Notre invité, réalisateur et photographe, filme depuis ses 22 ans les matchs qui ont marqué l'histoire du foot. Il a assisté à la transformation du sport en un "spectacle" de plus en plus divertissant.
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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00:00 On a eu envie de vous faire rencontrer un réalisateur de télévision, qui a réalisé
00:03 énormément de choses, mais parmi lesquelles des matchs de foot.
00:06 Kamel Ménour, sentez-vous libre d'intervenir, surtout de poser les questions que vous avez
00:09 envie de poser.
00:10 Marine, c'est passion, filmez le foot ! Avec Jérôme Revond, introduit aujourd'hui par Bernard Sauvat.
00:15 Le ballon dans les pieds, j'ai plusieurs solutions.
00:25 Allez-le en retrait, en appui, en pivot, je dribble ou je déborde, je centre ou je talonne,
00:31 je tire ou bien j'avance, ou je tente le lob, ou alors, j'ai trouvé, je tourne le bouton,
00:39 je ferme la télé, je ferme la télé, je ferme la télé !
00:44 Jérôme Revond, vous avez réalisé énormément de choses pour la télévision dans votre vie,
00:50 des débats d'entre deux tours, des interviews de présidents…
00:52 Oui, et puis il n'y a pas du tout longtemps la panthéonisation de Manouchian, c'était
00:58 vous aussi.
00:59 Vous avez d'ailleurs eu deux sets d'or et vous êtes entre autres réalisateur de
01:02 matchs de football qui filment les stades depuis 22 ans.
01:05 Et puis je le précise, vous cultivez aussi un regard d'artiste sur l'image puisque
01:08 vous êtes aussi photographe.
01:10 Depuis 30 ans, vous faites partie des gens qui ont participé à une révolution, celle
01:14 de la représentation du sport à la télé.
01:17 Concrètement, elle est passée par quoi, par exemple, vous dans votre carrière ?
01:20 Vous avez raison, c'est par les gens, les hommes et les femmes et cette rencontre avec
01:24 la technique.
01:25 Ça a commencé évidemment avec "Reconnaissance éternelle" à Charles Bietri à Canal+
01:30 qui a vraiment lui, c'est son regard de journaliste.
01:33 Il nous a appris, il nous a demandé, il voulait aller dans les vestiaires, il voulait aller
01:36 sur le terrain, il voulait entendre le son des entraîneurs.
01:38 On a su rendre tout ça en images.
01:41 C'est d'abord lui et ces hommes-là qui sont journalistes souvent après, Denis Zol,
01:45 Lescure…
01:46 Qui voulaient raconter des choses en même temps.
01:47 Voilà, donc c'était mélanger à la fois les images et apprendre des choses, découvrir
01:52 des choses.
01:53 Et c'est vrai que comme nous, on est en direct et que nous à Canal+ à l'époque,
01:56 le championnat c'était moins fort qu'un match de l'équipe de France où on est
02:01 tous derrière le drapeau, derrière le maillot.
02:02 C'est vrai qu'un match de championnat c'était parfois plus dur, le samedi soir,
02:06 Nancy Sochaux, etc.
02:07 Donc nous, on allait chercher des images, des sons et de l'émotion, beaucoup d'émotion.
02:12 C'est ça qui change dans cette révolution du sport à la télé, c'est l'émotion ?
02:16 Oui, c'est d'essayer d'en faire un spectacle, mais un spectacle qui a un but, qui est « intelligent
02:23 », qui est ordonné, qui est désiré par des hommes qui voulaient raconter des histoires
02:28 et qui les racontent eux en direct.
02:29 Il y a eu Thierry Gilardi, Pierre Sled, des hommes qui commentaient et qui voulaient faire
02:36 découvrir des choses.
02:37 Quand vous filmez un match de foot en direct, vous faites de l'impro, vous scénarisez
02:42 un truc qui est en train de se passer, vous faites ce que Marine Boussons fait sur scène
02:45 quand elle fait du stand-up.
02:46 C'est très gentil, c'est très gentil, je n'oserais pas.
02:48 Oui, hélas, nous on a un conducteur, on sait à peu près, on sait les…
02:52 Vous ne savez pas les buts, vous ne savez pas qui va gagner.
02:55 Des fois on les devine.
