Clément Torpier, des JA IDF et François Durovray, président de l'Essonne
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00:00 Un chiffre d'abord pour planter le décor, il faut savoir que la moitié de nos agriculteurs partira à la retraite d'ici 10 ans.
00:07 Et pour assurer la relève ce matin avec nous, Clément Torpillet bonjour.
00:11 Bonjour.
00:12 Vous êtes trentenaire, on peut dire un jeune agriculteur quand on sait que l'âge moyen c'est 50 ans à peu près,
00:17 et président justement des jeunes agriculteurs d'Île-de-France, le syndicat.
00:22 A vos côtés le président de l'Essonne, François Durevray, bonjour.
00:25 Bonjour.
00:26 Parce que les collectivités aussi ont un rôle à jouer, merci à tous les deux d'être avec nous ce matin en direct du salon de l'agriculture ici Pavillon 1.
00:34 Je me tourne vers vous Clément Torpillet, vous avez repris l'exploitation de vos parents en 2019,
00:39 une exploitation céréalière à Sourdun en Seine-et-Marne, sans aucune hésitation, vous avez dit je fonce ?
00:46 Bien évidemment, sans aucune hésitation, c'est un métier que j'ai voulu par passion, par conviction et par envie.
00:54 Bien évidemment c'est un métier formidable, avec des contraintes et des difficultés, j'en étais conscient au départ,
01:03 et j'ai bien évidemment aussi voulu m'engager syndicalement et professionnellement pour pouvoir défendre ce très beau métier qui a un avenir, j'en suis persuadé.
01:13 Message très optimiste, mais quand vous avez dit à vos parents je vais reprendre l'exploitation,
01:17 ils vous ont dit tu as raison, vas-y, fonce, ou non, fais autre chose ?
01:22 Alors c'est vrai que depuis quelques années, pour moi ça n'a pas été le cas, si je puis dire, mes parents m'ont encouragé sans aucune hésitation,
01:31 et ça s'est fait très naturellement, mais pour certains, aujourd'hui, les parents sont quand même très réticents,
01:38 ou mettent en garde leurs enfants avant de s'installer, en disant est-ce que tu es bien sûr de vouloir t'installer ?
01:45 Aujourd'hui, certains hésitent, certains vont embrasser une carrière dans un autre secteur d'activité,
01:53 ne reprennent pas tout de suite l'exploitation, et au bout d'une dizaine d'années vont revenir sur cette exploitation familiale.
02:00 On a entendu ce matin les réticences des familles qui disaient tu vas crever la bouche ouverte par exemple,
02:05 les freins il y en a, c'est quoi pour vous ?
02:08 Ça a été quoi le principal problème quand vous avez repris l'exploitation ? Le principal obstacle ?
02:13 Les freins bien évidemment, c'est le coût financier que représente la reprise d'une exploitation agricole,
02:20 et il y a bien évidemment aussi toutes les contraintes, on en parle beaucoup aujourd'hui lors de ce salon d'agriculture,
02:27 notamment lors de l'ouverture. Aujourd'hui sur mon exploitation, je ne suis plus maître de mes décisions stratégiques,
02:35 de mes décisions agro-environnementales, aujourd'hui c'est l'Etat à travers la politique agricole commune
02:42 qui dicte toutes mes décisions, et ce n'est même plus la météo, aujourd'hui on travaille avec un calendrier,
02:49 avec des dates précises que l'on doit respecter, et aujourd'hui ça freine, si je puis dire, le développement de mon activité agricole.
02:57 Donc manque de marge de manœuvre, la politique agricole justement, parlons-en avec vous François Durouvray,
03:04 dans votre département en Essonne, est-ce que vous rencontrez vous aussi un problème de renouvellement des générations ?
