• il y a 9 mois
Avec Béatrice Denaes, co-présidente de Trans Santé France, journaliste, enseignante à Sciences Po

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Transcription
00:00 Bonjour Béatrice de Nass. Bonjour Laurence, bonjour à tous.
00:03 Merci d'être avec nous en studio, en direct.
00:05 Co-présidente de Transsanté France, journaliste, enseignante à Sciences Po,
00:09 autrice du livre "Ce corps n'était pas le mien",
00:12 histoire d'une transition tant attendue aux éditions First,
00:14 où vous racontiez d'ailleurs votre propre histoire, on en reparlera certainement,
00:18 une journée de la visibilité transgenre.
00:21 Pourtant on a l'impression qu'on en parle beaucoup,
00:23 dans les bouquins, en télé, dans les émissions, je vois que ça vous fait sourire.
00:27 Il y a besoin encore de visibilité ?
00:29 Oui, il y a vraiment encore ce besoin de visibilité,
00:32 parce qu'en fait, c'est vrai qu'on en parle beaucoup,
00:34 mais depuis quelques temps, malheureusement,
00:36 on en parle plutôt d'une manière négative,
00:40 c'est-à-dire qu'on nous attaque beaucoup.
00:42 Et cette journée est importante,
00:44 parce qu'il faudrait que la visibilité trans soit tous les jours.
00:47 Quand vous dites "on nous attaque beaucoup", vous parlez de qui ?
00:51 Je parle principalement de ce que j'appellerais gentiment les conservateurs.
00:57 C'est-à-dire des gens qui, d'une manière générale,
01:00 ne connaissent pas vraiment ce que sont les transidentités,
01:04 mais qui nous attaquent parce qu'on n'est pas dans une norme qui leur plaît,
01:09 dans une norme qui visiblement les trouble,
01:13 et qui fait qu'on est véritablement attaqués.
01:16 Et encore plus les enfants trans,
01:18 qui rentrent dans une espèce de stratégie de faire peur
01:21 à ceux et celles qui n'y connaissent rien.
01:23 C'est-à-dire ceux et celles qui ne connaissent pas les transidentités,
01:26 parce qu'on ressent qu'on est des êtres humains,
01:28 on n'est pas des monstres, on demande simplement une seule chose,
01:31 c'est vivre comme tout le monde, et qu'on soit acceptés, respectés.
01:35 C'est en ça que cette journée est importante,
01:37 c'est qu'on puisse montrer qui on est, qu'on n'est pas des fous,
01:40 qu'on n'est pas des folles, contrairement à ce que certains veulent dire.
01:44 Et notamment les enfants trans, où en ce moment il y a une véritable attaque,
01:48 parce qu'en fait quand on attaque les enfants trans,
01:50 on essaie de créer une espèce de sympathie,
01:53 en se disant "Ah, mais ce qu'on leur fait, c'est horrible à ces pauvres enfants !"
01:57 - Oui, alors justement, Béatrice Zonas, cette semaine encore,
02:00 on en parlait, effectivement c'est une question politique,
02:02 il y a un rapport sénatorial porté par LR qui prône l'interdiction
02:06 des traitements hormonaux et des bloqueurs de puberté pour les enfants.
02:10 Alors leur argument c'est "Avant 18 ans, le consentement n'est pas le même
02:14 qu'à l'âge adulte, et des gamins pourraient ensuite le regretter après."
02:17 Qu'est-ce que vous racontez là ?
02:19 - Oui, bien sûr, c'est sûr que pour des mineurs, le consentement est différent.
02:22 D'autant qu'en France, il faut le consentement des parents,
02:26 et aussi un accord médical.
02:28 Donc tout ça, contrairement à ce qui se dit, ne se fait pas d'un claquement de doigts.
02:32 Un enfant qui va voir par exemple un médecin en disant "Ah, je suis trans,
02:37 je veux des bloqueurs de puberté ou je veux un traitement hormonal",
02:40 non, ça ne se passe pas comme ça.
02:42 Donc on essaie de faire croire finalement que les médecins sont des irresponsables,
02:45 on essaie de faire croire que les enfants sont sujets à des modes,
02:49 sont sujets à une lubie.
