SMART IMPACT - Grand entretien : Pascal Demurger, directeur général du groupe MAIF
Alors qu’en 2023, les catastrophes climatiques en France ont coûté 6,5 milliards d'euros aux assureurs, comment repenser le monde de l’assurance pour l’adapter aux défis du changement climatique ? C’est l’une des questions que creuse Pascal Demurger dans ce grand entretien, où il appelle à une approche collective et coopérative. Il détaille aussi certains engagements du groupe MAIF, tel que le « dividende écologique ».
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00:00 Générique
00:02 ...
00:05 -Bonjour, Pascal Demurger.
00:07 -Merci. Bonjour, Thomas Hugues.
00:09 -Heureux de vous retrouver sur ce plateau.
00:12 Co-président du mouvement Impact France
00:14 avec Julia Fort, la cofondatrice de Bloom.
00:17 Je commence par Impact France.
00:18 On a une vingtaine de minutes de grand entretien.
00:21 On le présente comme le MEDEF des entreprises engagées.
00:24 Est-ce que la définition vous plaît
00:27 ou vous fatiguez un peu ?
00:28 -Non, je crois que ça correspond assez bien.
00:31 C'est un mouvement patronal, à l'instar du MEDEF,
00:34 mais un mouvement patronal un peu particulier
00:36 parce qu'il regroupe des entreprises
00:38 qui sont engagées à la fois sur le plan écologique
00:42 et puis sur le plan social,
00:44 sujet d'inclusion, diversité, de partage de la valeur, etc.
00:48 -Impact France vient de lancer l'Impact 40/120.
00:52 C'est un indice pour booster les start-up à impact.
00:56 Quel est l'objectif ?
00:57 -L'objectif, c'est toujours le même.
01:00 Il y a un double objectif chez Impact France.
01:04 Accompagner les entreprises qui, en effet, ont compris
01:09 qu'aujourd'hui, on ne pouvait plus ne pas s'engager
01:12 sur ces sujets-là.
01:13 On pourra y revenir.
01:15 Elles sont de plus en plus nombreuses.
01:17 Les adhésions à Impact France sont croissantes
01:21 et vraiment très nombreuses, y compris de grands groupes.
01:24 Le deuxième objectif, c'est définir,
01:27 soit de manière sectorielle, soit de manière globale,
01:31 des évolutions de normes que l'on pousse
01:33 auprès des pouvoirs publics et en particulier du gouvernement.
01:37 -Et là, sur les start-up,
01:39 en voyant ça, je me suis dit...
01:41 Je le vois, moi, ici,
01:42 parce qu'on a une rubrique start-up quotidienne.
01:45 L'émission s'appelle "Smart Impact",
01:47 donc c'est peut-être un peu biaisé,
01:49 mais toutes les start-up sont pas engagées à Impact ?
01:53 -C'est ce que je veux dire.
01:54 Quand on parle d'une page blanche, on essaie de cocher...
01:58 -C'est sûr, elles le disent toutes.
02:00 Après, l'impact est plus ou moins réel,
02:02 il est plus ou moins natif en fonction de l'activité
02:05 et il est plus ou moins fort
02:07 en fonction de la manière dont on fait les choses.
02:10 Et justement,
02:12 cet impact 40,
02:14 ça permet de distinguer des start-up
02:17 qui sont réellement engagés.
02:19 -On va parler de la mutation obligatoire
02:22 du secteur de l'assurance.
02:23 Pour commencer, l'un des chiffres marquants
02:26 de ce début de printemps concernant les catastrophes naturelles
02:30 et le bilan de l'année 2023,
02:31 les assureurs français ont déboursé 6,5 milliards d'euros
02:35 l'an dernier.
02:36 Alors, j'allais dire, est-ce que c'est un record ?
02:39 J'aime pas trop le mot, mais si on regarde l'évolution
02:42 par rapport à il y a une vingtaine d'années,
02:45 c'était combien il y a 20 ans ?
