SMART TECH - Emission du lundi 25 mars

  • il y a 6 mois
Lundi 25 mars 2024, SMART TECH reçoit Marie-Christine Levet (Fondatrice, Educapital) , Julien Pillot (Consultant, Enseignant-chercheur en économie, Inseec - Groupe Omnes Education) et Yann Lechelle (entrepreneur de la tech et cofondateur, probabl.AI)

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00:00 (Générique)
00:08 Bonjour à tous, c'est le grand débrief de la tech dans Smartech aujourd'hui.
00:11 Alors on est en compagnie, en bonne compagnie, Marie-Christine Leved et du Capital,
00:15 Julien Pillaud de l'INSEC, pardon, et Yann Lechel de Sens Digital.
00:20 On va parler ensemble de ce rapport qui a été rendu à Emmanuel Macron sur l'intelligence artificielle.
00:25 Comment est-ce qu'on va faire de la France un leader dans l'IA ?
00:27 Oui, parce qu'on peut y arriver, on y croit.
00:29 Autre sujet, TikTok. TikTok pourrait-il être acheté par les Américains ou peut-être interdit totalement ?
00:35 On va évidemment revenir sur cette guerre aux écrans qui se fait de plus en plus féroce.
00:39 On ne sait pas jusqu'où ça va aller.
00:41 Et puis un petit clin d'œil aussi aux coupes budgétaires puisque le plan France très haut débit pourrait être menacé.
00:47 Voilà, pour le menu du grand débrief, c'est tout de suite dans Smartech.
00:55 Alors pour ce débrief, j'ai convié trois commentateurs. Marie-Christine Leved, bonjour.
01:00 Merci d'être avec nous dans Smartech, fondatrice d'Educapital, je rappelle, le plus grand fonds d'investissement dans les headtech.
01:06 À côté de vous, Yann Lechel, entrepreneur éternel de la tech avec un tout nouveau projet qu'on encourage beaucoup, cofondateur et PDG de Probable.ai.
01:16 Bonjour Yann. Et Julien Pillaud, consultant, enseignant-chercheur en économie à l'INSEC.
01:21 Merci d'être avec nous aussi, Julien. Bienvenue.
01:24 On va commencer avec ce premier sujet en intelligence artificielle.
01:28 On a désormais un rapport qui va nous permettre peut-être de devenir un leader.
01:32 C'est en tout cas l'ambition de la commission de l'intelligence artificielle qui produit 25 recommandations qui ont été remises entre les mains du président de la République récemment.
01:42 On ne va peut-être pas toutes les lister. Il y a sept grandes lignes prioritaires qu'on pourra commenter si vous le souhaitez.
01:48 Mais déjà, je voulais avoir votre premier sentiment sur ce rapport. Comment est-ce que vous l'avez reçu ?
01:53 Est-ce qu'il vous a semblé qu'on avait pris là le bon chemin pour avoir une place dans cette nouvelle révolution qu'est l'intelligence artificielle ?
02:02 Marie-Christine. Moi, je trouve que c'est une bonne chose. C'est une bonne chose de montrer que l'intelligence artificielle a vraiment une place énorme à prendre.
02:09 Il va révolutionner le numérique. C'est une bonne chose aussi, moi, du point de vue d'investisseuse, de dire qu'il faut beaucoup plus investir que ce qu'on a fait.
02:17 J'étais aujourd'hui dans ce domaine. Les États-Unis investissent 20 fois plus que nous. Si on compare avec le nombre d'habitants qui est moindre, ça fait 3 à 4 fois de plus que nous.
02:27 Le rapport a donné la préconisation de mettre un fonds de 10 milliards sur le sujet. C'est plutôt une très bonne nouvelle.
02:34 Fonds qui devraient aller chercher des capitaux dans l'assurance-vie, dans les fonds de pension, ce que l'on ne fait jamais en France.
02:41 Et ceci est fait aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Suède.
02:44 Mais ça vous y croyez ? Parce que ça demande quand même un revoir de notre fiscalité.
02:47 On ne l'a jamais fait. Tout le monde milite pour ce point-là depuis des années dans le métier du capital d'investissement.
02:52 On n'a jamais réussi à le faire. Donc si on arrive, ce serait une très bonne nouvelle.
02:55 Tout ça, ce sont des sujets très louables. C'est plutôt bien fait.
02:58 Après, est-ce que ça sera mis en place ? C'est mon grand point d'interrogation.
