• il y a 8 mois
Conclusion générale par Yann Potin, chargé d’études documentaires aux
Archives nationales
Transcription
00:00 Bien, une quinzaine de minutes.
00:07 D'accord.
00:08 Bonsoir à toutes et à tous et merci tout d'abord à toutes les
00:16 organisatrices et organisateurs de cette journée, de m'avoir
00:19 proposé cette difficile tâche, pour ne pas dire impossible,
00:23 comme c'est partie aussi des captations de toutes les conclusions.
00:29 Mais tout de même, je tiens à saluer particulièrement
00:31 Brigitte Guignod, qui est Françoise Banat-Bergé,
00:33 et l'équipe du CRF, que je ne connaissais pas,
00:36 et le DEPS, bien entendu, qui est aussi le troisième organisateur.
00:40 Alors, les enjeux de cette journée, je crois qu'ils ont rebondi
00:46 sans cesse autour de cette question "comment discriminer les
00:51 facteurs de mutation du champ des métiers des patrimoines ?"
00:56 Et bien, à partir du vecteur numérique.
01:02 Alors, je dis bien "vecteur", même si le mot n'a pas été
01:05 prononcé, parce que je crois que derrière le mot numérique,
01:09 on le sait, se cache une diversité de fonctions, dont la principale
01:17 est aussi de représentation et, bien entendu, aussi de peur,
01:22 ou au contraire, d'espérance apocalyptique parfois,
01:26 ce qui va très bien ensemble d'ailleurs, depuis longtemps.
01:29 Ce que d'ailleurs Bruno Ricard mentionnait, cette idée,
01:33 en commençant ce matin, que le numérique dans les archives,
01:37 par exemple, mais ailleurs, c'est la peur de l'oblitération.
01:40 Donc, c'est un vecteur numérique qui peut être aussi un
01:42 oblitérateur.
01:43 Au départ, cette idée, alors pour les bibliothèques,
01:48 c'est encore plus vrai, la numérisation risque de faire
01:53 tout simplement disparaître les services d'archives ou en tout
01:58 cas, d'en faire que des guichets ou des lieux de stockage ou des
02:03 plateformes de transmission.
02:06 Mais c'est aussi un lieu d'espoir, ce vecteur, puisqu'on l'a vu,
02:12 notamment en évoquant les réseaux sociaux, même si, en effet,
02:15 ils n'ont pas été très souvent évoqués dans cette journée.
02:18 Autre visage protéiforme, polymorphe et monstrueux de ce
02:23 qu'on appelle le numérique.
02:23 Évidemment, c'est aussi un gain de visibilité.
02:27 Je crois que les arts, par exemple, si on prend l'exemple
02:29 des archives nationales, depuis que les archives nationales
02:31 sont sur Facebook ou Instagram, etc., elles n'ont jamais été
02:35 aussi visibles.
02:36 Et c'est valable, évidemment, pour tous les services d'archives
02:38 départementaux dans leur territoire ou a fortiori,
02:40 au contraire, à l'autre bout du monde.
02:42 Donc, évidemment, l'ambivalence gouverne toute cette histoire et
02:48 c'est heureux puisque c'est de l'ambivalence qu'on peut
02:51 extraire de l'analyse critique et justement essayer de
02:57 discriminer ce qui a été en débat depuis le début, c'est-à-dire
03:02 ce qui change, ce qui ne change pas.
03:04 Ou au contraire, ce qu'on peut comprendre d'une profession ou
03:09 de profession ou des métiers.
03:11 Tout ça, pour moi, n'est absolument pas synonyme,
03:13 bien entendu, mais ce n'est pas très grave.
03:15 On a un point d'interrogation dans le titre de la journée
03:18 d'études, mais on avait toujours dit qu'il ne faut jamais mettre
03:20 un point d'interrogation sur les titres de livres, mais sur les
03:23 titres de journée d'études, par contre, c'est très heureux
03:26 puisqu'en effet, beaucoup de questions étaient soulevées,
03:29 d'où l'interrogative.
03:30 Et je ne crois pas qu'on puisse dire que les résultats soient,
03:36 on peut dire, je sais que c'est un colloque de clôture,
03:40 mais je crois que c'est aussi un colloque d'ouverture,
03:41 une journée d'études d'ouverture, qui dessine la nécessité
03:45 d'un vaste chantier de mobilisation des sciences
03:49 sociales, dont beaucoup d'entre elles ont été représentées
03:52 aujourd'hui, mais pas toutes, à la rencontre de ces cultures
03:56 professionnelles, endogènes, indigènes, coutumières,
04:00 dont on ne sait pas trop quelle est la parente, la norme,
04:03 la coutume, les représentations, la mythologie intérieure.
04:07 Toutes ces cultures, donc, confrontées grâce à l'outil
04:11 des sciences sociales, les outils des sciences sociales,
04:13 à la normalisation et bien entendu à la marchandisation,
04:17 qui est par définition le principal contexte de toute forme
04:24 d'analyse contemporaine.
04:26 En effet, on connaît le lien très fort entre les institutions
04:32 patrimoniales en général et la création des marchés.
04:35 On peut avoir plein d'exemples depuis le XIXe siècle.
04:39 Et l'économie de la culture, aujourd'hui, n'est plus
04:43 simplement une économie des publics.
04:46 C'est aussi une économie, évidemment, beaucoup plus vaste.
04:50 Et évidemment, tout ça est un contexte décisif.
04:53 Alors, je vais essayer de regrouper mes remarques,
04:57 ou plutôt mes pistes d'ouverture, donc, puisque je pense que cette
05:03 journée a eu une dimension de carrefour, autant que de
05:07 véritablement, et c'est heureux, que de conclusions autour de trois
05:13 exemples.
05:14 Tout d'abord, cette journée me semble révéler à quel point
05:19 s'inscrit dans un contexte historiographique, scientifique,
05:22 on peut dire méthodologique,
05:24 qui pourrait s'appeler "Quand les sciences sociales s'emparent
05:30 du patrimoine".
