Bernadette Moreau et Cédric Belloc sont les invités du 13h

  • il y a 6 mois
Aujourd'hui mercredi 6 mars 2024, le 13/14 reçoit Bernadette Moreau, Déléguée Générale de la Fondation Vinci Autoroutes et Cédric Belloc, patrouilleur chez Vinci Autoroutes, victime d’un accident sur l’Autoroute A20 en 2015.
Transcript
00:00 C'est un accident de plus, un accident de trop qui suscite la colère de toute une profession
00:04 et qui interroge comment assurer la sécurité de ceux qui sécurisent les autoroutes.
00:09 Dimanche dernier, sur la 8, au péage de la Turbie, dans les Alpes-Maritimes, un patrouilleur
00:14 de 26 autoroutes, Tony Nelek, a été tué.
00:16 L'un de ses collègues blessés, tout comme deux gendarmes et un dépanneur, ils intervenaient
00:20 sur un accident de la route lorsqu'ils ont été percutés par un véhicule.
00:24 Avant d'accueillir nos invités pour en parler, je vous propose d'écouter ce message
00:28 de Vanessa Monsenerc, c'est la directrice de Radio Vinci Autoroutes, à destination
00:33 des automobilistes.
00:34 Nous sommes sans voix, sans mots.
00:36 Notre peine et notre colère sont immenses.
00:40 Que dire de plus, que faire de plus que toutes nos campagnes de prévention, que tous nos
00:45 conseils répétés, tous nos messages incessants pour rappeler au respect du Code de la route,
00:51 à la vigilance de tous et à la protection de ces professionnels de la route.
00:55 Comme vous, comme nous, ces hommes et femmes en jaune, ces gendarmes, ces dépanneurs,
01:00 partent de chez eux le matin pour effectuer leur mission et doivent rentrer comme vous,
01:05 comme nous, chez eux, après leur travail.
01:07 Bonjour Bernadette Monrou.
01:08 Bonjour.
01:09 Merci d'être en studio ce midi dans le 13-14 de France Inter.
01:12 Vous êtes la déléguée générale de la fondation Vinci Autoroutes.
01:15 On entend une grande émotion dans ce message.
01:18 Est-ce que ça montre le choc ? Est-ce que ça montre aussi la colère de se dire que
01:22 c'était un accident évitable peut-être ?
01:24 Écoutez, avant tout, je pense bien sûr à Tony Nellec qui a perdu la vie dans cet accident
01:31 dramatique, à la douleur de sa famille, à Eric Massy, son collègue, notre collègue
01:36 de Vinci Autoroutes qui lui-même a été blessé, aux gendarmes et aux dépanneurs
01:41 également blessés et puis à l'ensemble de mes collègues de Vinci Autoroutes qui
01:45 sont extrêmement éprouvés par cet accident qui est à la fois incompréhensible, inéclicable
01:52 et qui, l'enquête le montrera puisqu'elle a démarré, mais qui est déjà explicable
02:01 pour partie par une vitesse absolument excessive dans cet environnement, dans ces circonstances.
02:09 Excessive parce que dans cette portion d'autoroute, véritablement, il dépassait la vitesse autorisée.
02:16 Excessive parce que les conditions atmosphériques étaient difficiles.
02:20 Il pleuvait beaucoup.
02:21 Il pleuvait beaucoup et excessive aussi parce qu'en amont du premier accident, puisqu'il
02:26 s'agit d'un sur accident, il y avait un fourgon d'intervention, un fourgon jaune
02:30 éclairé avec une flèche lumineuse, des gyrophares qui pouvaient être vus depuis
02:37 bien en amont de l'accident et qui amenait tous les automobilistes à ralentir, ce que
02:45 l'ensemble des automobilistes ont fait, mais pas celui-là.
02:48 Il suffit d'un véhicule.
02:49 Il suffit d'un véhicule pour ce sur accident.
02:51 Vinci a décidé de porter plainte pour homicide.
02:53 Pourquoi ça ne marche ?
02:54 Parce que la sécurité des intervenants sur autoroute est naturellement extrêmement
03:01 importante pour Vinci Autoroute parce que face à des comportements inexplicables, inacceptables,
03:10 irresponsables, on peut considérer qu'on a affaire à un homicide.
03:15 C'est important de pouvoir marquer les choses et Vinci Autoroute a vraiment voulu marquer
03:23 cela.
03:24 Vous restez bien sûr avec nous, on va éclairer notre deuxième invité, Cédric Bellocq.
03:28 Bonjour.
03:29 Bonjour.
03:30 Merci d'être en ligne avec nous.
03:31 Vous êtes vous-même patrouilleur chez Vinci et vous avez été victime d'un accident
03:34 en intervention, c'était en 2015.
