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Nous avons abordé la thématique du sans-abrisme avec Laurent d'Ursel, Secrétaire du Syndicat des immenses.

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00:00 Sur Arabelle.
00:02 [Musique]
00:05 Bonjour, bonjour à tous. Bienvenue dans votre Carrefour de l'information.
00:08 Tout de suite, le sommaire à l'international.
00:10 Tout d'abord au Proche-Orient, le spectre d'une guerre régionale plane à nouveau dans la région.
00:15 La presse s'interroge, une guerre ou guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah serait-elle désormais inévitable ?
00:22 Aux Etats-Unis, Trump et Biden dominent le Super Tuesday et se rapprochent inexorablement d'un match retour.
00:29 Chez nous, près de 50 000 élèves ont déjà remis un formulaire unique d'inscription en première secondaire de l'enseignement francophone.
00:35 Près de 87 % ont obtenu une place dans l'école de leur premier choix.
00:40 Et puis, un gros plan aujourd'hui sur l'immense festival, 80 événements culturels pendant tout le mois de mars pour lutter contre le sans-abrisme.
00:48 Douce Luxe est l'un d'ailleurs des partenaires et Laurent Durcel, chargé de pléoyer, coordinateur, va nous rejoindre dans quelques instants pour nous en parler.
00:55 Et puis comme tous les jours, en deuxième partie d'émission, nous traverserons la Méditerranée pour aller au Maghreb notamment.
01:01 Fitch Ratings, certaines banques tunisiennes pourraient avoir besoin de lever de nouveaux capitaux.
01:06 Le cadre réglementaire de la Tunisie bancaire est encore à la traîne par rapport à celui de la plupart des pays africains.
01:12 Voilà donc pour l'essentiel du carrefour de l'information qui démarre dans quelques instants.
01:24 Je vous en parlais il y a quelques instants, l'immense festival...
01:28 Voilà, je vous en parlais il y a quelques instants, l'immense festival 80 événements culturels pendant tout ce mois de mars
01:41 pour sensibiliser notamment au sans-abrisme ou au sans-chessoirisme, on en parlera tout à l'heure.
01:47 Avec nous, nous avons le plaisir de recevoir Laurent Durcel qui est secrétaire du syndicat des Immenses. Bonjour.
01:54 Bonjour et merci de l'invitation.
01:56 Merci, avec plaisir tout d'abord.
01:58 L'immense festival, le syndicat des Immenses est donc à l'initiative de ce projet avec de nombreux partenaires dont Douche Flux.
02:06 Pourquoi c'est important selon vous d'organiser en ce moment ce genre d'événement ?
02:10 L'immense festival a un objectif extrêmement pédagogique au sens le plus fort et profond du terme.
02:18 Il s'adresse à monsieur et madame Tout-le-Monde à Bruxelles parce que monsieur et madame Tout-le-Monde
02:23 qui ne travaillent donc pas dans le secteur du sans-abrisme mieux nommé sans-chessoirisme, on y reviendra,
02:29 monsieur et madame Tout-le-Monde croient que le sans-chessoirisme est une fatalité, que c'est dommage, c'est triste, c'est comme ça, il y en aura toujours.
02:38 Et que tous les travailleurs sociaux ne sont pas assez nombreux et pas assez bien payés,
02:44 mais qu'ils ont un bon diagnostic de la situation et qu'ils travaillent dans la bonne direction.
02:50 Tout ce que je viens de dire, et je suis un travailleur social en tant que co-fondateur de Douche Flux,
02:55 et récemment j'étais encore jusqu'à peu co-directeur, tout ce que je viens de dire est faux.
03:01 Mais personne ne le sait.
03:03 Explication.
03:04 Le sans-chessoirisme n'est pas une fatalité, mais un choix de société.
03:08 C'est maintenant démontré que c'est techniquement possible de l'éradiquer,
03:15 c'est bien sûr humainement souhaitable, on sauverait des milliers de vies,
03:19 et cerise sur le gâteau, c'est financièrement rentable pour les finances régionales.
03:26 Il y a heureusement un modèle, un exemple, dont on parle de plus en plus à la Finlande,
03:33 où il risque fort d'arriver à zéro personne sans-chessoir d'ici 2027.
