• il y a 7 mois
SESSION 1 : DES PRESCRIPTIONS CENTRALISÉES :
LES EFFETS DES RÉFORMES PUBLIQUES SUR LE
CONTENU DU TRAVAIL ET LE CONTOUR DES GROUPES
PROFESSIONNELS

Entre adaptations et résistances. Les archivistes et la
réforme de l’État
Damien Hamard (Université d’Angers).
Transcription
00:00 Je passe la parole à Damien Amard qui va nous présenter entre adaptation et résistance,
00:10 les archivistes et la réforme de l'Etat.
00:13 Donc c'est toujours un exercice délicat, difficile voire délicat, que d'étudier la profession à laquelle on appartient
00:21 et de tenter de rendre compte d'une analyse devant une partie de ses membres.
00:28 Mais je ne me défausserai pas et je remercie les organisateurs et organisatrices de cette journée d'études
00:33 et plus particulièrement Brigitte Guignaud pour m'avoir invitée à cette journée.
00:39 Je vais commencer ma présentation par une citation de Martine de Boisdèvre lorsqu'elle était directrice des Archives de France
00:48 qui lors d'un colloque portant sur les archives face aux évolutions administratives qui s'est tenu en septembre 2017
00:57 tenait les mots suivants "Les archives sont profondément, consubstantiellement, le miroir et le reflet de notre société,
01:03 de notre organisation administrative, institutionnelle et politique, en fait de l'identité de notre pays,
01:08 car les archives apparaissent quand la nation naît".
01:13 Il est évident que si les archives sont le miroir de l'organisation de l'Etat, alors dès qu'une réforme de l'Etat apparaît,
01:21 elle va impacter les archivistes qui ont la responsabilité de ces archives.
01:26 Par réforme de l'Etat, on peut retenir trois angles possibles.
01:32 Le premier, c'est celui de la réforme des institutions publiques et politiques.
01:36 Le second, c'est la rénovation des doctrines juridiques et économiques qui font de l'action de l'Etat.
01:41 Et enfin, la réforme de l'administration de ses outils et ses rouages.
01:47 On voit dans l'histoire que la dynamique de réforme de l'Etat, elle trouve ses origines à partir des années 1930
01:54 où on va commencer à s'intéresser à la réorganisation administrative.
01:59 Dans les propos que je vais étudier aujourd'hui, je vais exclure l'approche du numérique qui a déjà été traitée,
02:08 qui le sera à nouveau dans la journée, même si vous verrez qu'à la fin, on y reviendra probablement.
02:13 Les archivistes sont intéressés à plusieurs tistres par ces mouvements de réforme de l'Etat.
02:18 Le premier, c'est qu'ils peuvent être l'objet direct de ces réformes, notamment lorsqu'elles concernent leur statut
02:24 pour les archivistes relevant du secteur public.
02:27 Mais ils sont aussi concernés de manière indirecte, puisque, on l'a dit tout à l'heure,
02:33 tous les changements qui impactent l'organisation administrative ont des conséquences sur les archives qui sont produites
02:38 ou la manière dont elles doivent être gérées, et donc ça va avoir des conséquences dans leur travail.
02:45 Ce qui m'intéresse directement dans ce que je vais vous présenter, c'est pas tant de décrire la modification de l'activité,
02:53 puisque vous allez voir que les réformes qui vont impacter l'activité des archivistes sont très nombreuses,
03:00 donc c'est un fait que l'activité est modifiée, mais c'est plutôt de voir la manière dont les archivistes,
03:05 considérés comme un groupe professionnel, se sont positionnés vis-à-vis de ces réformes,
03:10 et dans quelle mesure ils s'en sont saisis pour faire évoluer leur groupe.
03:15 Dans un premier temps, nous caractériserons les principales réformes qui ont impacté les archivistes,
03:20 avant d'envisager la manière dont ils ont résisté à ces évolutions, mais aussi comment ils ont pu s'y adapter.