02:47 -Par rapport à il y a 20 ans,
02:49 on a dû faire x3, à peu près.
02:51 Il y a vraiment une augmentation
02:53 systématique, quasiment linéaire,
02:56 avec de temps en temps une pointe.
02:58 2022 était encore plus élevé que 2023,
03:01 mais vraiment une progression chaque année
03:06 des conséquences des catastrophes naturelles
03:08 et donc du réchauffement climatique.
03:11 De ce point de vue-là, les assureurs sont un peu
03:13 aux premières loges, puisqu'on voit,
03:16 effectivement, annuellement, l'ampleur de ces conséquences.
03:20 -Est-ce que ça vous a amené à réfléchir
03:22 plus tôt que les autres secteurs à votre modèle, finalement ?
03:26 -Alors, ça dépend à qui vous adressez la question.
03:29 Si vous la posez à l'ensemble du secteur,
03:32 je répondrai par un petit oui.
03:34 Si vous la posez à la Maïf, je vous répondrai par un grand oui.
03:37 Et sur les deux sujets qu'on distingue généralement
03:42 en matière de réchauffement climatique,
03:44 que sont l'atténuation d'abord et l'adaptation ensuite.
03:48 Sur l'atténuation, ça fait très longtemps
03:51 qu'on est très engagé, en réalité.
03:53 Par exemple, on a été le premier assureur
03:57 et même le premier investisseur institutionnel
04:00 à se retirer totalement des énergies fossiles.
04:03 On a inventé l'an dernier le dividende écologique,
04:07 c'est-à-dire que l'on consacre 10 % de nos résultats
04:10 à des actions en faveur de la biodiversité,
04:13 ce qui n'est pas si fréquent que ça encore.
04:16 - C'est un peu le thème oublié pendant longtemps.
04:19 - Exactement.
04:21 Et puis, on fait énormément de choses
04:24 pour accélérer la transition vers les véhicules électriques,
04:28 pour réparer les véhicules
04:32 avec des pièces recyclées, etc.
04:35 - Les pommiers circulaires. - Voilà, exactement.
04:38 Donc, atténuation, beaucoup d'actions préventives
04:41 pour ralentir le réchauffement climatique.
04:44 Et puis, se pose aujourd'hui la question de l'adaptation.
04:47 - Là, ça veut dire quoi ?
04:49 C'est le modèle économique de l'assurance
04:52 qu'il faut réinventer ?
04:53 - Ça va jusque-là, en réalité.
04:56 Il y a deux aspects.
04:57 Il y a l'aspect individuel d'entreprise.
05:00 Que peut faire une entreprise comme la Maïf pour s'adapter ?
05:04 Et puis, il y a l'aspect collectif du monde de l'assurance.
05:07 Sur le plan individuel, nous, on essaye...
05:11 On l'a fait pour 2023, par exemple.
05:13 On essaye, évidemment,
05:15 d'amortir au maximum le choc pour nos sociétaires.
05:18 Ça veut dire quoi ?
05:19 Ça veut dire d'abord les accompagner,
05:22 évidemment, quand ils ont un sinistre,
05:24 et notamment un sinistre climatique,
05:26 et dans les meilleures conditions.
05:29 Ça veut dire aussi ne pas répercuter dans les tarifs
05:32 la totalité de l'augmentation des coûts que l'on subit.
05:35 Ce qui se traduit, évidemment,
05:37 par un résultat qui n'est pas bon.
05:39 Par un résultat qui n'est pas bon en 2023.
05:42 Et donc, on prend sur nos fonds propres
05:45 pour amorcir ce choc
05:46 et ne pas le répercuter en totalité.
05:49 Et puis, au niveau de l'ensemble de la profession,
05:52 la question qui est posée, c'est celle...
05:55 Pardon pour le terme un peu technique,
05:57 mais qui est parlant, je crois,
05:59 de l'inassurabilité d'un certain nombre de zones géographiques
06:03 en France, et je parle bien de la France métropolitaine.
