• il y a 7 mois
Jeudi 15 février, cinq parlementaires du camp présidentiel ont remis un rapport dessinant les contours de la future loi de simplification ou loi Pacte II. Le gouvernement cherche à alléger le poids des normes qui pèsent sur les entreprises et faciliter les obligations administratives.

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Transcription
00:00 Et donc on repart avec l'avocat Emmanuel Barbara.
00:07 Bonjour Emmanuel, spécialiste du droit du travail avec qui on discute régulièrement.
00:13 Et donc tu t'es penché, tu te penches sur ce qui pourrait être la loi Pacte 2, la
00:18 future loi de simplification.
00:20 D'ailleurs au jour où on enregistre, tu vas voir ça ne va pas te rassurer, Bruno
00:27 Lemaire donne une interview au quotidien Le Monde et il parle de Perspective 2032.
00:31 Le quotidien Le Monde lui rappelle quand même, innocemment, mais vous ne serez plus là en
00:36 2032, Monsieur Lemaire.
00:37 Ce n'est pas grave, je suis volontariste.
00:39 Bon, ce chiffre, j'imagine qu'il est évidemment certifié, le nombre de mots par loi entre
00:47 2002 et 2021 est passé de 322 000 à 591 000.
00:51 Je dois avouer que je ne me suis pas livré à ce contrôle, mais c'est une donnée
00:57 qui figure en bonne place dans ce fameux rapport de l'Assemblée Nationale.
01:01 Désormais il y a des mécaniques pour le faire, mais je suis certaine que c'est vrai.
01:06 Parce que le ressenti façon météo que je suis en tant qu'usager des règles de droit,
01:11 c'est qu'on est incapable d'écrire des lois autrement que bavardes.
01:14 Bruno Lemaire dit dans cette interview au Monde, le code du commerce, personne, personne
01:20 n'est en mesure de le connaître.
01:21 Tu es d'accord avec ça ? Et donc il dit tout le monde ignore la loi ?
01:24 Voilà, c'est une manière de dire très joliment ce point que j'aurais tendance à appliquer
01:30 également à mon code à moi, mon hub du travail.
01:33 C'est pareil ? Mais oui, comment veux-tu ?
01:35 4 800 pages, c'est ça ? J'ai regardé récemment parce que j'ai fait un petit truc, je crois
01:39 que c'est 4 800, quelque chose comme ça.
01:41 Ça dépend des éditions.
01:42 Non mais le Dallas qui fait autorité quoi.
01:44 Non, non, c'est absurde.
01:45 Bon, qu'est-ce que tu mets en avant ? Qu'est-ce qui pour toi aujourd'hui serait le plus intéressant
01:51 ? Donc je liste, dérogation aux accords de branches pour les entreprises de moins de
01:55 5 ans et de moins de 5 ans de salariés.
01:57 Oui, c'est très bien.
01:59 Mais le problème c'est que tu crées un autre seuil.
02:01 Si tu fais ça, tu renforces le seuil de 5 ans.
02:03 Oui, et puis je rajoute le critère du délai.
02:05 Est-ce qu'il faut 5 ans ? Parce que tout ça c'est conditionnel.
02:08 C'est-à-dire qu'au bout de 5 ans, tu dois te conformer à nouveau à ta convention collective.
02:11 Donc il va falloir pister les dates en fonction de qui, puisqu'il faut recueillir l'accord
02:15 de l'individu.
02:16 Et ensuite, à tous les coups, il va y avoir des mentions qui seraient plus d'ordre public
02:21 que d'autres.
02:22 Donc ça c'est sous bénéfice d'inventaire, cette idée-là.
02:25 Je veux la voir mal en oeuvre.
02:28 C'est-à-dire que toi, avec ton expérience, tu réalises que cette simplification recèle
02:34 une masse de complexité invraisemblable.
02:36 J'appellerais même ça, un peu brutalement, et pardon, nous sommes en pleine digestion,
02:42 une chose trap judiciaire en fait.
02:44 Parce que c'est à ce moment-là que tu vas te faire avoir.
02:46 C'est qu'à un moment donné, on va t'expliquer que ce n'était pas fait comme il fallait,
02:49 que, ah, à propos, ce n'était pas 5 ans, mais là, en l'espèce, c'est 6 ans et une
02:53 semaine, donc, hélas, ça ne marche plus.
02:55 Enfin, des choses trap.
02:56 Donc il va falloir mettre en place des systèmes pour prendre cet exemple-là de simplification
03:00 que je ne trouve pas être la plus pertinente.