03:25 Le prisme de l'Association des archivistes français va être prévalant dans mon analyse,
03:30 notamment parce que l'association, au cours de la période étudiée des années 1930 jusqu'à aujourd'hui,
03:36 l'association qui s'est créée en 1904, est parvenue progressivement, mais avec constance,
03:41 à intégrer l'ensemble des personnes qui se définissent comme archivistes,
03:45 et ainsi elle est représentative de l'évolution sociologique de la profession sur la période.
03:51 Dans la première partie, quelles sont les réformes qui impactent le corps professionnel des archivistes ?
03:57 On a tout d'abord des réformes institutionnelles, ce qu'on appelle maintenant le cadre de la modernisation de l'État.
04:03 On en trouve des traces très très tôt, et dès les années 1930 par exemple,
04:08 il y a déjà des compressions budgétaires et une réorganisation administrative,
04:13 et dès le numéro 2 de la Gazette des archives, qui est la publication de l'Association des archivistes français,
04:19 donc le numéro 2 est publié dès 1903, et c'est une opinion qui est exprimée par un des archivistes de l'association,
04:29 de dire que les compressions budgétaires et les réorganisations administratives vont avoir un double effet.
04:35 Un, d'apporter du travail supplémentaire aux archivistes, côté réorganisation,
04:39 mais deux, le deuxième effet, la compression budgétaire, il ne va pas y avoir plus de postes
04:44 pour gérer ces archives plus nombreuses à traiter, ou à traiter différemment.
04:49 Dès l'année suivante, en 1904, le président, dans son discours d'ouverture de l'Assemblée générale,
04:56 rappelle et s'excuse à nouveau de revenir sur le même sujet de la réforme administrative.
05:01 Donc on voit que très tôt, ça a été un sujet pour le corps professionnel.
05:06 Je passe, parce qu'il ne s'agit pas tant d'être exhaustif que de montrer les différentes typologies qui vont se présenter devant les archivistes.
05:13 En 1989, la circulaire Rocart, sur la révision des politiques publiques, souligne la nécessité d'une adaptation de l'État
05:20 pour accompagner ou devancer les mutations de la société.
05:23 En 2001, on en a parlé tout à l'heure, on trouve la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances,
05:29 qui modifie un cadre qui existait depuis 1959, et on va introduire une logique de performance,
05:34 de transparence de l'information, ou encore de réforme de la comptabilité publique.
05:39 Les choses s'accélèrent au début des années 2000, puisque en 2003 se présentent les SMR, les stratégies ministérielles de réforme,
05:48 qui fixent des objectifs chiffrés de réforme et d'amélioration de la performance,
05:52 tout en définissant les missions de chaque ministère, en déterminant les structures et les moyens nécessaires.
05:57 Apparaît à ce moment-là la notion de résultat.
06:01 En 2005, sont mis en place les audits de modernisation de l'État, donc on va établir des diagnostics sur la manière dont l'État remplit ses missions,
06:10 et puis il va s'agir de proposer des gains de productivité et de favoriser des améliorations de qualité du service.
06:17 Et d'émergence de projets de modernisation.
06:20 En 2007, ça a été dit tout à l'heure également, la révision générale des politiques publiques est lancée.
06:27 Elle a lieu jusqu'en 2012, et tout de suite, dans son prolongement, est présenté un nouveau dispositif qui s'appelle modernisation de l'action publique,
06:36 et qui est en fait son prolongement, à compter de 2012.
06:39 Ces réformes institutionnelles, elles s'illustrent aussi au niveau territorial.
06:44 Parmi les grands textes qu'on peut retenir, en 1960, on a un décret qui crée 21 circonscriptions d'action régionale.
06:53 En 1964, un décret qui met en place une organisation administrative régionale, dans les circonscriptions précédemment définies.