03:03 Quand je sais que sur l'éducation, l'IA joue un rôle fondamental. L'IA génératif, c'est une révolution dans le domaine de l'éducation.
03:11 On a un programme d'investissement d'avenir dans l'IA et l'éducation.
03:15 C'est une très bonne chose positive. Mais il n'est doté que d'une dizaine de millions d'euros.
03:19 Ce qui n'est rien par rapport à ce que les États-Unis, l'Inde investissent dans l'IA et l'éducation.
03:24 Et on a mis deux ans, on l'a entendu, il se met en place pendant deux ans.
03:28 Donc voilà, il faut être sûr que ce ne soit pas que de la com et des bonnes paroles.
03:32 Et que ça se suive de fait.
03:34 Et puis, je le rappelais dans un petit édito, mais ce n'est pas le premier rapport sur l'IA qu'on a.
03:38 Donc on a vraiment envie, ça y est, qu'on passe à la vitesse supérieure.
03:42 Julien ?
03:43 Oui, justement, ce rapport s'inscrit pour moi dans la continuité du rapport de Cédric Villani.
03:48 C'est ce qu'il dit lui-même d'ailleurs. C'est ce qu'il m'a confié quand j'ai posé la question.
03:52 Je suis content d'être d'accord avec lui.
03:54 Adhéré par Cédric Villani.
03:56 Voilà, très bien. C'est plutôt une bonne chose.
03:59 Parce que déjà, le rapport de M. Villani était plutôt en avance sur son temps.
04:03 Et extrêmement bien réalisé.
04:05 Celui-ci est dans la continuité, donc c'est plutôt intéressant.
04:08 Je le trouve extrêmement ambitieux. Peut-être un peu trop.
04:11 Peut-être un petit peu trop.
04:13 Pourquoi trop ?
04:15 J'imagine que la question du passage des bonnes intentions aux actes
04:21 risque de se poser avec beaucoup d'acuité dans un monde dans lequel le donnier public se fait très rare
04:26 et que l'on charge les économies un petit peu de partout.
04:29 Donc on a un risque de déception, c'est ça ?
04:32 Ce n'est pas impossible. Il y a peut-être un problème aussi d'acceptabilité sociale
04:36 lorsqu'il y a des coûts budgétaires qui se font ressentir sur le très court terme
04:40 versus des plans d'investissement qui produiront peut-être leurs effets sur le très long terme
04:44 et peut-être que ces effets, tout le monde n'en bénéficiera pas.
04:47 Donc il y a ça. Il y a aussi le côté impact sur le PIB qui moi m'interpelle.
04:52 Je le trouve très optimiste parce qu'il s'agirait en fait à horizon 2030
04:56 d'avoir un impact de l'industrie, de l'intelligence artificielle
04:59 qui soit au même niveau grosso modo de l'ensemble de la contribution de notre secteur industriel au PIB
05:06 ce qui me paraît très ambitieux, on peut y croire, mais bon malgré tout j'imagine que dans le déploiement...
05:11 Est-ce que ce ne sera pas le cas dans d'autres pays ?
05:13 Qu'est-ce qui vous semble ambitieux ? C'est pour la France ou de manière générale ?
05:16 C'est que ça dépend d'abord de notre capacité à investir.
05:18 Donc on revient sur les propos que je tenais auparavant.
05:20 C'est que tout dépend de notre capacité à investir de façon rapide, de façon massive
05:26 et de façon en plus de ça intelligente, en essayant peut-être d'avoir des endroits où on est extrêmement fort
05:31 plutôt qu'essayer de se disperser au risque d'être bon nulle part sur le plan compétitif et concurrentiel.
05:35 Et puis il y a pour moi un manque quand même dans ce rapport, c'est l'impact environnemental de l'intelligence artificielle.
05:42 L'intelligence artificielle, oui très bien, mais pour faire quoi ?
05:46 Quand on sait que même Sam Altman considère aujourd'hui que les appels énergétiques d'intelligence artificielle
05:53 sont tels que pour pouvoir aller un peu plus loin dans le développement des fondamentaux d'intelligence artificielle
05:59 il faudra probablement une rupture technologique majeure, notamment la fusion nucléaire.
06:03 Moi je dis ok, l'intelligence artificielle, mais pour faire quoi ?
06:07 Si c'est pour contribuer au progrès de l'humanité, à la santé, à l'éducation et ce genre de choses, il n'y a pas de problème.
06:13 Si c'est pour continuer à creuser une connectivité avec une finalité commerciale à tout crin, je serais un peu moins optimiste.
