La France a mal à son agriculture et plus généralement c'est le monde des paysans qui s'étiole progressivement au sein d'une mondialisation soumise à une concurrence sauvage et à des pénalisations réglementaires. Les agriculteurs, les arboriculteurs, les éleveurs, les maraichers, tout ce peuple de la terre est soumis à des contraintes économiques, financières, sanitaires et environnementales qui poussent à la faillite des milliers d'entre eux. Cet hiver aura connu des manifestations de résistance avec force blocages et tracteurs dans de nombreux pays européens, notamment dans la belle et douce France et dans l'opulente Allemagne. Il faut dire que le saccage de l'agriculture peut se lire, pour la France en quelques chiffres : des années 50 à aujourd'hui, nous sommes passés de 2.5 millions d'exploitation agricoles à 390000, 10% d'entre-elles sont en situation de faillite et 20% au seuil de pauvreté, notre compétitivité agricole s'effondrant en passant de la 2ème à la 5ème place mondiale, et nous en sommes à importer 50% de nos fruits et légumes, 20% de notre viande bovine et un poulet sur deux.
Émile Malet reçoit :
- Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'Agriculture
- Sylvie Brunel, professeur des Universités, essayiste
- Jean de Kervasdoué, agronome, ancien directeur des hôpitaux, Académie des technologies
- Léa Lauzier, agricultrice, responsable de Laser-emploi adl
- Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA, vignerons en Ardèche
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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- Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'Agriculture
- Sylvie Brunel, professeur des Universités, essayiste
- Jean de Kervasdoué, agronome, ancien directeur des hôpitaux, Académie des technologies
- Léa Lauzier, agricultrice, responsable de Laser-emploi adl
- Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA, vignerons en Ardèche
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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NewsTranscription
00:00 Générique
00:02 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:26 L'agriculture sacrifiée.
00:28 La France a mal à son agriculture,
00:31 et plus généralement, c'est le monde des paysans
00:34 qui s'étiole progressivement
00:36 au sein d'une mondialisation soumise à une concurrence sauvage
00:41 et à des pénalisations réglementaires.
00:43 Les agriculteurs, les arboriculteurs,
00:46 les éleveurs, les maraîchers, tout ce peuple de la terre
00:49 est soumis à des contraintes économiques, financières,
00:52 sanitaires et environnementales
00:55 qui poussent à la faillite des milliers d'entre eux.
00:58 Cet hiver, on a connu des manifestations de résistance
01:01 avec force blocage de tracteurs dans de nombreux pays européens,
01:06 notamment dans la belle France et dans l'opulente Allemagne.
01:10 Il faut dire que le saccage de l'agriculture
01:13 peut se lire pour la France en quelques chiffres.
01:16 Des années 50 à aujourd'hui,
01:19 nous sommes passés de 2,5 millions d'exploitations agricoles
01:24 à 390 000.
01:26 10 % d'entre elles sont au bord de la faillite
01:29 et 20 % au seuil de pauvreté.
01:32 Notre compétitivité agricole, pendant ce temps,
01:36 s'est affaissée en passant de la deuxième
01:39 à la cinquième place mondiale
01:40 et nous en sommes à importer 50 % de nos fruits et légumes,
01:45 20 % de notre viande bovine
01:48 et un poulet sur deux.
01:50 Ainsi va la mondialisation des échanges
01:54 et des disparités.
01:56 Avec mes invités que je vous présente,
01:59 nous allons chercher à comprendre ce malaise.
02:01 Agnès Pannier-Runacher,
02:03 vous êtes ministre déléguée à l'agriculture.
02:06 Sylvie Brunel, vous êtes professeure des universités
02:09 et essayiste.
02:11 Jean de Kervasdoué, vous êtes agronome,
02:14 ancien directeur des hôpitaux
02:16 et vous êtes à l'Académie des technologies.
02:19 Je salue la présence parmi nous en visioconférence
02:22 de Jérôme Voll.
02:24 Vous êtes vice-président de la FNSEA
02:27 et de l'association Vignerons en Ardèche.
02:30 Et madame Léa Lausier,
02:32 vous êtes agricultrice
02:34 et responsable de Lazare Emploi ADL.
02:37 Je vais commencer par un paradoxe,
02:47 madame la ministre.
02:49 Le soutien au monde agricole
02:52 est quasi unanime dans notre pays
02:54 et pourtant, la situation de l'agriculture
02:57 ne cesse de se dégrader.
02:59 Comment vous expliquez ce paradoxe ?
03:02 -Je crois que c'est pas propre à notre pays.
03:05 Les agriculteurs font face, aujourd'hui,
03:08 à différentes crises,
03:09 des crises qui dépassent l'Europe.
03:11 Vous mentionnez l'Europe dans votre propos introductif,
03:15 mais des émeutes de paysans,
03:17 on en a vu au Sri Lanka,
03:19 on en a vu en Inde,
03:20 et il faut nommer un enjeu,
03:22 qui est celui du dérèglement climatique,
03:25 et dont les agriculteurs sont les premières victimes.
03:28 Sécheresse qui dure interminablement
03:31 dans les Pyrénées-Orientales,
03:33 inondations et pluies constantes
03:35 dans le Pas-de-Calais, où j'habite depuis 5 mois,
03:38 ça ne s'arrête pas.
03:39 Ces éléments-là sont aussi, clairement,
03:42 des troubles faits dans la bonne conduite
03:45 de nos exploitations agricoles.
03:48 Deuxième enjeu, la géopolitique.
03:50 Et l'organisation des marchés.
03:52 L'Europe subit de manière très forte
03:55 l'impact de la guerre en Ukraine
03:58 et de la désorganisation des marchés agricoles,
04:01 et du fait que l'Ukraine soit privée
04:03 de déboucher vers la mer Noire,
04:05 ce qui fait qu'elle reporte la pression
04:08 de ses productions vers l'Europe.
04:11 Troisième enjeu, effectivement,
04:13 le travail que nous menons
04:16 pour engager une transition agroécologique,
04:19 qui, c'est beaucoup d'investissements,
04:22 c'est une transformation profonde,
04:24 ce qui suppose de l'argent,
04:26 ce qui suppose de pouvoir...
04:29 ...investir.
04:31 Or, on n'a pas toujours la capacité,
04:34 on peut prendre le cas du bio,
04:35 à faire porter aux consommateurs l'augmentation des prix
04:39 pour le faire. -On va rentrer dans le détail,
04:41 mais je voudrais une première réaction de M. Voll.
04:44 Comment la FNSEA réagit à ce discours ministériel ?
04:49 M. Voll ?
