• il y a 9 mois
Les syndicats de General Electric à Belfort alertent sur un accord signé cet été entre l'entreprise américaine et BHEL, le principal constructeur indien de centrales électriques. Accord de transfert de licence qui permet à cette dernière de fabriquer des turbines à Gaz.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 L'invité du 6/9 avec vous Corentin Bémol et le sujet aujourd'hui c'est un contrat qui inquiète les salariés de Général Electric à Belfort.
00:10 Un contrat signé l'été dernier.
00:12 Oui, l'entreprise américaine et le géant indien BHEL ont signé un accord de transfert de licence qui permet à cette dernière de fabriquer des turbines à gaz
00:20 et donne des droits améliorés sur les turbines à gaz existants et les futurs modèles, ce qu'indique BHEL sur son site internet.
00:27 Les syndicats à Belfort alertent sur une possible délocalisation.
00:32 Bonjour Philippe Petitcolin.
00:34 Bonjour.
00:35 Vous êtes délégué CFECGC chez Général Electric à Belfort.
00:38 Alors on va revenir sur cet accord.
00:40 Pour ceux qui nous suivent sur France 3, je montre à la caméra un tract, celui de la CFECGC de Sud Industries Franche-Comté qui titre
00:48 "Transfert de technologie à BHEL, un pillage par Général Electric de nos savoir-faire".
00:54 Philippe Petitcolin, êtes-vous en train de vous faire piller ?
00:57 C'est toute la question et c'est pour ça que nous avons demandé une expertise afin de mesurer les conséquences de cet accord
01:03 parce que factuellement, il y a un accord qui permet à l'entité indienne de produire l'ensemble de notre gamme de produits.
01:10 Ils ont déjà installé 250 centrales en Inde et donc là cet accord permet de réaliser beaucoup plus.
01:18 La question réside dans quel sera le volume d'activité de l'entité indienne dans les années à venir.
01:24 Concrètement, qu'est-ce qu'il contient cet accord ? Qu'est-ce qu'il dit véritablement ?
01:28 Alors ça c'est une des bonnes questions parce que c'est un accord pour lequel nous n'avons pas eu accès.
01:32 C'était l'intérêt de nommer un expert qui a les mêmes prérogatives que le commissaire Oconte pour pouvoir étudier quels étaient les tenants, les aboutissants.
01:38 En tout cas pour nous c'est un risque et c'est d'où l'intérêt d'investiguer parce que je vous rappelle qu'en 2019,
01:45 les trois quarts de notre bureau d'études étaient déjà partis en Inde et que l'Inde a actuellement beaucoup d'activités sur la partie gaz et la partie pétrole
01:53 car il commande 12 fois plus de pétrole et de gaz qu'avant la guerre en Ukraine.
01:59 Donc potentiellement une activité importante en interne.
02:02 On est d'accord que du coup c'est vraiment un transfert de savoir-faire comme vous le dites dans votre tract.
02:08 Quel est le danger pour Belfort ? Est-ce que vous dites aussi que c'est vraiment une délocalisation qui ne dit pas son nom ?
02:17 Le danger c'est que nous sommes sur un marché où les barrières à entrée sont très importantes, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir investir massivement.
02:23 Nous avons beaucoup d'entreprises avec lesquelles nous avons des licences et pour l'instant l'impact est limité car elles ont très peu de turbines à fabriquer dans l'année.
02:30 Mais si BHEL aurait 5, 10, 20 turbines à fabriquer, ils auraient les moyens d'investir et de devenir une alternative au site de Belfort.
02:38 Donc potentiellement une alternative à 5 ans, à 10 ans au site de Belfort. C'est pour ça qu'on s'inquiète.
02:44 Vous ne pensez pas que les deux sites pourraient coexister si j'ose dire ?
02:48 Bien sûr que les deux sites peuvent coexister pendant un moment.
02:52 Mais General Electric n'a pas l'intention de conserver le site de Belfort et construire un concurrent au niveau de la production.
02:59 C'est extrêmement inquiétant, préoccupant pour nous.
03:04 Vous avez dit que vous avez demandé une étude d'impact et ça serait mal passé auprès de la direction ? Expliquez-nous.
03:13 Dans le droit français, la seule chose qu'on peut faire c'est de demander une expertise quand il y a un projet dit important.
03:21 Ce projet n'est pas important pour l'entreprise, elle considère que ce serait une ou deux turbines par an.
03:27 Mais ça en fait on n'a aucun élément pour le justifier.
03:31 C'est pour ça que nous avons demandé à nommer un expert. La direction a refusé que cette expertise ait lieu.
03:37 Elle a refusé qu'elle expertise ait lieu, elle a refusé qu'on publie ce tract auprès des salariés.
03:41 Elle nous a aussi saisi la justice afin que l'expertise soit retirée.
03:47 Or l'expertise nous ne pouvons pas la faire parce que soit c'est une expertise financée par l'entreprise avec un expert qui a accès à tous les documents.
03:56 Soit c'est une expertise financée par les syndicats avec aucun document.
03:59 Ce deuxième cas de figure n'apparaît jamais parce qu'il n'a absolument aucun intérêt.
04:03 Philippe Petitcollin, délégué CFE CGCH chez Général Electric à Belfort est notre invité ce matin.
04:09 Vous avez déjà vécu une délocalisation vu partir le savoir-faire de votre entreprise.
04:13 Venez témoigner sur notre antenne au 03 84 22 82 82.
04:18 Justement revenons sur ce tract que je présentais en début d'interview.
