Ponctuation du 20 Février 2024

  • il y a 7 mois

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00:00 "Musique"
00:13 Bienvenue dans "Pontuation", le magazine consacré au livre sur la CRTV.
00:19 "Musique"
00:22 Le mal et ses déguisements, ou ses variantes, nourrissent la réflexion d'un penseur,
00:28 Camerounais, Daniel Etungam-Manguelet, qui met une impression profonde sur le mal
00:34 avec la dimension métaphysique dans un ouvrage récemment sorti.
00:39 Il y a également la question de l'esclavagisme associé au mercantilisme
00:44 et le spectre des dérives de l'intelligence artificielle et de ce complotisme qui va avec.
00:54 Le complot qui met en balance la traite transauthentique et justement le transhumanisme.
01:02 Question au sein de sa réflexion, mais aussi la politique, puisqu'il ne s'interroge pas seulement,
01:08 il fait des projections, bâtir le futur, construire le futur, mais qu'il soit endogénalisé au cœur de l'ouvrage
01:16 "La politique est-elle une science ?"
01:19 Daniel Etungam-Manguelet, auteur prolifique, que nous recevons, bienvenue.
01:24 Merci infiniment de me recevoir.
01:26 Ça fait longtemps que je n'ai pas eu l'opportunité d'être à la télévision,
01:32 le Camerounais, la CRTV, et je suis heureux d'être là.
01:35 Vous méritez parce que, on va dire, vous êtes une machine à produire des ouvrages.
01:39 Je ne dirais pas cela, je suis un modeste chercheur, avec des profils qui sont différents
01:47 parce que je suis un ingénieur à la base, et vous savez que je suis venu aux sciences humaines
01:52 parce que j'étais interrogé par nos réalités sur le terrain.
01:56 Et je crois que ce n'est pas finalement une mauvaise chose,
01:58 parce que c'est en partant du terrain qu'on se rend compte de ce qui va ou ne va pas tout à fait bien.
02:04 Alors, quand on vous dit que vous êtes ingénieur, commençons donc justement par ces données biographiques,
02:11 et même bibliographiques, ingénieur de météo ?
02:14 Non, de la version civile.
02:17 La météo est très proche de la version civile.
02:20 D'abord, et puis, comme ça, vous êtes…
02:23 Et puis ensuite, je suis passé à l'économie, dans des circonstances que je relate d'ailleurs
02:30 dans un écrit très lointain, dans "La Colline du Fromager", qui est un peu inspiré de cette expérience.
02:36 Votre premier livre ?
02:37 Mon premier livre, qui est sorti en 1979.
02:39 Je suis retourné à l'université de Paris, où j'ai passé un doctorat de sciences éco.
02:44 Et j'ai commencé à travailler comme ingénieur économiste dans un certain nombre de structures occidentales,
02:50 en France d'abord, puis aux États-Unis.
02:53 Et après, bon, le chemin faisant, je me suis mis à écrire, et Dieu merci, je poursuis cette aventure jusqu'à présent.
03:03 "La Colline du Fromager", mais moi j'ai découvert et aimé "Comme c'est beau la nuit, une mer déchaînée".
03:08 Oui, voilà. C'est un ouvrage emblématique d'une certaine manière, et qui a une histoire, que vous devez peut-être connaître,
03:16 qui est le fait que c'est un manuscrit qui a été perdu par l'éditeur pendant une trentaine d'années,
03:21 et qu'il le redécouvre et le fait sortir finalement.
03:24 Et il s'aperçoit qu'au fond, il décrit des situations qui sont presque…
03:30 Qui sont actuelles.
03:31 Qui sont actuelles. Donc ça veut dire que, quelque part, j'ai peut-être eu la chance de voir des jumelles qui me permettent de…
03:42 De voir un peu loin. Un coup d'avance un peu sur les autres.
03:47 Beaucoup d'ouvrages écrits, on va voir aussi le CFA, c'est ça ?
03:52 "D'où vient l'argent des Blancs"
03:54 "D'où vient l'argent des Blancs"
03:56 Oui, il y a des titres.
03:57 Sorti il n'y a pas très longtemps quand même, il y a beaucoup.
04:00 Mais ce qui m'étonne ici, c'est que de 2020 à 2023, 4 livres.
04:06 Et je vous annonce que ce n'est pas la fin tout à fait de la série parce que…
04:11 En début 2024 ?