06:07 -De quelles zones ?
06:08 -Elles sont... -Ça dépend des...
06:10 -Ça dépend des périls.
06:12 -Voilà. Tout à fait.
06:13 Vous avez des zones qui, très régulièrement,
06:16 sont touchées par des inondations.
06:18 Vous avez des zones côtières
06:20 qui peuvent être menacées par la submersion marine.
06:23 -Le trait de côte. -Le retrait du trait de côte.
06:26 -La sécheresse. -La sécheresse dans beaucoup de régions.
06:30 Partout où il y a des terrains argileux,
06:32 ça vient beaucoup de la nature du terrain.
06:35 Donc, il y a vraiment une grande diversité
06:38 à la fois de périls et de zones géographiques.
06:41 Le problème, c'est que...
06:42 Alors, aujourd'hui, j'allais dire, tout va encore bien.
06:46 Les assureurs sont présents,
06:48 assument leur rôle et couvrent les assurés
06:51 qui subissent ce genre de synesthèse.
06:54 -Vous dites "l'inassurabilité".
06:56 Qu'est-ce qu'il faut mettre en place
06:58 pour être toujours là d'ici 10 ans ?
07:00 -Avant 10 ans. -Avant 10 ans.
07:02 -Avant 10 ans, qu'est-ce qui va se passer ?
07:04 Que l'on commence à voir poindre ?
07:07 -Oui. -Ce sont des assureurs...
07:10 moins scrupuleux,
07:12 qui ont fait leur compte,
07:15 savent très bien que continuer à couvrir des habitations
07:18 dans ces zones, que l'on identifie de manière très précise,
07:22 à l'adresse même,
07:23 continuer à couvrir des habitations dans ces zones
07:26 coûte beaucoup trop cher.
07:28 Il y a une fréquence, une récurrence de synesthèse
07:31 qui est beaucoup trop élevée.
07:33 Donc, ils ont la tentation,
07:35 et certains commencent à le faire, de se retirer de ces zones,
07:38 de s'excuser, de souscrire,
07:41 d'assurer des gens qui voudraient s'assurer chez eux.
07:44 Si jamais on laisse les choses faire,
07:48 ils vont être de plus en plus nombreux à le faire,
07:51 et au final, tous les assureurs vont être contraints de le faire.
07:55 On ne peut pas être le dernier à assurer des zones exposées.
07:58 -Vous dites qu'il faut inventer ensemble,
08:01 parler de mutualisation des risques climatiques.
08:03 -Le principe, c'est de se dire, face à cette situation,
08:07 on joue un jeu individuel.
08:10 Voilà, le comportement, ça va être celui-là, le retrait.
08:13 Donc, il faut un jeu collectif, un jeu coopératif.
08:16 Il faut mutualiser, il faut répartir
08:18 la charge lourde de ces zones-là sur l'ensemble des assureurs.
08:23 C'est la seule manière de continuer à couvrir ces risques.
08:26 -Vous y arrivez seul ou l'Etat vous y oblige ?
08:29 -Alors, idéalement,
08:31 et c'est pour ça que j'ai depuis plus de deux ans,
08:35 porté ce sujet au sein de la Fédération française de l'assurance
08:39 pour essayer d'obtenir un consensus,
08:41 pour que l'on construise ensemble des règles du jeu collectif.
08:45 Je n'ai pas fait d'unanimité.
08:49 -Ca n'avance pas assez vite.
08:51 -Et donc, les pouvoirs publics commencent à s'en saisir.
08:55 Et notamment, Bercy a mis en place une mission
09:00 qui doit rendre ses conclusions d'ici quelques jours
09:03 pour trouver des solutions à cette situation.
09:05 -Vous parliez de la sécheresse.
09:07 Il y a 11 millions de maisons en France
09:10 qui sont touchées ou menacées par la sécheresse.