04:50 -Non, je pense que la ministre a très bien mis
04:56 la situation à la fois mondiale par rapport à l'agriculture
05:00 et à la situation aussi du contexte économique géopolitique
05:04 que l'on peut avoir, et on le voit en ce moment
05:07 avec la guerre en Ukraine et tous les effets
05:09 que ça peut avoir sur les céréales, la volaille,
05:13 ou sur un certain nombre de sujets.
05:15 Mais si je reviens de façon plus générale
05:18 sur l'agriculture et vos propos introductifs,
05:21 aujourd'hui, on a un vrai enjeu pour nous
05:24 de souveraineté alimentaire pour notre pays.
05:26 Vous l'avez dit, 50 % des fruits et légumes sont importés.
05:30 Alors que nous étions un pays qui exportait des fruits et légumes,
05:34 ça montre combien notre agriculture, malheureusement,
05:37 a pris du recul par rapport à l'économie
05:40 que nous représentions et que nous étions.
05:43 Donc, il y a un vrai enjeu, évidemment,
05:45 de souveraineté alimentaire,
05:47 mais il y a aussi un vrai enjeu aujourd'hui,
05:49 et vous l'avez cité dans vos propos,
05:51 de renouvellement des générations.
05:53 On est à une taille critique du nombre d'entreprises,
05:56 même si le nombre de salariés évolue très nettement
05:59 en agriculture, donc on a quand même
06:02 une évolution aussi vers le salariat.
06:04 Mais on a évidemment besoin de ce renouvellement des générations
06:08 pour pouvoir faire en sorte que demain,
06:10 notre agriculture soit à la fois économique, territoriale,
06:14 et qu'elle prenne toute sa place sur le plan humain et économique.
06:17 -C'est votre avis, madame Lausier.
06:19 Est-ce que la situation,
06:20 vous constatez qu'elle continue à se dégrader ?
06:23 -Oui, elle se dégrade, la situation.
06:28 On a de plus en plus de jeunes
06:31 qui jettent l'éponge de plus en plus vite.
06:35 On a nos filières aujourd'hui
06:38 qui ne sont plus porteuses de valeurs ajoutées,
06:41 donc de revenus au niveau de la ferme.
06:44 Et ça devient difficile...
06:47 J'ai reparlé du renouvellement des générations,
06:51 mais ça devient difficile de faire la cuve.
06:53 -Vous êtes combien dans votre ferme, madame Lausier ?
06:56 -Ah, moi, je suis seule.
06:58 Enfin, je suis seule avec mon père.
07:00 -Oui. -Et...
07:02 Et j'ai absolument pas les moyens
07:04 de prendre un associé ou d'embaucher quelqu'un,
07:06 parce que la ferme, soit elle est trop petite,
07:09 soit elle génère pas assez de revenus.
07:11 Et bon, moi, personnellement, ça me dérange pas,
07:13 je vais me travailler seule,
07:15 mais ça peut gêner d'autres personnes
07:18 qui, eux, ont ce souhait d'embaucher.
07:20 Et c'est vrai que la situation ne donne pas...
07:24 Enfin, la situation n'est pas propice
07:26 à faire de la pub pour le métier d'agriculteur.
07:28 -Mais économiquement, vous vous en sortez,
07:31 par le salaire, ou vous êtes dans des conditions de misère ?
07:35 -Euh... Honnêtement, non.
07:38 Enfin, moi, personnellement,
07:41 sur ma pépinière, je ne m'en sors pas.
07:43 J'ai un emploi à temps partiel
07:47 pour combler les lacunes
07:51 du revenu agricole, on va dire.
07:53 Donc voilà,
07:55 et je remarque, dans mon voisinage,
07:59 que de plus en plus de jeunes prennent un emploi
08:03 à côté de la ferme pour arriver à se sortir un véritable salaire.
08:07 -Alors, devant ces témoignages,
08:09 qu'est-ce que vous dites ? On va rentrer dans le détail.
08:12 Mais là, quels commentaires vous pouvez faire,
08:15 Sylvie Brunel et Jean de Kervasdoué ?
08:17 Vous avez là un témoignage,
08:19 vous avez une position ministérielle,
08:21 vous avez le syndicat,
08:23 vous, qui êtes, on peut dire, des experts
08:26 hors pratique, si on peut dire, agricoles.
08:29 -Il y a une perte de chance, aujourd'hui, pour la France,
08:32 qui est le symptôme de cette difficulté,
08:37 de la perte de compétitivité d'une partie de l'agriculture française.
08:41 Il y a un risque de désagriculturisation
08:43 de notre territoire.
08:44 Il y a 20 000 départs en retraite chaque année,
08:47 13 000 installations seulement.
08:49 Une ferme sur trois ne trouve pas de repreneur.
08:52 Or, les agriculteurs français pilotent toujours 53 %,
08:56 à peu près, du territoire,
08:57 ce qui veut dire qu'ils ont une influence directe
09:00 sur nos paysages, sur notre alimentation,
09:02 sur le climat, puisqu'on a parlé tout à l'heure
09:05 des enjeux climatiques. Quand vous êtes agriculteur,
09:08 vous travaillez avec le vivant,
09:10 vous êtes confronté aux caprices du temps.
09:12 La question des prix, la question de la compétitivité
09:15 face à une concurrence internationale déloyale...
09:18 -On va rentrer dans le détail, bien entendu.
09:20 -Donc, ça veut dire que c'est une situation difficile.
09:25 Il y a une mobilisation des agriculteurs
09:27 depuis plusieurs mois pour alerter sur cette crise
09:31 de plusieurs modèles,
09:33 parce qu'on ne peut pas parler du modèle français.
09:36 Il faut dire que l'agriculture française
09:38 reste une agriculture familiale,
09:40 une agriculture propre,
09:42 qui allie la quantité et la qualité,
09:44 et qu'il ne faut surtout pas
09:46 que cette agriculture disparaisse.
09:48 -Jean-Luc Ermasdoué,
09:49 allons un peu plus loin par rapport à ce qui vient d'être dit.
09:53 Si on prend la situation de l'agriculture en France,
09:56 il y a de petites exploitations,
09:58 mais il y a aussi des exploitations industrielles
10:02 ultra-modernes, profitables.
10:03 Tout le monde de l'agriculture n'est pas paupérisé.
10:07 Est-ce que ça peut durer comme ça,
10:10 c'est-à-dire avoir d'un côté de petites exploitations,
10:13 de l'autre côté une agriculture ultra-moderne ?
10:17 Est-ce que, finalement,
10:20 il y a d'un côté un mépris pour le peuple de la terre
10:24 et de l'autre côté, disons,
10:27 on encense les gros industriels de l'agro ?
10:32 -Je pense qu'il faudrait essayer la difficulté
10:35 de ces conversations, parler filière par filière,
10:38 et on peut avoir des petites exploitations
10:40 très, très modernes.
