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Alors que le gouvernement veut faire évoluer les règles de l'assurance-chômage, pour l'économiste Bruno Coquet ,"on ne peut pas démontrer qu'il y a un problème de retour à l'emploi sur les chômeurs indemnisés". Il est l'invité éco de franceinfo mardi 26 mars.

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Transcription
00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous. L'assurance chômage dans le viseur du gouvernement.
00:08 Un séminaire gouvernemental est organisé demain par le Premier ministre Gabriel Attal
00:13 qui prendra ensuite la parole dans le journal de 20h de TF1.
00:18 Bonsoir Bruno Coquet.
00:19 Bonsoir.
00:20 Vous êtes économiste, chercheur associé au département analyse et prévision de l'OFCE, spécialiste du marché du travail.
00:26 Vous avez entendu la petite musique qui revient régulièrement et avec insistance ces derniers temps.
00:31 Durcir les règles de l'assurance chômage favorise le retour à l'emploi. Qu'en pensez-vous ?
00:37 Bonsoir.
00:39 Bonsoir.
00:40 D'abord, durcir les règles de l'assurance chômage ça ne crée pas d'emploi.
00:44 Donc on peut déjà dire ça.
00:46 Ensuite, l'assurance chômage dans le débat public c'est toujours trop.
00:50 Dans la littérature économique c'est pas trop.
00:53 C'est un optimum. C'est trop c'est pas bien parce qu'effectivement ça ralentit le retour à l'emploi.
00:57 Mais pas assez c'est pas bien non plus parce que ça oblige les gens à reprendre un emploi très rapidement.
01:03 Et le premier qui vient en quelque sorte.
01:05 Et ça leur fait perdre leur capital humain pour résumer les choses de manière très courte.
01:11 Et donc est-ce que ça va favoriser le retour à l'emploi ?
01:14 Ce qui est sûr c'est que ça va diminuer les dépenses de l'assurance chômage pour les gens qui arrivent au bout de leur droit.
01:19 Après ça, ça ne veut pas dire qu'au bout de leur droit ils auront retrouvé un emploi surtout dans la conjoncture actuelle.
01:24 Sauf que votre collègue, Gilles Berset, économiste, écrit aujourd'hui dans les colonnes de Sud-Ouest
01:29 que durcir les règles de l'assurance chômage fait partie de la solution.
01:33 La France dispose de règles très très avantageuses, je le cite, quand on se compare aux autres pays de l'OCDE.
01:41 Alors pour le moment on ne peut pas démontrer qu'il y a un problème de retour à l'emploi sur les chômeurs indemnisés.
01:47 Il n'y a pas d'élément qui montre ça aujourd'hui, a fortiori depuis les réformes qui ont été faites dans les cinq dernières années.
01:55 Sachant que moins d'un chômeur sur deux est indemnisé ?
01:58 Oui, donc du coup le retour à l'emploi, il faut toujours se demander pourquoi les chômeurs non indemnisés ne reprennent pas l'emploi.
02:03 Ce n'est pas parce qu'ils sont trop indemnisés.
02:05 La deuxième chose c'est que l'assurance chômage en France est très chère.
02:08 Elle est deux fois plus chère que dans le pays le plus cher de l'OCDE.
02:12 C'est à dire ?
02:13 C'est près d'un mois de salaire net par an.
02:15 Ce sont des cotisations patronales, il n'y a plus de cotisations ?
02:18 Il y a la CSG. La transformation de la cotisation en CSG, néanmoins, ce n'est pas du pouvoir d'achat pour les salariés.
02:27 C'est quelque chose qui normalement est affecté à l'assurance chômage et qui vient en moins de l'épargne de précaution que les gens pourraient constituer pour lutter contre la baisse de leurs droits éventuels.
02:36 Donc en gros ce que vous dites c'est que ça coûte cher aux salariés, ça coûte cher et donc c'est normal que les règles soient avantageuses.
02:41 Non, ça coûte cher. Quand vous prenez une assurance qui est chère, c'est pourquoi ?
02:45 C'est parce que vous estimez que le risque est élevé lorsqu'il se déclenche.
02:48 C'est à dire que ça va vous coûter cher. Pourquoi ? Parce que vous allez rester le plus souvent assez longtemps au chômage, contrairement à un autre pays européen, où les droits sont moins longs souvent.
02:59 Et d'autre part, vous allez en général être obligé de baisser le salaire auquel vous acceptez un emploi très fortement.
03:08 Donc vous avez un coût extrêmement élevé. Et donc ça, ça vous conduit à préférer une assurance coûteuse mais qui vous couvre bien.