03:10 Évidemment, comme partout en France, alors peut-être davantage en Ile-de-France, parce qu'évidemment les agriculteurs sont déjà moins nombreux
03:19 qu'ils le sont dans d'autres régions, dans mon département c'est aujourd'hui moins de 700 agriculteurs, 1200 agriculteurs et salariés au total,
03:28 donc par rapport au reste de la population active, c'est évidemment un faible nombre de personnes, mais pour autant c'est une identité extrêmement forte.
03:38 En Essonne, on l'oublie souvent, c'est encore 45% de terre agricole, et donc nous avons deux défis, le premier c'est de protéger ces terres agricoles,
03:48 de limiter l'urbanisation, et ça c'est essentiel parce que sans terre il ne peut pas y avoir d'agriculteurs,
03:55 et c'est ensuite d'aider les agriculteurs dans leur installation, et ensuite par rapport aux différents défis.
04:01 Alors on les aide, ce n'est pas le département à proprement parler qui peut aider parce que ce n'est pas notre métier,
04:07 mais nous confions, et je crois qu'il y a un partenariat exemplaire en Ile-de-France et avec chacun des départements,
04:12 nous aidons la Chambre d'agriculture, nous aidons les syndicats financièrement pour ouvrir des guichets et permettre à ceux qui se destinent à cette belle profession
04:22 de lever tous les obstacles qu'ils peuvent y avoir.
04:25 - Vous aussi vous déplorez un manque de marge de manœuvre en tant que collectivité pour aider les agriculteurs, ou finalement non c'est le rôle de l'Etat ?
04:33 - Non, c'est vrai qu'on a de moins en moins de marge de manœuvre d'abord parce que nos finances sont compliquées,
04:39 vous connaissez la complexité des situations et la baisse des dotations de l'Etat, mais au-delà de ça c'est vrai que juridiquement
04:45 nous avons moins la capacité aujourd'hui d'accompagner les agriculteurs, alors que nous aurions, je pense, à l'échelle locale,
04:52 et c'est l'enjeu des politiques agricoles que nous fondons, dans mon département nous allons voter une nouvelle politique agricole
04:58 qui fera l'objet de discussions avec le monde agricole, et les outils qu'on peut mettre en place en l'Eneston ont vocation à être différents à ceux d'un territoire d'élevage par exemple.
05:07 - Et justement cette nouvelle politique agricole départementale que vous allez voter en juin a priori, elle va changer quoi ? C'est quoi l'enjeu ?
05:14 - Alors les enjeux on les définit avec les agriculteurs, mais il y a à l'évidence la question de la maîtrise foncière, il y a la question de la transmission des exploitations agricoles,
05:25 et donc l'accès des jeunes à ce métier, il y a la question de la transition écologique évidemment, et puis il y a un enjeu fabuleux en Ile-de-France,
05:33 qui est celui de permettre, on a principalement des grandes cultures, des terres céréalières, mais de permettre à une partie des agriculteurs de nourrir les franciliens.
05:42 On a un bassin de 12 millions d'habitants et ça c'est un très beau projet pour réconcilier l'agriculture avec les territoires, ou surtout les habitants avec leur agriculture.
05:51 C'est dans ce sens là que ça se joue.
05:53 - Je vois Clément Torpillet qui approuve tout ce que vous dites, qu'est-ce qui vous fait réagir dans ce que vient de dire François Dureau vrai ?
06:01 Le manque de terres, l'urbanisation, ça c'est un problème majeur ?
06:04 - Déjà ce qui me fait réagir c'est qu'il y a un chiffre qui est très important, c'est que l'Ile-de-France ce n'est pas que Paris, la Tour Eiffel et le Château de Versailles,
06:13 c'est aussi 50% du territoire qui est consacré à son agriculture, avec un savoir-faire des exploitations céréalières, mais également très diversifiées.
06:23 Avec la région Ile-de-France et l'ensemble des départements, on a travaillé main dans la main sur plusieurs dispositifs d'accompagnement sur l'installation des jeunes agriculteurs,
06:34 avec le point accueil installation où on a un soutien de l'ensemble des départements et de la région.
