Jean-Pierre Cottet, Patrice Duhamel et Eric Roussel ont passé 2 ans à explorer les archives de l’ancien Président de la République, mort il y a 50 ans d’une maladie foudroyante. Un film diffusé ce mercredi à 21h10 sur France 3.
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00:00 - Bonjour Jean-Pierre Coté. - Bonjour.
00:02 - Quel destin en effet que celui de Georges Pompidou, né dans le Cantal, au sein d'une famille d'origine modeste,
00:08 petit fils de paysan, fils d'instituteur et qui va se retrouver plus proche qu'au laborateur du général de Gaulle
00:12 avant de lui succéder en 69. On va revenir sur ce parcours exceptionnel,
00:16 mais je voudrais qu'on commence par la fin, comme vous le faites d'ailleurs dans votre film,
00:20 parce que c'est une anecdote assez incroyable.
00:22 Pompidou est mort le 2 avril 74, foudroyé à 63 ans par une maladie de la moelle osseuse,
00:27 à la télé, c'était le ORTF à l'époque, il y avait les dossiers de l'écran.
00:30 L'émission est interrompue pour annoncer la nouvelle et en coulisses, c'est la panique chez les journalistes.
00:35 On écoute un extrait.
00:36 Nous allons maintenant de plus en plus pouvoir vous passer des images
00:40 qui correspondront à diverses époques de la vie du président décédé il y a environ une rédif.
00:45 Nous allons les mêler d'informations parlées, nous allons, je vous l'ai dit, improviser,
00:51 parce que ce qui est survenu aujourd'hui, je dois dire que nul ne s'y attendait, nous pas plus que les autres.
01:00 Léon Zitrouc qui se débrouille comme il peut, comment se fait-il que rien n'ait été anticipé ?
01:05 Il faut savoir que dans les rédactions, on prépare des nécrologies de gens célèbres
01:08 pour être prêts le jour de leur mort. Là, il n'y avait rien sur Pompidou ?
01:11 C'est l'Elysée qui veillait à ce que les informations sur la maladie ne soient pas divulguées
01:17 et à un niveau même de surveillance étonnant. Pas de gros plans, pas de suivi, pas de préparation de nécros, etc.
01:26 Mais ce qui me trouble quand même dans la réaction de Zitrone, c'est qu'indépendamment de la volonté de l'Elysée
01:33 de taire le problème de la maladie, tout le monde savait que Pompidou était malade.
01:38 C'était évident, chaque fois qu'on le voyait de près ou de loin, il donnait des signes de sa maladie de Waldenstrom.
01:43 Il y avait une sorte quand même de complaisance des journalistes à ne pas parler du sujet.
01:49 La vie de Georges Pompidou s'est terminée dans de grandes souffrances physiques,
01:53 mais elle n'a jamais été très heureuse, en tout cas sa vie politique.
01:57 Lui qui, on le comprend dans votre film, était doué pour le bonheur, il aimait la vie.
02:01 Il ne la détestait le pouvoir ?
02:04 Non, je ne pense pas qu'il ait détesté le pouvoir.
02:08 C'était un jouisseur, c'était quelqu'un qui aimait la vie et qui la vivait à 100 l'heure.
02:16 Je crois que le pouvoir est une des manifestations de la vie.
02:20 Simplement, ce qu'il n'aimait pas, c'est la violence du pouvoir, c'est la cruauté du pouvoir.
02:27 Ma fonction m'empêche toute chance de bonheur, disait-il.
02:31 Oui, il va souffrir d'une des choses qu'il craignait le plus, c'est la solitude.
02:35 Tout le long, on a fait avec les autres auteurs, Éric Roussel et Patrice Duhamel,
02:41 on a fait un travail de moine copiste, on a regardé 1500 fichiers,
02:45 éléments d'archives pour essayer de comprendre qui était Pompidou,
02:49 surtout lui redonner la parole.