03:38 Alors qu'à Bruxelles, comme vous le voyez et nous le constatons tous,
03:43 et nous nous voyons que la partie visible de l'iceberg, c'est-à-dire les personnes strictement sans-abri,
03:50 mais l'écrasante majorité ne sont pas des sans-abri, sont des sans-chessoir.
03:55 Gaston, que vous voyez sur son carton, il est ce soir sans-abri,
04:00 mais demain il est peut-être avec un abri au Samu Social, ou dans une maison d'accueil,
04:04 ou dans un hôtel, ou dans une occupation, ou chez un ami, etc.
04:08 Donc c'est pour ça qu'on ne peut plus accepter le mot "sans-abrisme", "sans-abri",
04:13 parce que le point commun entre toutes ces personnes qui sont 7134 à Bruxelles,
04:19 d'après le dernier dénombrement, le point commun entre toutes ces personnes n'est pas d'être sans-abri,
04:25 il n'y en a qu'un gros 800 qui est sans-abri,
04:29 leur point commun est d'être sans-chessoir.
04:32 Et donc l'idée de ce festival, vous avez dit 80, nous sommes à 85 maintenant,
04:37 événement culturel au sens large du terme.
04:40 - On va venir dans le détail de la programmation, je reprends le communiqué,
04:44 l'immense festival veut permettre au grand public bruxellois de se saisir,
04:48 en connaissance de cause, de la question suivante, vous l'avez dit quelque part,
04:52 décidons-nous collectivement d'en finir avec le sans-chessoirisme,
04:56 ce sont de très bonnes intentions, mais ne pensez-vous pas que dans la réalité,
05:00 c'est une autre paire de manches, c'est beaucoup plus compliqué qu'on le pense,
05:03 c'est un combat de tous les jours ?
05:04 - Alors, je vous avouerais que la petite force que j'ai, j'y ai fait allusion,
05:11 c'est que je suis co-fondateur et j'ai été jusqu'à septembre directeur ou co-directeur de Douche Luxe,
05:16 maintenant le syndicat des Immenses me prend un temps énorme,
05:20 et donc je ne suis plus directeur de Douche Luxe.
05:22 Mais je peux vous dire que c'est plus compliqué, ça c'est ce que je pensais il y a douze ans.
05:29 Plus le temps passe, grâce essentiellement au syndicat des Immenses qui se réunit toutes les semaines,
05:36 j'insiste bien, toutes les semaines depuis cinq ans,
05:39 nous avons fait un travail de déchiffrage et de diagnostic,
05:45 et la conclusion est que c'est faux, que c'est compliqué.
05:51 Nous avons même forgé, nous avons forgé au total 200 mots.
05:54 Nous travaillons dans beaucoup de directions différentes, on est hyper actifs,
05:59 notamment les mots, on y reviendra certainement,
06:02 et il y a un mot que nous avons inventé qui est Udeskif.
06:08 Alors qu'est-ce que c'est Udeskif ? Pas de panique, chères auditrices, chers auditeurs,
06:12 Udeskif c'est l'acronyme approximatif de l'universalisation de ce qui fonctionne.
06:19 Et qu'est-ce qui fonctionne ?
06:21 - Ça entre parenthèses, on reviendra sur les deux films.
06:24 Alors justement, concrètement, au niveau des activités qui ont commencé,
06:28 il y a quelques jours un programme assez voluminé,
06:30 puisque vous dites 85 événements culturels sont prévus,
06:34 tout un programme, on peut avoir les grandes lignes un petit peu ?
06:37 - C'est difficile d'avoir les grandes lignes parce que tout est intéressant,
06:42 et on avait encore sous le coup d'autres événements que l'on voulait placer,
06:47 mais qu'on n'a pas eu le temps, l'énergie et l'argent pour le faire.
06:51 Donc c'est difficile de dire, il faut plutôt dire qu'il y a des films, des expositions,
06:56 des débats, des conférences, des pièces de théâtre, des conférences gesticulées,
07:01 tout est toujours interactif, au sens participatif, au sens où il y a toujours des débats, des rencontres,
07:07 et nous veillons à ce que, à la fin par exemple, ce soir ou demain,
07:12 je crois que demain il y a l'abbé Pierre par exemple, le film,
07:15 et bien, je prends cet exemple parce que c'est demain,
07:18 et bien il y aura toujours deux Immenses, au moins deux Immenses,
07:22 dûment défrayées bien entendu, donc Immenses c'est des personnes en non-logement ou mal-logement,
07:28 qui font partie de la discussion, qui seront sur scène pour répondre aux questions,
07:34 et commenter le film, et commenter aussi la situation,
07:40 et c'est cocasse que je parle de l'abbé Pierre par hasard,
07:43 parce que l'abbé Pierre, pourquoi est-ce qu'on a sélectionné ce film,
07:45 qui n'est pas un chef-d'oeuvre, ce n'est pas un cinématographique,
07:47 mais qui est très intéressant pour nous, parce que l'abbé Pierre,
07:50 il a voulu faire exactement la même chose que nous,
07:53 à savoir mettre fin au sens historisme, et ça n'a pas marché.