05:31 Ce contexte, je vais le développer, il existe depuis
05:34 une vingtaine d'années et il se diversifie.
05:37 Et je pense que cette journée d'études le montre,
05:42 notamment par de jeunes et nouvelles recherches sur des objets
05:46 qui, jusqu'à présent, n'avaient jamais fait l'objet,
05:49 des objets ou des secteurs du patrimoine d'études
05:51 particulières.
05:53 Deuxième série de remarques, ça portera tout de même sur le
05:59 fait que cette journée révèle ou souligne aussi la durabilité,
06:04 terme horrible, de certains obstacles épistémologiques.
06:09 Quant à la catégorie et du patrimoine et du numérique,
06:13 qui sont toutes deux catégories absolument vagues, absolument
06:19 problématiques, mais ça nous intéresse aussi,
06:22 et absolument discursives, disputées, faisant donc l'objet
06:28 de luttes à l'intérieur de tous les champs qu'elles essayent
06:33 ou qu'elles sont censées déterminer.
06:36 Et puis, ma troisième série, ça fait six minutes que je parle,
06:41 il me reste encore dix minutes, de réflexion, de pistes,
06:46 c'est de rassembler les questions fondamentales qui ont été
06:49 soulevées aujourd'hui, surtout en matière de méthode,
06:53 je dirais, c'est-à-dire j'ai été frappé de manière transversale
06:59 combien vos interventions ont soulevé à chaque fois des
07:05 questions de méthode et donc une forme de réflexivité qui pousse
07:10 encore plus à étendre ce chantier de comparabilité.
07:17 Alors évidemment, le premier ensemble, c'est l'inscription
07:24 dans un contexte scientifique de, on va dire, des sciences sociales
07:30 du patrimoine, mais aussi concordante, on l'a vu,
07:34 avec un intérêt des administrations du patrimoine
07:37 pour financer des études de sciences sociales du patrimoine.
07:40 Mise en abîme de la journée, c'est un rapport commandé par
07:45 un service administratif du patrimoine, le CIAF,
07:47 n'est-ce pas, à des chercheurs externes.
07:51 Et évidemment, cette commande n'a pas toujours existé,
07:56 même si évidemment, le ministère de la Culture,
07:58 depuis 50 ans, a son département d'études prospectives
08:02 statistiques et elle s'est déployée, notamment,
08:06 on peut dire tout de même hommage à travers la création d'un
08:11 centre de recherche en sciences sociales au sein même de ce qui
08:14 n'était pas encore la Direction générale des patrimoines,
08:16 dans la mission du patrimoine ethnologique, en 2001,
08:19 le LAIC, le Laboratoire d'Histoire et d'Institution de la Culture,
08:24 FEU le LAIC, mais qui survit à travers le Laboratoire
08:27 Héritage à Cergy.
08:30 On le sait, Daniel Farbe, dont le nom a été,
08:32 de ce point de vue-là, en France, dans d'autres secteurs,
08:36 je pense notamment à Jean d'Avalon, du côté de la
08:39 muséologie et des sciences de la communication,
08:41 dans à peu près la même génération,
08:43 à la fin des années 90, se sont, on paraît,
08:46 du patrimoine comme catégorie beaucoup plus vaste que celle
08:50 strictement d'une approche scientifique ou, pire,
08:54 justement, métier, pour en faire un rapport des sociétés
08:58 post-industrielles, pas seulement à leur passé,
09:01 mais à leur temps libre, à leur loisir,
09:03 enfin, en gros, ce qu'après tout,
09:06 Aloys Riegel appelait le culte moderne des monuments
09:09 il y a plus de 120 ans, aujourd'hui,
09:11 évidemment, c'est à la fois un culte et une culture
09:14 qui dépassent, bien entendu, simplement le temps des loisirs.
09:19 Donc, depuis, ça fait près d'un quart de siècle
09:23 que les sciences sociales se sont, on parait, du patrimoine,
09:25 et je vois et je constate que la diversification
09:28 ne cesse de s'établir, y compris au sein même du DEPS,
09:33 puisque longtemps, le DEPS statistique
09:36 avait une approche plutôt quantitative,
09:38 et cette journée, me semble aussi,
09:39 me révélait la confrontation avec la sociologie qualitative,
09:43 on l'a vu, on n'a pas arrêté de le dire,
09:45 c'est une approche quali.
09:47 Et c'est intéressant, parce qu'on voit bien
09:52 qu'on est passé, dans les années 2000 ou même avant,
09:55 à une sociologie de la culture et du patrimoine
09:57 qui s'intéresse avant tout au public,
09:59 et c'est normal, puisque c'est la justification
10:02 même du ministère de la Culture.
10:04 C'est bien pour ça qu'il a été séparé
10:07 de celui de l'éducation et de la recherche en 1959,
10:11 et ce qui est sa macule originelle,
10:13 et d'ailleurs, dont il ne s'en sortira jamais, je pense,
10:16 c'est un autre problème,
10:18 et cette sociologie des publics, évidemment, s'est diversifiée,
10:22 moi, je note un intérêt croissant,
10:25 dont cette journée est tout à fait représentative,
10:28 pour la sociologie des métiers et du travail,
10:31 donc une approche qui n'était pas tout à fait la même
10:33 et qui a mis du temps, je trouve,
10:36 à s'intéresser au métier du patrimoine,
10:39 même si on a des thèses ou des études,
10:42 je pense notamment à celle de Diljoie Lambert
10:44 sur les gardiens de musées,
10:46 ou des rapports comme celui d'Anne Monjarret et Mélanie Roustan,
10:51 ou même sur les archives,
10:52 son nom n'a pas été prononcé, donc j'en profite,
10:55 les enquêtes de Hanne Bot,
10:57 financées par la dite même mission du patrimoine ethnographique,
11:01 et assez proche de ce que j'ai pu entendre ce matin,
11:04 bref, ça marque un passage des publics,
11:08 enfin, de l'autre côté du guichet,
11:11 pour dire les choses, ou de l'autre côté des réserves.