07:04 Toujours dans les années 60, on a une réforme des services extérieurs de l'État, et on voit apparaître des grandes directions,
07:11 l'équipement, l'agriculture, les affaires sociales et sanitaires, dont une grande partie d'entre elles structure encore l'administration française.
07:18 En 1982, on a la décentralisation, qui est la première vague qui est lancée, et qui va trouver des vagues successives par la suite.
07:28 Et puis, pour les archivistes, dans les réformes territoriales qui ont compté, en 1992, on a des regroupements de communes,
07:39 dans ce qui va être appelé des intercommunalités de projets. Donc on avait déjà des syndicats qui existaient.
07:45 Mais là, on repart sur une nouvelle dynamique, et cette dynamique va être poursuivie, et on va voir, jusqu'à encore très récemment,
07:54 l'émergence de typologies de regroupements très variées.
07:58 Le deuxième type de réformes sont des réformes archivistiques, qui en réalité relèvent, je les ai qualifiées d'archivistiques,
08:06 parce qu'elles vont impacter directement le périmètre d'action des archivistes, et elles les concernent directement.
08:12 Mais il s'agit beaucoup de réformes juridiques, dont Bruno Ricard a parlé ce matin.
08:19 On a en 1978 les lois Cada et lois Cnil. L'année suivante, évidemment, la loi Archives.
08:26 En 2001, on a la circulaire du Premier ministre sur les archives des services et établissements publics.
08:33 En 2008, on a une nouvelle loi Archives, qui va modifier les délais de communicabilité, l'évolution des possibilités d'externalisation.
08:41 Et puis, dans un cadre qui devient national, mais qui est d'abord européen, en 2016, on a le Règlement général sur la protection des données,
08:51 qui entre en vigueur deux ans plus tard. Et de manière générale, c'est juste un exemple, mais au-delà de notre législation et de notre réglementation française,
08:58 il y a un cadre européen et international, qui va notamment autour de l'accessibilité, qui va impacter les services d'archives.
09:07 Je vais juste donner un exemple, celui du traité de Marrakech de 2013, qui va créer une exception aux droits d'auteur,
09:13 pour permettre notamment aux établissements culturels de pouvoir donner accès aux personnes aveugles et déficientes de visuel.
09:21 Le troisième type de réforme, ce sont les réformes qui vont impacter directement la profession et/ou la formation.
09:28 Sur la période étudiée, il y a bien sûr 1946, la création d'un statut général des fonctionnaires.
09:34 En 1951, dans la formation, il y a la création en France du stage technique international d'archives,
09:40 qui va être un stage professionnalisant qui va terminer le cursus à l'issue de l'École nationale des Chartes.
09:47 À compter des années 1960, on a un développement de l'enseignement universitaire,
09:52 qui petit à petit va conduire aussi à l'ouverture de formations professionnalisantes d'archivistes,
09:58 et donc l'émergence de nouveaux types d'archivistes, ou en tout cas des archivistes qui ont reçu une autre formation.
10:05 En 1983, on a un nouveau statut général des fonctionnaires, qui va prendre en compte la décentralisation.
10:12 En 1990, on a la création de l'École nationale du patrimoine, et celle d'un corps unique des conservateurs du patrimoine.
10:18 Et puis, dix ans plus tard, cette École nationale va devenir l'Institut national du patrimoine.
10:24 Donc, le tableau que je viens de dresser n'a pas l'ambition d'être exhaustif,
10:29 mais il témoigne de la diversité des changements qui vont concerner, encore une fois, directement ou indirectement,
10:35 le corps professionnel des archivistes.
10:39 Et donc, les archivistes vont se positionner de différentes manières vis-à-vis de ces réformes.
10:45 Tout d'abord, ils vont tenter de résister.
10:49 Alors, le premier type de résistance, c'est ce que j'ai appelé des résistances amicales et professionnelles,
10:54 par clin d'œil avec le nom initial de l'association, qui était l'Association amicale et professionnelle des archivistes français.