06:21 Pour faire quoi ? C'est le premier rapport de Villani qui en parlait, du sens qu'on voulait donner à l'intelligence artificielle
06:27 avec des secteurs vraiment prioritaires.
06:29 Yann, par rapport à cette commission qui a travaillé pendant des mois, ce rapport de plus d'une centaine de pages, qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
06:37 Alors déjà je tiens à saluer Gael Varroco, mon cofondateur, un de mes cofondateurs qui participait à cette commission.
06:43 Donc lui est scientifique, il est directeur de recherche à l'université d'Ottawa et lui représentait la science au sens le plus pur, c'est-à-dire l'état de l'art.
06:54 Et aujourd'hui il est clair que ce rapport est issu de l'engouement autour de la generative AI, l'IA générative.
07:02 Donc il n'y a pas que ça dans l'IA et précisément c'est cette IA-là qui crée cette bulle potentiellement, dont il faut se méfier,
07:11 mais aussi cet engouement autour d'une technologie fondationnelle sur des sujets linguistiques par exemple, sémantiques,
07:19 donc cette IA pour les littéraires alors que de mon côté je traite plutôt l'IA pour les matheux.
07:24 Donc il y a toute catégorie d'IA. Ce rapport est très volontaire dans le sens où il se positionne comme un vecteur pour aller de l'avant, ce qui est très bien.
07:34 Donc il est relativement équilibré, complet, ambitieux, je trouve que c'est une bonne chose parce qu'il sera raboté, évidemment.
07:40 Il est ambitieux sur un point de vue business, pas sur un point de vue recherche finalement.
07:45 Tout de même, c'est-à-dire que globalement il y a quelques leviers intéressants comme sur le sujet de l'adéquation entre les RGPD européens et la CNIL.
07:54 Donc l'idée c'est de débloquer certaines verticales de données pour permettre aux chercheurs justement d'avancer sur ces sujets.
08:01 Créer une exception en fait pour la recherche.
08:04 Alors nous avions une exception, oui c'est ça, en fait c'est débloquer cette exception pour permettre à la recherche de faire ce qu'elle fait.
08:12 De travailler sur les grands modèles d'intelligence artificielle.
08:14 Donc on est dans un document qui n'est qu'une proposition, parce que cette proposition doit être raduite par la suite, évidemment, et rabotée probablement, malheureusement.
08:23 La réalité c'est que la France est à la hauteur de son PIB mondial, donc on ne fait que rattraper certains pays, et parfois moins bien, les Etats-Unis étant devant.
08:35 Ce que je regrette évidemment dans un tel rapport, mais évidemment tout le monde le sait, c'est que nous sommes en retard sur la partie infrastructure.
08:42 On a très très bien vu d'ailleurs avec l'annonce de Nvidia sur leur nouveau processeur, on est dans une autre dimension.
08:49 Les montants consacrés à ce genre de technologie sont hors de notre portée, en quelque sorte.
08:56 Donc il y a certaines composantes de ce rapport qui sont essentielles, comme la formation par exemple.
09:03 Comment est-ce que l'on peut embarquer l'économie, le tissu national, pour ne pas être en retard par rapport à d'autres nations, sur le plan compétitif international d'une part,
09:11 et d'autre part pour obtenir des gains de productivité internes à la nation.
09:16 Donc ça c'est la chose essentielle. Ensuite le reste, est-ce qu'on est à la pointe au niveau de l'infrastructure ? J'ai des réserves.
09:23 Il y a autre chose qui m'a questionné, c'était ce rapport au niveau national, mais finalement on voit bien que justement pour avoir une politique industrielle,
09:32 il faut penser au niveau européen, du capital, quand vous lancez un fonds sur la TEC, vous pensez Europe tout de suite.
09:39 Oui, on pense au niveau européen. Alors c'est vrai que ce rapport arrive après l'acte sur l'IA européen, et c'est vrai qu'aujourd'hui je pense que tout ceci se décide au niveau européen.
09:48 Les sujets éthiques, les sujets de régulation, on ne peut pas jouer au niveau français, c'est vraiment un enjeu européen.
09:56 C'est ça, qu'est-ce qu'on peut faire nous à notre niveau, au niveau national ?
10:01 Effectivement si finalement on n'a pas les technos, parce que ce rapport ne va pas régler le problème de l'accès aux technologies, on n'a pas les infrastructures.
10:08 On peut bien investir, on a quand même des très bons ingénieurs, on a des très bons chercheurs, c'est souvent eux qui sont dans les cellules IA, des grands gigolos.