11:14 Ce que je dis là, évidemment, est une évidence,
11:17 mais ce qui est intéressant, c'est qu'en parallèle,
11:20 le numérique a aussi suscité,
11:22 que ce soit dans les départements d'infocom
11:25 ou en sociologie, anthropologie des connaissances,
11:28 d'autres études que je voudrais mentionner,
11:30 je pense notamment au travail de Titiana Beltram
11:33 sur la thèse de 2012 sur la numérisation,
11:38 le chantier de numérisation des collections au Quai Branly,
11:41 qui, tout ça, dessine et qui fait tout à fait écho
11:44 à ce que j'ai pu entendre de Mme Chupin tout à l'heure.
11:48 Bref, voilà ce contexte,
11:50 et donc cette journée, comme pour moi, un carrefour,
11:52 mais qui aussi réouvre la question
11:56 qui est tout à fait valable, y compris à propos
12:02 de l'ethnologie ou anthropologie du patrimoine,
12:06 qui, elle, s'est toujours voulue qualitative, par définition,
12:09 c'est-à-dire, au fond, des obstacles,
12:13 deuxième ensemble de remarques,
12:15 ce que j'appellerais des "obstacles",
12:18 puisqu'une citation de Bachelard,
12:20 ou un concept de Bachelard,
12:22 des obstacles épistémologiques durables.
12:23 Et tout d'abord, je vais aller vite,
12:26 la question de la comparabilité des ensembles patrimoniaux
12:29 les uns par rapport aux autres.
12:31 C'est un truisme.
12:33 Le patrimoine est une catégorie administrative
12:36 et non pas une catégorie sociale.
12:37 Alors certes, elle s'est socialisée
12:40 depuis une trentaine d'années,
12:42 mais il y a une confrontation,
12:43 une notion juridique du patrimoine administrative,
12:47 et sa représentation sociale,
12:49 ce qui fait qu'évidemment, le plus bel exemple étant,
12:51 évidemment, la confusion entre archives et bibliothèques,
12:54 qui sont deux professions radicalement opposées
12:58 sur le plan de leur formation, sur le plan de beaucoup de choses,
13:02 et avant tout, sur le plan de leur tutelle administrative.
13:04 Ce ne sont pas du tout les mêmes administrations,
13:06 elles n'ont pas les mêmes missions,
13:08 elles n'ont pas les mêmes fonctions,
13:08 elles n'ont pas les mêmes cultures.
13:10 Par contre, leur séparation historique
13:12 est très intéressante à étudier.
13:14 Mais je rappelle que...
13:17 on va dire le chicot de ça,
13:20 je ne sais plus, je crois que c'est Mme Jessica de Bidéan
13:24 qui disait "Le patrimoine littéraire,
13:25 "ce n'est pas une catégorie."
13:27 Il y en a une qui est très belle,
13:28 qui a été avancée par la direction du Livret de la lecture en 2004,
13:31 qui n'est pas dans le code du patrimoine,
13:33 c'est la notion de patrimoine écrit.
13:37 Voilà une notion qui est endogène du monde des bibliothèques,
13:41 qui n'a aucun rapport avec le code du patrimoine,
13:44 je ne me figure même pas dedans.
13:47 Et entre autres pour des raisons administratives.
13:48 Je ne vais pas filer les questions,
13:51 mais c'est pour ça que c'était très intéressant d'avoir
13:54 cette espèce de...
13:56 Toujours pour mesurer les écarts,
13:58 d'intervention de Cécile Rabault
14:02 qui montrait la complexité de comparer
14:05 ces ensembles patrimoniaux à fortiori
14:08 sous l'angle, ce qui sera la 2e série de remarques
14:12 ou d'obstacles,
14:14 et c'est évident aussi par rapport à la variété
14:17 de ce que numérisation veut dire.
14:18 Alors là, on a une très belle illustration.
14:21 On n'a pas fait la totalité du tour.
14:24 Je retiendrai, disons, 4 mots clés.
14:26 Tout d'abord, évidemment,
14:28 nous avons parlé vraiment de la numérisation
14:31 au sens de la migration de supports
14:33 et non pas de la numérisation native,
14:36 qui est vraiment là, très, très loin encore
14:40 d'avoir, si j'ose dire, une réalité patrimoniale
14:43 au sens classique du terme,
14:44 c'est-à-dire accessibilité, etc.
14:47 Elle a une réalité administrative et patrimoniale
14:50 au sens de la collecte,
14:51 puisque, en effet, Gugino nous l'a rappelé,
14:54 les chiffres +350 % d'archives nativement numériques.
14:59 Mais on a surtout parlé de ce vecteur numérique
15:04 dont la matrice est, bien entendu,
15:07 celle de la reproduction,
15:10 au sens, d'ailleurs, dans beaucoup de services,
15:13 c'est souvent les services, notamment aux archives nationales,
15:16 c'est les services de reproduction, de la photocopie
15:19 qui sont devenus les premiers services
15:21 qui faisaient de la numérisation.
15:23 On le sait, cette numérisation,
15:26 évidemment, il y a des bibliothèques entières là-dessus,
15:28 mêle agréablement
15:30 une vaste migration de supports historiques, pluriséculaires,
15:35 qui fait qu'on la compare parfois même à Gutenberg, on va dire,
15:42 à une démultiplication de la diffusion.
15:44 Mais n'oublions jamais que si cette révolution numérique,
15:47 c'est bien ce que nous vivons,
15:48 toutes ces grandes mutations historiques de supports
15:51 dans, on va dire, les signaux d'encodage
15:55 du sens de l'humanité
15:56 s'accompagnent d'une destruction massive,
15:59 qu'ils soient des manuscrits médiévaux
16:01 au moment de l'imprimerie.
