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Pierre Ferracci, président du groupe Alpha, spécialiste des relations sociales, est l'invité éco de franceinfo, mardi, alors qu'une nouvelle négociation s'ouvre sur l'assurance-chômage.

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00:00Bonsoir à toutes et à tous, ce soir dans l'Invité Éco, je reçois Pierre Ferracci,
00:09bonsoir.
00:10Vous êtes à la tête du groupe Alpha, du Paris FC également, vous venez d'entamer
00:14des négociations exclusives avec la famille Arnaud concernant le rachat du club de foot
00:19de la capitale en vue de le faire monter en Ligue 1, vous vous êtes déjà largement
00:23exprimé sur ce sujet, ce n'est pas celui qui nous intéresse ce soir, on vous a invité
00:28pour avoir votre regard d'expert du monde de l'entreprise et des partenaires sociaux
00:32sur des sujets d'actualité, le budget évidemment, mais avant cela, la négociation qui s'ouvre
00:38aujourd'hui sur l'assurance chômage.
00:40Les syndicats et le patronat sont désormais au centre du jeu pour trouver un accord, est-ce
00:45qu'il a raison le Premier Ministre Michel Barnier de leur faire confiance pour parvenir
00:50à un accord plutôt que de reprendre la main ?
00:52Oui, je crois qu'il a raison, moi j'avais dit avant l'été que la réforme qui était
00:56proposée par Gabriel Attal était trop rude et inadaptée et que du coup j'ai été ravi
01:03qu'elle soit un petit peu remisée avec le résultat des élections en plus, ça me
01:08paraissait tout à fait nécessaire, donc c'est bien de redonner la main aux partenaires
01:12sociaux, ça ne va pas être facile parce que patronat et syndicats ne sont pas sur
01:15la même longueur d'onde, je pense qu'il faut prendre en compte le fait que la situation
01:19de l'emploi se tend, qu'il y a beaucoup de restructuration, qu'il y a une remontée
01:23des procédures collectives assez impressionnante, on s'aperçoit que les remboursements de
01:28PGE suite à la pandémie et aujourd'hui sont très difficiles pour certaines entreprises,
01:34donc il faut faire attention et ce n'est pas dans ces moments-là par exemple, puisque
01:38ça faisait partie d'un des éléments de la réforme du gouvernement à l'époque,
01:42c'est pas le moment de réduire la durée d'indemnisation, c'est au contraire le
01:47moment d'aider un peu plus de certaines manières les chômeurs, les demandeurs d'emploi
01:52à retrouver le plus rapidement possible le chemin du marché du travail.
01:55Sauf que vous le savez Pierre Ferracci, le gouvernement a demandé aux partenaires sociaux
02:00de trouver 800 millions d'euros sur l'assurance chômage, est-ce que c'est le moment de
02:04faire des économies sur le dos des chômeurs ?
02:06Alors ce n'est pas le moment de faire des économies sur le dos des chômeurs, je sais
02:10que la situation budgétaire est assez catastrophique, il faut bien le dire, le gouvernement qui
02:16avait annoncé dans un premier temps un peu moins de 5% de déficit annonce aujourd'hui
02:20plus de 6% et avec des mesures drastiques un petit peu partout, il est bien évident
02:24qu'il va falloir être sélectif et quand on essaye de trouver 40 milliards de baisse
02:29des dépenses publiques et 20 milliards de relèvement d'impôts, il faut veiller à
02:33ne pas accroître les inégalités sociales et la situation dans ce pays est parfois un
02:38peu difficile.
02:39Donc je crois que du côté des demandeurs d'emploi, il faut les aider en période,
02:43il ne faut jamais oublier que le gouvernement dans les réformes qu'il avait faites et
02:46qui avait attiré l'attention positive des syndicats à une certaine époque avait
02:50dit que sur le plan conjoncturel, quand la situation s'améliorait, il fallait peut-être
02:55durcir les positions sur l'assurance chômage, quand elle devient plus difficile, il faut
03:01faire extrêmement attention.
03:02Je crois qu'elle est en train de devenir difficile et dans certains secteurs de l'économie,
03:06on le voit bien, je pense notamment à l'industrie automobile, il y a des tensions extrêmement
03:10vives et encore une fois la remontée des procédures collectives, le nombre de plans
03:13sociaux qui sont déjà à l'oeuvre aujourd'hui est un élément de préoccupation qu'il
03:17faut prendre en considération.
03:18Et donc ce n'est pas le moment de faire 800 millions d'euros d'économie sur l'assurance
03:22chômage ?
03:23Ce n'est pas le moment de faire autant d'économie sur l'assurance chômage.
03:25Je ne dis pas qu'il n'y en a pas à faire, mais en tout cas pas de cette importance.
03:29Il y a peut-être d'autres terrains sur lesquels les possibilités de faire de l'économie
03:32sont plus importantes.
03:33Alors vous le savez, en parallèle de cette discussion qui s'ouvre sur l'assurance chômage,
03:37il y a le débat parlementaire sur le budget.
03:39Celui en Commission des Affaires Sociales examine le budget de la Sécu.
03:43Le gouvernement a prévu de laisser les exonérations de cotisations sur les entreprises de l'ordre
03:49de 4 milliards d'euros, mais cela fait hurler le patronat qui dit que cela augmente le coût
03:54du travail et qu'au final ce sont des centaines de milliers d'emplois qui sont menacés.
03:58Est-ce qu'il a raison le patronat de s'inquiéter ?