07:56 Or il avait des moyens, il y a un pouvoir, un impact, un réseau absolument phénoménal,
08:03 ce que le film montre bien, il avait des soutiens énormes,
08:06 et quand même ça n'a pas marché.
08:08 - Les temps ont changé, peut-être.
08:11 - Les temps ont changé, non, de ce point de vue-là, les temps n'ont pas changé.
08:15 Et donc, quel est le point commun entre la situation de l'abbé Pierre et maintenant ?
08:21 C'est que la société a fait une faute fondamentale,
08:27 c'est de croire que c'est une fatalité,
08:29 parce que si vous pensez que le sens historisme est une fatalité,
08:33 où est-ce que Gaston va faire caca ce soir ?
08:36 Ça devient une grande question, très importante.
08:39 Où est-ce qu'il va prendre une douche ? C'est très important.
08:42 Parce qu'il y aura toujours un Gaston.
08:44 Mais ce que j'ai pris 9 ans à comprendre, c'est que Gaston ne veut pas
08:48 prendre une douche à douche luxe, il veut une salle de bain.
08:52 Donc ça sert juste un jour, deux jours, le temps d'avoir de nouveaux besoins,
08:56 de prendre une douche.
08:58 Donc le point de départ, c'est que dans les deux cas, on croit que c'est une fatalité,
09:04 et ça, si j'ai l'occasion de parler, c'est le moment le plus pédagogique de l'aventure,
09:11 c'est pourquoi, c'est ce qu'on appelle les 4 piliers du sans-chessoirisme persistant,
09:17 pourquoi il y a encore des personnes sans-chessois aujourd'hui,
09:21 en Belgique comme ailleurs, alors que, je le répète, la Finlande prouve,
09:25 c'est techniquement possible de l'éradiquer,
09:28 le sans-chessoirisme c'est humainement souhaitable et financièrement rentable.
09:32 Qu'est-ce qui bloque ? Et nous avons la réponse.
09:35 - Alors vous avez parlé du film de l'abbé Pierre,
09:37 il y a aussi deux films réalisés par le syndicat des Immenses,
09:41 l'initiative du festival.
09:43 Alors, abat les 4 piliers du sans-chessoirisme persistant,
09:46 et vous l'avez dit, une esquive toute.
09:49 - Voilà, ces deux petits films magnifiques.
09:52 C'est gentil d'en parler parce que c'est des films auxquels on est très attaché,
09:56 parce qu'on les a faits pour le festival,
09:58 et en fait ces deux petits films, l'un dure 2 minutes, l'autre 7 minutes,
10:02 résument toute l'aventure.
10:05 Qu'est-ce que c'est les 4 piliers du sans-chessoirisme persistant ?
10:11 C'est assez simple et c'est assez d'actualité,
10:14 puisque, petite anecdote, le jour 2 du festival, le 2 mars,
10:19 le bourgomestre Philippe Clos de Bruxelles-Ville
10:24 a fait enlever Manu Militari,
10:28 les 2 des 4 bâches qui étaient prévues sur les colonnes de la bourse,
10:32 pour les 4 mots que je vais expliquer maintenant.
10:35 Alors c'est un peu curieux comme initiative.
10:38 - Et vous nous expliquez pourquoi le bourgmestre a décidé de les enlever.
10:41 - Je ne sais pas, je crois que c'est un malentendu.
10:43 Il a mal compris, il a été mal conseillé, et voilà.
10:47 Donc le premier mot, on l'a inventé, c'est un mot très simple,
10:51 que tout le monde comprend tout de suite, c'est hiérarchisme.
10:54 C'est-à-dire qu'il y a une hiérarchie entre les vies humaines.
10:58 Toutes les vies humaines n'ont pas la même valeur.