09:13 Comment ça marche ?
09:14 L'assurance en prend une partie en charge.
09:17 Il y a un fonds de l'Etat aussi,
09:18 qui ne suffit plus.
09:21 On est dans quelle situation ?
09:23 -Oui, alors, effectivement, l'assurance prend en charge.
09:26 Et ça fait partie de ce qu'on appelle, vous savez,
09:29 l'origine des catastrophes naturelles en France,
09:32 avec un dispositif un peu particulier.
09:34 Il y a un réassureur, c'est-à-dire l'assureur des assureurs.
09:38 On paye une cotisation auprès de réassureurs
09:41 qui nous couvrent lorsque les sinistres
09:43 atteignent un montant trop élevé.
09:45 Et il y a en France un réassureur particulier
09:48 qui est étatique, en réalité,
09:50 pour, précisément, les catastrophes naturelles.
09:53 Et qui, aujourd'hui, évidemment,
09:55 avec ce que l'on disait sur la multiplication
09:58 des sinistres climatiques, est en déficit.
10:02 Et donc, la cotisation obligatoire,
10:04 c'est une forme de taxe, en réalité,
10:06 la cotisation obligatoire que les assureurs versent
10:09 à ce réassureur va augmenter assez considérablement,
10:13 de 70 % au 1er janvier 2025.
10:17 -Ca fait l'objet d'une négociation ?
10:19 -Non. -C'est lui qui impose ?
10:21 -Oui, tout à fait. -On pourrait dire
10:23 que l'Etat va en prendre sa part, mais il fait des économies.
10:26 -C'est nécessaire. La CCR,
10:28 cette caisse centrale de réassurance,
10:30 elle a un déficit chronique depuis pas mal d'années.
10:33 -Quelques chiffres sur la MAIF,
10:35 plus de 4 millions de ménages, associations, entreprises,
10:38 collectivités assurées, accompagnées,
10:40 plus de 3,4 millions de personnes protégées en prévoyance,
10:43 ça, ce sont des chiffres 2022,
10:45 3,6 millions de véhicules assurés
10:47 et près de 3,3 millions de lieux de risque assurés.
10:51 Et donc, ces choix forts dont on parlait,
10:56 et notamment ce dividende écologique,
10:58 je vais vous faire un aveu ou une confession.
11:01 Le jour où vous l'avez annoncé... -Oui, on annonce à peu près.
11:06 -J'étais avec le patron du Crédit Mutuel,
11:08 Nicolas Thierry, qui annonçait le même jour
11:11 qu'il créait le dividende sociétal.
11:13 -Absolument. -Ce sont deux dispositifs
11:15 assez proches. On s'est dit ce jour-là,
11:17 on se tire un peu la boire, mais c'est pas grave.
11:20 Ce qui m'intéresse, c'est le mouvement.
11:22 Vous êtes deux entreprises qui, le même jour, font ce choix.
11:25 Il faut peut-être expliquer à nos téléspectateurs
11:28 le dividende écologique pour la Maïf.
11:30 C'est un pourcentage de votre résultat net
11:33 que vous consacrez à des actions spécifiques ?
11:35 -C'est exactement ça. C'est 10 % de notre résultat annuel
11:39 que l'on s'engage à consacrer à des actions.
11:42 La dépense, ce n'est pas de l'investissement.
11:45 Ce sont vraiment des dépenses à fonds perdus.
11:48 C'est un petit écart par rapport au Crédit Mutuel.
11:50 Des dépenses pour financer des projets,
11:54 en particulier de régénération de la biodiversité, on va dire.
11:58 -Ca veut dire quoi ?
11:59 Financer des projets, il n'y a pas d'objectif de rentabilité ?
12:04 -Il n'y a aucun objectif de rentabilité.
12:07 C'est de la dépense pure.
12:08 C'est de la dépense en pure perte, si je puis dire,
12:11 pour financer ces projets-là.