04:12 En début 2024, au début de l'année, il devrait y avoir 2 ou 3 livres qui devraient sortir, dont un de philosophie.
04:18 Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui vous démange tant ?
04:21 C'est l'âge, parce que je dois préciser que vous avez 80 ans maintenant.
04:25 Oui, oui, c'est ça.
04:26 Est-ce que c'est ça qui vous amène à vite écrire, tout dire, rapidement ?
04:30 Vous savez qu'il y a Jean d'Ormesson, un philosophe français, un grand, qui a écrit beaucoup de livres.
04:38 Il disait qu'il avait peur de mourir avant d'avoir tout dit.
04:43 Bon, je ne pense pas que ce soit cette peur qui me dérange.
04:46 Il a écrit son dernier livre, "Postume", un "Nosanna" sans fin.
04:52 C'est ça.
04:53 Il a fini d'écrire et deux jours après, il est décédé.
04:56 Il est décédé.
04:57 Bon, c'est une manière de mourir qui n'est pas mauvaise, qui me plairait assez.
05:01 D'accord.
05:02 Mais nos problèmes, pour répondre de manière plus sérieuse, nos problèmes, les problèmes de l'Afrique,
05:08 qui me sont, que je vis dans ma chair, sont tels qu'il n'y a pas de répit à la réflexion.
05:16 Et c'est peut-être pour ça que j'essaie modestement de poser un certain nombre de jalons pour cette réflexion.
05:23 Alors, on va rapidement l'effluêter, ces ouvrages, puisque c'est la même pensée qui se distribue sur les quatre ouvrages que je tiens en main.
05:31 Commençons par la fin, "Le complot de l'Occident contre la civilisation africaine, est-il toujours d'actualité ?"
05:37 Lui dit, le préfacier, Charles Binham-Bicoy.
05:45 Qui m'a fait l'honneur de cette préface que j'ai trouvée extrêmement...
05:49 Bien écrite, hein ?
05:50 Oui, je l'ai trouvée remarquable parce qu'en plus, elle a le mérite de faire une synthèse brillante du propos que j'essaie de tenir dans l'ouvrage.
06:00 La perspective du départ de l'Egypte, de tout ce qui s'est passé, l'appropriation de l'égyptologie qui fait que finalement, que l'Afrique elle-même avait ignorée et n'avait plus de repères...
06:14 Jusqu'à ce que Cheikh Anta Diop l'établisse au milieu du siècle.
06:18 Nous apporte des lumières sur ça.
06:20 Tout ça participe d'un même élan, disons, d'un subjettissement dans lequel nous sommes malheureusement entourés.
06:27 Alors c'est un ajustement, un complot structuré, bien pensé.
06:33 Alors qu'avez-vous découvert que nous ne savons pas de la profondeur et, on va dire quoi, la subtilité de ce complot ?
06:42 Je pense qu'il y a eu, et c'était un concept sur lequel je travaille en ce moment, il y a eu une espèce d'apartheid cognitif qui a fait que, au fond, nous sommes restés à marge.
06:56 De toutes les connaissances qui pouvaient nous permettre de savoir d'où nous venions.
07:02 C'est un peu comme un arbre dont on aurait sectionné toutes les racines et fait en sorte qu'il y ait quelque chose qui sépare définitivement les racines dont il n'y avait plus de sèvres qui montaient.
07:15 Vous parlez d'un "hold up" civilisationnel, comme pour dire que ce n'est pas arrivé au hasard.
07:23 Non, non, non, mais je pense que ça a été planifié et on le voit d'ailleurs, ça se démontre aujourd'hui quand on regarde l'évolution d'un certain nombre de choses.
07:35 Que ce soit tous les secteurs qui ont été totalement pris en main et dominés, sont des secteurs dans lesquels, au fond, on a fait en sorte que nous n'ayons pas accès à la connaissance.
07:49 Je crois que c'est la punition majeure qui nous a interdit d'avancer dans nos sociétés.
07:55 Nous sommes restés des sociétés qui sont devenues sans sèvres à cause de l'absence de cette irrigation de sèvres.
08:02 Des sociétés amorces dans lesquelles les gens se laissaient mourir et considéraient qu'il y avait un fatalisme.