10:17 Mais finalement ce n'est pas une façon juste de dire, restez chez nous, on est quand même IA friendly, on vous accueillera.
10:23 C'est vrai qu'il y a une grande valeur ajoutée de ce rapport, c'est de considérer l'IA non pas uniquement sur la partie applicative, qui est un petit peu l'arbre qui cache un petit peu la forêt,
10:33 mais sur l'ensemble de la chaîne de valeur, et de montrer que sur tout un tas de briques de cette chaîne de valeur, on a des compétences à faire valoir,
10:40 d'ailleurs des compétences qui s'arrachent sur le marché international, et puis on a aussi peut-être la possibilité d'investir de façon à pouvoir garantir une certaine forme de souveraineté.
10:48 Mais évidemment sur des nœuds absolument essentiels, la puissance de calcul, les infrastructures, là, le nerf de la guerre ça reste l'argent,
10:55 ça reste la capacité de pouvoir à la fois investir massivement, et peut-être aussi de faire un petit peu de protectionnisme,
11:01 et là effectivement, vu l'échelle, ça se joue au niveau européen et pas au niveau national.
11:05 Et donc ce rapport finalement est trop teinté d'IA, et pas assez de technologie au sens full stack.
11:10 C'est pour ça que je me demande, est-ce que c'est pas de la communication comme on a vendu la Startup Nation, là on est en train de vendre la France comme l'IA Nation,
11:18 c'est plus une intention et un positionnement ?
11:22 Tout à fait, c'est un positionnement, mais il n'est pas inutile, parce que la France, véritablement, est positionnée sur la carte du monde comme étant un acteur,
11:30 au moins au niveau intellectuel, scientifique, nous sommes surperformants, mais en termes de géoéconomie, nous sommes très en retard.
11:38 Donc quelque part, pour rattraper ce retard, ça reste timide.
11:42 Après, il y a un enjeu aussi de dédiaboliser l'IA, et ce rapport le fait, au niveau COM, on entend l'IA va supprimer des jobs, etc.
11:50 Là au moins, on voit d'un point de vue COM, tout ce que l'IA peut faire, et aussi l'enjeu énorme de formation que l'on a.
11:57 Il y a une phrase dans le rapport qui est assez intéressante, il y a 80 000 besoins de personnes formées à l'IA par an.
12:03 Aujourd'hui, on en forme 10 à 15 000 par an, donc il y a un énorme gap à compenser.
12:08 Allez, on passe à l'autre sujet, c'est TikTok.
12:11 Alors, du côté des Etats-Unis, on a l'ex-secrétaire au trésor de Donald Trump qui a déclaré vouloir réunir des investisseurs pour acquérir le réseau social du groupe chinois Biden.
12:22 Bon, parce qu'il nous dit, c'est évident que ce type de plateforme doit être contrôlé par des Américains.
12:29 Oui, et de son côté, le Wall Street Journal nous rapporte que l'ancien patron de l'éditeur de jeux vidéo active Vision Blizzard a aussi manifesté son intérêt auprès du cofondateur de Biden.
12:41 Alors, est-ce que vous y croyez, ça, à cette thèse d'un TikTok aux Etats-Unis 100% américain, Julien ?
12:47 C'est une thèse qui prend de plus en plus d'ampleur, en tout cas, qui devient de plus en plus crédible.
12:51 C'est-à-dire qu'il faut venir un petit peu en arrière. Ça remonte au temps de l'administration Trump.
12:58 Et à l'époque, on prêtait déjà à TikTok tous les mots du monde.
13:02 C'est de l'ingérence dans les affaires américaines, c'est de l'espionnage industriel, c'est de l'espionnage des affaires aussi diplomatiques.
13:10 Et aussi, c'est un moyen d'abrutir les masses.
13:13 Donc, on veut bien abrutir les masses pourvu que ce soit Facebook et Instagram qui le fassent, mais un peu moins quand c'est TikTok qui le fait.
13:17 Ce n'est pas ça qu'ils disent officiellement.
13:20 Ce n'est pas ça qu'ils disent officiellement, mais en gros, c'est un petit peu la teneur de l'audition qu'il y avait eu du président directeur général de Biden,
13:26 qui avait été sommé de s'expliquer devant les parlementaires américains à l'époque.
13:30 Avec des menaces de bannissement à l'époque.
13:32 Des menaces de bannissement qui avaient été apaisées du fait de la promesse, ce qu'on avait appelé le plan Texas chez TikTok,
13:39 de localiser l'ensemble des données des utilisateurs américains de TikTok dans un serveur de données localisé au Texas.