04:22 Un tract dans un premier temps qui a dû être retiré. Vous disiez que la direction menaçait d'intenter une action en justice en cas de diffusion de ce tract.
04:30 Pourquoi ? Que s'est-il passé avec ce tract ?
04:33 C'est ça qui est très inquiétant. C'est que la direction nous le dit. C'est un non-sujet.
04:37 Le projet n'aura aucun impact. Et puis en même temps ils refusent qu'on transfère le tract.
04:42 Ils ont donc envoyé un mail à tous les salariés, ce qui a fait un teasing de dingue sur notre tract.
04:46 Ils ont convoqué tous les managers afin que le tract soit détruit. Ils nous attaquent en justice pour un projet qui n'aurait absolument aucun impact pour le site de Belfort.
04:56 Donc leur attitude nous laisse croire que justement...
04:59 Vous pensez qu'ils veulent cacher certaines choses ?
05:01 Le problème c'est que oui, l'attitude de Général Electric depuis plusieurs années c'est l'opacité totale, un manque de transparence.
05:07 On le voit sur l'évasion fiscale. On n'a plus accès à aucun document.
05:11 On le voit sur ce projet. On le voit sur le projet du spin-off. On le voit sur la vente d'EDF.
05:18 On est face à une direction qui n'a aucun pouvoir local et dont la consigne c'est absolument aucune transparence, aucune communication d'information, que rien ne sorte.
05:29 Et vous parlez d'une enquête tout à l'heure ? Comment ça se matérialise concrètement ?
05:33 Concrètement ça se matérialise avec nos recherches sur internet, rentrer en contact avec des gens qui pourraient avoir l'information.
05:44 Parce que bien évidemment ce contrat, il y a des gens à Belfort qui ont eu accès, contrairement à ce que dit la direction.
05:50 Et donc c'est pour ça que comme on l'a fait sur l'évasion fiscale, pendant 7 ans on a travaillé et on a su démontrer que les mécanismes mis en œuvre
05:59 conduisaient à ce qui est de 200 à 300 millions de bénéfices qui soient localisés en Suisse.
06:04 Gini n'a pas payé d'impôt depuis 10 ans. L'entité Belfort est en déficit.
06:09 Au niveau mondial le taux d'imposition est de 10%. En France la première tranche c'est 11%.
06:15 L'ingénieur électrique, eux, ils payent moins.
06:17 C'est tout ça qui fait qu'on doit sortir de nos prérogatives, aller investiguer auprès des experts, auprès des salariés,
06:25 auprès de pas mal de monde, pour essayer d'analyser la situation et d'énoncer la situation avant qu'il ne soit trop tard.
06:31 Et face à ces inquiétudes, est-ce que les pouvoirs publics peuvent faire quelque chose ? Est-ce que vous en appelez à l'État par exemple ?
06:39 On aimerait bien que l'État se préoccupe de toute sorte, c'est absolument pas le cas.
06:44 À part la partie nucléaire pour laquelle il y a des négociations en cours et peut-être un jour ils seront au déf',
06:50 tout le reste de l'activité qui sont les barrages hydroélectriques, les réseaux, les éoliennes, la commission de puissance,
06:56 qui sont les seuls acteurs français, les seuls capables de répondre aux objectifs de France 2030,
07:00 sont démantelés jour après jour, mois après mois, sans que personne se positionne.
07:06 Et l'État a choisi sa priorité, c'est le nucléaire, et le reste va disparaître purement et simplement.
07:14 Et nous n'aurons plus d'acteurs en France pour réaliser des objectifs de transition énergétique.
07:18 Alors justement vous abordiez cette question, la dernière question, il y a un an, quasiment jour pour jour,
07:24 vous étiez dans ce studio et vous évoquiez déjà des inquiétudes au sujet du rachat de la branche énergie de Général Électrique par EDF,
07:31 qui a été reporté en septembre, reporté en décembre.
07:35 On est quand même dans l'inconnu, je vous cite, c'est ce que vous déclariez il y a toujours un an, qu'en est-il aujourd'hui ?
07:40 Aujourd'hui les risques sur le projet sont toujours subsistants, c'est-à-dire que suite à la guerre en Ukraine,
07:47 on a un carnet de commandes qui est principalement russe qui a été menacé,
07:52 les sanctions américaines se sont durcies, il n'y a maintenant plus de relations d'un point de vue engineering,
07:57 donc EDF va probablement racheter une entité dont la moitié du carnet de commandes va être en stand-by de par les sanctions américaines.
08:07 Donc on sait que d'un point de vue opérationnel tout est fait pour que le transfert se fasse,
08:13 on sait maintenant que c'est entre les mains des États, visiblement l'État français essaie de tenir des garanties de par l'État américain par rapport aux sanctions,
08:22 mais ce n'est pas ce qui se passe, c'est des sanctions qui sont de plus en plus renforcées,
08:27 et donc un risque important sur le carnet de commandes russe de l'entité G-STIM.
08:32 Donc pour ce dossier EDF vous êtes toujours dans le flou aujourd'hui ?
08:36 Toujours dans le flou, et les risques qu'on a évoqués avec vous il y a un an sur ce plateau restent les mêmes,
08:42 et le projet a été reporté trimestre après trimestre, et visiblement tous ces doutes ne sont pas levés à ce jour.
08:50 Et le dossier de BHEL qui se rajoute en plus, du coup, Philippe Petit-Colin délégué CFECGC chez General Electric à Belfort était notre invité ce matin, merci beaucoup.
09:00 Merci à vous.
09:02 Merci. Vous retrouvez.

Recommandations