Pygmalion, dans l’antiquité, c’était un mythe : celui d’un sculpteur tombé amoureux de sa création, une statue devenue vivante. La célébrité vient avec la pièce de théâtre de G.B. Shaw, créée en 1914, jouée non-stop jusqu’au début des années 60, mais se souvient-on vraiment de ce qu’elle raconte ?
Retrouvez toutes les dramatiques de Juliette Arnaud dans « Le grand dimanche soir » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-juliette-arnaud
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AmusantTranscription
00:00 Il est 18h27 sur France Inter, et de ces questions de culture, bien sûr.
00:04 Et de culture classique.
00:05 C'est à moi ?
00:06 Non.
00:07 Pour vous c'est fini.
00:08 C'est pas culture du cannabis, c'est culture tout court là, Emeric.
00:12 C'est Julien Tarnot.
00:14 Caramon est revenu à l'occasion de l'accélération du mouvement #MeToo, celui de Pygmalion.
00:19 Dans l'Antiquité, c'était un mythe, celui d'un sculpteur tombé amoureux de sa création,
00:25 une statue devenue vivante.
00:26 La réputation de ce concept vient avec la pièce de théâtre de Georges Bernard Shaw,
00:31 créée en 1914 et jouée non-stop jusqu'au début des années 60.
00:36 Mais est-ce qu'on se souvient vraiment de ce qu'elle raconte cette pièce ?
00:39 Et ben non, Charline.
00:41 Et ça c'est des choses souvent qui arrivent.
00:44 Une œuvre en devenant publique, en devenant populaire, elle perd son sens d'origine.
00:49 Ou plus exactement, son sens d'origine est pervertie.
00:52 Ainsi, Lolita n'a jamais été l'histoire d'une petite aguicheuse qui séduisait un
00:57 type, voire tous les types.
00:58 C'est le roman d'un pervers.
01:00 Et ça c'est ce que vraiment Nabokov a écrit.
01:03 De la même manière, on a fait des malheureux Roméo et Juliette, le symbole ultime de l'amour
01:08 romantique.
01:09 Ben merde alors.
01:10 Deux gosses qui n'ont eu le temps de rien, morts à 14 et 16 ans, c'est raide, vous
01:13 en conviendrez.
01:14 Et ça c'est sûr, ça n'était pas le projet de Shakespeare.
01:17 Pygmalion, c'est l'histoire d'un scientifique, un phonéticien cultivé, bourgeois, qui croise
01:23 une vendeuse de fleurs à l'accent prolétaire, Cockney ici, puisqu'on est à Londres, et
01:28 qui parie de la transformer en duchesse en quelques mois grâce à ses leçons à lui.
01:33 Donc la langue, donc, plus d'accent, une diction pure, mais aussi l'usage d'une
01:37 salle de bain, de vêtements jolis et chauds, et les moyens de ne plus travailler dans la
01:41 rue.
01:42 Et là, Georges Bernard Shaw pulvérise les règles tacites de la fiction bourgeoise.
01:48 Il aurait dû écrire, normalement, un vieux type riche, ronchon et intelligent, éduque
01:53 une petite pauvre ignare et pif paf pouf, il tombe amoureux, il se marie, il fait beaucoup
01:57 d'enfants.
01:58 Eh ben, Georges Bernard, il a écrit tout autre chose.
02:00 Et ça, notre époque semble l'avoir ou oublié ou délibérément mis de côté.
02:05 Ça dépend si vous croyez à l'existence du patriarcat.
02:07 Spoiler alert, j'y crois.
02:10 Dans la pièce, Elisa, la petite vendeuse de fleurs, Elisa Doolittle, comprend, reproduit,
02:16 s'adapte à vive allure.
02:17 Elle apprend à dire "té" et plus "tay".
02:20 En même temps, le phonéticien Higgins la menace de lui faire faire trois fois le tour
02:24 de la chambre traînée par les cheveux.
02:26 À ce tarif, moi non plus, je ne dis plus "Ilimidji, bon appétit".
02:31 Elisa Doolittle semble être donc la poupée vivante parfaite.
02:35 Sauf que la pièce termine par une grande confrontation entre Higgins et Elisa.
02:40 Une confrontation à la fois drôle, parce que ça commence avec un jet pantoufle dans
02:43 la figure du phonéticien, et ça, ça fait toujours plaisir, et poignant, puisque Elisa
02:49 élabore à voix haute son raisonnement quant à ce qu'elle veut faire d'elle à présent
02:52 et ce qu'elle ne veut pas.
02:53 Pygmalion, c'est l'histoire d'une âme qui se libère, d'un fond qui est plus fort
02:57 que la forme qu'on lui a fabriquée.