10:42 Donc, non, je pense que la situation actuelle,
10:44 ce qui me frappe beaucoup,
10:46 si vous permettez d'aborder des nuances,
10:48 c'est ce que vous disiez, madame,
10:50 c'est dans les manifestations récentes,
10:53 c'est qu'elles aient commencé si tard.
10:55 Je tiens une chronique dans Le Point depuis 5 ans,
10:58 et il y a 5 ans, j'écrivais dans Le Point,
11:00 que j'étais très étonné que le monde agricole
11:03 soit aussi passif.
11:04 Donc, il est vrai que...
11:06 -Vous les encouragez pas à manifester,
11:08 Jean de Carvazoué ? -Ah, si, si.
11:10 -Ah bon, c'est un signe de vitalité.
11:12 -Je sais pas. -Nous aimons les manifestations
11:15 en France. -Non, mais je trouve
11:17 que ce qui a été imposé aux agriculteurs,
11:21 qui est la conséquence de deux phénomènes.
11:23 La première, c'est l'ouverture de l'agriculture française
11:27 à la concurrence mondiale,
11:29 poussée par les Américains,
11:31 poussée par le libéralisme anglais,
11:33 et d'autre part, l'écologie, celle allemande.
11:36 On a la même situation que dans le domaine de l'énergie.
11:39 Vous connaissez bien, ça, madame.
11:41 On a ce double phénomène.
11:43 On a cru dans les bienfaits du marché,
11:45 de la concurrence dans le domaine de l'électricité.
11:48 On voit que c'est pas le cas,
11:50 et on a cru aux bienfaits des énergies renouvelables.
11:53 -On est pas un pays autarcique, Jean de Carvazoué.
11:56 -Non, mais dans ce domaine-là,
11:58 nous avons fait complètement évoluer
12:00 la politique agricole commune,
12:02 que moi, j'ai bien connue, il y a 40 ou 50 ans,
12:05 puisque j'étais le conseiller de la Première ministre,
12:08 cette politique a beaucoup évolué.
12:10 Je regardais ce matin, c'est ici qui m'a marqué,
12:13 c'est que dans les financements de la politique agricole commune
12:17 en Allemagne, la moitié va pour le bien-être animal
12:20 et l'autre moitié pour les normes dans le domaine de l'environnement.
12:24 Donc, la politique agricole commune en Europe,
12:27 c'est désintéressée de la production
12:29 et a conduit à mépriser les agricultures,
12:33 puisque le message qu'ils ont reçu est,
12:36 un, vous êtes des empoisonneurs,
12:38 car vous utilisez des produits phytosanitaires,
12:40 je sais pas si vous remarquez que je n'utilise pas le terme
12:44 de "pesticide", donc vous êtes des empoisonneurs,
12:47 vous bousillez l'environnement, et c'est ça qu'ils entendent,
12:50 et qui se traduit au jour le jour
12:53 par des normes complètement folles, juste une norme.
12:57 -Oui. -Ca m'a fait rire, si je dois dire.
12:59 Je vais à la FDSEA du Finistère, il y a deux ans et demi,
13:04 et j'entends qu'un agriculteur
13:06 avait été condamné une très lourde amende,
13:09 parce que 96 de ses 2600 porcelets n'avaient pas de jouets.
13:14 Donc, j'ai découvert que la réglementation
13:16 obligeait que quand on avait des porcelets,
13:19 d'avoir des jouets, et quand on n'avait pas de jouets,
13:22 l'amende, c'était de 600 euros par porcelet.
13:25 -C'est énervant. -Jean-Luc Arras, laissez-moi...
13:27 Madame la ministre, vous avez entendu
13:29 un certain nombre de critiques. Qu'est-ce que vous en dites ?
13:33 Et peut-être prolonger le propos
13:36 en disant, est-ce que le Green Deal européen,
13:39 le plan Eco-FITO, etc.,
13:42 ont pénalisé notre agriculture ?
13:44 -Peut-être plusieurs choses.
13:46 Le Green Deal européen, dont on parle beaucoup,
13:48 se trouve qu'il n'est pas appliqué sur l'agriculture.
13:52 Donc, s'il était l'objet du Green Deal,
13:54 je pense qu'on ne devrait pas avoir des agriculteurs dans la rue.
13:59 En revanche, la politique agricole commune
14:02 a fait évoluer son mode de fonctionnement
14:06 en reconnaissant un certain nombre
14:08 de services environnementaux qui sont rémunérés.
14:11 Il y a débat, d'ailleurs,
14:13 parce que la politique agricole commune,
14:15 beaucoup de gens de nos oppositions
14:18 nous reprochent d'avoir une politique
14:20 qui oriente 80 % des financements sur 20 % des exploitations,
14:24 ce qui ne va pas exactement dans le sens
14:26 que vous mentionnez, monsieur le caravane.
14:29 Néanmoins, c'est vrai que la part de ce qu'on appelle
14:32 les éco-régimes, c'est-à-dire les rémunérations
14:34 des services environnementaux, a augmenté.
14:37 Moi, je dirais que ça, c'est pas en soi le problème.
14:40 Là où il y a un problème, c'est la manière
14:43 dont ces services ont été mis en oeuvre.
14:46 C'est-à-dire, on va prendre un exemple tout simple,
14:49 on vous dit qu'il ne faut pas retourner des prairies.
14:52 Les experts vous diront qu'effectivement,
14:54 climatiquement, une prairie, c'est très bien
14:57 en termes de puits carbone,
14:59 en termes d'évapotranspiration, etc.
15:01 Sauf que quand vous êtes envahi par des campagnols
15:04 et que la seule manière de traiter ça,
15:06 c'est de retourner la prairie, d'abord,
15:08 le campagnol se charge d'enlever le bénéfice environnemental
15:12 de votre prairie, et ensuite, vous êtes désarmé.
15:15 Il y a une forme de volonté d'enfermer le vivant
15:18 dans de la réglementation, et ça, ça ne fonctionne pas.
15:21 Le grand classique de la simplification
15:23 qu'on évoque et de la colère des agriculteurs,
15:26 c'est l'entretien des haies.
15:28 L'entretien des haies, on n'a pas le droit
15:30 de toucher une haie entre le 15 mars et le 15 septembre
15:33 pour éviter de déranger la nidification des oiseaux.
15:37 C'est louable, mais si, comme dans le Pas-de-Calais,
15:40 il n'arrête pas de pleuvoir, le 15 mars,
15:42 vous n'avez pas touché à la haie, donc vous êtes bloqué.
15:46 C'est du pénal.
15:47 C'est là où on voit qu'à un moment,
15:49 il faut ne pas perdre l'objectif agroécologique,
15:52 parce qu'il est essentiel.