08:08 Alors, la partie métaphysique est d'un. Nous nous sommes assoupis et nous sortons lentement de ce réveil. J'espère que cette fois-là, ça sera bon.
08:18 On peut vous rétorquer que là, vous dessinez une Afrique amorphe, passive. Comment est-ce que le fils aîné de l'humanité peut avoir cette apparence ?
08:33 C'est-à-dire qu'on lui prend tout, on le domine au long des siècles et il n'a pas de réaction.
08:41 Ça paraît énorme, ça paraît gros, mais vous savez que parfois, plus la ficelle est grosse, plus elle est invisible.
08:51 En fait, c'est un peu ce qui nous est arrivé. Et aujourd'hui, j'ai le sentiment que l'Afrique vit son siècle des lumières.
09:01 Parce que, précisément, avec les recherches qui sont faites par les uns et les autres, nous arrivons à découvrir qu'au fond, nous sommes à l'origine de beaucoup de choses.
09:13 Et que ce biais historique qui a été introduit, malheureusement, nous n'avons pas développé l'histoire qui concerne l'évolution de nos sociétés.
09:27 Donc, du coup, nous n'avons pas eu de repères et la perte de repères a facilité cette critique que vous faites entre guillemets pour dire que comment cela est possible.
09:38 C'est parce que nous n'avons plus de repères.
09:40 Je pense que ça relève du mythe. On ne peut pas comprendre que les gens aient tout.
09:45 Parce que l'Afrique, berceau de l'humanité, est immensément riche au plan physique comme au plan métaphysique.
09:52 Oui, puisque nous sommes...
09:54 Elle qui défend si bien ses forces et son vitalisme, s'est laissée battre à plate couture comme ça.
10:02 Qu'est-ce qui peut expliquer ? Est-ce qu'on ne nous a pas aussi dominés mystiquement ?
10:06 Non, non. Je pense que l'humanisme africain est un humanisme qui développe, qui part d'une philosophie où l'homme est au centre de tout.
10:19 Je cite dans un des ouvrages que vous avez entre les mains, le concept de le buntu, qui est selon moi, et je ne suis pas le seul,
10:33 de plus en plus on s'en aperçoit, un des fondements de la philosophie d'existence des Africains.
10:39 Qui fait que nous nous posons par rapport aux autres. Nous sommes parce que les autres sont.
10:45 Et quand je dis les autres, c'est parce qu'autour de nous...
10:49 Je suis parce que tu es.
10:50 Voilà, je suis parce que tu es. C'est ça le point de départ de l'Africain.
10:55 Et à partir de ce moment-là, on n'a pas le même comportement, la même vision du monde.
11:00 Quand vous êtes en face de quelqu'un qui...
11:03 Qui est prédateur.
11:04 Voilà, qui est un prédateur, comme nous le sommes tous à l'origine, mais qui a développé ses capacités de prédation parce que...
11:11 Car son mystique est ça, prédation.
11:13 Et dans des milieux beaucoup plus hostiles, où il a fallu qu'il s'organise, qu'il soit prévoyant,
11:18 qu'il imagine des moyens de conquérir, vous êtes une proie facile.
11:25 Et c'est ce qui est arrivé aux Africains.
11:27 Alors, le professeur Jean Tabibanga, dans son dernier ouvrage,
11:31 essayait de caractériser la civilisation occidentale, l'indo-européen.
11:38 Il parlait de l'indo-européen.
11:40 Et on voit ici, on l'a étudié d'une certaine manière, la volonté promethéenne dans la mentalité occidentale,
11:48 que vous opposez à Lubuntu.
11:50 Oui, oui.
11:51 Est-ce que c'est...
11:52 Oui. Non, ce n'est pas faux.
11:54 Et je pense que ce qui a servi de levier principal à tout ça, c'est que d'un côté, on a développé des armes sophistiquées,
12:04 des choses qui sont...
12:07 Chaque jour, ce n'est pas par hasard, si vous voulez, que l'Occident s'est retrouvé à la tête d'industries d'armement extrêmement développées.
12:18 Le conflit était une situation quasi permanente.
12:23 Et le nombre de guerres que, dans ce continent européen, si vous regardez le nombre de guerres qu'il y a eu,
12:28 il y en a même qui ont duré 100 ans,
12:30 bon, ça a fait que l'homme s'est transformé par rapport à ça, en ayant subi en plus une révolution industrielle, une révolution agraire.