13:47 Donc ça, ça a un petit peu calmé tout le monde, mais effectivement, de façon seulement temporaire.
13:52 De façon temporaire parce qu'effectivement, là aujourd'hui, de nouveau, TikTok est dans le viseur.
13:57 De nouveau, on a quand même une logique transpartisane qui pousse à pousser soit TikTok en dehors du marché américain,
14:07 soit au contraire, de le rendre compatible avec les intérêts américains, notamment en le passant sous capital américain.
14:14 Ce qui me fait, j'ouvre une parenthèse, doucement sourire parce qu'aujourd'hui, Biden, c'est effectivement une entreprise chinoise,
14:19 mais au capital de Biden, c'est à tout un tas de fonds d'investissement et notamment BlackRock, qui à ma connaissance n'est pas chinois.
14:26 Et donc effectivement, là aujourd'hui, on attend un vote du Congrès.
14:31 Vous pensez que ça ne changerait pas grand chose ? Si, quand même.
14:33 Ça changerait quand même pas mal de choses en matière de gouvernance de TikTok.
14:37 On voit effectivement que derrière, il y a des gros industriels et des gros intérêts capitalistes et techno-américains qui sont prêts à sauter sur l'occasion.
14:43 Parce que mine de rien, TikTok aujourd'hui, c'est 130 millions d'utilisateurs et notamment des jeunes qui sont utilisateurs très quotidiens, très engagés sur TikTok.
14:52 Donc c'est un gros potentiel, à fois stratégique et commercial. Donc ça aiguise beaucoup d'appétit.
14:57 Donc effectivement, de l'eau est passée sous les ponts entre 2020 et 2024.
15:02 Et en 2024, TikTok est devenu clairement incontournable, alors qu'il ne l'était pas autant en 2020.
15:07 Là aujourd'hui, la plupart des jeunes internautes américains utilisent TikTok comme porte d'entrée sur Internet,
15:13 porte d'entrée pour faire de la recherche, porte d'entrée pour être redirigée sur tout un tas de sites à finalité commerciale.
15:17 Donc l'enjeu, il se situe à ce niveau-là.
15:20 Est-ce qu'ils sont en train de nous montrer la voie sur ce qu'il faut faire avec les grandes plateformes numériques, les américains ?
15:24 J'allais dire, que fait l'Europe pour racheter sa part de Twitter, de Facebook et de TikTok ?
15:29 C'est-à-dire que fondamentalement, on se retrouve devant des algorithmes qui orientent les masses.
15:34 Donc ce sont des médias.
15:36 Et je suis désolé de dire que pour moi, ces acteurs-là devraient être traités comme des médias, y compris lors des campagnes électorales.
15:45 Mais évidemment, il faut qu'on puisse comprendre profondément comment ces acteurs orientent, volontairement ou involontairement,
15:53 parce qu'il existe évidemment toute une armée de robots qui vont utiliser ces plateformes à des fins souvent extraterritoriales.
16:01 Oui, c'est ça. Parce que si les Américains rachètent leur TikTok et que ça se passe du côté de l'équipe de Donald Trump, qu'est-ce que ça peut donner ?
16:10 Est-ce que ça va garantir une transparence algorithmique ? On n'est pas sûr.
16:14 C'est assez risible de prendre TikTok des mains du communisme chinois pour les mettre dans les mains de Trump.
16:22 Voilà, c'est une politique irréprochable.
16:26 Donc voilà, c'est vrai que tout ceci paraît un peu risible.
16:29 Après, ça met en valeur quand même la réelle importance qu'a prise TikTok.
16:34 Rien qu'en France, les 15-24 ans passent quatre heures en moyenne par jour sur Internet, dont plus d'une heure sur TikTok.
16:41 Donc on voit l'influence que cela a. Ça pose plein de questions quand même sur à un moment donné la régulation de ces réseaux sociaux.
16:48 Et sur la valeur de TikTok aujourd'hui, on a du mal à voir des chiffres. J'ai entendu parler de 60 milliards.
16:55 La valorisation d'une boîte comme TikTok, c'est d'abord une convention entre quelqu'un qui serait capable de se porter acquéreur,
17:02 celui qui serait capable de se porter le plus acquéreur, le mieux disant, et la volonté d'une entreprise comme TikTok de se départir de certaines de ses parts.
17:11 Mais si en face, on lui dit c'est ça ou sinon t'es banni des États-Unis, ça change un peu la négo, non ?