16:02 Et d'ailleurs, de ce point de vue-là,
16:04 j'aurais aimé poursuivre la discussion sur l'herbier,
16:08 puisque la numérisation de l'herbier
16:10 s'est accomplie avant tout,
16:12 je parle sous le contrôle de M. Pins,
16:13 je la vois plus, mais peut-être qu'elle est...
16:15 Ah, si, elle est là.
16:16 Non seulement d'une mutation entière du bâtiment,
16:20 d'un changement de culture complète des casiers,
16:24 d'un reconditionnement entier,
16:25 mais de la destruction aussi de beaucoup de choses
16:28 qui n'avaient pas de valeur patrimoniale,
16:30 à savoir, par exemple,
16:32 je donne cet exemple parce que je l'adore,
16:34 c'est tous les journaux
16:36 qui entouraient ces fameuses liasses.
16:40 C'était une pratique coutumière,
16:42 et surtout pour des herbes tropicales,
16:47 on demandait aux collecteurs,
16:48 qui, bien souvent, étaient à des milliers de kilomètres,
16:51 spécifiquement, de mettre leurs graines dans des journaux,
16:54 mais des journaux locaux.
16:57 Donc, ça veut dire que cet herbier à 6 millions
16:59 contenait...
17:01 Il n'y a pas des herbes qui venaient du monde entier,
17:02 mais quand même, c'était très colonial.
17:04 Le muséum, c'est l'Empire français.
17:07 D'ailleurs, à l'occasion, ils ont totalement dégéographisé
17:10 l'organisation.
17:11 Avant, c'était l'Empire.
17:13 Chaque étage était...
17:15 Et donc, moi, j'ai vu d'état,
17:16 puisque c'était la Société Graale qui faisait ce...
17:19 C'était quand même externalisé,
17:21 ou plutôt externalisé en interne.
17:22 Ils travaillaient dedans, mais bon.
17:25 Détruire des millions de pages
17:28 qui, évidemment, ne sont pas uniques,
17:30 sauf qu'elles donnaient des informations,
17:32 d'abord, sur la date de l'envoi,
17:34 sinon de la collecte approximative, etc.
17:36 Je ne vais pas développer l'exemple à l'infini,
17:38 mais voilà comment je parle de vecteur,
17:40 parce qu'en fait, il faut aller penser
17:42 jusqu'à la destruction, jusqu'à l'oblitération,
17:45 et donc la mutation de l'objet.
17:47 Alors sinon, on a vu, bien entendu,
17:51 des liens entre reproduction,
17:54 c'est-à-dire, au fond,
17:56 c'était l'intervention de Mme Maroufin.
18:00 Au fond, le numérique, ici,
18:01 il est essentiellement à la source même
18:03 de la copie du facsimilé.
18:06 Et au fond,
18:09 toute la difficulté, justement,
18:12 de cette nouvelle médiation pré-triennale
18:13 vise à faire oublier le numérique.
18:17 On pourrait aussi dire que, bien souvent,
18:19 et c'est d'ailleurs le cas de la couverture,
18:21 les deux espèces sont la même,
18:23 puisqu'en fait, là,
18:24 ce n'est pas une archive numérique,
18:25 c'est l'édition encodée du même texte.
18:29 C'est pareil sur le terme de l'école Deschardes, d'ailleurs.
18:31 Ce n'est pas une base de données qui est à côté,
18:34 c'est la traduction, c'est l'édition numérique.
18:36 Donc, encore, est-ce que c'est de la numérisation ?
18:39 C'est donc, en fait, de l'édition traditionnelle,
18:42 comme on en a toujours fait avant,
18:44 c'était sur papier, etc.
18:46 Je ne vais pas y passer des heures et des heures.
18:47 Et puis, toutes les interventions de l'après-midi
18:50 de Mme Vidal et Bidéon
18:52 nous ont aussi intéressé à la substitution
18:57 immatérielle, y compris in situ.
19:02 Mais c'est vrai que, dans le cas des archives,
19:05 le vecteur numérique s'accompagne souvent
19:08 de substitutions totales.
19:10 C'est-à-dire, après tout,
19:12 et là, c'est valable aussi pour les bibliothèques,
19:13 c'est celles qui en sont le plus victimes,
19:15 à partir du moment où un livre est en ligne,
19:17 il y a un registre matricule,
19:20 on ne voit pas pourquoi quelqu'un se déplacerait
19:22 pour le consulter.
19:24 Bon, c'est évident.
19:25 J'en arrive donc à ma 3e série de remarques,
19:29 mais tout à fait conclusive.
19:32 Conclusion dans la conclusion.
19:34 Tout de même, peut-être un 3e obstacle épistémologique
19:38 qui me semble révélé,
19:40 c'est comment étalonner,
19:42 et ça, ça m'a frappé pendant toute la journée,
19:44 les mutations,
19:45 quand on n'a pas forcément des études équivalentes
19:48 sur la sociologie du patrimoine, des pratiques patrimoines,
19:51 par exemple, dans les années 70, 80, etc.
19:54 Ca, c'est un problème de méthode pour moi,
19:55 parce que je suis démarche historienne,
19:58 mais pas que, socio-historienne.
20:02 Je prends un exemple.
20:04 Ce que j'ai entendu sur Chauvet 2 était très intéressant,
20:07 d'autant qu'en plus, comme vous le savez,
20:08 Chauvet 2, à la différence de Lascaux 4,
20:10 c'est un montage de la grotte.
20:13 C'est pas...
20:14 On tourne dans un...
20:16 Enfin, voilà, c'est un musée, en fait.
20:17 Ca n'a rien à voir avec un vrai facsimilé.
20:21 Par exemple, moi, il se trouve que j'étais guide à Lascaux 2.
20:25 Bon, moi, ce que j'ai entendu sur la montre
20:28 et...
20:29 Madame, vous ne voyez pas.
20:31 Et je l'ai vécu.
20:34 Vous voyez ce que je veux dire ?
20:35 Donc, au fond, comparabilité dans le temps.