15:53 On a besoin de sols de qualité, d'adapter l'agriculture
15:56 au dérèglement climatique, on a besoin aussi
15:59 de lutter contre le dérèglement climatique,
16:01 mais à un moment, il faut éviter
16:03 d'être dans l'injonction paradoxale,
16:06 et donc permettre aux agriculteurs
16:08 de faire bien leur travail de transition écologique.
16:11 Le dernier élément, il est assez frappant,
16:14 c'est de dire qu'il faut des prairies,
16:16 mais pas d'élevage.
16:17 Sauf que pour avoir des prairies, c'est mieux d'avoir des bêtes
16:21 qui soient sur la prairie et qui pâturent.
16:23 Donc là, on doit effectivement simplifier,
16:26 faire confiance aux agriculteurs, sans rien, je dirais,
16:30 sans revenir en arrière sur l'ambition,
16:32 parce que l'ambition, elle est quand même...
16:35 C'est une question existentielle.
16:37 L'ambition de lutter contre l'effondrement
16:40 de notre biodiversité, quand on dit qu'il y a 40 % d'insectes en moins,
16:44 c'est malheureusement un fait.
16:46 Et donc, c'est un sujet qu'on doit aborder.
16:48 Inversement, faire en sorte que les agriculteurs
16:51 puissent conduire cette transition agroécologique,
16:54 puissent avoir accès aux phytosanitaires,
16:56 qui sont les moins impactants.
16:58 J'aime bien comparer les phytosanitaires
17:00 aux médicaments.
17:02 On dit pas aux hommes "Vous allez vous passer de médicaments".
17:05 En revanche, on dit "Attention, les antibiotiques,
17:08 "il faut pas trop les utiliser, il y a des résistances."
17:11 -C'est une question de juste milieu et de nuances.
17:15 Et la dernière chose, c'est la concurrence déloyale.
17:18 Et là, effectivement, nous avons été très ambitieux,
17:21 il faut le reconnaître.
17:23 Il y a des sujets sur lesquels nous avons pris de l'avance
17:26 en matière environnementale.
17:28 Et à un moment, mais on l'a connu aussi sur l'industrie,
17:31 on s'applique nous-mêmes des contraintes,
17:33 des exigences environnementales,
17:35 que d'autres pays ne s'appliquent pas.
17:38 Et donc, on importe des produits
17:40 qui sont réalisés sans ces exigences environnementales.
17:44 -Certaines exigences sont néfastes
17:47 et vont souvent contre l'objectif qui était d'aller prendre des exemples.
17:52 -M. Voll, j'aimerais avoir votre avis
17:55 sur où on en est actuellement dans le débat.
17:59 Est-ce que, pour vous,
18:01 c'est pour simplifier...
18:03 Les formules simples ont toujours tendance à diminuer le sens,
18:08 mais est-ce que c'est la faute à Bruxelles,
18:11 avec cette bureaucratisation ?
18:14 Anarin disait déjà en son temps
18:17 que quand on bureaucratise,
18:18 on met les questions dans différents tiroirs
18:22 et finalement, ça retire la puissance d'agir.
18:24 Et est-ce qu'à votre avis, plus globalement,
18:27 notre écologie européenne,
18:31 elle est moins articulée autour du business
18:35 que ne l'est, par exemple, l'écologie américaine ou chinoise ?
18:40 -Tout d'abord, par rapport à la politique européenne,
18:47 aujourd'hui, heureusement qu'il y a une politique européenne
18:51 agricole qui a permis de structurer cette Europe des 27 aujourd'hui,
18:55 qui permet aussi d'accompagner l'agriculture
18:58 et cette souveraineté alimentaire
19:00 et le développement d'un certain nombre de pays
19:03 qui sont accueillis dans l'Union européenne,
19:06 et particulièrement les pays de l'Est,
19:08 comme en son temps l'Espagne ou le Portugal.
19:11 Je crois que la politique agricole commune
19:13 a permis cette capacité de pouvoir structurer les choses.
19:17 Néanmoins, on a une concurrence
19:19 qui se joue à la fois au niveau européen,
19:21 parce qu'on a des distorsions de concurrence.
19:24 L'Europe n'a pas pris toutes les compétences
19:27 et donc, du coup, chaque pays a ses propres compétences,
19:30 notamment sur l'emploi, un dossier que j'accompagne à la FNSEA.
19:34 On a des distorsions de concurrence très importantes,
19:37 mais aussi sur un certain nombre d'interprétations.
19:40 -Vous pouvez donner un exemple de distorsion de concurrence ?
19:43 -Le coût du travail. -Oui, on va laisser...
19:46 -Le coût du travail, par exemple.
19:48 Le coût du travail est, aujourd'hui,
19:50 entre un salarié en Espagne et un salarié en France,
19:54 ça va de 1 à 4.
19:56 Donc on est quand même sur des montants qui sont importants.
20:00 Il y a le coût du travail, la flexibilité du temps de travail,
20:03 il y a aussi comment on accompagne, j'ai envie de dire,
20:06 les salariés dans nos entreprises,
20:08 et aujourd'hui, il y a une distorsion de concurrence.
20:12 Par contre, on a une interprétation des directives européennes
20:16 qui, à la française, souvent,
20:18 se surtranspose à la française de normes supplémentaires.
20:22 Et ça, pour le coup, ça nous met en difficulté
20:24 par rapport aux propres pays européens
20:27 dans lesquels on a libre-échange au niveau européen.
20:30 Et après, évidemment, on a un vrai sujet
20:33 avec les pays des autres continents,
20:37 et plus particulièrement dans le cas du Mercosur,
20:40 où des accords sont en train de discuter sur le CETA,
20:43 où là, on a des pratiques agricoles
20:45 qui sont complètement différentes.
20:47 On vend une partie de l'agriculture
20:49 contre des services ou contre une autre industrie,
20:52 et que nous, l'agriculture, on subit, évidemment,
20:55 en conséquence, de nombre de tonnes de viande
20:58 qui pourraient rentrer sur nos territoires
21:00 avec les quotas qui sont avec.
21:04 Donc, on a un vrai enjeu, aujourd'hui,
21:06 de retrouver de la stabilité.
21:07 Si on se met des normes,
21:09 si on est dans une capacité de se dire
21:11 qu'on veut une excellence de l'agriculture,
21:14 ce qui est déjà le cas, et c'est déjà reconnu au niveau mondial,
21:17 c'est de faire en sorte que, lorsqu'on importe des produits,
21:20 on y applique les mêmes règles que celles que nous nous imposons.
