Macron en visite à Berlin pour discuter de l’aide à fournir à Kiev alors que les divergences se multiplient entre la France et l’Allemagne

  • il y a 6 mois

Chaque jour, Céline Géraud et ses invités font un point complet sur l'actualité.

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00:00 Merci de nous rejoindre sur Europe 1. Europe 1 13h, la suite avec vous, Céline Girouet,
00:04 votre chroniqueur du jour, l'ancien magistrat Philippe Bilger et l'écrivain essayiste Paul Melun.
00:08 Et l'actualité aujourd'hui incontournable c'est évidemment la prise de parole télévisée d'Emmanuel
00:12 Macron hier soir que vous avez suivi sur le conflit en Ukraine. La Russie ne doit pas et ne peut pas
00:18 gagner cette guerre a-t-il martelé ? Alors il entretient surtout un concept militaire, l'ambiguïté
00:23 stratégique. On l'écoute. Si la Russie venait à gagner, la vie des Français changerait. Nous
00:29 n'aurons plus de sécurité en Europe. Qui peut penser une seule seconde que le président Poutine,
00:34 qui n'a respecté aucune de ses limites et aucun de ses engagements, s'arrêterait là ? La sécurité
00:39 de l'Europe et la sécurité des Français se jouent là-bas. Si la Russie gagne cette guerre,
00:45 la crédibilité de l'Europe sera réduite à zéro. La sécurité des Européens, quelle serait-il ? Est-ce
00:50 que vous pensez que les Polonais, les Lituaniens, les Estoniens, les Lettons, les Roumains, les
00:54 Bulgares pourraient une seconde rester en paix ? Et je ne parle même pas de la Moldavie qui certes
00:59 n'est pas dans l'Union Européenne aujourd'hui, mais qui à la seconde serait menacée. Aujourd'hui,
01:04 il faut avoir, pour reprendre une vieille formule de Churchill, le nerf de la paix.
01:08 - Allez, on va décortiquer cette allocution. Philippe Hilger, est-ce qu'en affirmant son
01:14 ambiguïté stratégique, est-ce qu'il n'entretient pas l'escalade avec Vladimir Poutine ?
01:20 - Sûrement, mais en même temps, comment dirais-je, sans abuser de cette expression
01:25 dont le président raffole, je considère qu'à partir de la modestie de mon approche, je suis
01:36 un citoyen qui essaye de s'intéresser à la chose géopolitique, mais je n'ai pas la prétention de
01:42 donner des leçons à ceux qui savent mieux que moi. Je considère que le constat qu'il fait,
01:48 qu'il a donné hier soir, est très clair, sans équivoque, et je le partage. Poutine est un
01:56 dictateur, il est responsable de la guerre en Ukraine, c'est lui qui doit faire les premiers
02:03 pas, paraît-il, parce qu'il est responsable de tout. Et simplement, une fois que le président
02:10 a dit cela avec force et avec résolution, j'ai envie de lui dire "d'accord, mais à partir du
02:17 moment où nous ne parvenons pas, en effet, à vaincre Poutine, à l'empêcher de dominer l'Ukraine,
02:24 il faudra bien un jour, tout de même, donner sa chance à l'avenir, au futur de la paix". Et là,
02:32 je suis un peu inquiet, dans la mesure où le président, aussi estimable qu'il soit dans
02:38 cette approche internationale, a l'air de dénier par principe toutes les solutions alternatives
02:45 qui sont données par des oppositions françaises, par exemple, qui ne sont pas illégitimes dans
02:52 les propositions qu'elles peuvent faire. On n'est pas forcément un traître à la patrie et à la
02:59 volonté d'en découdre avec Poutine, lorsqu'on ne va pas exactement dans le sens d'Emmanuel Macron.