06:39 C'est une antenne qui permet d'accueillir tous les porteurs de projets qui souhaitent devenir agriculteurs en Ile-de-France,
06:47 et une aide, la nouvelle dotation jeunes agriculteurs qui a été mise en place en Ile-de-France,
06:53 où nous avons la plus importante dotation financière pour les jeunes agriculteurs, la plus haute dotation de France.
07:00 Et c'est un signal extrêmement fort qui est envoyé pour ces jeunes qui souhaitent devenir agriculteurs en Ile-de-France.
07:07 La question du foncier, de la transmission, elle est bien évidemment extrêmement importante,
07:12 et en Ile-de-France, nous nous sommes employés à travailler sur ce sujet-là avec l'ensemble de nos partenaires des départements et de la région.
07:20 Finalement, vous êtes en train de nous dire qu'on est très bien lotis en Ile-de-France pour aider les jeunes agriculteurs.
07:25 Je vous dis qu'aujourd'hui, il y a une loi d'orientation agricole que nous attendons, des mesures sur la transmission,
07:32 et nous en Ile-de-France, nous n'avons pas attendu cette loi, nous avons été moteurs collectivement.
07:38 Il reste bien évidemment des choses à faire, à continuer à construire,
07:43 mais les idées franciliennes et ce que nous portons pour l'agriculture francilienne,
07:47 avec cette chance d'un bassin de consommation extrêmement important pour l'ensemble de nos producteurs, c'est une chance.
07:53 Ce que vous constatez autour de vous, c'est quoi le climat, le discours qui revient ?
07:59 Est-ce qu'il y a un regain d'envie chez les jeunes agriculteurs ou on est quand même sur un ras-le-bol ?
08:05 Non, il n'y a pas un regain, il y a un ras-le-bol.
08:08 On a commencé ce salon par une mobilisation syndicale, JAFNSEA, pour marquer le mécontentement,
08:16 le coup, nous faire entendre de la part du gouvernement.
08:20 On attend des annonces et plus que des annonces, nous attendons des actes.
08:25 Les agriculteurs ont besoin de mesures concrètes, des points précis, quand ils vont retourner après ce salon.
08:33 La colère est toujours mesurée, elle est extrêmement importante, mais cette colère est intelligente.
08:41 On a un salon et ce salon est fait pour discuter, écouter les propositions et porter nos revendications.
08:48 François Durouvray, dans votre département de l'Essonne, ils vous disent quoi les agriculteurs ?
08:53 C'est pareil, c'est un ras-le-bol général ? Les jeunes, ils ont envie de faire ce métier ?
08:57 Un ras-le-bol, évidemment une inquiétude par rapport à l'avenir,
09:00 mais moi ce que je retiens dans les propos de Clément et qui me semble très important,
09:04 c'est que nous avons cette capacité en Ile-de-France d'avoir un partenariat solide entre les agriculteurs et les collectivités.
09:10 Je note à chaque fois chez les agriculteurs, non seulement l'envie, mais la nécessité de s'engager dans tous les chantiers de transformation.
09:18 C'est-à-dire que les agriculteurs ne sont pas conservateurs, ils se rendent bien compte que le monde est en train de changer
09:22 et qu'il faut répondre à de nouvelles attentes.
09:25 Justement, l'agriculture de demain, je voulais vous interroger là-dessus. Est-ce que ce n'est pas ça l'avenir du métier ?
09:31 On parle d'une révolution technologique dans l'agriculture.
09:35 Je pense qu'en Essonne, en Ile-de-France, on est capable de l'inventer d'abord parce qu'on a les écoles,
09:40 on a l'Inrae, on a l'Agro-Paris Tech, on a tous les centres de recherche qui sont en Essonne,
09:45 parce qu'on a des terres agricoles qui sont de très grande qualité,
09:47 parce qu'on a des agriculteurs qui sont parfaitement engagés dans la transformation,
09:51 parce qu'on a la capacité de les accompagner et parce qu'on a cette population de consommateurs.