21:24 Et plus simplement, en ce moment, dans la discussion qu'on a,
21:28 c'est qu'on a besoin d'un bloc de simplification
21:31 qui nous permette de redonner de la compétitivité à notre agriculture,
21:34 une place existentielle de notre agriculture
21:37 pour que, derrière, on puisse dégager des revenus pour les agriculteurs
21:41 et éviter cette érosion du nombre d'agriculteurs en France.
21:44 Vous avez eu un débat tout à l'heure
21:46 sur les petites et les grandes entreprises.
21:49 Dans tous les secteurs d'activité,
21:50 on a des tailles d'entreprises qui sont différenciées.
21:54 En France, on est dans des exportations familiales,
21:56 très familiales,
21:58 quand on compare par rapport à l'Allemagne
22:00 ou d'autres pays européens.
22:02 On est quand même encore une agriculture familiale,
22:06 même si on a quelques entreprises qui sortent avec les gros ventes.
22:09 -On vous a entendu, monsieur Bolland.
22:11 -Qu'elles soient importantes, elles sont importantes.
22:14 -Sylvie Brunel, c'est un serpent de mer,
22:17 ces distorsions de concurrence.
22:19 Est-ce qu'en Europe, d'autres pays font mieux que la France ?
22:23 -Est-ce que...
22:24 -Alors... -Est-ce que le coût du travail...
22:27 -Alors, qu'il y ait des distorsions intra-européennes
22:31 importantes à la fois sur les produits
22:34 qui sont autorisés ou interdits d'un pays à l'autre,
22:37 sur le recours au génie génétique,
22:40 qui est autorisé, par exemple, en Espagne ou au Portugal,
22:43 sur le recours à l'irrigation,
22:45 la France est en 9e position,
22:47 sur le coût du travail, dont on a parlé même en Allemagne,
22:50 le coût du travail avec les travailleurs turcs
22:53 est bien inférieur à celui de la France.
22:55 C'est compliqué pour cette agriculture française
22:58 qui se veut exceptionnelle, performante et compétitive
23:01 et qui le reste dans un certain nombre de domaines,
23:04 de pouvoir conserver son rang.
23:06 Mais dans un grand nombre d'autres continents,
23:09 et je pense notamment aux Etats-Unis,
23:11 on ne fait pas mystère de la protection
23:14 des farmeurs américains face à une concurrence déloyale.
23:18 Donc les autres pays du monde considèrent
23:20 que l'agriculture est stratégique.
23:22 Dans la nouvelle loi d'orientation agricole
23:25 qui va être adoptée par le gouvernement,
23:27 elle sera placée au rang des intérêts fondamentaux
23:30 de la nation. Ce n'est pas le cas pour l'instant.
23:33 Elle a servi de variable d'ajustement
23:35 dans un certain nombre de crises politiques.
23:38 Je pense notamment à ce qui s'est passé
23:40 après l'annexion de la Crimée en 2014,
23:42 où Poutine était le premier importateur de nourriture au monde,
23:46 qu'il est devenu le premier exportateur de blé.
23:49 Cette agriculture, aujourd'hui,
23:51 subit des chocs de tous les côtés.
23:53 Elle essaie de rester performante,
23:55 qu'elle soit petite ou grosse.
23:57 Je voudrais revenir là-dessus.
23:58 On ne peut pas opposer en France une agriculture
24:01 qui serait industrielle à une petite agriculture.
24:04 Tout dépend... -C'est la réalité aussi
24:06 pour les autres activités.
24:08 -Mais ce n'est pas... -Si vous prenez
24:10 le cas de l'alimentation,
24:12 les gros distributeurs ont effacé les petits commerces.
24:16 -Non, mais en agriculture,
24:17 vous avez, par exemple, des chartes AOP,
24:20 par exemple Beaufort ou Comté,
24:22 qui se portent très bien,
24:23 même si ce sont des petites exploitations.
24:26 -Ca ne touche pas le gros de la population,
24:28 ces produits de grande qualité.
24:30 Vous le savez bien. -Non, mais attendez.
24:33 Tous les journalistes parisiens opposent
24:35 une agriculture qui serait productiviste,
24:38 industrielle, à une petite agriculture familiale
24:41 qui serait vertueuse. -Là, il ne s'agit pas
24:43 de Paris et la province.
24:45 Vous savez bien le débat. -La réalité est plus hétérogène.
24:48 Je rejoins ce que dit Sylvie Brunel.
24:50 Effectivement, on a tendance à caricaturer le débat,
24:53 alors qu'en réalité, vous avez une petite agriculture
24:56 qui est extraordinairement compétitive,
24:58 une grosse agriculture qui ne peut pas être positionnée
25:01 sur les bons produits.
25:03 On revient sur la question de la concurrence.
25:05 Si on regarde juste la moyenne,
25:07 et c'est là où on fait apparaître le problème,
25:10 le revenu disponible des agriculteurs
25:12 a progressé de 90 % depuis 2017.
25:14 Sauf que la réalité, c'est que ça représente
25:17 une hétérogénéité totale de situation.
25:19 -Madame la ministre, je voudrais vous poser
25:22 une question de Béossien.
25:24 Sylvie Brunel vient de dire que les distorsions
25:26 sont même à l'intérieur de l'Europe.
25:29 Est-ce que vous n'avez pas les moyens, politiquement,
25:32 de faire en sorte qu'il n'y ait pas ces distorsions
25:35 à l'intérieur de l'Europe ou alors de trouver
25:37 des compensations automatiques pour que tout le monde
25:41 autour de la table soit au même niveau de salaire, etc. ?
25:46 Je vais vous dire, c'est le même domaine dans l'énergie.
25:49 D'ailleurs, on s'aperçoit... -C'est pas tout à fait
25:52 ciblé sur l'énergie. -Certains pays ont eu
25:55 des avantages que d'autres n'ont pas.
25:57 -2/3 des calories que nous produisons en France
26:01 sont exportées. 2/3 des calories que nous produisons
26:04 en France sont exportées. C'est essentiel
26:07 pour comprendre pourquoi des modèles qui voudraient dire
26:10 "On arrête d'importer" posent un problème majeur
26:13 parce qu'en fait, vous privez.
26:15 Vous imaginez bien que si vous arrêtez d'importer,
26:18 les pays vers qui vous exportez vous tapent sur l'épaule
26:21 en disant "Bienvenue, on va faire pareil".
26:23 Ca voudrait dire mettre par terre toute notre agriculture.
26:27 La viticulture sans importation, en France, s'effondre.
26:30 -Mais on parle pas de ça. -Non, mais je veux juste
26:33 quand même le rappeler. Ensuite, sur la concurrence
26:36 loyale ou déloyale, il y a différentes choses.
26:39 La question du coût du travail est liée à notre modèle social.
26:42 C'est difficile d'expliquer aux Polonais
26:44 que nous avons des conditions de rémunération
26:47 qui sont meilleures et que notre système de sécurité sociale
26:51 est meilleur, nos retraites sont plus élevées...