11:00 A compter de 1929 et jusqu'en 1979, il y avait dans la manière d'interagir entre l'Association des archivistes français et la Direction des archives de France,
11:14 ce qu'on appelait la politique des vœux.
11:16 Donc, lors de chaque Assemblée générale, l'Assemblée générale réunie votait des vœux,
11:23 qui ensuite étaient présentés formellement au Directeur des archives de France,
11:28 qui répondait à l'ensemble de ces vœux.
11:32 Et donc, par exemple, on voit qu'en 1959, l'Association professionnelle des archivistes français émit des conséquences
11:43 qui n'ont pu être corrigées des décrets de 1934, touchant à la suppression de plusieurs postes départementaux.
11:48 On est dans le cadre d'une compression budgétaire.
11:50 Et met le vœu que l'application des décrets-lois du 15 mars 1939, l'année suivante, sur l'arrêt du recrutement des fonctionnaires,
11:57 comportent des exceptions en ce qui concerne les fonctionnaires des archives départementales, fonctionnaires uniques de cadre régional.
12:04 Donc, on voit en fait que dans ces vœux, qui indifféremment portent soit sur des aspects techniques de la profession,
12:11 ou sur l'évolution du statut, on voit que parfois, certains vœux concernent directement les réformes, soit en amont ou soit en aval.
12:24 C'est aussi lors d'un vœu qui est validé, le principe en 1970, de préparer un livre blanc sur la situation des archives en France,
12:32 qui va décrire la situation et qui va appeler un certain nombre, qui va appeler les politiques et l'administration à faire évoluer les choses.
12:40 Ces vœux étaient parfois précédés ou suivis de groupes de travail ou groupes d'études.
12:47 Ce sont des groupes de travail qui ont été créés par l'Association des archivistes français à partir de 1967,
12:52 et qui permettent de, pas seulement de formaliser une demande à l'administration, mais aussi d'être un acteur en contribuant à certains changements.
13:05 En 1979, l'Association des archivistes français met fin à la politique des vœux.
13:10 Cela s'explique dans un cadre de séparation stricte de l'association et de l'administration des archives.
13:16 Néanmoins, pendant 20 ans, cela va être poursuivi par une nouvelle formule, qui est celle de la situation des archives en France,
13:24 où on va être plutôt sur une description de la situation des archives publiques en France, mais qui seront toujours conclues par des demandes,
13:33 sans qu'on sache précisément, évidemment, cette situation.
13:39 Ce document a été transmis à la direction des archives de France, mais qui n'était plus tenu d'y répondre,
13:44 ou en tout cas qui n'a pas toujours formellement répondu à cette synthèse.
13:49 L'autre élément par lequel les archivistes ont tenté de contribuer à se positionner en amont de ces réformes, c'est par les questions à l'étude.
14:01 À partir de 1950, l'association crée des questions à l'étude, et il s'agit pour chaque groupe régional d'archivistes
14:08 de se réunir autour d'un thème qui est imposé à l'échelle nationale, de faire des propositions,
14:13 et ensuite il y a une synthèse qui est présentée devant l'Assemblée Générale.
14:17 J'ai retenu deux questions qui concernent la question de cette réforme.
14:26 En 1961, il y a une question autour du recrutement et de la formation professionnelle des conservateurs d'archives,
14:31 et en 1986, une question sur les archives dans la décentralisation.
14:37 Le deuxième type de résistance qu'on peut observer du côté des archivistes, c'est celui qu'on appelle aujourd'hui du lobbying,
14:44 évidemment, terme qui n'était pas revendiqué au début du XXe siècle.
14:50 Lorsqu'il y a un enjeu institutionnel, les archivistes se sont mobilisés et sont presque sortis de leur cadre habituel de réserve
15:01 pour pouvoir tenter de faire passer des messages auprès des parlementaires.
15:05 Et ça s'est illustré de manière quasiment unique, en tout cas à cette échelle, au moment de la décentralisation.