03:02 Mais voilà, de pister chaque Kazakh avec, est-ce que d'abord je suis toujours moins
03:06 de 50, et ensuite, est-ce que le bonhomme de 5 ans, enfin, dit autrement, ce passage
03:11 à 5 ans...
03:12 - Non, mais c'est un piège, on l'a bien compris, mais Emmanuel, j'ai l'impression que tu vas
03:17 me dire ça sur toutes les 14 propositions, c'est-à-dire qu'en fait, l'idée, il faudrait
03:22 presque ne plus rien toucher tellement notre administration est incapable de simplifier
03:26 sans complexifier.
03:27 - La difficulté de l'exercice, elle est multiple, mais au titre des caractéristiques saillantes,
03:34 il y a d'abord cette forme, et c'est comme ça, cette forme de suspicion qui est toujours
03:39 attenante à une loi, quelle qu'elle soit.
03:42 Deuxième sujet, chaque loi qui est prise dans cet immense bavardage impose une forme
03:49 de rite, pour ne pas dire procédure ou de procédé, qui sert à un seul objectif, un
03:55 seul, à l'exclusion de tous les autres objectifs.
03:58 Exemple, je dois déclarer les honoraires que je verse à des travailleurs indépendants,
04:05 je l'appelle la DAS2, je dois la fournir à l'administration de la sécurité sociale,
04:10 logique, au travers du dispositif que j'applique pour mes salariés, la DSN, et je ne dois
04:16 pas oublier de déposer cette déclaration, donc pas la DSN mais celle-ci, la DAS2, à
04:22 l'administration fiscale.
04:23 On voit bien que l'objectif s'agissant de l'administration fiscale, c'est de vérifier
04:26 que...
04:27 - De contrôler les indépendants.
04:28 - Voilà, mais c'est donc un objectif à l'exclusion des autres.
04:30 Donc je fais une opération à l'exclusion des autres.
04:32 - Ils ont l'air de dire...
04:33 - Rassemble-t-on.
04:34 - Vous envoyez une fois une information et l'administration se débrouille pour l'envoyer
04:38 partout.
04:39 - À l'heure de la technologie telle que développée, sauf erreur, il faudrait que ce soit à l'exclusion
04:43 des administrations, les tuyaux doivent pouvoir se parler.
04:46 - Ce qui marche, moi, en tant que travailleur indépendant, j'avoue, je ne fais plus qu'une
04:50 seule déclaration de revenu aujourd'hui.
04:52 - C'est vrai que de ce point de vue-là, les choses ont tendance à s'améliorer, s'agissant
04:57 de l'individu d'eux-mêmes, que le France Connect ou le France...
05:00 - Ton numéro de sécu, enfin plutôt de fiscal, etc. te permet d'atteindre la mairie du coin.
05:05 - On est d'accord.
05:06 - Oui, mais ça, c'est formidable.
05:07 - Oui.
05:08 - Les entreprises, à l'évidence, en sont exclues, donc pour le moment.
05:11 - Oui, c'est ça.
05:12 - Et donc, au titre des choses pénibles, ce sont les obligations légales qui incombent
05:18 aux entreprises de bien vouloir répondre à des obligations d'enquête diverse administrative,
05:25 à défaut de quoi ? Sanctions pénales et autres amendements.
05:27 Donc tu dois répondre à des tas de critères que l'administration, quelque part, sait.
05:33 Le nombre de salariés, je ne sais pas quoi, l'évolution de telle ou telle chose, mais
05:36 il y a énormément d'informations qui est connue dans les tuyaux.
05:40 Donc l'idée, c'est qu'ils vont parvenir sans doute à améliorer le dispositif, au
05:44 point d'ailleurs que pour les déclarations fiscales individuelles, elles sont pré-remplies.
05:47 Donc cette idée de pré-remplissage, là, c'est une excellente nouvelle.
05:51 Mais dans le fond, c'est un allégement, j'allais dire, naturel.
05:53 Enfin, on ne va pas tomber dans les pommes d'ébahissement.
05:55 - On est d'accord.
05:56 - Enfin, je veux dire, je ne peux pas.
05:58 Là, je n'y arrive pas.
05:59 - On est d'accord.
06:00 Attends, dans cette histoire-là, il y a un truc, moi, qui me terrifie.
06:02 En tant que chef d'entreprise, je le dis, de petit patron, là, comme ça.
06:05 C'est cette histoire de silence-votre autorisation.
06:08 Mais je suis désolé, moi, je veux que l'administration me réponde.