12:14 Les projets en matière de biodiversité,
12:16 ce sont des projets qui sont très locaux.
12:18 C'est vraiment au coeur des territoires
12:21 et généralement des projets de relativement petite ampleur.
12:25 On multiplie les projets que l'on finance.
12:28 Et ça va être, je ne sais pas moi, reméandrer, comme l'on dit,
12:32 un cours d'eau pour éviter qu'il déborde quand il y a des crus.
12:37 Ca va être sauvegarder une zone humide.
12:41 Ca va être réhabiliter
12:44 des collines sableuses
12:49 pour éviter qu'elles se déplacent en revégétalisant.
12:53 Ca va être gérer des forêts
12:58 en mode durable, etc.
12:59 -C'est une multiplication de petits projets.
13:03 Le Fonds Maïf pour le Vivant
13:05 organise et agrège tout ça.
13:07 Est-ce plus facile pour des entreprises mutualistes,
13:11 sans actionnaire, de prendre une décision comme celle-là ?
13:14 Le jour où vous l'avez lancée,
13:16 il y avait cet espoir que d'autres grands groupes vous suivent.
13:20 Je ne crois pas me tromper.
13:22 -Quand on se retourne, il n'y a pas grand monde derrière.
13:25 C'est plus facile sans actionnaire.
13:27 Comment vous l'expliquez ?
13:29 -Objectivement, oui, c'est plus facile.
13:32 On n'a pas de dividendes à verser à des actionnaires.
13:35 Effectivement, c'est plus facile.
13:38 On est complètement maître et libre
13:41 de l'affectation de nos résultats.
13:44 Ceci étant, je pense que les sociétés
13:48 avec actionnaire et les sociétés cotées
13:50 feraient bien de regarder le dispositif.
13:53 La pression aujourd'hui, les attentes à l'égard des entreprises,
13:57 notamment des plus grandes d'entre elles,
13:59 est extrêmement forte.
14:01 Négliger cette attente sociale,
14:03 c'est se priver d'une bonne marque employeur de main
14:06 et d'une capacité à attirer des talents.
14:08 C'est se priver d'une bonne marque commerciale,
14:11 car les gens commencent à regarder
14:13 le niveau d'engagement des entreprises
14:16 avec une transparence de plus en plus forte.
14:18 La fameuse directive CSRD entre en application
14:22 cette année, en tout cas sur l'exercice 24,
14:26 va donner un niveau de transparence
14:29 sur la réalité des engagements,
14:31 ce qui fait que les entreprises qui ne font rien
14:34 risquent d'être pointées du doigt.
14:36 -On verra si d'autres sont dans le rétroviseur,
14:39 contraintes par les nouvelles réglementations.
14:41 On parle de la gestion de vos actifs,
14:44 vous l'avez évoqué avec ce chiffre,
14:46 toujours des chiffres fin 2022.
14:48 21 milliards d'actifs gérés par la Maïf.
14:51 Ca vous donne un levier et une responsabilité majeure.
14:55 La première décision, vous nous l'avez dit,
14:57 c'est les énergies fossiles.
14:59 Ca veut dire que vous n'y êtes plus du tout ?
15:02 -Du tout.
15:03 -Ce n'est pas seulement les nouveaux projets ?
15:06 -Non. Nous avons nettoyé notre portefeuille
15:08 de l'ensemble de nos investissements
15:11 dans les énergies fossiles.
15:12 Ca, depuis déjà pas mal d'années.
15:14 On est le seul investisseur institutionnel à l'avoir fait.
15:18 On sait que le secteur de l'énergie est encore assez profitable.
15:23 Ce sont des placements qui peuvent être assez rémunérateurs.
15:28 On a fait le choix d'assumer...
15:30 Tant pis, de se priver peut-être de ces niveaux de rémunération élevés,
15:34 mais de ne pas continuer à financer les énergies fossiles.