02:51 Le meilleur exemple que je puisse donner, d'ailleurs c'est le mien,
02:53 c'est-à-dire qu'en fait, moi, dans les années 60,
02:56 quand j'ai eu 4-5 ans en fait,
02:58 c'est là que je me suis rendu compte que j'étais mal dans mon corps,
03:01 qu'il y avait un truc qui ne marchait pas,
03:03 alors que c'est l'âge à peu près où on se rend compte de son appartenance à son sexe.
03:07 Et à l'époque, dans les années 60, il n'y avait ni mode...
03:10 - On n'en parlait pas autant, il n'y avait pas de journée internationale.
03:12 - Il y avait un temps fou avant de savoir ce que je ressentais réellement.
03:16 Mais ça m'a conduit finalement à une désocialisation complète,
03:19 à une hyper timidité, au fait de ne plus parler à qui que ce soit.
03:23 Donc vraiment, je me suis réfugié auprès de mes parents, c'est le cas de le dire.
03:26 Et si on peut éviter aujourd'hui, donc en 2024,
03:31 à ces enfants qui ont ce mal-être,
03:33 de le vivre et d'arriver à des scarifications,
03:36 à des dépressions sévères,
03:38 et puis ne faisons pas croire non plus,
03:41 contrairement à ce qui est dit notamment dans ce rapport sénatorien,
03:44 il n'y a pas d'intervention chirurgicale avant 18 ans, ça n'existe pas.
03:48 Il n'y a qu'une seule exception, la torsoplastie, mais ça partit de 16 ans.
03:51 Et puis les traitements hormonaux, c'est quand même assez rare.
03:54 Et les bloqueurs de puberté, c'est vraiment après des analyses,
03:58 c'est quand la situation est vraiment très grave,
04:00 et que le jeune trans a déjà fait une, deux ou trois tentatives de suicide,
04:05 que là, ça va l'aider finalement à vivre sa vie.
04:08 - Les mêmes sénateurs proposent une prise en charge psychiatrique
04:11 chez les mineurs qui déclaraient trans.
04:13 Je vois que ça vous fait déjà réagir.
04:15 - Oui, c'est horrible, parce que...
04:18 Déjà, ça existe le fait que les enfants rencontrent des pédopsies,
04:23 mais ce sont des pédopsies bienveillantes.
04:25 Alors là aussi, contrairement à ce qui est dit,
04:27 ils ne vont pas inciter les enfants à devenir, comme on dit, trans.
04:30 Ils vont simplement les suivre s'ils sont en questionnement,
04:32 ils vont les aider, et ça ne va pas forcément conduire d'ailleurs à une transidentité.
04:37 En revanche, ce qui est vraiment horrible, c'est de dire que les enfants trans,
04:41 et ça c'est donc ce qui est préconisé, notamment par le rapport sénatorial,
04:44 doivent subir une thérapie psychiatrique,
04:49 parce qu'on les considère en effet comme des grands malades.
04:51 Or, c'est ce qu'on appelle les thérapies de conversion,
04:54 et depuis 2022, c'est interdit en France,
04:57 parce qu'on sait que les thérapies de conversion,
04:59 c'est-à-dire remettre les enfants dans ce qu'on pourrait appeler le droit chemin,
05:04 là aussi ça se termine malheureusement,
05:06 quand on contredit un mal-être,
05:08 ça se termine bien souvent par des dépressions sévères,
05:11 voire des tentatives de suicide.
05:13 - Alors vous le disiez, Béatrice Vanasse,
05:15 vous-même vous avez eu l'impression très jeune de ne pas être né dans le bon corps,
05:20 c'est ça, comment vous, s'il fallait le définir,
05:23 et vous, votre transition, vous avez attendu d'être à la retraite,
05:28 très longtemps, 60 plus tôt, voilà.
05:30 Pourquoi vous avez attendu autant de temps en fait ?
05:32 - Parce que justement, ce jour de la visibilité trans,
05:36 elle n'existait pas en fait.
05:38 Et j'avoue que j'avais vraiment la peur,
05:43 j'avais pas le courage, il faut le reconnaître,
05:45 de faire cette transition publiquement,
05:48 bon j'en avais déjà parlé à ma famille,
05:50 mais publiquement parce que, en plus à l'époque j'étais à Radio France.
05:55 - Béatrice à Radio France, donc un poste public.