03:07 - Paul Mellin ? - Le problème avec le constat qu'a parfaitement résumé Philippe, le constat du
03:11 président de la République, c'est que, derrière ce constat, du moment que vous dites "Vladimir
03:16 Poutine est responsable de tout, il est un autocrate", etc. Une fois que vous avez présenté
03:21 les choses ainsi, et que vous dites "la Russie ne doit pas gagner cette guerre, c'est donc que la
03:25 guerre doit être gagnée par le parti adverse, le parti adverse c'est l'Ukraine, nous sommes avec
03:28 l'Ukraine, donc nous sommes en guerre avec la Russie, donc nous devons gagner la guerre", à un
03:31 moment donné, si vous voulez, cette espèce d'ambiguïté stratégique, comme on aime à le
03:35 dire, est tout simplement en même temps insoutenable. Et effectivement, il manque,
03:40 dans le discours du président et les extraits que vous avez présentés le résume bien, il manque au
03:44 président une porte de sortie. Si vous dites "le président Poutine est responsable d'absolument
03:50 tout, il est un autocrate", quelle porte de sortie offrez-vous à la négociation, au travail, avec les
03:55 forums pour la paix, avec les pays tiers ? Absolument rien ! De fait, si Vladimir Poutine est un autocrate
04:00 sanguinaire, ce qu'il est, eh bien à ce moment-là, mettons-nous en guerre avec tous les autocrates
04:05 sanguinières de tous les pays. Allons protéger les Ouïghours face aux Chinois, allons défendre
04:10 l'Arménie face à l'Azerbaïdjan, allons faire la guerre à Kim Jong-un en Corée du Nord, et je
04:14 pourrais vous en citer encore des dizaines. Donc tout ça ne tient pas debout. Je ne vais pas faire
04:18 la définition de la réelle politique ici, mais de fait, la géopolitique, c'est la réflexion par
04:23 rapport aux intérêts vitaux de la France. Et à la différence d'Emmanuel Macron, je ne crois pas que
04:28 les intérêts vitaux de la France soient menacés par ce qui est en train de se passer au Donbass
04:33 ou en Crimée. Par conséquent, je pense qu'il faut soutenir le peuple ukrainien et soutenir leur
04:38 résistance, parce qu'effectivement, les Russes sont les envahisseurs dans cette affaire, tout en
04:43 considérant et en faisant la généalogie de l'attaque des Russes, notamment effectivement le rôle de
04:47 l'OTAN là-dedans, et ensuite qu'il faut mettre les parties autour de la table et aller à la
04:51 négociation. Si cette porte ouverte n'est pas mise en place, eh bien effectivement, nous avons
04:56 une escalade. Vladimir Poutine utilise ce qu'a dit le président de la République et le diffuse
05:01 auprès de tous les Russes qui ont eu ça actuellement. Lorsqu'on va voter au bureau de vote, on a
05:06 Emmanuel Macron, qui est vu comme un Cassius Belli, ce que c'est d'ailleurs une déclaration de guerre
05:10 d'Emmanuel Macron. Et donc tout ça est entretenu avec la propagande russe. Et on sait bien que d'ailleurs
05:16 la campagne de Russie de Napoléon, ce n'est pas ce qu'il a fait de plus malin. Donc si vous voulez,
05:19 à un moment donné, il faut faire très attention parce que nous entrons dans un engrenage qui est
05:23 dangereux. Dernier point, le président de la République, dans la même interview, nous explique
05:27 qu'on a les moyens de faire face à Moscou. Et quelques phrases avant, il nous dit que dans notre
05:32 industrie d'armement, nous n'avons pas les moyens de faire face en armée conventionnelle et que nous
05:37 ne sommes pas suffisants. Alors il faut savoir où on produit suffisamment en Europe et en France et
05:41 on a ce qu'il faut en termes d'industrie d'armement, où on ne l'a pas et à ce moment-là, on fait
05:45 profil bas. Mais là, on fait les choses à l'envers. C'est-à-dire qu'on menace l'adversaire alors que
05:49 nous, nous sommes avec une petite cuillère et que lui, il a un bazooka. Donc certes, il y a les armes
05:52 nucléaires, mais j'ose espérer que le président de la République ne pense même pas à ce type
05:56 d'extrémité-là. Donc oui, je trouve très périlleux et très inquiétant l'exercice du président de la
06:00 République. - Alors qu'en pensent nos auditeurs ? Tiens, Philippe nous écoute en Aquitaine. Bonjour
06:04 Philippe ! - Oui, bonjour ! - Alors vous avez suivi cette allocution, qu'en avez-vous pensé ?