03:36 On va bien sûr y revenir.
03:38 Qu'est-ce que vous vous êtes dit, vous, en apprenant cet accident dimanche, en apprenant
03:42 la mort de votre collègue ?
03:43 Écoutez, c'est toujours l'accident de trop.
03:47 Là, ça prend une ampleur énorme.
03:52 Comme l'a dit Mme Moreau, on est en deuil aujourd'hui.
03:55 On est très en colère, mais on reste digne à la mémoire de Tony.
04:02 On lutte depuis de nombreuses années contre l'irresponsabilité de certains conducteurs
04:09 et conductrices.
04:10 Ce n'est pas près d'arrêter, on va continuer nos campagnes pour stopper ces erreurs de
04:23 conduite qui, des fois, sont pour certains conducteurs et conductrices, d'après ceux
04:30 qui disent, des gestes anodins, mais qui ont la preuve de très grandes conséquences.
04:36 Vous dites que c'est l'accident de trop.
04:37 Bernadette Moreau va peut-être rappeler le bilan de ces derniers mois, de ces dernières
04:41 années, parce que des accidents, il y en a eu effectivement beaucoup.
04:44 Des accidents de ce type-là, des heurts de fourgon, des atteintes à la sécurité des
04:52 intervenants sur autoroute, il y en a beaucoup trop souvent.
04:55 En 2023, 227 fourgons ont été percutés, deux agents routiers, deux patrouilleurs ont
05:04 été tués et puis bien sûr, un certain nombre ont été blessés.
05:09 C'est absolument insupportable, insupportable parce que tous ces accidents pourraient être
05:14 évités.
05:15 On sait que près de trois accidents sur cinq sont liés à la somnolence ou à l'inattention
05:23 des conducteurs.
05:24 C'est des voitures ou c'est des poids lourds en général ?
05:25 Alors c'est réparti à 50 %, c'est-à-dire que vous avez une répartition, malheureusement
05:31 assez équilibrée, entre des conducteurs de voitures et des conducteurs de poids lourds.
05:36 Donc tout le monde est responsable et c'est la raison pour laquelle je profite de votre
05:42 antenne pour lancer un appel à la vigilance, un appel à la responsabilité de l'ensemble
05:49 des conducteurs.
05:50 Parce que tous ces accidents sont absolument évitables si chacun s'interrogeait sur sa
05:57 propre façon de conduire, si chacun considérait que quand il conduit, il ne doit pas faire
06:02 autre chose, il doit être totalement concentré sur sa conduite, regarder la route.
06:07 Alors vous dites somnolence, inattention, est-ce que c'était le cas dans l'accident
06:11 dont vous avez été victime, Cédric Bello ? Comment ça s'est passé ?
06:14 Oui, comme je vous ai dit, il y a toujours une erreur qui est commise.
06:18 Moi pour le coup, c'est une conductrice qui était en inattention, qui en attrapant
06:23 sa paire de lunettes de soleil, a mis un coup de volant, est venue taper le terre-plein
06:28 central, est partie en tête à queue et est venue me faucher de plein fouet.
06:32 Alors j'étais en protection d'un véhicule poids lourd pour une crevaison sur bande
06:38 arrière d'urgence.
06:39 Toujours une intervention plus ou moins banale pour nous, c'est une partie de notre quotidien.
06:46 Et voilà, donc cette personne-là a perdu le contrôle du véhicule.
06:51 Vous avez été grievement blessé, M.
06:54 Bello ? Oui, j'ai été donc grievement blessé, j'ai
07:00 été percuté comme je vous ai dit de plein fouet, je suis aujourd'hui miraculé.
07:03 Je suis passé de l'arrière d'un poids lourd à l'avant d'un poids lourd, donc
07:08 ça fait 12 mètres de long.
07:10 J'ai été percuté et balancé à 12 mètres sur l'avant du camion.
07:15 Donc tout ça parce que la personne attrapée, sa paire de lunettes de soleil.
07:21 Comme certaines personnes qui se permettent de lire un SMS au volant et qui disent non,
07:28 mais ça ne dure que trois secondes.
07:29 Sauf que sur autoroute, les secondes, c'est des distances parcourues.
07:32 Et qu'en trois secondes, on parcourt 120 mètres.
07:35 Et qu'à 120 mètres, il s'en passe des choses.
07:37 Donc on n'a pas le droit, nous, sur le terrain, de détourner le regard.
07:40 Mais les conducteurs, les conductrices, ne doivent pas détourner le regard.
07:47 Et c'est simple.
07:49 Je reviens sur ce que dit Madame Moreau.
07:51 On ne leur demande pas grand-chose.