02:51 On s'est rendu compte qu'il était très attiré par le pouvoir,
02:56 le pouvoir de faire, le pouvoir de changer la France,
02:59 mais qu'en même temps, il y avait une facture à payer.
03:02 Notamment sa fâcherie, c'est un bien grand mot, avec le général de Gaulle,
03:07 leur relation a fini dans la froideur, alors que Pompidou a tout fait pour travailler pour lui,
03:11 il était subjugué par le général, pourquoi ça s'est terminé comme ça entre eux ?
03:15 Ça a commencé à se tendre à partir du moment où Pompidou est devenu crédible.
03:21 Tant que Pompidou était le fils spirituel du général, ça lui allait très bien.
03:26 C'était même une relation extrêmement précieuse.
03:29 J'ai été surpris de voir les phrases que de Gaulle pouvait lui adresser,
03:33 qui étaient très affectives, des mots de remerciement, des signes d'amitié,
03:38 mais à partir du moment où Pompidou pouvait devenir président, c'était inacceptable.
03:42 On ne remplace pas le général de Gaulle.
03:44 Ils étaient extrêmement différents, Charles de Gaulle et Georges Pompidou.
03:48 Écoutez ce que disait Pompidou à ce propos.
03:51 Je me rappelle un conseil que le général de Gaulle m'a donné au moins dix fois.
03:56 Il me disait "soyez dur Pompidou".
04:00 J'ai du mal.
04:03 Elle est très émouvante cette archive.
04:05 Elle représente bien Georges Pompidou.
04:07 Oui, c'est très sincère, ça l'exprime parfaitement.
04:10 C'est à la fois l'expression du pouvoir "soyez dur" et en même temps il ne peut pas.
04:13 Il faut dire qu'il a vécu aussi des inimitiés de la part du camp gaulliste.
04:18 Parce qu'il n'avait jamais été parlementaire, il n'avait jamais été membre du gouvernement.
04:22 Comme je le disais, il venait d'une famille modeste.
04:25 Et le monde politique ne lui pardonnait pas.
04:29 Et on lui reprochait Rothschild aussi.
04:31 C'est-à-dire d'être passé par la finance, ce qui était un péché mortel à l'époque chez les gaullistes.
04:36 Et il ne faisait pas partie du clan, comme il le disait lui-même.
04:41 Et le clan, à un moment donné, s'est organisé pour, si ce n'est le tuer, en tout cas le mettre en grand danger.
04:47 Et sa plus dure épreuve, certainement politique et personnelle, ça a été ses rumeurs terribles sur son épouse.
04:52 Accusé, photo montage à la pluie, de participer à des parties fines.
04:55 Il en a été anéanti, Georges Pompidou.
04:57 Qui n'aurait pas été. C'est une horreur.
05:00 L'affaire Markovitch, qui était en fait un crime crasseux au départ,
05:06 sur un petit truand qui participait à des parties fines et qui a voulu faire chanter.
05:11 Et ça a été récupéré par les ennemis de Pompidou,
05:14 qui ont voulu créer les conditions pour qu'il ne puisse pas se présenter aux élections.
05:18 Et en dépit de ça, les Français lui ont fait confiance.
05:20 Ils se sont attaqués à sa femme, qui était l'amour de sa vie, Claudin.
05:23 C'est un couple très romanesque.
05:26 Jean-Pierre Coté, vous aviez réalisé un film sur De Gaulle, maintenant Pompidou.
05:30 Logiquement, le prochain, c'est Giscard.
05:33 Non, ce sera peut-être Klimt. Parce que je veux quitter le monde de la politique.
05:37 Le monde des artistes.
05:38 Avant que ce soit trop tard.
05:39 Merci beaucoup, Jean-Pierre Coté, d'être venu nous voir.
05:42 Georges Pompidou, la cruauté du pouvoir, que vous avez co-écrit avec Patrice Duhamel et Éric Roussel.
05:48 C'est ce soir à 21h10 sur France 3.