06:08 - Très belliqueuse, mais la question n'est pas de savoir si on veut, mais si on peut. Et il y a
06:17 une question sur laquelle on ne s'arrête jamais, ce sont nos soldats. Je suis moi-même ancien
06:21 militaire et deux enfants qui sont actuellement sous les drapeaux. Deux, ils doivent représenter
06:26 plus de 10 OPEX. - OPEX pour nos auditeurs ? - Opération extérieure. - Ok, très bien. - Moi,
06:36 j'aimerais se poser la question, est-ce qu'on est prêt à envoyer nos jeunes soldats mourir
06:39 pour Odessa, comme il semblait l'avoir dit le président ? Alors qu'à ce jour, dans les tranchées
06:46 ukrainiennes, la moyenne d'âge est de 41 ans. C'est-à-dire que nos soldats sont de 18 à 30,
06:52 40 ans. Et donc, on enverrait nos jeunes soldats se battre alors que la jeunesse ukrainienne,
06:57 à l'heure actuelle, n'est pas mobilisée. Et la deuxième question que je me pose,
07:03 c'est est-ce qu'on est prêt à voir défiler des centaines de cercueils sur les différents
07:07 tarmacs et d'entendre tous les soirs la litéonie des non disparus ? Et tout ça, je le rapproche
07:15 aux matériels et à notre armement. Au niveau conventionnel, en ce moment, on est exsangue.
07:24 On a un nombre de matériels en renouvellement lent, extrêmement conséquent. Je vais prendre
07:32 par exemple les gazelles, parce qu'on s'est moqué du matériel russe. Mais il faut savoir qu'en
07:38 France, on a encore des hélicoptères qui ont plus de 40 ans. On a abandonné le renouvellement des
07:43 Charles-Claire et on est seulement à l'étude sur les drones d'attaque au sol. Il faut savoir qu'au
07:48 Mali, quand on a fait venir les premiers drones des Américains, on a demandé qu'ils ne soient
07:53 pas armés. Et on a vu que des chantiers, on les armait par la tête. Donc, effectivement, la Russie
08:00 pose un problème. Mais si on veut pouvoir avoir le dos pour s'y opposer, il faut commencer à
08:08 s'armer. Il faut commencer... - Vous avez raison, Philippe, et vous connaissez très bien le sujet,
08:12 effectivement, puisque vous êtes vous-même un ancien militaire. Ils sont où, vos deux fils,
08:17 actuellement ? Dans quel service ? - Ça, je vais le garder pour moi, mais ils sont sous-officiers
08:24 d'activité. - D'accord, très bien. Donc, vous maîtrisez parfaitement, effectivement, le sujet.
08:28 Merci beaucoup, en tout cas, pour ce témoignage, Philippe, qui nous écoute en Aquitaine. Alors,
08:32 est-ce qu'on ne place pas la diplomatie française en situation de malaise, rapidement, Paul ?
08:37 - Si, effectivement, moi je pense. Et effectivement, ce que nous dit Philippe est très important sur
08:41 notre incapacité en armée conventionnelle à faire face à un conflit de haute intensité. C'est un
08:46 peu du jargon, mais c'est exactement ce qu'a dit le président de la République hier. Donc,
08:49 quand dans la même interview, vous dites que nous ne sommes pas capables de tenir un conflit
08:52 de haute intensité, tous les spécialistes le disent, et que dans le même temps, vous allez
08:56 menacer une puissance militaire de l'envergure de la Russie, vous prenez un risque. - Mais on peut
09:02 critiquer le discours du président, mais il est confronté à ce terrible étau qu'un président
09:08 de la République française affronte assez régulièrement. Il y a la noblesse du discours
09:15 qui doit être proférée, et bien sûr, il y a l'infirmité, la pauvreté des moyens. Mais je
09:21 dirais que pour une fois, cette volonté de tenir le en même temps, de sa part, n'est pas choquante.
09:28 - Allez, on reste ensemble, évidemment, dans quelques instants. On va poser la question,
09:34 peut-on publier un livre avec un homme politique quand on travaille dans le service public ? On
09:39 va revenir sur la suspension d'un journaliste de France Info dans quelques instants. A tout
09:43 de suite sur Europe 1. - Merci d'avoir choisi Europe 1. Vous écoutez Céline Giraud de 13h à 14h.
09:47 [Musique]

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