11:01 Et si on ne comprend pas ça, si on n'admet pas ça,
11:04 qui est d'une banalité crasse,
11:07 on ne comprend pas pourquoi il y a encore des personnes sans-chessoir.
11:11 Il y a un moment où on décide, cette vie-là, elle ne le vaut pas beaucoup.
11:14 Et une anecdote que j'adore raconter, c'est lorsque, aux syndicats des immenses,
11:19 on a parlé du fait qu'il y avait ce sous-marin, il y a quelques mois, vous vous rappelez,
11:24 qui a sombré avec des milliardaires à bord, ils étaient tous morts,
11:29 et on a trouvé 10 millions de dollars pour aller repêcher ces cadavres de milliardaires.
11:36 Donc des cadavres de milliardaires, ça vaut une dizaine de millions de dollars.
11:41 Et un magnifique immense, pendant la réunion, a dit
11:44 "Oui mais Laurent, je sais très bien pourquoi, parce qu'ils ont des Rolex à leurs bras,
11:47 alors on voulait piquer les Rolex."
11:49 Donc l'hierarchie, on sait ça, toutes les vies n'ont pas la même valeur.
11:52 Le deuxième point, c'est le désuniversalisme, aussi un mot que nous avons inventé,
11:57 mais qui est assez clair, c'est universalisme, désuniversalisme, c'est le deux poids, deux mesures.
12:03 Le deux poids, deux mesures est quelque chose de très banal.
12:06 Dans une famille nombreuse, il peut y avoir un deux poids, deux mesures,
12:10 un enfant privilégié d'une certaine manière, voilà.
12:13 Le deux poids, deux mesures, c'est quoi ? Pour des situations identiques, des traitements différents.
12:18 Et nous avons reçu une leçon de désuniversalisme grâce à monsieur Poutine,
12:25 tellement admirable, que nous avons au syndicat des immenses canonisé Poutine,
12:29 nous l'appelons "Saint Poutine".
12:31 Pourquoi ? C'est un peu sarcastique, rassurez-vous.
12:34 Mais parce qu'il a fait une chose incroyable, Poutine.
12:37 Il nous a envoyé 11 000, je parle de Bruxelles, 11 000 personnes sans chez soi.
12:44 Qui s'appelle réfugiés ukrainiens ? Combien il y en a à la rue ? Zéro.
12:50 Et nous sommes les seuls au syndicat des immenses à vous expliquer pourquoi.
12:54 Pourquoi est-ce que pour les réfugiés ukrainiens, on a fait le maximum, magnifiquement,
12:59 en développant une task force en trois semaines,
13:02 qui a fait des choses tellement dingues et tellement admirables,
13:06 que j'ai appris récemment, que des gens de l'étranger allaient venir voir.
13:10 "Mais comment vous avez fait à Bruxelles ? Vous avez fait un sans-faute,
13:13 c'est juste dingue ce qui s'est passé à Bruxelles pour les réfugiés ukrainiens."
13:17 - D'où le 2 poids 2 mesures. - D'où le 2 poids 2 mesures.
13:20 Et pourquoi est-ce qu'on a fait ce truc magnifique pour les ukrainiens ?
13:24 Parce que les ukrainiens ne sont pas des immenses,
13:27 à savoir des personnes en non-logement ou mal-logement.
13:30 Ce n'est pas Gaston sur son carton.
13:32 Ce sont ce qu'on appelle au syndicat des "escapés",
13:35 c'est-à-dire vous et moi, des personnes qui ont un authentique chez soi.
13:38 Et pour un escapé, tomber dans l'immensité, du jour au lendemain,
13:42 c'est clairement pas de sa faute.
13:44 C'est vous monsieur, si vous tombez à la rue, vous allez y rester 10 minutes.
13:47 C'est pas possible ! La Bible est à la rue,
13:49 mais tout le monde va venir, vous allez y rester 10 minutes.
13:52 Mais pour Gaston...
13:54 Gaston, tu as pris ton verre d'eau, tu n'oublies pas ton rendez-vous,
13:58 tu as une place ce soir pour le Samu.
14:00 Donc on se trouve très généreux de faire le minimum pour un immense,
14:03 et on trouve tout à fait logique de faire le maximum
14:06 pour un escapé qui perd son chez-soi.
14:09 Ça c'est le désuniversalisme.