12:41 Quand vous retrouvez l'homme original qui est resté, les armes ne sont pas égales et manifestement, vous perdez tout.
12:51 Et c'est arrivé aux Amérindiennes, nous ne sommes pas les Africains, nous ne sommes pas les seuls dans l'histoire.
12:56 Donc on a d'un côté ceux qui ont la prédation facile, et qui ont, comme disait Thomas Hobbes,
13:02 l'homme est un loup pour l'homme, et ils ont vécu comme ça.
13:05 Et face à d'autres qui sont plus doux, ils attaquent.
13:09 Ils n'ont aucune chance.
13:11 Le professeur Charles Binham-Bicoy, qui prépare cet ouvrage,
13:18 je veux poser cette question, est-ce qu'il souligne la dépossession culturelle qu'il commande d'ailleurs ?
13:24 Est-ce que c'est ça qui est le déclic chez vous ?
13:26 C'est quelque chose qui est pensé, qui est exécuté conformément à une planification extrêmement rigoureuse.
13:34 Si vous voulez, on se retrouve, on a été dépossédés, y compris de nos propres parlers, de nos langues, de tout ça.
13:42 Et dans l'instruction, si vous voulez, dès qu'on vous coupe toutes les racines, les unes après les autres, vous flottez.
13:49 Et nous sommes aujourd'hui, les Africains de ma génération l'ont vécu directement, plus davantage par rapport à ceux d'aujourd'hui,
13:59 on flotte dans l'espace.
14:03 - On est des êtres flottants.
14:05 - Des êtres flottants. On est en quelque sorte...
14:07 Et ce n'est que maintenant qu'on commence à se dire, ce n'est pas normal qu'au fond nous n'ayons pas de racines.
14:12 Il faut qu'on se réconcilie avec nous-mêmes.
14:14 Et le chemin sera long et difficile parce que...
14:17 - Alors votre ouvrage souligne quand même aussi sur les objets d'art.
14:21 Parce que les pays africains structurent leurs réponses.
14:25 Le Cameroun par exemple a déjà sa réponse, la stratégie nationale pour la restitution des objets d'art.
14:34 Vous prenez de près de 100 millions d'objets d'art qui ont été pillés, qui ont été pris à ce niveau-là,
14:43 et qui avaient une pensée derrière.
14:46 - Oui, parce que l'art, vous savez bien que chez nous, l'art n'est pas que...
14:51 - Esthétique.
14:52 - Esthétique. Il y a une signification qui fonde, qui est un fondement de notre propre existence.
15:01 Et au fond, en nous dépossédant de cet art, on nous a dépossédé de nos traditions et de nos dieux,
15:11 qui au fond inspiraient toute l'action que nous avons...
15:15 - On les a déconnectés.
15:16 - On les a déconnectés. Et aujourd'hui, ce n'est pas très simple de pouvoir...
15:21 Ramener, mais pas... Je crois que nous devons reconcevoir un véritable projet total.
15:28 Ce n'est pas... Ce n'est que... Les objets d'art ne sont que...
15:33 Disons que un pan de tout cet effort de reconquête et de rebâtissement de notre propre vision.
15:42 - OK.
15:43 - Donc c'est un projet total.
15:44 - Alors, les mots pour dire tout ça, je lis là le détournement d'héritage,
15:50 et vous parlez même du casse du Millennium.
15:54 - Oui, parce que... Disons qu'il a été tellement profond, et...
15:59 Bon, il n'y a pas que les aspects économiques qui sont...
16:03 Bon, c'est les plus visibles, mais véritablement, il nous faut rebâtir notre maison, la maison Afrique.
16:10 Il faut la rebâtir, et sans oublier les diasporas,
16:13 parce que, si vous voulez, le problème, c'est qu'aujourd'hui, on est même déconnecté.
16:17 Cette Afrique qui s'était miétée et qui est partie, il ne faut pas que nous considérions qu'elle est homme.
16:23 Donc elle est avec nous et doit participer à cet effort de reconquête,
16:26 et c'est pour ça que je plaide personnellement au fait que les diasporas africaines soient intégrées à l'action
16:36 de nos pays actuellement pour pouvoir se retenir à nouveau debout.
16:41 - Un livre a précédé celui-là, c'est "Le mercantilisme, est-il le stat suprême de l'esclavagisme?"