20:39 Ce qui est le critère d'unité là, c'est évident,
20:42 c'est le tourisme de masse, la coulée continue,
20:46 la rentabilité, parce qu'en effet,
20:47 Chauvet 2, ça coûte beaucoup plus cher.
20:48 Lascaux 2, déjà, ça coûtait cher,
20:50 donc il fallait absolument le rentabiliser,
20:54 d'autant qu'en plus, ça avait été en partie financé
20:56 par des privés, et je ne parle même pas des PPP,
20:58 ce que les PPP font, les partenariats publics privés.
21:02 Voyez le zoo de Vincennes, c'est pas la peine d'aller plus loin.
21:06 Donc c'est très intéressant, mais voyez comment discriminer
21:10 les pratiques professionnelles et les discours
21:13 que les gens du patrimoine, implombés comme ça,
21:16 tiennent sur leur métier avant et après le numérique
21:19 quand on n'a pas forcément d'étalonnage
21:22 de points de comparaison.
21:23 Et ça a été une partie des débats.
21:25 Quelle est la part entre la tradition, la coutume, etc.
21:29 Au passage, d'ailleurs, Damien Amart nous a rappelé
21:32 que c'est même fondateur dans certaines professions.
21:36 Pourquoi l'association des archivistes se crée ?
21:38 Pas seulement parce que...
21:39 Les bibliothécaires, c'est l'année d'après,
21:41 parce qu'il y a une loi 1901, déjà.
21:44 Il faut d'abord qu'il y ait une loi 1901
21:45 pour qu'il y ait des associations
21:46 qui ne soient pas des syndicats qui se créent.
21:48 Ça, c'est un autre débat.
21:50 Mais c'est parce que la profession archiviste,
21:51 depuis les années 1890, est en pleine mutation
21:54 parce qu'elle, justement, se met à devenir une administration
21:58 qui collecte des archives contemporaines.
22:01 Premier décret de versement obligatoire,
22:03 1897-1898.
22:05 Et qu'il y a justement un immense projet de loi
22:07 qui n'apparaîtra pas en 1904
22:09 sur, en gros, déjà la nécessité
22:12 de ne pas imaginer une formation commune
22:16 archiviste bibliothécaire
22:18 et qui ne soit pas que l'ancienne école des Chartres.
22:22 Bon.
22:23 Donc, on voit bien que des précédents,
22:25 y compris dans le lien entre réforme administrative,
22:27 réforme des pratiques et réforme des supports,
22:29 on peut en trouver plein de précédents.
22:31 Si j'avais le temps, j'en développerais un
22:32 que je chéris particulièrement,
22:33 et j'aimerais beaucoup, d'ailleurs,
22:35 qu'il y ait une thèse là-dessus,
22:37 qui serait forcément un peu socio-historique
22:39 plutôt que sociologique, c'est le microfilmage.
22:43 Ce qu'on entend aujourd'hui sur l'animalisation,
22:46 dans les années 50-60,
22:48 le microfilmage systématique a déjà été,
22:51 là, je parle du secteur des archives, bien entendu,
22:54 on peut retrouver plein de points de comparaison intéressants.
22:58 On pourrait même dire, pour les archives,
23:01 la photographie.
23:03 Premier usage de la photographie, 1840,
23:05 dans les archives nationales.
23:06 Parce que très tôt, on s'est dit, l'année d'après,
23:10 au fond, ça va permettre de ne pas communiquer les originaux.
23:14 Et cetera, et cetera.
23:16 Et ça va même peut-être, même pour le microfilmage,
23:18 ça va permettre de ne pas collecter les archives.
23:21 On a une série ici extraordinaire de 500 microfilms
23:24 de fonds entiers qui n'ont jamais été collectés
23:28 ou qui ont atterri plus tard dans d'autres fonds
23:30 et qui ont été microfilmés pour éviter qu'on les collecte.
23:34 Et on le sait, quant à la médiation par rapport aux archives,
23:38 nos générations de quarantenaire, cinquantenaire, là,
23:41 nous, essentiellement, travaillent sur des microfilms.
23:46 On n'avait jamais accès aux originaux
23:47 pour les documents anciens, n'est-ce pas ?
23:50 Ou pour les documents contemporains type Etat civil,
23:53 qui étaient beaucoup trop manipulés, etc.
23:55 Donc, cherchons des comparaisons
23:58 et, bien entendu, cherchons des effets
24:00 sur la réception du patrimoine.
24:02 Vous l'avez dit, la journée l'a montré.
24:04 Bien entendu, la nationalisation participe
24:07 de la resacralisation du patrimoine,
24:09 puisque, par définition, il s'éloigne,
24:11 on ne peut plus le toucher.
24:13 Les gants blancs apparaissent avec le numérique.
24:17 Aucun archiviste ne fait penser mettre des gants à la télé
24:20 avant le monde du numérique,
24:22 parce que, tout d'un coup, ça devient intouchable.
24:26 Homo sacer, ou plutôt pater sacer monius,
24:29 ou mater, voilà, l'intouchable.
24:33 Donc, là, en effet, on peut faire du cali aussi,
24:36 mais du cali un peu anthropodur,
24:40 qui a le droit de toucher et qui n'a pas le droit de toucher.
24:44 Et là, ça peut, effectivement,
24:46 permettre d'avoir des critères discriminants.
24:49 Vous l'avez dit, d'ailleurs, ce matin.
24:51 Et le numérique, parfois,
24:53 ne reste que par les chaînes des bancs de numérisation,
24:56 permet à des personnes de toucher des documents
24:58 ou des anciens patrimoniaux
25:00 qu'elles n'auraient jamais touchés avant le numérique,
25:02 par exemple.
25:03 Et inversement, définitivement,
25:08 font que des publics ne toucheront plus jamais,
25:10 des publics, en général, experts,
25:12 des choses que...