06:11 Et si elle n'est pas foutue de me répondre alors qu'elle supprime le décret qui m'impose
06:14 de lui poser cette question ? Ce silence-votre autorisation, moi, je crois, enfin, je ne
06:18 sais pas comment vous le ressentez-vous, mais moi, ça me terrifie.
06:22 Je ne veux pas que l'administration reste silencieuse quand je sais le pouvoir qu'elle
06:25 a de me détruire.
06:26 - Oui, j'entends bien, mais ça a été un dispositif que de transformer l'adage selon
06:32 lequel le silence vaut refus, l'avoir transformé dans certains cas et pas dans tous.
06:36 C'est en cela qu'il faut suivre l'actualité.
06:38 Et là, l'idée qui a l'air d'être en lice, portée par ce fameux rapport, ça serait
06:45 de commuer ces autorisations adossées à un silence valant acceptation sous court délai
06:52 par un dispositif de déclaration à charge de contrôler.
06:56 Donc là, on se rapproche de ta crainte.
06:57 - Une déclaration qui est faite par l'administration ?
06:59 - Non, non, la déclaration de l'entreprise, par exemple, au titre du temps de travail,
07:03 les dépassements horaires, CNN, journalier, que sais-je, ou autre dispositif qui nécessite
07:08 des autorisations, ça serait désormais plus une autorisation, mais une forme de déclaration
07:14 sous bénéfice du contrôle.
07:15 - Et oui.
07:16 - Et voilà.
07:17 Et oui, je sais.
07:18 Je sais que c'est là que le bas blesse.
07:23 - Réduire à six mois le délai de contestation dès la rupture du contrat de travail.
07:28 On est là sur un sujet qui a l'air d'être un sujet irritant.
07:32 En tout cas, les syndicats sont vend-debout sur cette histoire.
07:37 - Oui, ils expliquent que la réduction des délais se traduit par un sentiment, là encore,
07:43 d'empêchement d'accéder à un juge.
07:48 - Oui.
07:49 - Je ne trouve pas que l'argument soit très pertinent parce que si j'ai besoin de contester
07:55 ce que vous avez dit à un tribunal, à priori d'attendre dix mois, une semaine, je ne vois
08:03 pas ce que cela change que de dire "vous avez six mois pour le faire", ce qui permet pour
08:06 l'entreprise simplement d'avoir une forme de mise en tension dans le fond.
08:12 On reste sur un sujet qu'on connaît, dans la limite de six mois.
08:15 Après, au-delà de ce délai-là, moi, ça ne me paraît pas un crime d'atteinte à l'accès
08:23 de la juridiction.
08:24 Et par surcroît, il y a des pays, sauf l'Allemagne, qui me sent que le délai est de deux mois.
08:31 - Et on est bien d'accord, il s'agit juste de saisir.
08:34 - De saisir.
08:35 - D'aller prendre un papier, trouver un avocat ou pas, parce qu'on n'est pas obligé d'avoir
08:38 un avocat pour un emprunt d'hommes.
08:39 - En plus.
08:40 - Bon, ben de saisir.
08:41 - Voilà.
08:42 - Je ne vois pas que ça pose comme difficulté.
08:45 Donc ça, c'est pas...
08:47 - La question des effets de seuil, elle revient éternellement.
08:51 - C'est drôlement intéressant, parce que moi, qui avais suivi de près ce point qui
08:55 m'avait passionné, il faut bien utiliser des termes enthousiastes, mais qui m'avait
09:00 beaucoup intéressée en son temps.
09:02 Je parlais de 2019, loi PAC, du mois de mai 2019, qui est venue en effet faire un vrai
09:08 nettoyage de tout ça.
09:09 Alors là, les seuils, ils étaient partout.
09:11 Et on avait considéré que dans le fond...
09:14 - Il y a un vrai gros seuil à 50.
09:16 - Voilà.
09:17 - Maintenant, il y en a un vrai gros à 50.
09:18 - Voilà.
09:19 Et qu'on avait en quelque sorte simplifié ce que voulait dire l'atteinte du seuil, puisque
09:23 certains seuils, lorsqu'ils déclenchent une obligation, ça peut être un empêchement
09:29 de passer le seuil.
09:30 Donc on avait donné cinq ans de franchise en quelque sorte.
09:34 - Tout à fait.
09:35 - Ce sujet des seuils, cinq ans plus tard, enfin oui, cinq ans plus tard, pose à nouveau
09:40 un problème.
09:41 Et c'est drôlement intéressant.