16:49 prépassé par Charlie Gabriel Boch, qui dit comment vous décrivez, vous crevez l'abcès d'ailleurs de cette structuration.
16:58 On est toujours dans le complot, hein ?
17:00 - On est toujours dans le complot. En fait, le mercantilisme a été un peu le vecteur qui a favorisé la réalisation de tout ce complot,
17:10 parce que c'est le côté qui a permis directement d'aller aux ressources et de permettre de se les approprier.
17:17 Et je crois qu'une des choses que nous devons essayer de développer, c'est une fois que cet effort de reconquête aura été mené à bien et maîtrisé,
17:26 ce qui n'est pas facile à faire, il faut le reconnaître entre nous, ça sera de faire en sorte que les relations internationales changent de nature.
17:37 - Ce mercantilisme, je lisais encore dans la critique de "La raison nègre" d'Achille Bebe, que le capitalisme est né de la structuration et de la mise en œuvre de la traite transatlantique.
17:53 C'est-à-dire qu'on est venu chercher l'or noir, c'est le noir. Le noir, c'était pas le pétrole.
17:59 - Non, non, non. - Le noir était le pétrole à l'époque.
18:01 - L'or était le pétrole à l'époque. - L'or noir.
18:03 - L'or noir était le pétrole de cette époque. - Et pour en faire, pour qu'au bout du bout de cette traite surgisse le capitalisme.
18:12 Alors c'est ce mercantilisme-là que vous décrivez ?
18:15 - C'est le même, c'est bien celui-là, un mercantilisme qui n'a pas disparu, parce que c'est lui, c'est sa sève qui continue de diriger le monde d'aujourd'hui,
18:26 avec les marchés financiers, avec tout le détail.
18:29 - C'est ce que vous disséquez, vous expliquez, comment c'est né, cette idée de conquête au fin de pillage, au fin d'accaparement des biens pour soi ?
18:43 - Vous savez, disons qu'on dit que la nature a horreur du vide.
18:47 Et le vide africain a suscité beaucoup de convoitises, qui étaient des convoitises normales,
18:56 parce que vous ne pouvez pas à la fois vivre dans un tel paradis, alors que vous, disons que les autochtones, vous n'en savez rien,
19:05 que vous, ce n'est pas grand-chose, puisque vous êtes là tout le temps,
19:08 et c'est les autres qui découvrent que vous êtes dans un paradis, et qui font le projet de s'accaparer de ça.
19:16 C'est aussi simple que cela.
19:18 C'est-à-dire que la mise en place de toutes ces stratégies s'est élaborée tout naturellement,
19:24 parce que les interlocuteurs n'étaient pas à la hauteur, au niveau, n'avaient pas vécu le passé.
19:32 Et je crois que le sous-développement historique de l'Afrique est au cœur de la problématique du développement de ce mercantilisme.
19:39 - Première mondialisation qui est celle de la quête des grières, et la deuxième qui se structure progressivement,
19:47 Charlie Gabriel le signale vous également, le masque de Covid a démasqué les intentions d'Afrique.
19:59 - Oui, alors je crois que le tournant de cette pandémie, le coronavirus, pour les Africains, a agi comme un révélateur.
20:12 - Pourrait ou a agi ?
20:15 - A agi déjà, parce que je crois qu'aujourd'hui les choses ne sont plus les mêmes qu'avant la pandémie du coronavirus.
20:22 - Oui, c'est-à-dire qu'en fait au niveau du regard qu'on a...
20:25 - Du regard que nous avons. Le regard a changé et nous nous sommes rendus compte, les Africains se sont rendus compte,
20:30 que bon d'abord tout le monde était vulnérable, et qu'à partir de ce moment-là, c'est le regard que chacun de nous,
20:38 que chacune de nos civilisations mondiales porte sur ses propres capacités de se sortir de ce mal, qui peut changer toute la donne.
20:47 Et je crois que, d'ailleurs, beaucoup de gens l'ont dit, je ne suis pas le seul, que c'est un tournant qui pourrait marquer véritablement la renaissance.
20:56 - Vous allez être contre le contrôle aujourd'hui du monde par les nouveaux empereurs.
21:01 - Les empereurs, les temps modernes, je les appelle comme ça.
21:04 - C'est-à-dire que les patrons...
21:05 - Il y a une déification, c'est tous les leaders multimillionnaires...