26:53 -Mais on peut pas taxer leur poulet.
26:55 -On va vous taxer parce que vous allez financer
26:58 notre système de sécurité sociale.
27:00 Je pense que c'est difficile à expliquer.
27:03 En revanche, lorsque vous avez une molécule
27:05 qui est interdite au niveau européen,
27:08 les molécules sont interdites au niveau européen,
27:11 et qu'un agriculteur français découvre
27:13 que de l'autre côté de la frontière,
27:15 son camarade qui produit exactement la même chose
27:18 a une dérogation et lui pas,
27:20 là, effectivement, il y a un problème
27:23 parce que là, on touche à des enjeux environnementaux
27:26 qui nous préoccupent tous et qui ne connaissent pas les frontières.
27:30 Il est légitime de faire en sorte qu'on ait,
27:32 sur les enjeux environnementaux et de règles du jeu environnemental,
27:36 une concurrence loyale et que, de la même façon,
27:39 on essaie de progresser vers des clauses miroirs
27:42 dans tous les traités de libre-échange.
27:44 Que ce soit les émissions de CO2 qui ne connaissent pas de frontières
27:48 ou même les enjeux environnementaux
27:50 qui restent quand même, même s'ils sont plus locaux,
27:53 des enjeux qui traversent les frontières,
27:55 dire "nous, on s'applique quelque chose
27:58 "au bénéfice de tout le monde et les autres ne le font pas
28:01 "et c'est nous qui payons", là, il y a un problème.
28:04 -La réactrice veut réagir. Léa Lauzier.
28:07 -Euh... Oui.
28:09 Alors, moi, j'avais demandé la parole
28:12 au moment où vous parliez de...
28:14 de cette...
28:16 Euh...
28:17 De la différence entre les petits agriculteurs
28:19 et les agriculteurs productivistes.
28:22 Moi, ça me gêne parce que même un petit agriculteur...
28:25 Enfin, le but du jeu, quand même,
28:27 quand on est agriculteur, paysan, exploitante,
28:30 n'importe quel mot que vous voudriez employer,
28:33 le but du jeu, c'est de produire.
28:35 C'est d'être productiviste
28:37 pour arriver à se tirer un revenu de ce qu'on produit.
28:40 Donc, c'est pour ça,
28:41 ces grosses exploitations productivistes,
28:43 ces petits paysans sympathiques,
28:45 c'est une dichotomie qui ne me plaît pas, personnellement,
28:48 parce que je connais des maraîchers
28:50 qui, sur un hectare, arrivent à faire...
28:53 à faire plus de chiffre d'affaires
28:56 qu'un céréalier de la bosse.
28:58 En fait, tout dépend du produit, tout dépend de la filière,
29:02 tout dépend de l'endroit où on est posé.
29:04 Donc, une petite exploitation chez nous
29:07 sera peut-être une grande exploitation
29:09 sur une autre région.
29:12 Une grosse exploitation
29:14 sera peut-être une petite exploitation ailleurs.
29:17 On le voit bien par rapport...
29:19 entre la France et les autres pays,
29:21 on a quand même une surface moyenne d'exploitation...
29:24 Enfin, une surface moyenne de nos exploitations
29:27 qui est relativement petite par rapport à nos voisins.
29:31 Voilà, merci, j'avais plus de chiffre.
29:34 C'est ça.
29:35 Donc, voilà, c'est pour ça que ce problème
29:39 entre gros et petits me gêne.
29:40 Ensuite, moi, ce qui me gêne aussi
29:43 au niveau de tout ce qui est de revenir aux réglementations,
29:46 à l'Europe, etc.,
29:47 c'est qu'à mon petit niveau d'agricultrice,
29:51 moi, mon problème, c'est que j'ai l'impression
29:54 de payer pour les autres, en fait.
29:56 C'est-à-dire que je dois...
29:59 Je dois respecter des règles,
30:01 ce qui est normal dans un pays civilisé,
30:03 on respecte des règles, on respecte des normes,
30:05 mais mes intrants sont de plus en plus chers
30:09 avec les crises géopolitiques
30:11 qui sont avenues depuis le Covid,
30:15 sauf que le prix de mes produits, lui, il reste bas.
30:19 Mon matériel... Le prix de mon matériel augmente,
30:21 le prix de mes intrants augmente, le prix de mes semences augmente,
30:25 mais mon prix de vente, lui, il ne décolle pas.
30:27 Et parce qu'on a un contrat social en France
30:30 qui fait que la nourriture doit être à bas prix.
30:32 À la base, c'était la PAC qui devait donner cette solution
30:36 de payer l'agriculteur pour le manque à gagner.
30:39 Aujourd'hui, il n'y a plus ce contrat social
30:41 avec la mondialisation, l'ouverture des frontières.
30:44 Donc, le but du jeu,
30:47 moi, ce que j'attends personnellement de la loi d'orientation agricole,
30:52 ce que j'attends de nos politiques, de nos syndicats,
30:55 c'est de remettre ce contrat social sur la table,
30:58 de demander aux consommateurs ce qu'ils veulent
31:00 et de faire en sorte qu'ils assument ce qu'ils veulent.
31:04 S'ils veulent du bio, qu'ils le payent.
31:07 -Oui, madame Lausier, monsieur Vols veut vous répondre.
31:10 Monsieur Vols, c'est à vous.
31:11 -Oui, alors, moi, je ne voulais pas forcément répondre à madame Lausier,
31:16 mais à Léa, mais c'était plutôt par rapport aux normes
31:19 et à la distorsion de concurrence,
31:21 et plus particulièrement sur le fait, quand même,
31:24 de la surtransposition des normes,
31:26 malgré les clauses miroirs qui sont en train d'être discutées.
31:30 On a un vrai sujet, quand même,
31:33 malgré tout, dans notre milieu social,
31:37 par exemple, le droit du travail et le coût du travail.
31:40 Si on a la moitié, aujourd'hui, de fruits et légumes importés,
31:44 c'est lié aussi au coût de la main-d'oeuvre,
31:47 parce qu'en fruits et légumes,
31:48 60 à 70 % du coût du produit, c'est de la main-d'oeuvre.
31:54 Donc, si on n'a pas, et on a eu le TODE,
31:57 donc l'exonération, mais on doit accompagner encore plus,
32:00 parce qu'évidemment, on ne va pas faire un droit social particulier
32:04 pour l'agriculture, parce que déjà, on a du mal à trouver des personnes
32:07 pour venir dans notre métier,
32:08 donc il faut évidemment garder le droit social et le même niveau,
32:12 voire avec une impulsion supplémentaire
32:14 pour faire venir de nouveaux talents dans nos secteurs d'activité,
32:18 mais néanmoins, lorsqu'on a une vraie distorsion de concurrence.