02:59 Georges Bernard, je vous aime.
03:01 Merci, bisous, merci.
03:03 (Applaudissements)
03:07 Et vous allez à présent entendre l'adaptation au théâtre, théâtre audio.
03:14 Juliette sera une Pygmalionne, puisqu'elle a fait le pari avec Christine de prendre Emmerich
03:19 sous son nez, afin de le transformer, alors en quoi ?
03:23 C'est fou dès qu'on dit Emmerich, les gens rient.
03:27 Posez-vous des questions.
03:28 Mais ce n'est pas la question principale.
03:30 Encore faudrait-il savoir s'il est possible de le transformer.
03:34 Allez, le rideau s'ouvre entre vos oreilles.
03:36 (Musique)
03:38 Ma chère Christine, je parie que je suis capable, avec ton aide, de le transformer en humoriste
03:45 modèle de France Inter.
03:47 Lui là ?
03:48 Hum hum.
03:48 Le punk hachien ?
03:49 Tout à fait.
03:50 Avec son air hirsute ?
03:51 Hum hum.
03:51 Son t-shirt informe ?
03:52 Hum, oui.
03:53 Sa diction de prolétaire ?
03:54 Oui.
03:55 Hé, je vous entends !
03:57 Alors Emmerich, ne le prends pas mal, c'est pour ton bien.
03:59 Tu vas être un merveilleux cobaye.
04:01 Montre-nous comment tu rentres dans un lieu public.
04:04 D'accord.
04:05 (Rires)
04:06 Bonjour à tous, vous allez bien ?
04:09 J'ai rien entendu !
04:13 Ça me paraît mal barré ton pari là, Juliette.
04:14 Bon, alors Emmerich, tu refais ton entrée sans braillé, sans familiarité et sans couvre-chef.
04:20 Sans quoi ?
04:21 (Rires)
04:22 Ton couvre-chef, ton chapeau.
04:24 Ah, ma casquette ?
04:25 Oui, voilà.
04:26 Tu rentres et tu demandes un thé.
04:28 Attends, s'il faut s'hydrater, pourquoi on ne rentre pas plutôt un piquant bière ?
04:31 Avec le mot magique peut-être ?
04:33 Ah oui, un piquant bière, et bien le bonjour chez vous, et merci, et tout ça, et pataterie, patatra.
04:38 Mais non !
04:39 S'il vous plaît.
04:41 Bah de rien ma petite cocotte.
04:42 Fantastique.
04:43 (Rires)
04:44 Elle est malveillante.
04:45 Non, alors tu ajoutes le "s'il vous plaît" à la fin de la phrase.
04:47 Ah, ah, j'ai soif, s'il vous plaît.
04:51 Juliette, Rome ne s'est pas fait en un jour, il essaie, il part d'assez bas, je n'en ai que trop conscience.
04:57 Je vous entends encore, quoi.
04:59 Bon, allez, on va passer à la phase suivante, la tenue vestimentaire.
05:02 La quoi ?
05:03 La tenue vestimentaire, les vêtements.
05:05 Ah, les fringues.
05:07 Voilà, qu'est-ce que t'as d'autre dans ta garde-robe ?
05:09 Ça va, j'ai pas une garde-robe, je suis pas...
05:12 Ouais, qu'est-ce qu'il te semble pas te dire celui-là ?
05:15 Mascu, rustre et phallocrate.
05:17 Voilà, donc, ta garde-robe, ton vestiaire.
05:21 Mon vestiaire ?
05:23 Mon vestiaire ?
05:24 La salle de sport, ouais, j'ai bien un jogging, une serviette, j'ai toujours un petit picon bière, parce que la gym, tu vois, ça donne soif.
05:30 Non, non, non, est-ce que t'as d'autres habits, merde ?
05:32 Ah, oui, dans ma garde-robe, j'ai plein de trucs.
05:39 C'est-à-dire ?
05:39 J'ai un tee-shirt avec un loup dessus, un autre avec une moto dessus et un troisième avec un loup sur une moto dessus.
05:45 Ok, donc t'as rien sans loup ou sans moto ?
05:48 Non, ça n'existe pas.
05:50 Bon, eh ben tu vas aller te préparer, on va aller faire du shopping.
05:52 Ah cool, et après comme ça, on pourra s'arrêter, boire un petit picon sur la route.
05:55 Ah là, désespérant.
05:57 Tu voulais avoir le nouveau Paul Mirabelle ?
05:59 Bah t'as obtenu le nouveau Coluche.
06:01 Merci à Juliette Arnault et toute la troupe.
06:07 Merci également à Camille Hermitte et Sophiane Merfoud à la vidéo, ainsi qu'à Léon Jacquier et Giseline Sanchez à la lumière.