21:10 - Les maniats de l'argent.
21:12 - Les maniats de l'argent qui, vous savez, au cours de la semaine, j'ai eu la chance de participer à un forum qui se tenait pas très loin d'ici,
21:21 à l'hôtel Hilton, de lutte contre la corruption.
21:25 Et un des orateurs soulignait l'importance qu'une dame, une Sud-Africaine, une Namibienne plus précisément, indiquait dans les rapports qu'il y a toxiques,
21:42 les relations toxiques entre l'argent et le pouvoir.
21:44 Et je crois que c'est ça que le mercantisme souligne.
21:48 Entre l'argent et le pouvoir, il y a un rapport totalement toxique parce que si vous voulez, quand vous avez l'un, vous recherchez l'autre.
21:55 - Et bien d'autres, ce sont eux, les patrons du GAFA, des GAFAM.
22:00 - C'est les patrons du GAFA, c'est auxquels il faut ajouter des Chinois comme Ali Baba, auxquels il faut ajouter quelques Indiens.
22:08 Et ces gens-là ont maintenant, naturellement, Microsoft et au départ, Bill Gates et au départ de tout ça,
22:17 il y a une vision qui existe qui est celle de se dire qu'au fond, l'homme lui-même, on pourrait le transformer.
22:24 On parle de mettre des puces dans le cerveau de manière à augmenter l'homme, à en faire quelque chose de différent.
22:31 À partir de ce moment-là, on n'est plus dans la nature telle qu'elle existe depuis le départ.
22:40 - Nous entamons 2024 avec de sérieuses inquiétudes sur l'intelligence artificielle.
22:46 Aujourd'hui, on peut être chez soi, on écrit un livre sans l'avoir écrit.
22:50 - C'est immense les possibilités qu'il y a.
22:54 Et pour dire la vérité, je crois que peu de gens sont en mesure de prévoir jusqu'où cela va aller.
23:01 Mais nous travaillons à essayer d'attirer l'attention au moins pour que, par le monde, il se crée des forces de résistance à ce mouvement qui n'est pas favorable à l'être humain.
23:13 - Le mal, il est de plus en plus prégnant dans le monde entier.
23:17 Dans cet ouvrage, "Les mots du vivant" propose sur les épreuves systémiques de la vie.
23:23 On voit que vie et mort se supposent et s'appellent, se correspondent et se répondent.
23:30 Mais on a des mots, et parmi les mots que vous venez de parler, les mots les plus graves qui menacent l'Afrique,
23:35 mais on a des mots éternels, des mots simples éternels, les mots métaphysiques.
23:39 - Oui, on en est dans le domaine de la métaphysique.
23:41 Et c'est un petit ouvrage dans lequel j'essaie d'inviter à la réflexion,
23:46 j'essaie de montrer qu'au fond, nous n'avons pas répondu jusqu'à présent, l'homme n'a pas répondu jusqu'à présent,
23:53 aux questions qui sont les questions essentielles de notre existence.
23:56 Pourquoi sommes-nous là ? Pourquoi ? Pour faire quoi ? Et pourquoi devons-nous souffrir autant, si ce n'est que pour vivre ?
24:04 Ce sont des questions qui méritent, dans le chemin, d'être abordées.
24:10 - Des questions éternelles, pour lesquelles il n'y a pas de réponse éternelle.
24:15 - Absolument.
24:16 - On finit par deux choses. La politique, est-elle une science ?
24:22 Vous disiez que ce n'était pas un jeu de mots.
24:24 L'ouvrage, vous l'écrivez pas sur les éthers, mais sur la terre du Cameroun,
24:29 en posant quand même un diagnostic pour démontrer qu'on a peut-être pris la question politique du dos d'un cuillère.
24:38 C'est un ouvrage, je pense, qui est, je le dis comme je le pense, qui pose des questions qui sont importantes.
24:47 Parce que si vous voulez, les systèmes politiques sont à la base, c'est le cadre à l'intérieur duquel nous nous mouvons tous.
24:56 Et il n'est pas concevable que nous ayons des systèmes politiques qui nous sont venus de l'extérieur totalement,
25:06 et dans lesquels l'apport de notre propre intelligence ne transparait pas.
25:11 - Donc la préconisation pour vous, c'est que ça doit partir...
25:14 - Oui, je pense qu'il faut absolument que nous nous mettions...