17:17 Il y a une décote.
17:18 Il y a une décote, mais en vérité, à la sortie, c'est quand même un jeu de négociation entre des vendeurs et des acheteurs.
17:24 On a eu la passation de propriété de Twitter il n'y a pas si longtemps.
17:30 On a bien compris que la valorisation réelle de Twitter, ce qu'elle est capable de générer sur son économie réelle,
17:37 est très éloignée des 44 milliards que Elon Musk a accepté de débourser pour devenir le seul maître à bord.
17:43 Donc la valorisation, c'est surtout une disposition à payer d'une entité économique, une personne physique ou morale,
17:50 pour mettre la main sur un actif, en l'occurrence un actif qui est extrêmement stratégique.
17:55 On peut utiliser aussi le comparable WhatsApp, qui a été racheté par Facebook à l'époque, pour 19 milliards.
18:02 19,6 milliards de mémoire.
18:04 Là, on était sur une plateforme émergente qui n'avait pas les mêmes propriétés de broadcast, de diffusion du contenu,
18:09 puisque on était sur une plateforme de messagerie, embryonnaire quelque part.
18:14 Donc 19 milliards, quelque part, le tarif est entre 19 et 60.
18:17 Probablement.
18:18 Absolument.
18:19 Ça m'amène à cet autre sujet qui est lié quand même, parce qu'il y a une guerre farouche contre les écrans.
18:25 En tout cas, une petite musique qui monte en France sur ce sujet.
18:29 Marie-Christine Leveille et moi-même, on s'est déjà mobilisés contre cette idée que le problème, c'est les écrans.
18:36 Il faut répéter que c'est ce qu'il y a à l'intérieur qui doit nous préoccuper, peut-être TikTok notamment.
18:41 Mais enfin, la petite musique continue.
18:43 Elle se renforce avec Najat Vallaud-Betkacem qui est carrément arrivé à l'idée qu'il fallait rationner notre part d'écran.
18:52 3 gigas par semaine nous suffirait.
18:55 Marie-Christine.
18:56 Oui, alors là, je pense qu'on atteint le summum de quelque chose d'assez résilient.
19:00 Parce que le rationnement déjà, c'est vraiment le mot terrible en France.
19:03 Ça fait référence aux années noires, la combine, le marché noir, etc.
19:09 En plus, honnêtement, rationner l'Internet, ça fait des années qu'on parle de rationner l'Internet.
19:14 Je me rappelle à l'époque, en 2000, quand il y avait eu des énormes sujets sur le piratage.
19:19 Il y avait beaucoup de contre l'Internet un peu libre.
19:23 On voulait rationner à la bande passante.
19:25 Et finalement, on s'est aperçu que le jour où il y a eu une offre de qualité qui est arrivée, qui était Spotify, finalement ça a résolu tous les problèmes.
19:32 À un moment donné, ce n'est pas les écrans le problème, c'est vraiment qu'est-ce qu'on y fait.
19:37 - Najat Balou de Belkacem a été au ministère de l'Éducation.
19:42 Vous l'avez un peu fréquentée, j'imagine ?
19:45 - Oui, elle avait lancé pas mal d'initiatives.
19:47 À la limite, elle aurait dû en lancer encore plus pour ne pas dire qu'il faut rationner l'Internet.
19:51 - Vous ne l'avez pas dit du tout, cette proposition de sa part ?
19:56 - Non, il n'y avait aucune proposition de sa part.
19:58 C'est elle qui avait mis pas mal d'écrans dans les étoiles, justement.
20:02 Au contraire, ça partait peut-être aussi de quelque chose de louable, de vouloir en faire rentrer le numérique à l'école.
20:08 Elle avait voulu faire rentrer le numérique à l'école.
20:10 Mais c'est vrai qu'on dit que, finalement, rationner l'Internet va permettre d'éviter qu'on écrive des fake news.
20:15 Non, je ne pense pas. Je pense que même si on rationne au maximum l'Internet, il y aura toujours des gens qui écrivent des fake news.
20:20 Après, il y a le vrai sujet, et celui dont personne ne veut parler.
20:23 Et ça, moi, je ne comprends pas pourquoi on se cache derrière ce sujet.
20:26 Le vrai sujet, ce n'est pas du tout les écrans.
20:28 C'est qu'est-ce qu'on fait de ces écrans.
20:29 Et c'est l'addiction aux réseaux sociaux des jeunes.
20:32 C'est vraiment un sujet de société fondamentale.