04:00Alors des centaines de milliers d'emplois, c'est peut-être un peu exagéré.
04:04C'est ce qu'a dit Patrick Martin, le patron du Medef.
04:06Alors Patrick Martin défend les positions du Medef et du patronat et je crois qu'Alexandre
04:10Sobot dit un petit peu la même chose du côté de France Industrie.
04:13Vous savez, moi je suis très nuancé sur cette question parce que ça fait des années
04:17que la question du coût du travail est un peu la pierre angulaire de toutes les politiques
04:21économiques en matière d'emplois développées en France et je crois que ça a été très
04:26souvent une erreur.
04:27Il y a d'autres pays, je pense aux pays scandinaves à l'Allemagne, qui ont plutôt
04:30investi dans la qualité du travail, dans la formation, dans le relèvement des qualifications.
04:35Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas un problème de coût, y compris dans ces pays-là,
04:38mais nous on a été trop loin.
04:39Et notamment avec des exonérations qui avaient pour objectif, notamment sur les très bas
04:42salaires et autour du SMIC, d'améliorer la situation de l'emploi à court terme,
04:47ce qui était parfois effectivement la conséquence immédiate.
04:49Je crois qu'on a sous-estimé les problèmes de l'industrie notamment, qui est aujourd'hui
04:53en difficulté, et la nécessité d'avoir des qualifications plus élevées, un travail
04:58de meilleure qualité et de ne pas se battre tout simplement sur les créneaux qu'occupe
05:02l'industrie depuis des années.
05:04On essaie de baisser le coût du travail pour faire face à la concurrence, alors que parfois
05:07la question c'est plutôt d'élever la qualité du travail, d'élever les qualifications,
05:12d'élever du coup la rémunération de l'emploi, plutôt que de jouer à fond les exonérations.
05:16Donc ok, pour baisser un peu les exonérations de cotisations.
05:19Je pense qu'en tout cas il faut être sélectif là-dessus, et que la trappe à bas salaire
05:24ça existe.
05:25Et j'étais presque, à un moment donné, quand on était d'accord pour développer
05:29des exonérations, j'étais plutôt d'accord avec Louis Gallois à l'époque, qui voulait
05:33en tout cas qu'elles soient étalées et pas seulement concentrées sur les bas salaires,
05:37parce qu'on se bat sur des terrains où l'industrie n'est pas plus compétitive pour autant.
05:41Et il y a après les problèmes qu'on connaît autour du SMIC qui font qu'il y a beaucoup
05:45de conventions collectives aujourd'hui dans les branches qui sont encore au-dessous du
05:48niveau du SMIC.
05:49Donc c'est pas une mauvaise idée, si je vous entends bien.
05:51Dernière question budgétaire, mais pas que, le gel temporaire des pensions de retraite
05:55a provoqué, vous l'avez entendu, une levée de boucliers générale, et Laurent Saint-Martin,
05:59le ministre des Comptes publics, propose d'épargner les petites retraites à condition
06:03de trouver l'argent ailleurs, est-ce qu'il a raison d'ouvrir cette porte ?
06:06Bah écoutez, le débat sur les retraites, il n'est pas clos, il y a eu un vent de
06:10fronde et un vent de colère qui s'est manifesté dans le pays, moi je pense qu'il faut faire
06:14attention plus globalement au-delà des retraites, et peut-être que la position du budget là-dessus
06:18est saine, il faut faire attention de ne pas accroître les inégalités sociales.
06:22Il y a un enjeu aujourd'hui, quand je vois une partie par exemple du groupe parlementaire
06:26de la majorité qui part en guerre contre les hausses d'impôts, il ne fallait pas
06:30amener le budget à être en déficit de plus de 6% aujourd'hui pour dire, il faut porter
06:34tout l'effort sur la baisse de la dépense publique, et donc par exemple sur les retraites
06:38et sur tout un tas de choses qui font que le budget de l'État aujourd'hui a du mal
06:41à supporter ce déficit.
06:42Mais du coup, ce serait à partir de quelle seuil ? 1200 euros, 1400 euros de pension ?
06:46Moi je pense en tout cas qu'il faut avoir en tête que la fronde qui s'est manifestée
06:49sur les retraites est une fronde qui portait sur les questions de pouvoir d'achat, donc
06:53il faut à tout prix protéger les petites retraites, et il faut que le débat entre
06:57les partenaires sociaux et le Parlement, parce qu'il doit avoir lieu sur les deux
07:00terrains, il renvoie à ce débat qui est qu'il ne faut pas aggraver les inégalités
07:04sur le terrain des retraites comme sur notre terrain qui touche au pouvoir d'achat des
07:08Français.
07:09Et donc limiter la baisse des pensions de retraite, enfin le décalage dans le temps ?
07:16Si on s'attaque à certains revenus, il faut s'attaquer aux revenus des plus aisés,
07:20comme pour les patrimoines, et éviter d'aggraver le problème de pouvoir d'achat que l'on
07:24passe par le canal des retraites ou par le canal des rémunérations, il faut veiller
07:28quand même à ne pas aggraver ce problème de pouvoir d'achat, il était à l'origine
07:32non seulement de la fronde et de la colère contre la réforme des retraites, mais plus
07:35généralement contre les problèmes posés par l'inflation galopante qu'on a connue
07:41pendant quelques mois qui n'a pas été partout corrigée par des hausses de rémunérations.
07:44Attention au pouvoir d'achat, merci beaucoup Pierre Ferracci, président du groupe Alfa,
07:48invité Echo de France Info ce soir.

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