15:11 Non pas dans les lois qui vont mener à la décentralisation, mais plutôt dans son application.
15:18 Et notamment une loi qui, en 1986, un projet de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales,
15:26 il y a dans le projet de loi un article sur les subventions de l'État pour les archives des collectivités territoriales,
15:32 qui est supprimé au Sénat. Et donc là, il y a un fort travail qui est fait avec les archivistes à qui on demande d'approcher leurs conseillers généraux.
15:44 Et c'est une des forces du réseau archivistique, c'est qu'il est présent sur l'ensemble du territoire.
15:48 Il y a deux communiqués de presse qui sont envoyés aux partis politiques, deux versions de communiqués de presse,
15:53 qui sont envoyées aux partis politiques et aux médias, et à une cinquantaine de journaux.
16:00 Et on voit que cette méthode, cette tentative de faire passer des messages via les parlementaires,
16:06 elle est poursuivie jusqu'au début des années 90, toujours dans des questions de vote du budget du ministère de la Culture.
16:13 Mais ce que les archivistes observent, c'est que malgré tous les efforts qui sont faits, il y a très peu de résultats.
16:21 On observe bien plus tard, dans les années 2010, un autre mode de lobbying autour de la pétition RGPD,
16:30 une pétition qui s'appelait EU DataPay, où à l'issue du forum des archivistes qui s'est tenu à Angers en 2013,
16:40 l'Assemblée générale des archivistes a décidé de lancer une pétition citoyenne.
16:45 Et c'est la première fois que l'AF est à l'origine d'une pétition. Il y a eu quelques exemples où elle a suivi des pétitions
16:53 lancées par des historiens, des usagers des archives, mais là elle est vraiment à l'origine,
16:58 en mettant en avant vraiment un enjeu citoyen, sociétal, et elle va être suivie très largement par des historiens,
17:05 par des citoyens, par des politiques. Elle va être suivie en France, mais également en dehors de ses frontières.
17:11 Et donc cette pétition va être à compter dans les décisions qui ont conduit à amender le texte du RGPD
17:21 et à prévoir une exception historique à la conservation des données personnelles.
17:25 Dernier élément de lobbying, l'AF, en 2019, le nouveau conseil d'administration avait fait un de ses objectifs principaux,
17:34 la mise en place d'un plaidoyer qui devait inscrire des actions de lobbying, de communication et de sensibilisation
17:44 auprès des élus dans un projet associatif affiché, pérenne, soutenu et partagé à l'échelle des professionnels des archives,
17:49 mais aussi de la société civile. Il se trouve que le mandat du conseil d'administration de 2019 à 2022 a été empêché
17:58 en grande partie par le contexte sanitaire. Et une des manifestations concrètes de ces patents,
18:06 la rédaction d'un plaidoyer, qu'une action concrète, notamment il y a eu le choix de l'AF de se positionner dans le débat
18:16 sur l'accès aux archives classées Secrets Défense, avec une prise de position dans un collectif informel
18:22 qui était baptisé Accès aux archives publiques, qui a été fédéré par l'Association des archistes français,
18:28 en lien avec l'Association des historiens contemporanistes de l'enseignement supérieur et de la recherche
18:32 et l'Association Josette et Maurice Audin. Ce qui est à noter, c'est que les actions ont permis de faire bouger les lignes,
18:40 mais néanmoins, dans son dernier rapport moral, la présidente expliquait ceci,
18:46 "Le Conseil d'administration a fait unanimement le choix de défendre une position citoyenne qui a pu apparaître clivante à certains d'entre vous,
18:52 voire semblait dépasser le rôle d'une association professionnelle et de professionnels. Par cet engagement,
18:57 dans lequel l'AF s'est aussi opposée au ministère de la Culture, alors même que lors des précédentes révisions du Code du patrimoine,
19:02 nous étions plutôt dans une dimension de concertation et de soutien, j'en suis persuadé, nous avons contribué à partager
19:07 les valeurs du métier et renforcer notre rôle et notre place dans la société en tant qu'archiviste."