20:34 Et c'est un sujet qu'il va falloir qu'on aborde.
20:36 Et de santé publique.
20:38 Et de santé publique. Comment l'aborder ?
20:40 C'est compliqué. Est-ce qu'on met des limites de temps ?
20:43 Est-ce qu'on demande aux opérateurs ?
20:45 Mais c'est vrai, c'est le gros sujet, et personne n'ose en parler.
20:48 Alors, elle évoque ce sujet-là, quand même, elle l'évoque.
20:51 Et elle évoque aussi le sujet écologique.
20:54 Alors, votre réaction ? Allez, Yann.
20:56 Alors, déjà, sur le point du contenu, évidemment, je suis d'accord que c'est ce qu'on y fait qui compte.
21:01 Et je reviens sur ce phénomène algorithmique.
21:04 Les product managers made in Silicon Valley ont inventé des mécanismes qui créent de l'addiction.
21:10 Et cette addiction est combinée avec un algorithme qui va enfoncer le clou par rapport à un biais particulier d'utilisateur.
21:18 Et donc, l'entraîner dans un tunnel noir de contenu à faible valeur ajoutée, mais à forte dose d'addiction.
21:27 Toujours plus forte.
21:28 Et donc, ce phénomène-là, il est lié à cette notion de médias.
21:32 Est-ce que ce sont des médias ? On les appelle des social media, des médias sociaux.
21:37 Donc, si c'est un média, il doit être compris par le régulateur pour qu'il puisse dire, ça c'est acceptable, ça, ça n'est pas acceptable.
21:44 La quantité, par exemple, encore une fois, lorsqu'il s'agit d'élections, doit être globalement proportionnée.
21:50 Donc, on doit traiter cet objet qui est l'algorithme des réseaux sociaux pour pouvoir ensuite faire de la pédagogie.
21:57 Peut-être qu'il faut former les parents avant toute chose, parce que les parents sont eux-mêmes investis dans le futur de leurs enfants.
22:03 Si on démontre par A+B qu'un enfant qui…
22:05 En fait, je pense que les parents sont autant agros aux réseaux sociaux que leurs enfants.
22:10 Certes, mais les parents sont déjà formés, ils sont adultes, alors que les enfants, la génération Millenium,
22:17 elles démarrent dans sa vie avec ces accessoires qui sont utilisés comme des baby-sitters.
22:23 Et c'est ça le premier problème, c'est-à-dire que globalement, on ne doit pas, surtout pas, exposer un enfant qui n'a pas développé sa motricité complète sur ces écrans-là, parce que c'est dommageable à vie.
22:35 Sur la partie pollution, personne ne veut réagir ?
22:38 Si, évidemment.
22:40 C'est aussi cette idée que si on réduit le nombre d'écrans, peut-être dans les… J'essaye, j'essaye d'aller aussi un petit peu dans son sens.
22:46 Peut-être que si on réduit notre consommation d'écrans, on achètera moins de nouveaux appareils et que ça fera du bien à la planète aussi.
22:52 Non, mais tout ça est systémique.
22:54 Donc, évidemment qu'on parle finalement de la même chose et d'ailleurs d'un courant de pensée qui se développe de plus en plus et qui, sur de très, très belles intentions,
23:02 que ce soit la sécurité, que ce soit la protection des enfants ou que ce soit la protection de la planète, vise à revenir sur beaucoup, beaucoup de liberté pour tout le monde,
23:12 plutôt que d'avoir des approches extrêmement ciblées et extrêmement plus efficientes et acceptables à la sortie.
23:17 Mais évidemment que la proposition de Najat Vallaud-Belkacem, à mon sens, c'est excessive et tout ce qui est excessif, c'est insignifiant.
23:23 On ne va pas interdire aux gens ou plutôt les obliger tous à rouler à 30 km/h sous prétexte qu'il y a des gens qui se tuent à cette vitesse-là.
23:32 Non, ce n'est pas ce que font les régulateurs, ce ne sont pas ce que font les travaux en économie de la régulation.
23:37 On cherche un optimum en essayant de voir quels sont finalement, dans un bilan coût/avantage, jusqu'où sont les pertes acceptables et où est-ce qu'on peut aller pour la recherche de l'intérêt collectif.
23:50 Et évidemment que 3 Go, c'est peut-être déjà trop pour une certaine sociologie d'utilisateur, mais en vérité c'est loin d'être suffisant pour toute une autre sociologie d'utilisateur
23:59 qui va avoir une utilisation beaucoup plus intéressante de l'innovation que sont Internet et les réseaux sociaux, pourquoi pas.
