"Il faut renoncer à la réforme des retraites et ouvrir une grande concertation nationale où aucun tabou n'est sur la table" selon l'économiste Henri Sterdyniak

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Henri Sterdyniak, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, co-fondateur des Economistes atterrés.

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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous.
00:05 Quelle sera la décision du Conseil constitutionnel ?
00:08 Validera-t-elle ou pas, partiellement ou pas, la réforme des retraites ?
00:11 Mobilisation en tout cas aujourd'hui, en cette veille de décision avec des cortèges à Paris.
00:16 Nantes règne notamment moins fournie en cette douzième journée de mobilisation
00:21 depuis la présentation du texte il y a plus de trois mois.
00:24 Maintenant, on va y revenir avec notre invité, Henri Sterdyniak.
00:28 Bonsoir.
00:28 Bonsoir.
00:29 Vous êtes économiste, cofondateur de l'Observatoire français des conjonctures économiques,
00:33 cofondateur également des économistes atterrés.
00:36 On va revenir avec vous évidemment sur cette réforme des retraites.
00:39 Mais avant cela, autre actualité du jour, la rémunération de Carlos Tavares, le patron de Stellantis.
00:47 Cette rémunération a été plébiscitée aujourd'hui en Assemblée générale à Amsterdam avec un vote à plus de 80%.
00:54 Cette rémunération, elle pourrait atteindre 23,5 millions d'euros si tous les objectifs fixés ont été atteints.
01:02 Qu'est-ce que ça vous inspire ?
01:05 C'est le jeu actuel du capitalisme.
01:08 On a des très grandes entreprises et ces très grandes entreprises rivalisent pour payer un maximum leurs dirigeants.
01:17 Parce que payer un maximum leurs dirigeants, c'est un indicateur pour montrer au marché
01:22 qu'ils sont en bonne santé, qu'ils peuvent se permettre ce genre de largesse
01:27 et puis que le dirigeant a effectivement satisfait ses objectifs et donc que l'entreprise se porte bien.
01:35 Il faut dire que l'entreprise va faire environ 17 milliards de bénéfices en 2022
01:44 et donc on restourne, si on peut dire, au PDG un millième du bénéfice.
01:50 On peut juger que c'est pas beaucoup, mais par ailleurs, ça veut dire que le PDG, chaque jour,
01:58 gagne autant qu'un de ses travailleurs durant toute l'année.
02:03 Et M. Carlos Tavares est un des patrons les plus gourmands du CAC 40 français.
02:09 Et justement, Célentis a argumenté que la rémunération de Carlos Tavares était alignée avec celle de ses pairs
02:15 et qu'en gros c'était le jeu de la compétition mondiale.
02:18 Est-ce que c'est un argument que vous recevez ?
02:21 Il n'y a pas vraiment de compétition mondiale.
02:24 C'est surtout des comités de rétribution qui décident de la rémunération avec un jeu disant
02:34 "chacun attribue une rémunération élevée à son copain en espérant qu'il rendra l'appareil".
02:43 Du point de vue français, la rémunération de Carlos Tavares est extrêmement élevée
02:48 puisque c'est largement la plus élevée des patrons du CAC 40.
02:53 Elle est élevée aussi au niveau mondial pour des entreprises automobiles.
02:59 Il y a pire, peut-on dire, dans l'industrie financière, dans l'industrie bancaire
03:04 où on peut facilement atteindre les 100 millions d'euros pour certains financiers américains.
03:11 Mais ce qu'on voit quand même en Ristardignac, c'est que les entreprises françaises
03:14 aujourd'hui placent leurs sièges sociaux en dehors de France.
03:17 On voit que le vote en Assemblée Générale est contraignant désormais en France.
03:21 Ce n'est pas le cas aux Pays-Bas où sont désormais installés Airbus, Renault, Stellantis.
03:26 Oui, c'est le scandale.