19:12 On voit là en fait que c'est un des exemples où sur la base d'une action forte qui relève du mandat de la profession,
19:23 en votre cas qui interroge le mandat de la profession, il va y avoir une résistance interne.
19:28 Et j'en viens justement à mon troisième élément de résistance, les résistances internes.
19:33 On trouve assez tôt, notamment dans un congrès national des archivistes français, donc organisé par la direction des Archives de France cette fois,
19:44 en 1990, il y a un échange entre les présents autour du nombre de places ouvertes au concours d'accès de l'École nationale des Chartes.
19:54 Et Jean-Fabien, qui est là pour débattre avec l'assistance, rappelle qu'en 1975, 15 ans plus tôt, il avait été sifflé quand il avait proposé
20:04 d'ouvrir un tour extérieur pour l'accès à l'École nationale des Chartes. Et donc il explique en 1990 que s'il avait été soutenu par la profession 15 ans plus tôt,
20:13 ça aurait été suivi des faits, alors que pendant 15 ans en fait, des postes ont été supprimés faute de candidats pour pouvoir les pourvoir.
20:21 Le deuxième autre moment de résistance interne est celui autour de tentatives de modification du rattagement de la direction des Archives de France
20:31 pour la sortir du ministère de la Culture. En 2007, trois membres du conseil d'administration, pensant être mandatés par le conseil d'administration,
20:44 ont engagé des démarches très avancées avec des cabinets de consultants, ont approché des parlementaires, ont approché des ministres,
20:51 dans le cadre de la RGPP, pour tenter de sortir les Archives de la Culture, de proposer une structure type INA qui s'autant financera en partie,
21:03 avec une partie de financement propre, une partie de financement de l'État, une partie de financement de ses membres pour certaines activités.
21:09 Il y a un monstre qui s'appelle l'INA qui fonctionne extrêmement bien, il y a un autre monstre qui s'appelle l'ABNF qui se débrouille très bien,
21:14 pourquoi on n'aurait pas un monstre archive qui ferait la même chose ? Et il se trouve qu'en faisant état de l'avancée de ces travaux,
21:22 la présidente de l'association s'est retrouvée désavouée par son conseil d'administration. Et là, on touche bien à la limite de l'exercice d'une profession
21:32 qui est très variée, d'une association qui a œuvré toute sa vie durant à accueillir l'ensemble des archivistes, donc à travailler beaucoup sur la licence
21:40 de la profession, ça veut dire quoi être archiviste ? Et on agrandit le spectre. Mais plus on agrandit, plus les membres de la profession sont différents,
21:47 et juste peut-être à un moment où on n'est plus capable de s'accorder sur notre mandat.
21:53 Pour autant, à côté de ces résistances, les archivistes se sont adaptés. Ils se sont adaptés dans l'action. Dans l'action, et je citerai deux exemples.
22:06 Le premier, c'est l'exemple des regroupements de communes dans les années 90. On a vu que concrètement, sur le terrain, ça s'est traduit par plein de situations différentes.
22:14 Des villes sièges d'intercommunalité qui ont pris une compétence gestion des archives, des intercommunalités qui ont géré les archives de certaines villes membres.
22:23 Donc voilà, dans l'action, on voit que les archivistes s'adaptent aux réformes qui sont proposées. L'autre élément de réforme, dans le prolongement de la circulaire
22:31 du Premier ministre de 2001, on a observé que les opérateurs de l'État se sont saisis de ce texte qui, objectivement, n'était pas très engageant, mais se sont saisis
22:42 et ça a été une opportunité pour bon nombre d'archivistes d'asseoir une fonction archive dans leur établissement. Je citerai le cas des universités qui se sont largement développées
22:50 à partir de ces années 2001. L'autre adaptation des archivistes, c'est celui de la discrétion. Concernant la loi de 1979, le mandat avait été donné par l'association
23:05 qu'elle soit représentée et que son président porte la parole auprès des médias de la presse, mais en fait, il avait été rapidement convenu de ne pas empêcher
23:14 ce qui pourrait se faire par la direction des Archives de France et finalement, plutôt d'envisager des droits de réponse si des articles étaient mal construits.