09:42 Et c'est probablement à l'aune de l'alourdissement des obligations que chaque loi qui, encore
09:49 une fois, poursuit un but particulier, que ce soit dans l'environnement, que ce soit
09:53 dans la santé, que ce soit dans l'égalité, enfin dans les lois sociétales, impose une
09:59 suggestion supplémentaire à qui est à 50 ou à 250, etc.
10:03 Et donc cette idée de dire mais là, c'est pas possible, c'est trop lourd, c'est qu'on
10:09 finit aujourd'hui par considérer qu'une entreprise de 50 salariés, étant précisée
10:13 que 50 ne se calcule pas pareil dans le code de commerce, dans le code de la sécu, dans
10:17 le code du travail, même si on a déjà fait déjà une convergence pratique.
10:20 Une entreprise de 50 salariés se trouve face à des obligations absolument hallucinantes.
10:26 - C'est dingue.
10:27 J'en avais pas conscience en fait, je dois avouer.
10:28 - Ah non, non, mais je dois reconnaître que j'ai regardé avec intérêt le point
10:31 qu'ils font sur la BDSE, toujours dans ce rapport.
10:33 Et dans ce point-là, je suis allé regarder partout.
10:35 - La BDSE d'un mot, c'est envoyer à l'administration l'état exact de vos effectifs.
10:38 - L'administration, ce sont des informations qui sont dues deux ans plus tôt et trois
10:43 ans à venir, trois ans à venir, on ne sait pas déjà ce qu'on va faire dans trois mois,
10:45 que l'entreprise soit à son comité.
10:47 - Sur les effectifs.
10:48 - Non, sur le domaine économique, financier, d'investissement environnemental, d'accidentologie,
10:56 d'égalité homme-femme, de licenciement et de nombre de licenciements opérés.
11:00 Je dis de tête, c'est atroce.
11:02 Je suis en train d'en rater encore.
11:03 - Vas-y, vas-y, parce que le temps se pousse.
11:04 - Tu as quelque chose comme quatre pages en papier Bible, écrits tout petit, comme tu
11:10 le sais chez Dallas, pour une entreprise de 50 et à 250, on passe à neuf pages de ce
11:15 même traitement, de liste d'informations qui, tiens-toi bien, deux ans plus tôt et
11:21 avec une projection sur trois ans, sur les effectifs, sur combien de CDD, sur combien
11:25 d'handicapés, sur combien...
11:27 C'est atroce.
11:28 C'est atroce.
11:29 Et alors, l'objectif de cette loi, c'était à l'époque pour permettre que les négociations
11:34 et les consultations récurrentes du genre politique de l'emploi, enfin les trois blocs,
11:38 comme on dit, politique de l'emploi, situation économique et orientation stratégique, soient
11:42 adossés à ces informations.
11:43 Et c'est tout.
11:45 Je ne connais pas de sociétés et d'entreprises qui vont faire cette consultation sur l'égalité
11:50 homme-femme, sur la politique de l'emploi ou encore sur les orientations stratégiques,
11:54 qui se contentent de dire, bon ben, on a la BDSE, donc on va discuter, on va se consulter
11:58 comme ça.
11:59 Donc le but est raté.
12:00 Mais par surcroît, c'est impossible d'avoir la documentation.
12:03 C'est absolument impossible.
12:04 Il est question de le faire sauter, en tout cas pour les entreprises de 5 ans.
12:08 Il reste une minute.
12:09 On a oublié un truc important, Emmanuel.
12:10 Non, mais il ne faut pas toujours grincher.
12:12 Donc, soyons contents, déchaînons-nous, comme j'avais pu le dire quelque part.
12:19 C'est une occasion magnifique et ça nous fait du bien de respirer en dehors de nos
12:23 corsets.
12:24 Bon, parfait.
12:25 Voilà une magnifique chute.
12:26 Merci Emmanuel.
12:27 Je rappelle, mais vous pouvez aller la retrouver d'ailleurs, l'interview qu'on avait faite
12:30 de Guillaume Poitrinal, qui avait été, en son temps, essayer de faire un choc de simplification.
12:37 Lui, il nous avait dit, c'est très simple, soit le président de la République prend
12:42 le truc en direct et ça fonctionne, sinon vous pouvez jouer de la flûte.
12:47 Emmanuel Barbara, donc, nous accompagnait et nous, on se retrouve la semaine prochaine
12:52 pour continuer cette discussion sur les grands débats économiques du moment.
12:56 Merci.
12:57 Au revoir.
12:57 [Musique]

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