25:18 Si vous voulez, nous sommes des républiques, les républiques africaines.
25:21 Bon, république, c'est la chose publique.
25:24 Est-ce que véritablement, nos États ont réussi, après 60 ans, à bâtir quelque chose qui soit public ?
25:32 Quel sens de l'intérêt général est-il au cœur des systèmes et des méthodes de gouvernement que nous avons mises en place ?
25:39 J'en doute, et on le voit tous les jours.
25:42 - Alors, demain, c'est quoi ? Notre Afrique, c'est quoi ? On bâtit comment ? On sort comment ? Vous préconisez quoi ?
25:48 - Ce n'est pas la prétention de donner une réponse qui serait une espèce de prescription de voies de sortie.
25:55 Ce sont nos populations qui doivent le dire.
25:58 Le temps des hommes, objets d'Afrique, est désormais révolu.
26:02 Le moment est venu à présent de nous occuper de nous-mêmes, rien que de nos éternels dominés que nous sommes depuis des siècles.
26:10 Qu'est-ce que ça veut dire ?
26:11 - Ça veut dire que nous devons considérer que nous sommes...
26:16 Parce que nous sommes des hommes, et les premiers, nous sommes nos propres prométhées.
26:21 Et c'est à nous de définir notre chemin.
26:23 Et cet effort, il faut que l'on se le réapproprie.
26:28 Nous l'avons perdu.
26:30 - Quels sont les balises ?
26:32 - Les balises sont l'éducation.
26:35 Il faut que nous ayons une justice, une société qui soit juste.
26:38 Et une société qui soit juste suppose des systèmes juridiques qui soient impartiaux,
26:43 qui permettent véritablement à chacun de donner la mesure de ses pas mieux,
26:47 et de donner la meilleure qu'ils ont.
26:49 Et il faut que nous ayons des hommes en bonne santé.
26:51 Tout cela n'est possible que si nous avons des systèmes de gouvernement
26:55 qui ne permettent pas à la corruption de venir,
27:00 le cancer qui ravage l'ensemble de nos sociétés.
27:03 - Vous avez agité l'alerte contre les dérives technologiques et autres,
27:09 et Bénézer N'Diomwale dit dans ses deux derniers ouvrages
27:13 "Dansons la danse technologique".
27:16 Est-ce que c'est le même élan pour vous ?
27:18 - Oui, nous ne devons pas en tout cas l'ignorer.
27:21 Nous devons danser la danse, il faut que nous soyons de notre temps.
27:25 C'est un effort particulier dont il faut se rendre compte qu'il est à faire,
27:30 parce que nous avons perdu tellement de temps.
27:33 Pourtant, combien de temps nous consacrons à danser ?
27:37 Vous le savez très bien, mais il ne s'agit pas de la même danse.
27:40 Il faut qu'en dansant, pour se réjouir,
27:43 nous ayons également des danses qui nous permettent d'avancer,
27:50 qui permettent à nos sociétés de se structurer et de vivre dans une harmonie
27:55 qui nous permet d'être encore là dans les siècles qui viennent.
27:58 - Quand vous écrivez les romans, est-ce que les séistes et le romancier se confondent ?
28:04 Comment vous ponctuez votre écriture ?
28:07 - Alors ça c'est une question qui n'est pas facile.
28:11 Je crois que non, comme tout le monde,
28:15 j'ai sans doute la chance d'avoir un cerveau assez compasementé,
28:20 où il y a la possibilité à la fois de se récrire et puis d'essayer.
28:27 Et puis au fond, maintenant que vous me donnez l'occasion de le dire,
28:30 je crois que c'est peut-être le même livre que j'écris depuis toujours.
28:34 Que ce soit un roman, que ce soit un essai,
28:37 j'essaie de passer un message qui est celui de notre capacité à nous prendre en charge
28:42 et à nous défendre, poursuivre comme entité.
28:46 Nous sommes les premiers hommes et nous sommes en quelque sorte un peu les gardiens du temple.
28:51 - Avec lui c'est toute une bibliothèque à parcourir.
28:54 Je vous souhaite de parcourir les rayons des bibliothèques et des librairies de la capitale et partout dans le monde.
29:00 Daniel et Tungamangere, c'est un label.
29:03 Bonne lecture à tous, à mardi prochain.
29:06 *musique*