23:21 Si on prend la loi de 2008, il n'y a eu aucun débat sur le forum Archives FR qui était, à ce moment-là, un des lieux de débat de la profession.
23:30 En matière de communication, on peut observer que l'association s'est longtemps chargée elle-même, enfin les archivistes se sont longtemps chargés eux-mêmes
23:38 de la communication et ont consenti qu'en 2005, c'était une vraie compétence, un vrai métier. Il fallait donc mieux recruter des personnes qui avaient ces compétences
23:50 pour être plus efficaces dans la capacité à agir. Et dernier élément, sur l'aspect de la réflexion. C'est-à-dire que ce qu'on observe, c'est que
24:04 si les archivistes sont souvent à l'instant en retrait, en amont des réformes, en revanche, ils ont une forte tendance à s'interroger sur les conséquences
24:14 de ces révisions. Et dans le cadre des journées d'études qui ont été mises en place par l'AF à partir de 1983, on voit, à compter des années 2000,
24:24 qu'un certain nombre de journées d'études portent justement sur les réformes ou les conséquences des réformes. Je citerai quelques exemples. En 2005, on a une journée
24:33 d'études sur les transferts de compétences, transferts d'archives, d'évolution des archives courantaires, intermédiaires et définitives. En 2010, 20 ans d'activité
24:40 des services d'archives des régions. Et un dernier en 2011, archives départementales et territoires entre réformes de l'administration territoriale
24:47 et territorialisation de la culture. En conséquence, il y a une difficulté pour le corps professionnel des archivistes fort varié de s'accorder sur le mandat
24:56 de la profession. Et donc, il est plus facile de s'adapter aux réformes, de voir ce qu'elles ont entraîné sur le métier, et éventuellement de tenter de mettre
25:05 en place des actions "correctives" ou plutôt d'adaptation via la formation professionnelle par exemple, pour faire évoluer le métier, plutôt que de se positionner
25:14 en amont. Ce qui est intéressant de ce point de vue-là, quand on touche sur les métiers d'archivistes qui sont très variés, ils sont très variés, sauf qu'il y a
25:25 un élément qui aujourd'hui les impacte tous et depuis très longtemps, c'est l'environnement numérique. Que vous soyez dans le secteur privé, dans le secteur public,
25:31 que vous travaillez sur les archives anciennes ou les archives électroniques, vous êtes impacté par le numérique. Et donc, peut-être que là, ça va être un endroit
25:39 où les archivistes, un carrefour où les archivistes vont pouvoir se rejoindre. Un élément intéressant, il y a eu un groupe de travail qui a été créé dans les années 1960
25:49 autour de la mécanographie, qui s'est ensuite au niveau de l'AF transformé en groupe de travail informatique, et qui aujourd'hui est devenu le groupe de travail
25:57 sur les archives électroniques. Donc on voit qu'il y a un groupe de travail qui s'est ouvert dans les années 1960, qui s'est transformé, qui a évolué, mais qui
26:03 néanmoins s'est toujours maintenu. Et donc, pour boucler la boucle, je reprends à nouveau des mots de Martine de Boisdeff dans ce même colloque, en parlant
26:14 aux archivistes de Morelle, "Nous ne saurions nous borner à n'être que des témoins, nous faillirons, nous sommes et devons être des acteurs impliqués et responsables
26:21 dans ce changement passionnant." Je vous remercie.
26:24 [Applaudissements]
26:27 Merci.
26:28 [Applaudissements]
26:31 [Applaudissements]
26:34 [SILENCE]

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