32:23 Et puis sur les questions de normes,
32:25 très clairement, on le voit,
32:27 on voit la difficulté que l'on a par rapport à nos productions,
32:32 et quand même, je voudrais dire que si les agriculteurs
32:35 sont allés manifester,
32:37 c'est parce qu'à un moment donné,
32:40 ils ressentaient un manque de dignité
32:43 par rapport à ce qu'ils pouvaient vivre,
32:46 aux accusations régulières qu'ils ont sur leur métier,
32:49 sur leur capacité d'entreprendre,
32:51 et ça, c'est un vrai sujet.
32:52 Moi, je le dis, mais une salle,
32:54 lorsque Sylvie Brunel vient dans une salle d'agriculteurs
32:57 et qu'elle remonte le moral
32:59 sur le rôle de l'agriculture, de l'alimentation,
33:04 tout le travail qu'on fait,
33:05 rien que cela, ça redonne une dignité aux agriculteurs,
33:09 l'envie de continuer,
33:10 et aux jeunes générations de se dire qu'elles doivent venir.
33:13 -M. Voll, il y a un mot.
33:15 Je voudrais que vous répondiez aussi à ce qu'ont dit les Allosiers
33:19 pour les petits exploitants, très petits,
33:23 tout a augmenté et ils n'y arrivent pas.
33:26 Est-ce que vous les défendez suffisamment ?
33:29 -Ca n'a rien à voir.
33:30 -Nous, à la FNSA, en tout cas,
33:32 on défend tous les agriculteurs, quels qu'ils soient.
33:34 D'ailleurs, on nous a souvent dit que l'agriculture biologique,
33:38 la FNSA ne défendait pas.
33:40 On a, à la FNSA,
33:41 beaucoup, nombreux d'agriculteurs en agriculture biologique.
33:46 Là aussi, voilà, l'inflation,
33:49 et aujourd'hui, au rendez-vous,
33:51 les consommateurs qui voulaient de l'agriculture biologique
33:55 n'ont pas toujours la capacité financière
33:57 à se payer de l'agriculture biologique.
33:59 -On va parler du bio après.
34:01 Sur la question des valeurs,
34:04 vous avez vu, on dit que vous avez remonté le moral.
34:07 Est-ce que vous pensez, juste un mot là-dessus,
34:09 qu'il y a un mépris pour ce peuple de la terre ?
34:12 -Oui. -Tout à l'heure,
34:13 vous avez parlé du journaliste parisien,
34:17 mais ça, ça vous a alimenté le débat
34:19 entre le peuple et les élites.
34:20 Je crois que c'est un débat dangereux.
34:23 -Non, non, non. -Revenons sur la question
34:26 du mépris, franchement.
34:28 -Les termes, la sémantique est méprisante.
34:30 Le terme d'agriculture productiviste,
34:32 d'agriculture industrielle, de méga-bastille, de pesticides...
34:36 -Vous avez vu dans les sondages,
34:38 80 % des Français soutiennent les agriculteurs.
34:41 -Ils soutiennent le petit agriculteur modeste
34:43 avec son agriculture de panier
34:45 qui dépend du bon vouloir du consommateur.
34:47 Or, l'agriculteur, c'est un chef d'entreprise.
34:50 Il a besoin d'une rémunération, mais aussi de respect et de reconnaissance.
34:54 Respect, parce qu'il connaît, c'est un professionnel.
34:57 Reconnaissance, parce qu'il répond à nos attentes.
35:00 Et nos attentes sont contradictoires.
35:02 Le ministre l'a dit, nous avons des attentes contradictoires.
35:05 Or, l'agriculteur français,
35:07 à travers une diversité de modèles,
35:09 essaie de traiter le moins possible,
35:11 d'utiliser l'eau d'irrigation la plus efficacement possible.
35:15 L'agriculture climatique oblige à la création de réservoirs.
35:18 Il a besoin d'une rémunération digne.
35:20 Or, qu'est-ce qui se passe avec la loi EGalim ?
35:23 On avait dit que dans la restauration...
35:25 -On va en parler. -Oui, mais dans la restauration
35:28 publique, on devait avoir 20 % de ce qu'on avait demandé
35:31 aux agriculteurs, monter en gamme. On est à 7 %.
35:34 Que dit l'agriculteur ? L'agriculteur dit
35:36 "Je vous entends, je suis prêt à faire ce que vous me demandez,
35:40 "mais accompagnez-moi et respectez-moi."
35:42 Musique rythmée
35:44 ...
35:50 -Bien. On a vu que l'agriculture,
35:52 comme dans de nombreux domaines, fonctionne à deux vitesses.
35:55 On a parlé d'une production... -Au moins.
35:57 -Aux plusieurs vitesses,
35:59 une production de masse des denrées alimentaires,
36:02 et il y a aussi cette question d'une agriculture
36:05 haut de gamme avec le bio.
36:07 Alors, Jean de Kervasdoué, vous, vous considérez,
36:10 vous l'avez dit plusieurs fois,
36:12 que le bio n'est pas meilleur pour la santé,
36:14 pour le goût, la qualité ? Vous persistez dans cette idée ?
36:17 -Toutes les études scientifiques le montrent.
36:20 La réponse est oui. -Alors à quoi sert le bio ?
36:22 -Je ne sais pas. Parce que le débat...
36:24 Non, si vous voulez... -On peut niancer, s'il vous plaît.
36:28 -On peut niancer, mais toutes les évidences
36:30 du point de vue de la qualité nutritionnelle,
36:33 il n'y a aucune étude qui montre que les produits bio
36:36 sont meilleurs pour la santé. Il n'y en a aucune.
36:38 -Pouvez-vous dire clairement
36:40 ce que signifie un produit bio ?
36:42 -C'est une réglementation particulière.
36:44 En gros, c'est une réglementation particulière.
36:47 C'est une réglementation particulière
36:49 et une limite dans l'usage de certains produits
36:52 phytosanitaires pour l'essentiel. -De synthèse.
36:55 -De synthèse. -Un cahier des charges.
36:57 La question est de savoir si ce cahier des charges
37:00 est meilleur que le bio. -Oui.
37:01 Je voudrais revenir deux minutes, et c'est lié au bio.
37:06 Il ne faut pas oublier que, comme Sylvie l'a dit,
37:09 l'agriculture, c'est du capital.
37:11 C'est beaucoup d'argent immobilisé pendant longtemps.
37:14 L'agriculture, c'est du temps.
37:16 Un agriculteur aura au mieux 5 ans de récolte par an,
37:21 5 ans de récolte pendant sa vie, pardon,
37:23 et donc les capacités d'apprentissage
37:25 et l'adaptation des réglementations
37:27 leur posent problème.