09:56 Vous interrogez tout à l'heure Clément sur un point qui me semble important, c'est le regard que portent les franciliens.
10:01 On le voit, les rurbains qui ont parfois du mal de vivre à côté des terres agricoles,
10:07 mais il y a un sentiment de fierté aussi profond de nos concitoyens de vivre sur des territoires
10:12 où il y a cet équilibre entre la ville et la campagne, où il y a la capacité de manger local et de manger bon.
10:18 Et ça, c'est le rôle aussi des politiques, de continuer à nourrir le fil entre le monde agricole et le monde urbain.
10:25 – C'est quoi la différence, vous Clément Torpillet, dans votre exploitation par rapport à vos parents ?
10:30 – Et bien c'est que le premier outil de mon père et même de mon grand-père, c'était son tracteur, son semoire,
10:38 et aujourd'hui mon premier outil sur mon exploitation, c'est mon téléphone portable.
10:42 Parce qu'aujourd'hui, avec ce téléphone portable, je fais tout, si je puis dire,
10:48 où je décide de toutes mes opérations de protection de culture, de semences,
10:51 avec des outils d'aide à la décision connectés, des stations météo, des sondes captives
10:58 qui permettent de mesurer le besoin en eau d'une plante, des panneaux solaires,
11:03 des sondes qui me permettent de mesurer la température de mon grain.
11:08 Et aujourd'hui, la profession agricole, c'est l'une des professions les plus connectées.
11:13 Donc cette innovation, cette recherche, elle est primordiale et essentielle
11:18 dans le développement de notre métier et de l'agriculture française.
11:23 – Et c'est ce qu'il faut encourager. Clément Torpillet, dans 10 ans, vous serez encore là,
11:28 vous ferez toujours ce métier ?
11:29 – Bien sûr, je l'espère. Aujourd'hui, notre métier, il peut répondre à deux enjeux qui sont essentiels.
11:34 On en a beaucoup parlé pendant la crise du Covid et pendant la guerre en Ukraine,
11:38 c'est l'enjeu de souveraineté alimentaire et l'enjeu de souveraineté énergétique.
11:42 Et aujourd'hui, notre profession, elle est capable de répondre à ces deux enjeux,
11:46 mais pour ça, nous avons besoin d'un accompagnement, d'un soutien.
11:50 Et il y a un chiffre fort, c'est près de 90% de la population, elle nous soutient.
11:55 Et ça, aujourd'hui, c'est très important. On a besoin du soutien de la population,
11:59 mais comparativement, il y a quand même des fois une déconnexion entre le monde urbain et rural
12:06 qui peut, à certains moments, freiner le développement de certaines exploitations agricoles.
12:12 – Reconnecter le monde urbain et rural, on va rester là-dessus.
12:16 Merci beaucoup Clément Torpillet, jeune agriculteur en Seine-et-Marne,
12:20 à Sourdun, exploitation céréalière.
12:22 Merci beaucoup à vous François Durevray, président de l'Essone,
12:25 collectivités qui ont donc des rôles à jouer pour aider à la transmission.
12:29 Merci d'avoir débattu ce matin sur France Bleu Paris avec nous.
12:33 – Et on a tous un rôle à jouer, notamment nous consommateurs, avec ce site,
12:37 cette plateforme Produits en Ile-de-France, pour soutenir justement tous ces éleveurs,
12:42 ces producteurs. Produitseniledefrance.fr, 500 producteurs et plus de 5000 produits
12:47 qu'on retrouve référencés, avec prochainement la possibilité de faire une commande en ligne
12:51 et se pouvoir les faire livrer à la maison.
12:53 Ça arrivera le 1er mai, mais voilà, ça participe aussi à ce soutien des agriculteurs ici.
12:58 On se devait d'en parler une nouvelle fois ce matin sur France Bleu Paris,
13:01 votre radio en Ile-de-France.