25:14 Parce que c'est aussi ça, la particularité
25:17 dans l'incomparabilité du patrimoine des archives
25:19 par rapport aux autres, c'est que c'est le seul patrimoine
25:22 dont on a accès en le touchant, historiquement.
25:26 Le seul.
25:27 Tous les autres, on les voit.
25:28 Alors, s'il y a des monuments historiques,
25:29 on les gratte, on essaye de prendre un petit morceau,
25:32 mais bon.
25:33 Mais les archives, par définition,
25:37 ce n'est pas visuel, ce n'est pas des oeuvres,
25:39 ce n'est pas de l'art, ce n'est pas fait pour être vu,
25:41 ce n'est même pas vraiment toujours fait pour être lu.
25:45 Donc il faut les toucher.
25:48 Je termine, je vous rassure,
25:50 avec 4 questions fondamentales
25:56 que cette journée me semble soulever.
25:59 Là, je voudrais revenir d'abord
26:00 à ce qui a traversé toutes ces journées,
26:02 c'est, premièrement, la difficulté des terrains d'enquête.
26:07 Et j'en discute avec François de Souza, qui est ici,
26:10 et qui fait une thèse, justement,
26:12 en sociologie des professions, sur les archivistes,
26:16 comment délimiter un terrain d'enquête
26:20 dans le monde des archivistes.
26:22 Et tout d'abord, parce que les archives,
26:24 là encore, c'est leur spécificité,
26:25 sont une administration qui n'est pas que du patrimoine.
26:29 Et ça, ça les spécifie énormément.
26:33 Patrice l'a dit en rigolant tout à l'heure avec les musées,
26:36 ils n'ont pas de mission.
26:37 C'est vrai.
26:38 Bon.
26:41 Les archives sont une administration administrative.
26:46 Et en effet, dans cette administration,
26:49 il y a des chaînes de métiers,
26:51 mais il y a surtout des chaînes à l'amont
26:53 des services d'archives départementaux, nationaux, etc.
26:56 Il y en a à l'aval.
26:57 Et en plus, c'est une profession
26:59 qui n'est pas seulement dans le public,
27:01 qui, maintenant, est dans le privé.
27:02 Et là, bien sûr, ça peut se trouver
27:04 dans les autres secteurs du patrimoine,
27:06 les monuments historiques privés ou les musées privés,
27:08 mais aujourd'hui, on peut considérer
27:11 qu'il y a beaucoup... Les vrais enjeux des archives
27:13 sont plutôt dans le secteur privé que dans le secteur public,
27:17 sur le plan du numérique, par exemple, etc.
27:21 Donc la difficulté de délimiter le terrain d'enquête des archives
27:26 sans parler de la différence entre statut et fonction.
27:29 Parce que jusqu'à ce qu'aujourd'hui,
27:31 personne n'est archiviste.
27:35 Pour la bonne des impressions, le statut d'archiviste
27:37 sur le plan administratif a disparu.
27:39 Je ne sais plus quelle est la date, je crois que c'est 71,
27:41 quand a été créé le chargé d'études documentaires.
27:44 Avant, il y avait archiviste et sous-archiviste,
27:48 mais un conservateur d'archives ne s'est jamais dit archiviste.
27:52 Donc il faut peut-être partir de là.
27:53 Qu'est-ce qu'on dit quand on dit archiviste ?
27:55 Sinon, un imaginaire.
27:58 J'allais dire la couverture de Peter Szwitain, aujourd'hui.
28:04 Bon.
28:06 Donc ça, c'est quand même assez compliqué,
28:08 d'autant que cette chaîne d'administration
28:10 entre patrimoine, comme dirait Brében,
28:13 entre l'arsenal de l'administration
28:15 et le grenier de l'histoire, a toujours été polyvalente,
28:17 à cause de la magnétisation, à cause d'un héritage,
28:21 comme dire toutes les administrations.
28:22 Je vous rappelle qu'avant, et les archives jusque-tard,
28:25 avaient des huissiers, des cuisiniers.
28:27 Où s'arrête la fonction archive dans le service d'archives ?
28:32 Nulle part.
28:34 Moi, le manutentionnaire, il est beaucoup plus important
28:37 ou aussi important que celui qui reste dans son bureau, etc.
28:41 Donc la difficulté structurelle
28:43 de savoir où on va découper, au fond, le corpus,
28:49 d'autant qu'il y a aussi des phénomènes de génération.
28:51 Je dirais qu'aujourd'hui, il y a quand même un critère
28:54 fondamental, je pense, dans la France contemporaine,
28:56 c'est les masters d'archivistique.
28:59 Je peux dire, aujourd'hui, il y a ceux qui ont des masters,
29:01 et puis il y a aussi l'INP.
29:03 C'est-à-dire que, d'ailleurs, entre parenthèses, l'INP,
29:05 qui marque la professionnalisation d'une partie des archivistes
29:08 et d'une partie des chartistes en archiviste,
29:12 conservateur d'archives, justement,
29:14 ça ne date que de 92.
29:18 Et le 1er master d'archivistique, il ne date que de 78.
29:20 Et encore, c'est là, 76.
29:22 C'est ça. Je parle sous le contrôle des spécialistes.
29:26 Et en fait, c'est vraiment les années 90.
29:28 Donc, en plus, c'est une professionnalisation récente,
29:31 impartiale, partielle, et qui...
29:34 Impartiale, non, c'est pas...
29:36 Concurrentielle, etc.
29:39 Donc, évidemment, le facteur générationnel
29:41 doit être décisif dans les délimitations
29:44 de la prosopographie des services.
29:47 C'est évident. Parce que...
29:50 Et je ne parle pas, évidemment, dans tout ça,
29:52 du corps sacré, historique
29:56 des chartistes.
29:58 Bon.
30:01 Qui, eux, sont archivistes paléographes,
30:03 comme vous le savez.
30:04 Je renvoie à la thèse de Daniel Hemart,
30:06 qui s'appelle, justement,
30:08 des archivistes paléographes aux archivistes.