07:52 Si c'était compliqué encore, on leur demande de tenir les mains sur le volant et de regarder
07:55 au loin.
07:56 On va en parler des solutions.
07:58 Justement d'abord, je voudrais savoir, Cédric Belloc, quand on part en intervention, est-ce
08:01 qu'on y pense du coup à tout ça ? Est-ce qu'on pense à l'accident ? Est-ce que
08:04 vous, est-ce que vos collègues, vous partez un petit peu avec la boule au ventre ?
08:08 On ne va pas dire qu'on part avec la boule au ventre parce qu'on part en intervention.
08:12 On sait ce qu'on a à faire.
08:14 On a des processus d'intervention applicables à chaque événement.
08:18 On a au quotidien tout un tas de réflexes, de choses à avoir pour pouvoir intervenir
08:30 dans les règles de l'art.
08:31 Donc non, on est concentré sur notre tâche.
08:35 Nous, on part, encore une fois, notre mission, c'est de protéger la personne en difficulté
08:41 ou la personne accidentée, protéger les intervenants s'il y a des intervenants qui viennent dans
08:46 le balisage et protéger par la même occasion le sur-accident pour ne pas qu'un véhicule
08:52 subisse le véhicule qui est arrêté pour x raisons.
08:56 Tout en vous protégeant vous-même.
08:58 On a bien compris effectivement que c'était aussi important de ne pas l'oublier.
09:01 Je voudrais qu'on aille au Standard de France Inter où nous attend Frédéric.
09:04 Bonjour Frédéric.
09:05 Oui, bonjour à tous.
09:06 Posez votre question.
09:07 J'ai un lointain souvenir, ça se trouvait à la gare de l'Est, il y avait dans une
09:13 salle de repos comme des chaises longues à demi allongées et ça permettait quand même
09:19 de se reposer.
09:20 Mais ce dispositif peut très bien exister sur les aires d'autoroutes.
09:23 Pourquoi est-ce que les services autoroutiers, pardonnez-moi qu'on paie quand même un
09:28 certain prix, ne penchent pas à la sécurité d'abord de ce côté-là parce qu'on cherche
09:32 des coupables, celui qui a regardé ailleurs, qui a regardé son portable.
09:35 Effectivement, il ne faut pas le faire.
09:36 Mais c'est très simple, la fatigue des gens, on la connaît tous quand on prend de longs
09:41 trajets et il serait quand même utile de pouvoir se reposer autre part que dans son
09:45 véhicule parce que ce n'est pas l'idéal et de pouvoir dormir une heure sur un plan
09:49 incliné et sans avoir froid, ça ne coûterait pas une fortune.
09:53 Merci pour votre intervention Frédéric.
09:54 Bernadette Moreau, est-ce qu'on peut faire plus ? Est-ce qu'on peut faire mieux justement
09:58 pour permettre aux automobilistes de conduire dans de bonnes conditions ?
10:01 Alors la Fondation Vinci Autoroute, elle est là pour mieux connaître les comportements
10:06 à risque au travers de nombreuses études, recherches que nous avons financées.
10:12 Nous avons pu montrer qu'effectivement, il est important, il est nécessaire et on le
10:17 dit et on le répète depuis la création de la Fondation, il faut s'arrêter dès
10:22 qu'on a des premiers signes de somnolence et faire une courte sieste.
10:26 Cette courte sieste, on peut la faire l'été par exemple sur des espaces de la Fondation
10:30 où nous disposons de gros coussins pour que les gens puissent dormir.
10:34 Mais ce qui est important c'est de s'arrêter et de prendre un court moment, 10 minutes
10:40 pour s'endormir.
10:41 Et ça on peut tout à fait le faire sur le siège de sa voiture, c'est tout à fait
10:45 possible pendant 10 minutes.
10:47 L'important c'est de faire une pause, une courte pause.
10:51 J'ai l'impression qu'on répète, on répète, on répète ce message et que finalement,
10:55 preuve en est, ça ne suffit pas toujours.
10:57 Alors en fait, je pense qu'en matière de prévention, tous les préventeurs le savent,
11:01 il faut répéter les messages sans le faire avec humilité mais avec ténacité et beaucoup
11:07 de détermination.
11:08 C'est ce qu'on fait à la Fondation Vinci Autoroute depuis 13 ans maintenant.
11:12 Et il faut aussi trouver, et c'est la raison pour laquelle les études que nous faisons
11:18 menées par des chercheurs nous aident à améliorer nos messages de prévention pour
11:23 les adapter à chacun des types de conducteurs.
11:27 On ne va pas parler de la même façon à des poids lourds ou à des conducteurs de
11:30 véhicules légers.
11:31 Mais clairement, le message est toujours le même.