03:27 C'est-à-dire qu'il y a des pays dans l'Union Européenne qui sont des paradis fiscaux comme l'Irlande.
03:33 Et il y en a d'autres qui se sont spécialisés comme les Pays-Bas en étant un paradis réglementaire.
03:40 C'est-à-dire en permettant aux grandes entreprises multinationales
03:44 de ne pas respecter la législation des pays.
03:47 Et c'est tout à fait scandaleux que l'Union Européenne et la France acceptent ce genre de manœuvre.
03:53 Alors, donc en France, l'actualité c'est la mobilisation contre la réforme des retraites.
03:58 Cette réforme, vous disiez au moment de sa présentation le 10 janvier, qu'elle était injuste et peu efficace.
04:05 Qu'est-ce que vous préconisez désormais ?
04:07 Alors, vous êtes économiste, mais vous avez un avis éclairé.
04:09 Qu'est-ce que vous préconisez comme issue à ce conflit qui dure depuis le 10 janvier ?
04:14 L'issue à ce conflit, elle est assez simple.
04:17 D'un côté, il faudrait que le gouvernement renonce à la prétention de faire travailler tout le monde jusqu'à 64 ans
04:25 et qu'il prenne des mesures extrêmement favorables pour les gens qui, effectivement,
04:31 ont des conditions de travail pénibles et une durée de vie plus courte.
04:36 Il faudrait aussi compenser pour les femmes la disparition en fait...
04:42 Des trimestres ?
04:43 De la majoration de durée...
04:45 Du bénéfice des trimestres acquis pour cause de maternité ?
04:49 Voilà, donc des congés maternité, ça serait également une mesure importante.
04:55 Il faut donc renoncer à cette réforme comme le réclame encore l'intersyndical ?
04:58 Oui, bien sûr.
04:59 Bien sûr, vous dites bien sûr, mais c'est pas ce que veut le gouvernement.
05:03 On renonce à la réforme telle qu'elle est et on ouvre, comme ça se fait chez nos voisins,
05:07 une grande concertation nationale où aucun tabou n'est sur la table.
05:12 Le premier tabou qu'il faut briser, c'est l'idée qu'on ne peut pas augmenter le taux de cotisation
05:19 si on peut augmenter les taux de cotisation à condition de dire clairement aux salariés
05:24 qu'en échange, ils auront une retraite satisfaisante, à un âge raisonnable
05:30 qui leur permettra de vivre des années de retraite heureuses
05:34 et avec un niveau de pension équivalent à ce qu'il est aujourd'hui.
05:39 Sauf qu'on est en période d'inflation, Henri Sterdyniak.
05:42 Est-ce qu'au moment où on n'augmente pas les salaires,
05:44 est-ce qu'on peut imaginer des actifs qui voient leur taux de cotisation augmenter ?
05:49 Vous savez que c'est une décision qu'il faut prendre sur le moyen terme.
05:54 Sur le moyen terme, il faut dire aux actifs que chaque année,
05:57 on vous prélèvera 0,2% en plus pour les retraites.
06:01 Donc, ça sera progressif.
06:03 À court terme, il n'y a pas de vrai problème de financement.
06:07 On a des manes cachées, si on peut dire.
06:09 On a l'Unedic qui a un excédent relativement important qu'on pourra utiliser.
06:16 On a la dette sociale qu'on aura remboursée en 2034,
06:21 qu'on pourrait utiliser pour financer les retraites et la dépendance.
06:25 Donc, il y a des marges de manœuvre.
06:27 Ce n'est pas immédiatement qu'il faut augmenter les cotisations.
06:31 Mais ce qu'il faudrait, c'est avoir une trajectoire pour dire clairement
06:35 "Oui, vous payez un peu plus, mais en contrepartie,
06:38 vous les jeunes et vous les un peu moins jeunes,
06:41 vous avez une retraite garantie et une retraite satisfaisante."
06:45 Merci beaucoup Henri Sterdyniak.
06:47 Le débat n'est donc pas clos selon vous, économiste,
06:50 cofondateur de l'Observatoire français des Conjonctures économiques
06:53 et des économistes atterrés. Merci beaucoup.

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