03:16 C'est le cas en particulier pour les seniors qui sont particulièrement visés en ce moment.
03:20 Mais alors justement, les seniors également, vous avez entendu Bruno Le Maire, le ministre de l'économie, ils préconisent de ramener leur durée d'indemnisation de 27 à 18 mois, comme pour les autres demandeurs d'emploi.
03:30 Comme pour les autres demandeurs d'emploi, il ne peut pas démontrer qu'aujourd'hui il a un problème de seniors qui ne reprennent pas d'emploi parce qu'ils seraient trop indemnisés à l'assurance chômage.
03:41 On ne peut pas démontrer ça.
03:42 Ça ne favorise pas le retour à l'emploi. Ça ne fait pas augmenter le taux d'activité.
03:45 Non, non.
03:46 Parce que c'est ça le problème. Le problème pour les seniors, c'est leur taux d'activité qui est très faible par rapport aux autres pays européens.
03:52 Non, ça ne le fait pas augmenter. On peut même dire que ça le fait baisser. Dans la littérature économique, vous avez énormément d'éléments qui montrent que si l'assurance chômage est généreuse, par exemple si elle couvre bien les emplois risqués, les CDD, etc., les gens sont plus pronds à accepter des emplois risqués.
04:06 Et donc dans des entreprises innovantes qui créent des contrats courts, etc.
04:11 Et donc du coup, on peut avoir des effets dans l'autre sens. La littérature le montre très très bien.
04:16 Et en plus, on ne peut pas montrer qu'en ce moment, dans le système français, il y a un aléa moral pour les seniors.
04:22 D'autant plus qu'il faut avoir en tête que souvent est invoquée cette règle de prolongation des droits des seniors jusqu'à ce qu'ils aillent à la retraite à taux plein.
04:33 Mais aussi, l'UNEDIC met les seniors à la retraite d'office.
04:36 C'est-à-dire, si vous acquérez 27 mois de droit, un mois d'avoir les droits à la retraite à taux plein, qu'est-ce qui se passe ? Au bout d'un mois, l'UNEDIC vous met à la retraite d'office.
04:46 C'est-à-dire que vous n'avez pas ces droits. Et donc du coup, ça c'est un point très important à comprendre.
04:50 Vous avez entendu les chiffres ce matin de l'INSEE. Le déficit pour 2023 atteint 5,5% du PIB.
04:57 Nous allons poursuivre sur la voie de la rigueur et de la responsabilité avec toujours un fil rouge, celui du travail, a dit tout à l'heure Gabriel Attal devant l'Assemblée nationale.
05:07 Et il a cité la réforme de l'assurance chômage.
05:10 On ne voit pas en quoi ça fait plus de travail.
05:12 Et puis, par rapport à l'idée que le travail doit plus payer que l'inactivité, je pense que tout le monde est d'accord là-dessus.
05:18 Mais toutes les réformes qui ont été faites, ce n'est pas que le travail paye plus, c'est que l'inactivité paye moins.
05:23 Or, on a un problème du fait de pouvoir vivre de son salaire, y compris quand on est à temps plein.
05:29 Et les gouvernements, depuis longtemps, donnent des compléments de salaire avec de la prime d'activité, plus récemment des chèques, etc. aux gens qui travaillent à temps plein.
05:38 Donc c'est ça le vrai problème.
05:40 Diminuer les assurances sociales, parce que c'est bien des assurances et pas des aides, n'apporte pas plus d'emploi et ne rémunère pas plus le travail.
05:48 Et dernière question, très rapidement, le gouvernement veut reprendre la main sur la gestion de l'UNEDI, qu'en pensez-vous ?
05:53 Pour moi, il a fait moins bien que les partenaires sociaux jusqu'à présent. La gestion des partenaires sociaux était certainement critiquable.
06:00 Jusqu'à présent, l'État prend juste dans la caisse, pour faire très très court.
06:05 Et donc, du coup, il prend dans la caisse d'une assurance sociale.
06:08 Il pourrait vouloir diminuer les droits pour inciter les chômeurs à reprendre des emplois vite, mais il devrait baisser les cotisations.
06:15 C'est ça la bonne gestion.
06:16 Là, dans une période où ça allait plutôt bien, ce qu'il a fait, c'est qu'il a pris les excédents dont il y a besoin dans une assurance de ce type-là,
06:25 pour faire face aux déficits qui ne manqueront pas de se produire si le chômage venait à réaugmenter.
06:30 Merci beaucoup Bruno Coquet, économiste, chercheur associé au département analyse et prévision de l'OFCE.
06:36 Vous étiez l'invité éco de France Info ce soir.
06:38 Merci, bonsoir.

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