15:38 -Comment vous fonctionnez avec les entreprises
15:41 que vous continuez de financer,
15:43 mais qui sont encore assez maîtrises de gaz ?
15:46 Est-ce que votre levier d'influence,
15:49 ou de pouvoir, on peut l'appeler ça,
15:51 fait que vous leur mettez une pression ?
15:54 -Absolument.
15:55 Soit les entreprises en direct,
15:57 soit plus fréquemment les fonds
15:59 dans lesquels nous investissons.
16:02 En effet, on négocie avec eux un calendrier
16:05 de sortie, soit des énergies fossiles,
16:09 soit du chimique ou que sais-je.
16:12 Et si jamais ce calendrier n'est pas respecté,
16:15 on se retire de ces fonds.
16:17 -Vous l'avez déjà fait ? -Oui.
16:19 -Vous pouvez dire sur quel... -Non.
16:21 -Vous allez pas nous dire ? Peut-être le secteur ?
16:24 -C'était en l'occurrence sur des fonds,
16:26 donc des multisectoriels. -C'était multisectoriel.
16:29 Vous dites qu'une entreprise est un acteur politique.
16:32 -Je crois que l'entreprise est politique.
16:34 C'était le titre de mon livre en 2019, déjà.
16:37 L'entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera plus.
16:41 Moi, je pense que l'entreprise...
16:43 L'entreprise vit dans la cité.
16:45 Elle ne vit pas indépendamment de la cité.
16:49 Évidemment, elle en subit les influences,
16:51 notamment sociales.
16:53 On n'est pas hermétique aux influences du monde qui nous entoure.
16:56 Et puis, surtout, elle a un impact sur ce monde,
16:59 un impact écologique, un impact social.
17:02 Et je pense que l'entreprise a, à l'égard de cet impact,
17:06 une responsabilité qui est forte.
17:09 -Je vous pose cette question,
17:10 parce qu'on est en pleine campagne des élections européennes,
17:14 plus ou moins, le mouvement continue dans certains pays d'Europe,
17:18 mais d'un mouvement très fort des agriculteurs européens
17:21 pour, finalement, questionner, on va dire,
17:25 le volet agricole du pacte vert, du Green Deal,
17:27 et on voit la réaction des institutions européennes,
17:30 qui sont en train d'un peu détricoter ce pacte vert.
17:33 Est-ce que ça vous inquiète ?
17:35 Est-ce que vous dites qu'il y a une petite musique de renoncement ?
17:39 -Oui, bien sûr.
17:40 C'est en Europe une toute petite musique pour l'instant.
17:43 Et aux Etats-Unis, un orchestre déjà plus important.
17:48 Mais oui, il y a quand même
17:51 des signaux avant-coureurs qui sont négatifs.
17:55 Et oui, ça m'inquiète, parce que ces sujets-là,
17:58 d'abord, nécessitent énormément de temps,
18:02 pas mal d'efforts, pas mal d'investissements, on le sait,
18:05 d'où le rôle des entreprises, le rôle majeur des entreprises,
18:09 parce qu'en réalité, avec des Etats endettés,
18:11 et des ménages auxquels on ne peut pas
18:14 raisonnablement demander de contribuer directement,
18:17 les entreprises ont une part de prise en charge
18:21 de ces investissements qui doit être importante.
18:23 Donc des efforts significatifs et dans la durée.
18:28 Si jamais il y a un ralentissement dans l'intention,
18:31 dans la motivation,
18:33 et dans l'aiguillon que les pouvoirs publics
18:37 doivent donner pour les entreprises,
18:41 on risque de perdre énormément de temps.
18:43 Or, aujourd'hui, ça devient très urgent.
18:46 -Et ça nous coûtera beaucoup plus cher.
18:48 -Et les efforts seront plus importants.
18:50 -Merci beaucoup, Pascal Demurger.
18:53 A bientôt sur Bismarck.
18:54 On passe à notre rubrique consacrée aux startups éco-responsables.