05:57 - Voilà, donc tout le monde me connaissait,
05:59 et j'imaginais mal du jour au lendemain,
06:01 faire ma transition de genre,
06:04 avec cette peur qui m'habite depuis petit,
06:07 puisque j'ai subi aussi du harcèlement à l'école,
06:10 donc cette peur qu'on se moque de moi,
06:12 cette peur qu'on me rejette,
06:14 donc voilà j'ai pas eu ce courage.
06:16 - Vous avez attendu d'être à la retraite en fait.
06:18 - Voilà, exactement, mais toute ma vie,
06:20 c'est vrai que c'était une souffrance de ne pas être
06:23 dans le corps que j'aurais dû avoir à la naissance.
06:26 Donc bon, je l'ai vécu,
06:28 bon j'ai vécu aussi des très belles choses,
06:30 sur le plan professionnel en tant que journaliste,
06:32 elle était super, sur le plan familial,
06:34 mes deux enfants et ma femme qui ne m'a pas quitté,
06:37 c'est vraiment super aussi,
06:39 mais il n'empêche que c'était une terrible souffrance
06:42 que j'ai vécue toute ma vie.
06:44 Donc aujourd'hui, que cette visibilité commence à exister,
06:47 le problème c'est qu'en effet,
06:49 les conservateurs n'en peuvent plus,
06:52 et nous attaquent avec le fait de continuer
06:55 à finalement nous rejeter, nous discriminer,
06:58 alors qu'il y a quand même, il faut être honnête aussi,
07:00 des avancées qui se produisent,
07:02 tant au niveau sociétal que politique,
07:05 mais encore beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses à faire.
07:07 D'où l'importance aussi des associations et des organisations
07:09 comme la vôtre aussi,
07:11 voilà, cette journée de la visibilité,
07:13 c'est les préjugés encore et toujours,
07:15 mais de l'isolement et de la souffrance pour beaucoup,
07:18 et notamment chez les plus jeunes.
07:20 Tout à fait, c'est pour ça qu'en fait,
07:22 notre association, qui n'est pas une association
07:24 qu'on peut qualifier de terrain,
07:26 nous on essaie d'avancer, notamment avec les institutions,
07:29 et on travaille actuellement avec la Haute Autorité de Santé,
07:31 je travaille beaucoup aussi avec l'assurance maladie,
07:33 on essaie de faire progresser les choses,
07:35 et les choses progressent,
07:37 mais encore une fois, il faut réussir à faire avancer les choses
07:39 au niveau de la société,
07:41 et un peu comme, on vit exactement ce que l'homosexualité a vécu
07:44 dans les années 70, où à ce moment-là,
07:46 on disait que c'était une mode, une lubie, qu'il ne fallait pas trop en parler,
07:48 parce que tous les enfants allaient devenir homos,
07:50 bon, on voit que c'était débile,
07:52 comme argumentation,
07:54 et on retrouve exactement cet argument débile,
07:56 aujourd'hui, alors qu'en plus,
07:58 on est vraiment ultra minoritaire,
08:00 on n'est pas là non plus pour faire du prosélytisme,
08:03 comme certains le disent,
08:05 on sait ce que ça peut représenter comme souffrance,
08:07 et comme difficulté d'être trans,
08:09 à la limite, on ne serait pas trans,
08:11 ce serait dix fois plus simple à vivre,
08:13 mais voilà, on ne le fait pas exprès,
08:15 encore une fois, ce n'est pas pour embêter le monde qu'on fait ça,
08:17 simplement, ce qu'on demande, c'est, en effet,
08:19 respectez-nous,
08:21 permettez-nous de vivre notre vie,
08:23 comme n'importe quel citoyen,
08:25 et arrêtons de dire n'importe quoi,
08:27 je ne pense pas que je sois un monstre,
08:29 donc voilà,
08:31 on est des gens, des citoyens,
08:33 comme les autres, simplement,
08:35 vivons notre vie, et laissons-nous la vivre
08:37 normalement.
08:39 - Le message est passé, ce sera le mot de la fin, merci beaucoup d'avoir été
08:41 avec nous sur Sud Radio,
08:43 Béatrice Danas, je rappelle que vous êtes coprésidente
08:45 de Trans Santé France, merci.

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