02:56 Michel Platini se levait souvent avant que le but soit marqué.
02:59 C'est-à-dire que Michel arrivait, dès que je voyais Michel se lever, dans la foulée
03:03 il y avait un but.
03:04 Vous allez zoomer sur la caméra 7.
03:06 Jean-Claude Boutier disait, quand un coup était fort, on l'entendait, il faisait
03:10 « hum hum » et là je disais à l'opérateur à l'anti, recale-toi là où il a dit
03:13 « hum hum » et c'était toujours un coup formidable.
03:16 Vous voulez dire quelque chose, Cameraman ?
03:18 Non mais il a raison, le moment décisif où il fait de la photo, Jérôme, effectivement
03:23 ce moment, le déclic, ce moment, Platini, il l'appréhende, il le pressent, il sait
03:28 qu'il risque fortement d'y avoir un but.
03:30 Michel se lève toujours avant et il y a toujours un but derrière.
03:33 C'est super de regarder plutôt Michel Platini que ce qui se passe sur le terrain
03:37 pour connaître le but.
03:38 Vous avez combien d'écrans devant vous, moi c'est les questions qui me passionnent.
03:40 Combien de secondes pour décider quel plan on prend, sur quoi on zoom, sur qui on zoom
03:44 dans le public ?
03:45 Dans Marseille on a jusqu'à 25 caméras, donc 25 écrans, plus les ralentis, 8, plus
03:50 les effets spéciaux, tout ça.
03:51 Et puis non, c'est dans la seconde.
03:53 C'est justement, on n'a pas le recul nous.
03:55 C'est pour ça que c'est important aussi maintenant d'avoir des gens derrière nous
03:57 qui nous disent, qui nous aident à prendre certaines décisions.
04:01 Comment on filme un événement, un accident, un attentat ?
04:05 Voilà, c'est des questions qui sont très dures pour nous et auxquelles il faut qu'on
04:09 réponde en direct, sans filet.
04:10 Mais justement, vous parlez d'accident, la semaine dernière il y a un caméraman
04:13 qui est rentré sur le terrain pendant le match Bétis-Séville contre l'Athlétique
04:17 Bilbao, que personnellement je soutiens évidemment.
04:18 Ça c'était pour filmer des joueurs évidemment, et il a été percuté par une arbitre qui
04:22 est en train de faire son travail.
04:23 Alors c'est beau l'art, mais c'est quand même de plus en plus dangereux.
04:26 Et surtout, pardon, mais des mecs avec des caméras qui agressent des femmes, il y en
04:28 a vraiment beaucoup.
04:29 Ça va toujours plus loin.
04:32 Il va falloir qu'on appréhende et qu'on apprenne tout ça.
04:35 Maintenant, par exemple, la caméra sur un câble, au début c'était approximatif,
04:39 maintenant c'est vraiment maîtrisé.
04:40 Alors je pense que le football doit évoluer, à la fois dans les règles, dans l'univers
04:45 autour des stades, dans l'avant-match, l'après-match.
04:47 Effectivement, moi je ne vais jamais sur la pelouse, je ne mets jamais un pied sur la
04:52 pelouse.
04:53 Mes cadreurs n'avaient pas le droit.
04:54 Giroud en a frappé quelques-uns, j'ai même ramené une batte de baseball en plastique
04:58 à Giroud, pour lui dire "tiens, à la vie, comme ça au moins vous lui ferez moins mal".
05:02 Mais c'est vrai qu'on avait avec Charles Diétriche cette culture, on n'allait pas
05:06 sur le terrain.
05:07 Michel Platini disait que les caméramans n'avaient pas de short.
05:10 Ils devaient être en pantalon, ce n'était pas des joueurs.
05:12 Donc on avait ce respect-là.
05:14 Mais les techniques évoluant formidablement bien, il va falloir s'adapter effectivement
05:18 à des micros, sur les arbitres, à des caméras embarquées, sur les joueurs, sur les poteaux,
05:23 etc.
05:24 Moi je dois ma carrière à un fil de micro trop court.
05:26 C'est-à-dire ?
05:27 Charles faisait un match au parc, et à l'époque il faisait à la fois les interviews en haut
05:35 et il descendait avant faire les joueurs à la mi-temps.
05:37 Il part avec un joueur, et c'était encore des micros fil, il n'y avait pas de HF,
05:42 et il rentre au vestiaire.