14:11 Le troisième pilier, qui explique pourquoi il y a encore des personnes sans chez-soi,
14:14 j'adore le raconter, en tant que co-fondateur de Douche Flux,
14:17 c'est l'allomorphisme.
14:19 Demandez-moi monsieur, mais je pose la question et vous donnez la réponse,
14:22 combien de douches j'ai prises à Douche Flux ?
14:25 La réponse est zéro.
14:27 Je me trouve dans une file, avec des inconnus.
14:30 Avec des Gastons.
14:32 Avec des Gastons, je ne sais pas qui est devant, qui est derrière,
14:35 qui est passé devant moi dans la douche.
14:37 Elles sont de grande qualité, c'est des hôtels 3 étoiles la douche.
14:40 Mais certains nettoyés, un peu, beaucoup, pas du tout.
14:42 Moi je n'ai jamais pris de douche.
14:44 Qu'est-ce que c'est l'allomorphisme ?
14:46 Il fallait un mot et on l'a inventé pour ça.
14:48 C'est des dispositifs,
14:50 conçus par des escapés,
14:52 donc des non-immenses,
14:54 pour des immenses,
14:56 mais les escapés ne recourraient jamais à ces dispositifs.
15:01 Qui veut dormir au Samu Social ?
15:03 Qui veut manger au Resto du Coeur ?
15:05 Alors c'est quoi ces dispositifs,
15:07 pour lesquels on reçoit parfois même des subsides,
15:09 des gens sont payés, moi je suis bénévole depuis 13 ans,
15:11 donc on ne parle pas de moi,
15:13 mais c'est quoi ces dispositifs,
15:15 que l'on met en place pour eux,
15:17 mais que ça serait inconcevable pour nous ?
15:20 C'est qu'il y a un gros problème.
15:22 Le dernier point, et je crois que là c'est Philippe Lelouz qui a mal compris,
15:25 bien que je lui ai tout expliqué par SMS,
15:27 mais il s'est buté,
15:29 la nécropolitique.
15:31 Ça c'est un terme que nous n'avons pas inventé,
15:33 c'est Achille Mbembe, un grand philosophe
15:35 camerounais, politologue, décolonale,
15:38 qui a inventé ce mot de "nécropolitique"
15:40 pour expliquer la traite des Noirs et le racisme anti-Noirs.
15:43 Et puis deux géniaux philosophes se sont dit
15:45 "Mais est-ce que ça ne concernerait pas aussi notre population comme les immenses ?"
15:49 C'est quoi la nécropolitique ?
15:51 Ça se dit en une phrase, on ne va pas vous tuer.
15:53 Ce n'est pas la thanatopolitique.
15:55 On va vous punir d'être encore vivant
15:57 en vous rendant la vie impossible.
15:59 Et je vous garantis monsieur que quand on a expliqué ça
16:01 aux immenses à la réunion du syndicat,
16:03 tout le monde a levé le doigt
16:05 parce que ça, ça correspondait à un vécu très profond.
16:08 Et donc ces quatre piliers
16:10 expliquent pourquoi il y a encore
16:12 des personnes sans chez soi.
16:14 Et j'insiste sur le "encore"
16:16 parce que la question que tout le monde se pose
16:18 n'est pas la bonne.
16:20 C'est pourquoi il y en a de plus en plus.
16:22 La question est pourquoi il y en a encore.
16:24 Et c'est pourquoi aussi qu'il y a
16:26 cet immense festival, l'importance
16:28 d'une telle mobilisation. Vous avez parlé
16:30 quelque part de politique il y a quelques semaines des prochaines élections.
16:32 C'est une manière aussi
16:34 de faire un appel du pied aux politiques
16:36 non seulement pour une meilleure sensibilisation,
16:38 on a l'impression que c'est éternel,
16:40 la sensibilisation qui n'a pas de réponse,
16:42 mais disons une meilleure prise en charge
16:44 du sujet.
16:46 Oui et non. Ma réponse
16:48 est plus nuancée, ça va vous surprendre
16:50 parce que notre conviction
16:52 est que c'est une prise de conscience sociétale
16:54 qui doit avoir lieu.
16:56 Et les hommes politiques ne sont pas
16:58 tellement mieux placés que M. et Mme
17:00 tout le monde pour comprendre que c'est pas
17:02 une fatalité. Personnellement je suis dans
17:04 le cambouis depuis 13 ans et j'ai pris
17:06 9 ans pour le comprendre.