30:10 Bref.
30:11 Donc, problème de terrain et de délimitation de terrain.
30:14 2e problème, c'est le problème du statut des discours
30:17 sur les métiers.
30:18 On le voit, le numérique, à...
30:20 C'est évident, moi, j'avais fait quelques sondages.
30:23 Et vous l'avez très bien montré ce matin,
30:27 ça a fait renaître un discours du trésor,
30:30 qui avait complètement disparu dans les années 70-80.
30:32 Au contraire, l'imaginaire des archivistes,
30:34 c'était plutôt la coulée continue,
30:36 le nombre de versements.
30:38 C'est typiquement série W, voilà.
30:40 Clac, clac. Et même chez les archivistes patrimoniaux,
30:42 on va dire qui conservaient le trésor des chartes,
30:44 justement, ils conservaient le trésor des chartes,
30:46 mais ils assimilaient pas tout le reste à un trésor.
30:48 Alors, c'est tous les matins, on conserve des trésors, etc.
30:51 Mais justement, c'est pas...
30:52 Or, le paradoxe, c'est que la gloire des archivistes,
30:57 elle vient du fait que...
30:59 Enfin, la gloire, c'est un peu comme les archéologues,
31:02 leur patrimoine n'est pas propre.
31:03 Il vient de la poubelle, des déchets, de la poussière, etc.
31:08 Et qu'une façon, justement,
31:09 c'est pas de le transformer en permanence en golden...
31:13 Voilà.
31:15 Alors, quand ils le font,
31:17 et c'est ce que je crois, si vous me direz s'il y a une clèche,
31:19 c'est une mythologie interne à usage de l'extérieur.
31:23 Pour... C'est de la séduque.
31:26 C'est de la com pour dire les choses.
31:28 Et cette culture, elle s'approprie.
31:31 C'est une sorte de défense-illustration
31:32 et la numérisation, d'une certaine façon, à mon avis,
31:34 la renforce.
31:35 Renforce ce désir...
31:38 Alors que la réalité, en effet, elle a beaucoup changé.
31:42 Et ça, je pense que vous l'avez remarqué,
31:44 c'est qu'aujourd'hui, en tout cas, moi, je l'ai vécu
31:45 depuis 12 ans que je travaille ici,
31:47 le temps que passe un agent,
31:50 on va l'appeler un agent de ce service ici,
31:53 dans les magasins, y compris les magasiniers,
31:56 j'entends,
31:57 par rapport au temps qu'il passe dans son bureau,
31:59 je prendrai ce seul critère depuis 10 ans,
32:02 mais c'est valable pour, à mon avis, plein d'autres métiers.
32:06 Et là, on est passé à... Je ne sais pas.
32:09 La plupart des archivistes passent leur temps derrière un écran,
32:13 soit pour corriger des enjeux en terre, soit pour...
32:15 Bref, des archivistes, des agents des archives.
32:19 Je termine, je vous promets,
32:20 mais j'ai voulu essayer de rassembler.
32:23 Alors forcément, ça dure.
32:24 Excusez-moi, Brigitte.
32:26 Donc tout ça a des effets, forcément,
32:29 sur la représentation collective des usagers.
32:33 On le voit bien avec la numérisation en ligne.
32:36 On le voit bien aussi
32:38 avec la manière
32:42 dont les usagers attendent d'avoir accès,
32:45 je ne dirais même pas aux archives,
32:47 mais aux données que contiennent les archives.
32:48 Paradoxalement, les archivistes ou les conservateurs d'archives
32:52 avaient réussi à se libérer de l'inventaire à la pièce.
32:55 Dans les années, mettons, 50, enfin, ça a mis du temps.
32:58 Allez, disons jusqu'aux années 70.
33:01 La numérisation, on le voit quand on fait
33:04 des chantiers de numérisation, cette fois-ci de description,
33:07 fait revenir ce degré de description.
33:09 C'est normal parce que l'usager,
33:10 maintenant qu'il a l'information à un autre grain...
33:13 Et là, ça crée une tension monstrueuse,
33:16 parce que là, on n'est pas prêts du tout, du tout, du tout,
33:19 à revenir à ce degré de description.
33:22 Et je dirais que ça va même plus loin dans les cultures,
33:25 même, je dirais, de l'appréhension des archives
33:28 par les usagers, qu'ils soient savants ou moins savants.
33:31 La numérisation contribue énormément, je dirais,
33:34 à bidimensionaliser les archives.
33:37 Et là, c'est un constat que j'avais fait,
33:41 une espèce de petit bilan dans un article de la RHMC en 2011
33:45 sur ce qu'est-ce qu'on numérisait
33:48 dans les services d'archives départementaux.
33:50 Donc à 95 % des registres ou des cartes et plans.
33:54 Alors que les registres et cartes et plans,
33:58 c'est 0,1 %
34:00 de la manière dont les archives existent dans les fonds.
34:04 En général, c'est des liasses.
34:06 Et ces liasses, pour les numériser, il faut les démanteler.
34:09 Ne soit-ce pas parce qu'elles sont organisées de manière inverse
34:12 et pas systématiquement, parce qu'elles sont, justement, archéologiques.
34:15 Ça m'est arrivé plein de fois récemment, de dire,
34:18 "Je numérise ce carton tel qu'il est matériellement
34:20 "et je le mets dans l'ordre."
34:22 L'ordre, il est pas lisible.
34:24 Quand on est face au carton,
34:28 on sait qu'il faut renverser, etc.
34:30 Alors qu'est-ce qu'on va faire ?
34:31 On va démanteler le carton,
34:33 faire exactement ce que faisaient les archivistes
34:35 qui n'en étaient pas du XVIIIe siècle,
34:37 et faire des collections de textes.
34:38 Donc, en effet,
34:40 le numérique est en train d'oblitérer
34:43 et de changer beaucoup les pratiques
34:47 des usagers, des agents.
34:49 Ma dernière remarque, elle est, je dirais, un plaidoyer.