24:05 Parce qu'encore une fois, l'innovation, elle n'est ni bonne ni mauvaise en soi, c'est vraiment ce que l'on décide d'en faire qui est bon.
24:12 Et finalement, je vois dans le débat actuel exactement ce qui se jouait il y a 20-25 ans en arrière avec la télé.
24:19 Il y avait ceux qui utilisaient leur télé comme babysitter et puis il y en a d'autres qui avaient la possibilité d'avoir accès à des trésors de connaissances artistiques, littéraires avec des bibliothèques, etc.
24:30 Et en fait, la problématique c'est juste déplacer. On a changé d'objet qui cristallise les craintes et les attentions, mais en vérité les sous-jacents sont exactement les mêmes.
24:39 Alors moi je connais des familles qui arrivent à vivre sans télé, vivent sans écran, sans smartphone, sans aucun accès à son numérique.
24:46 Là j'ai un peu plus de doute. Ou alors on dit qu'on bannit juste les écrans mobiles.
24:51 C'est un peu la question de ce qu'on en fait en fait.
24:53 Ah, ce sera un sujet à creuser.
24:55 L'IA est un sujet, puisque l'IA est extrêmement consommatrice dans cette nouvelle configuration de Gen AI avec NVIDIA qui vend des puces qui consomment énormément d'énergie,
25:04 alors qu'on peut faire de l'IA frugale.
25:06 Ça c'est un sujet.
25:08 Est-ce que finalement on ne crée pas un engouement qui lui aussi est complètement hors sol ?
25:13 Donc ce sujet-là il faut le traiter, mais ce n'est pas en enlevant les écrans qu'on va le traiter.
25:17 On est bien d'accord. Allez, on passe à notre dernière question.
25:19 On n'a plus beaucoup de temps, je vous préviens, donc je vais vous demander de réagir très vite sur ce plan France très haut débit qui serait menacé par des coupes budgétaires sans précédent.
25:27 On parle de 96 millions de crédits d'engagement qui sont amputés de quasiment 38 millions, environ 40% de ce qui était prévu.
25:35 20% des crédits qui étaient dus aux collectivités locales cette année ne seront finalement pas versés avant 2025 au mieux.
25:41 Est-ce qu'on est inquiet aujourd'hui sur la fin du raccordement des Français au très haut débit ?
25:47 Marie-Christine, vous êtes très proche du secteur des télécoms.
25:51 C'est l'éternel sujet de la France des villes et la France des champs.
25:55 C'est le gros sujet de la fracture numérique.
25:57 C'est clair que les gens qui sont dans ces zones où il n'y aura plus de très haut débit vont de plus en plus être éloignés de plein de choses qu'ils auraient pu faire par Internet
26:08 puisqu'ils sont déjà éloignés physiquement de ce qui se passe dans les villes.
26:12 C'est un gros sujet et quand on voit dans le plan IA qu'on parle d'identité numérique,
26:15 si à un moment donné on veut avoir quelque chose d'équitable sur l'identité numérique,
26:18 si à un moment donné on veut pouvoir faire des démarches de santé en ligne, etc.,
26:22 il faut à un moment donné apporter du très haut débit dans les campagnes.
26:25 Si on veut développer la formation en ligne, c'est très intéressant de voir que la formation en ligne touche beaucoup de gens qui sont justement en ruralité.
26:33 Parce qu'ils ne peuvent pas aller dans des grandes villes.
26:35 C'est sur ces derniers kilomètres qui sont importants.
26:37 On est sur l'infrastructure.
26:39 Il n'y a pas d'IA sans infrastructure.
26:41 Il n'y a pas de pédagogie, d'accompagnement d'une population entière et de réduire cette fracture sans cette infrastructure.
26:48 C'est comme si on se disait on ne va pas goudronner toute une partie d'autoroute en France parce que finalement on n'a plus de budget.
26:54 C'est un rapport sur l'IA. Si on n'a pas les réseaux pour transporter l'intelligence logicielle, ça ne peut pas fonctionner.
27:00 Merci beaucoup à tous les trois. Je n'ai pas eu le temps de vous faire réagir.
27:03 Marie-Christine Levet d'Educapital, Julien Pillot de l'INSEC et Yann Lechel de Probable.ai.
27:09 C'était Smartech. Merci de nous suivre sur la chaîne Bismarck, sur les réseaux sociaux et en podcast également.
27:13 [Musique]