Nicolas Ilbert, directeur territorial de la délégation Atlantique-Dordogne de l'agence de l'eau Adour-Garonne
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00:00 Il est 8h moins le quart, les sols sont gorgés d'eau, hors des villes, des secteurs entiers sont encore inondés,
00:04 avec toute cette pluie tombée le mois d'octobre dernier, la sécheresse est-elle un lointain souvenir ?
00:09 On pose la question à notre invité ce matin, Nicolas Hilbert, le directeur territorial à l'agence de l'eau à Dourgaronne.
00:15 Bonjour Nicolas Hilbert, il fait beau, il fait sec depuis quelques jours en Gironde,
00:20 mais on a été largement arrosé ces six derniers mois, est-ce qu'il faut être optimiste pour l'été à venir ?
00:26 On a posé la question à nos auditeurs, je vais vous faire réagir juste après avoir entendu Franck,
00:31 il a 56 ans, il est gérant d'une société dans l'agglomération de Bordeaux.
00:34 Je pense qu'en tout cas on est plutôt optimiste par rapport à l'été prochain,
00:38 maintenant je ne suis pas un spécialiste, moi en tant que profane,
00:42 vu les tonnes de pluie qui sont tombées depuis plusieurs mois, les nappes se sont vraiment remplies quelque part,
00:49 je pense que ça faisait vraiment des décennies qu'il n'avait pas trop trop plu,
00:53 et là je pense que ça fait du bien, donc ça c'est impeccable.
00:56 C'est impeccable comme il le dit Franck ?
00:59 Alors on va dire que les circonstances sont bonnes,
01:02 l'année dernière je suis venu sur vos ondes à la même période pour vous dire qu'on avait un hiver très très sec,
01:07 pour autant on a eu ensuite un printemps très pluvieux qui a permis un petit peu de sauver les choses,
01:12 donc on n'est pas à l'abri de quelque chose de similaire, mais dans l'autre sens.
01:16 C'est vrai qu'on a eu énormément de pluviométrie, on est à 30% sur 2023 de pluviométrie en plus,
01:23 on est à 1200 mm, c'est à peu près ce qui tombe en Bretagne,
01:27 on n'est pas habitué à ça, on voit dans le Libourné que les champs sont encore sous l'eau,
01:33 ça ne veut pas dire qu'on n'aura pas un été caniculaire, très sec,
01:37 et qu'on pourrait se retrouver en sécheresse.
01:41 Hier j'entendais un exemple, en 2018 on a eu un hiver très très pluvieux,
01:47 la Seine a atteint des niveaux records qui ressemblaient au cru de 1910 sur la Seine,
01:53 il a suffi de trois semaines de canicule pour avoir une sécheresse très importante l'été derrière.
01:59 Pour autant la situation est quand même beaucoup plus favorable,
02:03 on a effectivement sur toute la façade atlantique un rechargement des nappes qui est très très fort,
02:08 on est largement au-dessus des normales sur le rechargement des nappes,
02:11 et les nappes c'est ce qui permet d'alimenter l'été les rivières.
02:15 Donc les sols sont gorgés d'eau, les nappes sont pleines,
02:19 on a quelques inquiétudes sur l'enneigement dans les Pyrénées,
02:23 même si il y a 3-4 semaines on a eu pas mal de neige dans les Pyrénées,
02:26 mais vu les températures c'est en train de fondre très fortement,
02:30 mais avant cet épisode neigeux on avait un enneigement qui était très faible,
02:36 et jamais vu depuis 24 ans que ce fait le suivi par satellite de l'enneigement dans les Pyrénées.
02:41 - Soyons prudents, c'est le message que vous passez ce matin.
02:43 Il y a des commentaires sur Facebook aussi, sur le Facebook de France Bleu Gironde Janais.
02:47 - Exactement, parce qu'on vous a demandé est-ce que vous êtes rassurés justement
02:49 quant au risque de sécheresse cet été, vous êtes nombreux à avoir répondu.
02:52 On a Alice qui dit "non je pense que ça va vite s'évaporer",
02:54 cette eau qui est donc fortement tombée cet hiver et à l'automne,
02:59 et puis on a Christophe qui dit "pour nos nappes phréatiques c'est plutôt bénéfique,
03:02 mais si le printemps et l'été sont chauds et secs nous aurons des sécheresses,
03:06 et un gros risque d'incendie également".
03:08 - C'est ça, ça peut s'évaporer très vite avec les températures qui sont plutôt élevées
03:12 depuis quelques jours en Gironde, c'est-à-dire que le bénéfice que l'on pense énorme
03:18 c'est peut-être pas un matelas si important que ça.
03:21 - Alors c'est mieux de démarrer la saison avec beaucoup d'eau,
03:24 on ne va pas non plus se plaindre, l'année dernière ce n'était pas le cas.
