mentorat et qui le montrent.
11:00 Le mentorat, c'est une relation gagnant-gagnant.
11:02 Ensuite, si vous me permettez, je me permettrai sur la dernière minute
11:04 de donner aussi un message. On est sur BeSmart, on est sur la chaîne,
11:07 j'allais dire, de référence du monde des entreprises.
11:09 Donc mon message, il est avant tout pour les entreprises.
11:12 Le monde des entreprises, c'est un des chaînons manquants,
11:14 entre guillemets, actuellement dans notre engagement envers la sociale.
11:17 On a une aide de l'État, on a une aide des citoyens.
11:21 Les entreprises, elles peuvent nous aider de plein de manières.
11:23 Je vais donner trois cas concrets très rapidement.
11:25 Vous ne savez pas quoi faire de vos anciens ordinateurs.
11:28 Les ordinateurs, c'est un outil d'insertion pour les jeunes de l'ASE.
11:32 Ce n'est pas seulement du matériel informatique.
11:34 Vos employés, vous avez envie de leur faire développer des soft skills
11:37 et de les faire progresser, monter en compétence dans vos entreprises,
11:41 faites-leur faire du mentorat. Ce sont des mentors professionnels sociaux
11:44 et ils vont gagner en compétence de ce fait.
11:47 Vous, je prends à témoin la dernière étude de France Travail
11:51 qui explique qu'il y a une grande inadéquation dans les profils
11:54 qui font des formations professionnelles.
11:56 Donc vous vous plaignez en tant que recruteur de cette inadéquation
12:00 du profil de ces jeunes. N'hésitez pas.
12:03 Nous, on a des jeunes qui font ces formations professionnelles.
12:05 Vous pouvez leur parler directement, les faire monter en compétence,
12:08 faire des ateliers avec nous pour leur faire découvrir vos formations.
12:11 Voilà, message d'espoir.
12:13 Merci beaucoup d'être venu partager ce message d'espoir.
12:16 Merci à tous les deux et à bientôt sur BeSmart.
12:18 Notre rubrique Smart Ideas, tout de suite.