17:08 Donc c'est plutôt de
17:10 se faire se poser cette question
17:12 "Coucou M. et Mme
17:14 Bruxellois, Bruxelloise,
17:16 sachez que ce n'est pas une fatalité
17:18 et qu'il y a des solutions
17:20 qui sont résumées par le mot
17:22 UDESKIF, on va y revenir j'espère,
17:24 et
17:26 on ne sait pas que ces solutions existent
17:28 donc en fait c'est de plus en plus
17:30 simple en fait, c'est pas de plus en plus
17:32 compliqué, c'est de plus en plus simple.
17:34 D'accord, mais justement vous parlez d'UDESKIF,
17:36 c'est le moment ou jamais d'intervenir si vous voulez.
17:38 Voilà, UDESKIF, c'est l'acronyme
17:40 de l'universalisation de ce
17:42 qui fonctionne, UDESKIF,
17:44 et ça tient en un mot.
17:46 Alors peut-être...
17:48 Excusez-moi, je vais vous expliquer
17:50 c'est quoi les deux choses qui fonctionnent.
17:52 Excusez-moi, je vais essayer d'être le plus bref
17:54 possible. UDESKIF, il y a deux
17:56 choses qui fonctionnent, et il n'y a que deux
17:58 choses qui fonctionnent. La première,
18:00 c'est le programme Housing First, je vous explique
18:02 en une phrase, c'est Gaston
18:04 avec qui
18:06 on négocie, il est sur son carton
18:08 et on lui demande "Est-ce que tu ne voudrais pas
18:10 passer directement de ton carton
18:12 à un logement ?"
18:14 Ça marche, après deux ans
18:16 les personnes
18:18 dans le programme Housing First sont encore
18:20 à logement à 90%.
18:22 En Belgique, puisqu'ils sont là,
18:24 le programme Housing First existe depuis
18:26 dix ans. Or,
18:28 et ce or, personne ne le fait sauf
18:30 le syndicat des immenses. Or,
18:32 ce programme,
18:34 messieurs, madame, les auditeurs et auditrices,
18:36 est réservé aux personnes qui ont un double diagnostic.
18:38 Les cas les plus désespérés
18:40 qui après un long parcours de jour
18:42 en rue, ont
18:44 un problème de santé mentale et un problème
18:46 d'assuétude. Drogue, cocaïne,
18:48 médicaments, etc.
18:50 Mais si ça marche, et nous sommes
18:52 les seuls à le dire, pour les cas les plus
18:54 désespérés, ça devra marcher
18:56 le même programme pour les cas un peu moins
18:58 désespérés. Ça c'est le programme
19:00 Housing First. Et à
19:02 l'autre extrémité, j'y ai fait allusion,
19:04 donc je serai très bêfe, à l'autre
19:06 extrémité du spectre humain,
19:08 il y a le modèle ukrainien,
19:10 qui ne concerne pas des fracassés,
19:12 qui se concernent des personnes comme
19:14 vous et moi, qui tout d'un coup, paf,
19:16 du jour au lendemain, vous êtes sans chez soi.
19:18 Et là, il y a le modèle ukrainien.
19:20 Et donc, il suffit, et ça a commencé pour le modèle
19:22 ukrainien, qu'il commence à l'universaliser
19:24 pour atteindre d'autres communautés.
19:26 Et si
19:28 on universalise ces deux
19:30 modèles,
19:32 et bien finalement, tout le monde va y rentrer,
19:34 puisque c'est les deux cas extrêmes
19:36 de l'humanité.
19:38 Le fracassé, 10 ans de rue,
19:40 problème de santé mentale, assuétude,
19:42 et l'autre côté, vous et moi, tout d'un coup,
19:44 un accident, et vous êtes sans chez soi.
19:46 Donc c'est les deux systèmes qui marchent, et comme
19:48 par hasard, comme par hasard,
19:50 ils passent par le logement.
19:52 Or, comme vous ne savez pas, on a pris
19:54 aussi 9 ans pour s'en rendre compte,
19:56 vous devez savoir qu'en Belgique,
19:58 et à Bruxelles en particulier,
20:00 être en non-logement,
20:02 tenez-vous bien, c'est un scoop,
20:04 on en parle depuis 3 ans maintenant,
20:06 être en non-logement
20:08 n'est pas considéré un problème de logement
20:10 dans les textes juridiques de la région.