03:27 Mais c'est vrai qu'on va avoir la végétation qui va démarrer,
03:30 à partir du moment où la végétation va démarrer, toute l'eau qui va tomber
03:34 ne servira plus pour alimenter les sols, puisque ça sera pompé par la végétation.
03:38 Et effectivement s'il se met à faire très chaud, on va avoir beaucoup d'évapotranspirations
03:42 des plantes, des arbres, qui eux vont puiser dans le sol.
03:46 Donc effectivement on n'a pas en plus de tendance,
03:51 Météo France fait des tendances à 3 mois,
03:53 sur la pluviométrie il n'y a pas de tendance qui est sensible
03:59 sur une pluviométrie plus importante.
04:01 Par contre, statistiquement, on pourrait avoir dans les 3 mois
04:04 des températures plus élevées que la normale.
04:06 Donc ça, ça peut participer à un assèchement un peu accéléré.
04:09 - Cet effet yo-yo d'une année sur l'autre 2023 par rapport à 2024,
04:14 ça a déjà été vu, c'est normal finalement ?
04:17 Ou l'effet réchauffement climatique est là aussi ?
04:20 - Alors, la différence entre année et sur la météo, c'est normal.
04:29 On a eu des hivers secs, des hivers très humides,
04:33 on a déjà connu ça.
04:34 Par contre, effectivement, le bruit de fond de température
04:37 augmente de plus en plus, et on sait que le changement climatique
04:40 au-delà des sécheresses, entraîne des phénomènes extrêmes
04:45 et du coup des pluviométries beaucoup plus importantes.
04:48 Et on sait qu'une des conséquences du changement climatique
04:50 dans le sud-ouest, ça va être qu'on pourrait se retrouver
04:53 à peu près avoir toujours la même pluviométrie sur l'année,
04:55 mais ramassée sur beaucoup moins de jours.
04:57 Donc avec des périodes de sécheresse qui peuvent être
04:59 beaucoup plus longues et beaucoup plus chaudes dans l'année.
05:02 - Il est 7h50 sur France Bleu Girond, Nicolas Hilbert,
05:04 le directeur territorial à l'agence de l'eau à Dour-Garonne,
05:07 et notre invité ce matin sur France Bleu et sur France 3 Nouvelle Aquitaine.
05:10 - Les nappes phréatiques sont totalement regonflées ?
05:14 - Oui, là sur la façade atlantique et en Gironde,
05:17 tout ce qui est nappes de surface, le BRGM, l'institut qui suit ça
05:24 au niveau français, sort des cartes tous les mois,
05:26 et là on est très largement au-dessus de la moyenne
05:30 de ce qu'on rencontre normalement dans les nappes.
05:34 Donc comme je le disais, ça c'est plutôt favorable
05:36 parce que ces nappes servent à alimenter les rivières
05:39 dès qu'on va être en période estivale.
05:42 - Ça c'est pour nous littoral atlantique,
05:44 c'est pas forcément le cas partout en France ?
05:46 - Alors non, si vous voyez la carte, effectivement,
05:49 le pourtour méditerranéen est déjà en sécheresse,
05:52 d'ailleurs comme l'Italie ou comme l'Espagne,
05:54 ça commence à faire beaucoup de mois.
05:56 Je parle même pas des Pyrénées-Orientales
05:58 qui n'ont pas vu de pluie depuis peut-être un an et demi.
06:01 Donc effectivement c'est assez hétérogène en France aujourd'hui.
06:05 - Ce serait quoi le scénario idéal
06:07 pour garder de bonnes conditions jusqu'à l'été ?
06:10 - Le mieux, ça serait un printemps comme on en connaît habituellement
06:15 puisqu'on est sur un flux atlantique en Gironde,
06:18 c'est-à-dire un printemps plutôt pluvieux
06:20 qui permettrait effectivement que la végétation...
06:24 - Il y en a un peu marquant même là !
06:26 - Mais oui ! Il n'y a pas de grosses averses finalement,
06:29 il faut une espèce de crachin breton pour que ça soit profitable pour la nature.
06:33 - Que la végétation finalement, au lieu de pomper la réserve qu'il y a dans le sol,
06:37 utilise la pluie qui tombe
06:39 et qu'on puisse garder le plus longtemps possible
06:41 ce capital eau qu'on a dans les sols et dans les nappes.
06:44 - Merci beaucoup Nicolas Hilbert de nous avoir éclairé ce matin.
06:47 Vous êtes directeur territorial à l'Agence de l'eau à Dourgaronne.
06:51 Merci à vous et bonne journée.
06:52 Vous réécoutez cette interview sur francebleu.fr, il est 7h52.