11:34 Regardez la route, anticipez, appliquez la fameuse règle du corridor de sécurité.
11:41 C'est une règle qui a été mise dans le code de la route en 2018.
11:47 On demande aux automobilistes, dès qu'ils voient un fourgon d'intervention à l'arrêt,
11:53 avec bien sûr son affichage lumineux, de ralentir, première chose, ce que n'a pas
12:00 fait le conducteur responsable de cet accident.
12:04 Donc ralentir et changer de voie ou à tout le moins s'écarter le plus possible de
12:09 la zone où interviennent les patrouilleurs, les gendarmes, les dépanneurs pour qu'eux
12:16 même puissent travailler en toute sécurité.
12:18 Est-ce que le protocole, Cédric Bellocq, il vous semble adapté lorsque vous allez
12:22 en intervention sur un accident, justement ces corridors de sécurité ? Le nombre de
12:28 personnes peut être aussi en intervention.
12:30 Est-ce que tout ça, ça fonctionne selon vous ?
12:31 Bien sûr, ça fonctionne très bien.
12:33 Le souci n'est pas là.
12:34 Le souci, ce n'est pas nous.
12:36 Le souci, c'est l'irresponsabilité de certains conducteurs ou certaines conductrices.
12:41 Le corridor de sécurité, c'est une règle de bon sens.
12:45 On le martèle, on dit qu'il faut ralentir et qu'il faut mettre le clignotant et qu'il
12:51 faut s'écarter le plus possible pour laisser un couloir virtuel de sécurité.
12:55 Je veux dire, quand on interpelle les personnes, elles nous disent toutes « oui, oui, c'est
13:03 vrai que c'est du bon sens ». Et pourtant, il n'y en a pas beaucoup qui le pratiquent,
13:08 malheureusement.
13:09 Donc, on est là, nous, pour marteler ce message en disant « voilà, il suffit de peu de choses
13:14 comme je vous ai dit tout à l'heure ». On voit un véhicule en difficulté, on ralentit,
13:20 on regarde dans son rétroviseur, on met le clignotant.
13:22 Le clignotant est un acte fort pour nous intervenants.
13:24 Pourquoi ? Parce que ça va nous permettre d'analyser, une fois qu'on est sur place,
13:30 dans le balisage, on peut se dire « il nous a vus ».
13:33 Donc, c'est très important de l'expliquer aux automobilistes pour leur dire « mettez
13:38 votre clignotant, c'est un langage pour nous dire « vous nous avez vus ». Et nous, on
13:42 peut passer au véhicule suivant.
13:44 Moins stressé pour votre propre sécurité.
13:47 Bernadette Moreau, est-ce qu'il y a des choses quand même qu'on peut améliorer ? Je pense
13:49 aux applis, est-ce qu'on peut mieux signaler la présence de patrouilleurs ? Je pense aux
13:54 aires de repos.
13:55 Michel qui nous écrit sur l'appli Radio France qui dit « voilà, on ferme les aires
14:00 de repos, donc on doit le rouler plus longtemps lorsqu'on est fatigué ». Est-ce qu'il
14:03 y a quand même des choses qu'on peut faire ? Au-delà des campagnes de prévention qui
14:06 sont essentielles bien sûr.
14:08 Ils sont essentiels et indispensables parce que beaucoup effectivement est de la responsabilité
14:14 du conducteur.
14:15 Les aires, il y en a toutes les 10 minutes.
14:18 Donc, quand bien même une est fermée, on peut en trouver une 10 minutes après.
14:23 Ce qu'il faut de la part du conducteur, c'est avant tout de l'anticipation.
14:27 L'anticipation, c'est-à-dire ne pas prendre le volant quand on est fatigué, s'arrêter
14:32 au bon moment.
14:33 Et puis sur les réseaux autoroutiers, il y a tout un arsenal d'informations qui
14:40 existent avec effectivement des applis, avec bien sûr Radio Vinci Autoroute.
14:46 Vous avez entendu Vanessa Monsnerg, Radio Vinci Autoroute et les radios d'autoroute
14:51 de manière générale sont un moyen extrêmement important pour signaler tous les événements
14:57 qui se passent sur l'autoroute et donc apprendre aux conducteurs à aborder l'événement
15:04 qui va se produire devant eux en étant totalement informés et en les amenant à adopter leur
15:10 conduite en fonction de cet événement.
15:12 Bon, il faut continuer les campagnes de prévention si je comprends bien.
15:15 Merci beaucoup à tous les deux.
15:16 Bernadette Moreau, déléguée générale de la fondation Vinci Autoroute, Cédric Bellocq,
15:20 patrouilleur chez Vinci Autoroute d'avoir été avec nous dans le 13-14 de France Inter.

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