05:43 Puis d'un coup le micro lui échappe des mains, parce que le câble était trop court.
05:47 Et moi j'étais en régie, en secours à Canal, parce que souvent c'est cassé.
05:51 Et vous l'avez récupéré ?
05:52 Non, non, non.
05:53 Et il est rentré furieux, il disait "ouais, ils ne l'ont pas vérifié", etc.
05:55 À partir de maintenant, quand ça ne sera plus Jean-Paul Jaude, parce qu'on est sur
05:59 Internet, ça sera toi.
06:01 Je lui ai dit "non, non".
06:02 Moi j'avais 23 ans.
06:03 Il a dit "si, si, tu vas voir, ce sera toi".
06:05 Kamel Meno, vous avez une question technique, ou pas d'ailleurs, à poser ?
06:09 Peut-être éventuellement Jérôme.
06:11 Dans l'art contemporain, il y a un film qui est un petit peu…
06:15 L'oeuvre s'appelle "Portrait du XXème siècle", l'oeuvre de Parénaud et de
06:20 Douglas Gordon sur Zidane.
06:22 C'est un artiste que vous représentez ?
06:23 Oui.
06:24 Et alors, ce film, alors moi je ne suis pas suffisamment technique, je suis un peu néophyte
06:29 en matière visuelle, et il a utilisé des caméras extrêmement particulières qui permettaient
06:36 en fait de…
06:37 Vous les connaissez ces caméras ?
06:39 Oui, c'est aussi nos caméras pour faire des super ralentis.
06:43 C'est des caméras qu'on avait découvertes en 92 avec Charles Biettri sur les Jeux Olympiques
06:48 et qu'on a mises partout dans le sport, beaucoup sur l'athlétisme, mais sur le
06:52 foot.
06:53 On s'en sert encore sur le foot.
06:56 Ça permet de faire des ultra ralentis comme du film.
06:59 Nous qui sommes en vidéo, on n'avait pas cette technique-là.
07:02 Et puis maintenant, il y a encore d'autres choses.
07:04 Justement, Jérôme Lata qui a créé les cahiers du football, il dit que la façon
07:08 dont on filme le foot aujourd'hui avec les ralentis, ça en fait un sport de performance
07:14 individuelle, ça starise les athlètes et bref que ça éloigne des sensations collectives
07:19 qu'on peut ressentir en stade.
07:20 Je ne suis pas tout à fait d'accord parce que nous, on cherche à faire vraiment un
07:24 spectacle.
07:25 J'aimerais, ce que je vous disais tout à l'heure, qu'il y ait beaucoup plus de choses
07:29 dans le stade, que les règles du foot soient différentes, qu'il y ait peut-être trois
07:32 mitanques.
07:33 J'aimerais qu'il se passe plus de choses avant, après.
07:38 Pour avoir un spectacle plus total.
07:41 Oui, je pense qu'il faudrait réinventer les règles du foot.
07:46 Pour s'adapter aux caméras.
07:48 C'est le fond de ce que vous dites.
07:52 Parfois, il y a des innovations ratées.
07:55 Alexandre Gilardi nous parlait avant, qui travaille avec nous, de ces caméras embarquées
08:01 sur les têtes des basket-balleurs qui étaient assez vomitifs.
08:05 L'avantage qu'on avait à Canal, c'est qu'on pouvait essayer, on faisait participer
08:09 l'abonné et puis quand il nous disait que c'était bien, on continuait.
08:12 Quand il nous disait que c'était bon, on arrêtait.
08:14 Évidemment, TF1 sur un match d'équipe de France, c'est plus compliqué à faire.
08:18 Mais c'est vrai qu'on imagine qu'une caméra embarquée sur quelqu'un qui est en train de
08:22 dribbler, ce n'est pas forcément le mieux.
08:23 Il y aura des choses.
08:24 Vous allez les inventer ?
08:26 Moi, c'est fini sûrement.
08:29 Mais d'autres oui.
08:30 Merci beaucoup Jérôme Revond d'être venu.
08:33 On a évidemment encore 90 questions hors antenne pour vous.
08:36 Vos photos sont exposées du 17 au 30 juin.
08:38 Espace Chinko, c'est dans le passage Choiseul à Paris.