34:52 Un plaidoyer, justement, pour cette socio-histoire,
34:55 et ce qui, je trouve,
34:56 qui a été l'enjeu le plus remarquable de cette journée,
34:59 c'était, en permanence, d'essayer de mettre en rapport
35:01 le contexte de numérisation avec celui,
35:04 j'en ai pas beaucoup parlé, vous m'excuserez,
35:06 ce qui était la 2e table ronde, de la réforme de l'Etat.
35:09 C'est ce qui est, évidemment, le plus convain...
35:10 Pas le plus convaincant.
35:12 Le plus essentiel pour nous, aujourd'hui,
35:15 c'est de comprendre si, en fait, c'est une concordance des temps,
35:18 un hasard, évidemment que non.
35:20 Et votre problématique, c'est de montrer
35:23 que le lien, un lien entre la réforme administrative,
35:26 budgétaire, technologique,
35:29 de faire une histoire totale, en gros,
35:31 une socio-histoire totale de la mutation numérique,
35:34 et donc, ce lien entre réforme administrative,
35:37 technologique et des pratiques.
35:40 Et là encore, plaidoyer pour la comparaison historique.
35:45 En 1974, au lendemain de la crise,
35:48 un conseiller à la Cour des comptes, Jean Villain,
35:50 fait un beau rapport en disant, il faut qu'on fasse des économies.
35:54 Il faut qu'on fasse des économies de papier,
35:55 on le faisait tout le temps, pour rien.
35:57 Donc il faut qu'on triple les archives,
35:59 il faut surtout qu'on commence à passer à l'informatisation.
36:02 C'est un an avant le rapport Minc-Norra,
36:04 l'informatisation de la société,
36:05 qui est le début de la grande histoire, n'est-ce pas ?
36:09 Donc cette articulation, on peut la retrouver dans le temps,
36:11 plein de fois.
36:13 Et quand a été créé le service d'informatisation des AED,
36:16 par exemple ?
36:18 1965.
36:20 Yvan Cloulas.
36:22 Bon.
36:23 D'ailleurs, c'est drôle,
36:24 parce que ce service d'informatisation, au début,
36:26 c'était pour faire des bases de données,
36:27 comme les chercheurs,
36:28 puisqu'à l'époque, il y avait encore des CNRS.
36:29 Donc c'était arcade, vous voyez ?
36:31 Or, en fait, ce qu'il fallait faire,
36:33 c'était plutôt Aramis,
36:35 c'est-à-dire faire des outils de gestion
36:40 de l'entrée des archives,
36:42 et de coordonner le flux qui allait atterrir
36:44 à Fontainebleau dans les années qui suivent.
36:46 Donc moi, vraiment, c'est un appel à faire,
36:51 à mener des chantiers parallèles,
36:52 dans le temps et dans l'espace,
36:55 de ces moments de concordance
36:57 entre réformes administratives technologiques
37:00 et des pratiques patrimoniales,
37:03 mais aussi dans l'espace.
37:04 Et je crois que Patrice l'a montré à la fin,
37:07 dans l'espace, à différentes échelles territoriales,
37:10 au fond, tout cela,
37:13 ça conduit à faire une socio-histoire
37:15 des situations numériques,
37:17 beaucoup plus que de la numérisation.
37:18 Je préférais ce terme de "situation numérique",
37:20 comme on disait "situation coloniale"
37:22 à une certaine époque, n'est-ce pas ?
37:26 C'est-à-dire, au fond, voir comment le numérique
37:29 n'est évidemment à la fois tout,
37:31 une justification, un instrument,
37:35 un objet de discours,
37:36 mais qui n'est surtout rien de réel en soi,
37:40 par rapport à...
37:41 Il a son agentivité,
37:44 mais justement, pour mesurer cette agentivité,
37:46 pour mesurer la manière dont...
37:49 Il a des effets, mais ces effets, de toute façon,
37:52 peuvent avoir des effets complètement rétroactifs.
37:55 Et au total, j'ai l'impression
37:57 qu'on gagnerait beaucoup,
38:00 et pardon d'avoir été vraiment long,
38:03 à, justement, réhistoriciser
38:07 les formes comparables de la numérisation,
38:10 et surtout, à peut-être
38:14 échapper à cette inter...
38:17 Non pas opérabilité, mais intercomparabilité
38:19 des objets patrimoniaux, parce que, je pense,
38:23 qu'ils finissent par être trop larges,
38:27 et qu'en effet, il y a des distinctions
38:30 dans cette catégorie patrimoniale
38:32 qui sont...
38:34 Finalement, on subit le discours de l'Etat.
38:37 C'est l'Etat qui veut regrouper
38:38 dans une seule direction générale des patrimoines,
38:41 les archives, les musées.
38:42 Ca date que de 2010.
38:44 Enfin, l'Etat, la LOLF, quoi.
38:47 Donc, au fond,
38:52 est-ce qu'on doit justifier cette comparabilité,
38:55 alors que la première expérience, à tous les niveaux,
39:02 montre qu'elle pose problème ?
39:04 Alors, après, il y a des transversalités.
39:06 Je passe devant la directrice des études
39:09 et de la recherche de l'Institut national du patrimoine.
39:11 Les conservateurs du patrimoine sont tous formés côte à côte
39:14 pendant 18 mois.
39:15 Mais après, quand ils revendent...
39:18 C'est là où la réalité commence.
39:20 Voilà. Je me tais, et je vous remercie
39:23 de votre patience et de ces riches travaux.
39:28 Et moi, j'aimerais que ça continue,
39:29 que le Deps finance, que le SIA finance.
39:33 Donc, c'est un appel.
39:34 Le plaidoyer est un appel, Brigitte,
39:37 pour débloquer des fonds, n'est-ce pas,
39:40 et continuer à faire des enquêtes.
39:44 (Applaudissements)
39:48 (...)
39:52 (...)
39:55 [SILENCE]

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