20:12 C'est considéré un problème
20:14 social-santé. C'est Alain Marron
20:16 qui est responsable des personnes sans chez soi,
20:18 Pas Valbenamou, qui est en charge
20:20 du logement. Ça veut dire,
20:22 c'est très concret, Gaston,
20:24 tu es en non-logement,
20:26 la région dit,
20:28 et ça a des effets sur les actions, et ce qu'on
20:30 met en place, etc. Gaston,
20:32 tu as un terrible problème social-santé.
20:34 Mais on ne le dit pas, Gaston,
20:36 tu as un problème de logement. - Alors, justement,
20:38 avant de conclure, cet immense
20:40 festival sur le
20:42 sans-chez-soi-risme,
20:44 toutes les infos pratiques, les réseaux sociaux,
20:46 où est-ce qu'on peut trouver tous les éléments ? - Tout est
20:48 compilé dans un site bilingue,
20:50 français et néerlandais, qui s'appelle
20:52 immensefestival.be, tout simplement,
20:54 et vous allez à "Programme" ou "Agenda",
20:56 et jour par jour, ou bien par type d'activité,
20:58 vous avez tous les détails, les heures,
21:00 les adresses, et il y en a vraiment pour
21:02 tous les goûts. - Encore une dernière
21:04 chose, si vous avez un message à faire passer,
21:06 Laurent Durcel, c'est le moment.
21:08 - Les messages, c'est "Venez,
21:10 venez, lisez, mobilisez,
21:12 partagez sur les réseaux,
21:14 il faut qu'on en parle, il faut qu'un maximum
21:16 de personnes soient
21:18 présentes pour cette prise
21:20 de conscience sociétale, c'est
21:22 beaucoup plus important qu'un événement politique
21:24 qui, aujourd'hui,
21:26 c'est comme
21:28 le féminicide, c'est
21:30 mon exemple favori. Grâce
21:32 à MeToo, la société
21:34 a évolué, et c'est un vieux mal alpha
21:36 qui vous parle. Il y a des choses qui étaient
21:38 possibles il y a 20 ans, qui ne sont plus possibles aujourd'hui,
21:40 et c'est fantastique. Et qu'est-ce qui s'est passé ?
21:42 C'est une prise de conscience sociétale.
21:44 Il y a un moment, la société dit
21:46 "Les mains aux fesses dans le métro, c'est
21:48 fini." Et les
21:50 drames du samedi soir, non, ça s'appelle
21:52 un féminicide. Et ça,
21:54 c'est un phénomène sociétal.
21:56 Ça veut dire que tout d'un coup,
21:58 la société dans son ensemble, et c'est le fruit
22:00 bien sûr de longs combats
22:02 qui viennent de loin,
22:04 tout d'un coup, la société se regarde
22:06 elle-même et dit "Non, ça
22:08 c'est fini." Et le sans-cessoirisme,
22:10 je suis convaincu, ce sera comme l'esclavage
22:12 où aujourd'hui, on se dit
22:14 "Mais comment est-ce qu'on a pu avoir
22:16 des esclaves ?"
22:18 Eh bien, je suis sûr que dans
22:20 quelques temps, on dira "Mais comment ça se fait que
22:22 dans une des régions les plus riches d'Europe,
22:24 à savoir Bruxelles, il y avait encore
22:26 en 2024 des personnes sans-cessoirs."
22:28 Mais où étions-nous ? On avait tout
22:30 dans les mains, et on n'a pas voulu voir.
22:32 Maintenant, grâce à l'immense
22:34 festival, on a l'occasion de voir,
22:36 d'ouvrir ses oreilles,
22:38 de découvrir des gens,
22:40 des solutions, des spectacles,
22:42 des films, des expositions,
22:44 de rencontrer des immenses,
22:46 c'est un immense, j'ai le bien nommé
22:48 "Immense Festival". - Voilà, c'est donc la conclusion,
22:50 on le sent, d'un homme de terrain,
22:52 un homme de passion, Laurent Durcel,
22:54 secrétaire du syndicat des Immenses.
22:56 Merci d'avoir partagé avec nous ce moment.
22:58 - Et merci, et je répondrai toujours présent
23:00 à toutes vos invitations. - Merci beaucoup, on se retrouve
23:02 dans quelques instants pour la suite du Carrefour de l'Info.

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