37:29 Si du jour au lendemain, sur un arbre,
37:31 comme le noisetier, vous interdisez tel ou tel produit,
37:34 vous devez couper vos arbres.
37:36 La gestion du temps et la manière de voir le temps
37:39 est une chose particulière.
37:40 La difficulté qui a été expliquée juste en une phrase,
37:43 c'est, compte tenu des contraintes françaises
37:46 qui ne vont pas changer, notamment le droit du travail,
37:49 on peut l'adapter, etc., compte tenu de ça,
37:52 comment peut-on permettre d'accroître la productivité ?
37:55 Ce qui a rendu fous les agriculteurs,
37:57 c'est qu'on les a mis dans une situation...
38:00 Pardon, je bafouille.
38:01 On les a mis dans une situation où,
38:03 on ne permettait pas qu'ils accroissent la productivité.
38:06 Dans les choses qui n'ont pas été dites,
38:09 on limite, par exemple, la taille des porcheries,
38:12 la taille des poulaillers,
38:13 alors qu'on utilise des poulaillers d'un million de poussins
38:17 en Pologne, etc., etc.
38:18 Donc, tout ce qui permet d'accroître la productivité,
38:21 que ce soit les produits phytosanitaires,
38:24 que ce soit les herbicides,
38:26 le débat sur le glyphosate est extraordinaire
38:29 quand on connaît le débat sur le glyphosate.
38:32 Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration
38:34 a interdit à l'Etat de Californie
38:36 d'indiquer ce que ce produit pourrait être cancérigène.
38:40 C'est interdit, parce qu'il ne l'est pas.
38:42 Toutes les études sur ce sujet le montrent.
38:45 Alors, revenons au bio.
38:46 Le bio, on nous fait croire qu'il y a un bénéfice
38:49 pour la nutrition humaine, et encore une fois,
38:52 ce n'est pas le cas.
38:53 Quant aux bénéfices sur l'environnement,
38:57 en anglais, c'est plus simple,
38:59 on dit que c'est "land space",
39:01 c'est "land sharing", c'est-à-dire que si on diminue
39:04 la productivité de l'agriculture pour nourrir
39:06 les 2 milliards d'êtres humains qui arrivent,
39:09 on est obligés, c'est ce qui se passe,
39:12 d'abattre des forêts équatoriales, etc.,
39:14 parce qu'il faudra bien les nourrir.
39:16 -Mme Pannier-Runacher, votre position sur le bio,
39:19 est-ce que ça sert à rien ? Et pour aller plus loin,
39:22 également, je vais vous laisser répondre,
39:25 sur la question des OGM,
39:27 des organismes génétiquement modifiés,
39:29 est-ce qu'il y a aussi des distorsions
39:31 au sein des pays européens sur cette question-là ?
39:34 -Peut-être revenir un instant sur ce que le gouvernement a fait
39:38 pour soutenir les agriculteurs.
39:40 D'abord, vous l'avez dit, la loi d'orientation agricole
39:43 va dire que l'agriculture est un intérêt fondamental
39:46 de la nation et un objet d'intérêt public majeur.
39:49 C'est très important, parce qu'effectivement,
39:52 il faut faire pièce à l'agribashing,
39:54 et vous le soulignez, on a des difficultés
39:57 à redévelopper, notamment, des élevages,
39:59 parce que la... Comment dire ?
40:01 Beaucoup de personnes ne sont plus prêtes à accepter
40:04 des installations d'élevage près de chez eux.
40:07 Donc, on est constamment dans une injonction paradoxale,
40:10 je veux beaucoup d'agriculture française,
40:13 mais néanmoins, pas dans la cour d'à côté.
40:15 Donc, de ce point de vue-là, on doit soutenir aussi,
40:18 et peut-être expliciter, le métier d'agriculteur.
40:21 Ensuite, donner du revenu.
40:24 Donner du revenu, c'est à la fois donner
40:27 du pouvoir de négociation aux agriculteurs
40:29 dans leur négociation avec les industriels,
40:32 qui eux-mêmes ont une négociation avec les distributeurs.
40:35 C'est ce que nous avons fait avec les lois Egalim,
40:38 mais c'est aussi faire en sorte que dans nos cantines,
40:41 on puisse avoir plus de produits, pas seulement bio,
40:44 mais également des produits locaux.
40:46 -Signes de qualité. -Signes de qualité
40:48 et des produits locaux.
40:50 Moi, je veux le dire ici, nous remobilisons
40:52 toutes les cantines de l'Etat,
40:54 je l'ai toujours balayé devant sa porte,
40:57 le demain, pour faire en sorte
40:59 que l'ensemble des services de l'Etat
41:01 soient mobilisés sur cet objectif.
41:03 50 % de produits de qualité, 20 % de bio.
41:06 Et la semaine prochaine, nous faisons le même exercice
41:09 avec le secteur privé et les collectivités locales,
41:12 puisqu'elles portent, elles aussi, beaucoup de cantines.
41:16 On peut penser à l'hôpital, aux EHPAD,
41:18 aux cantines des entreprises et aux cantines scolaires.
41:21 On a 4 milliards de repas qui sont consommés chaque année
41:24 dans les différentes cantines.
41:26 C'est un levier d'action pour donner du revenu
41:29 aux agriculteurs français.
41:30 La 3e chose, c'est la compétitivité.
41:33 C'est des mesures fiscales et sociales.
41:35 On l'a dit, puisque, naturellement,
41:37 notre modèle social est plutôt mieux disant
41:40 que d'autres pays, avec un bénéfice.
41:42 Je suis fière d'avoir un modèle social
41:44 qui soit mieux disant.
41:45 Mais il faut aussi le prendre en compte
41:48 et peut-être faire des efforts
41:51 pour abattre, ici, fiscalement,
41:54 et là, les charges sociales,
41:56 les charges qui pèsent sur nos agriculteurs
41:58 et leur permettre de retrouver de la compétitivité.
42:01 On l'a fait sur les saisonniers,
42:03 c'est ce que disait M. Volle, avec le dispositif TODE,
42:06 mais on doit le faire plus généralement,
42:08 notamment dans la transmission des exploitations agricoles.
42:12 On est dans un modèle où le jeune agriculteur arrive
42:15 et s'endette massivement
42:17 pour reprendre une structure agricole.
42:19 C'est un peu fou, quand on pense.
42:21 C'est un niveau de risque qu'aucun autre entrepreneur
42:24 ne peut accepter en démarrage de carrière.
42:26 Là, on doit permettre aux jeunes agriculteurs
42:29 de prendre de nouvelles exploitations,
42:31 mais en baissant ce niveau de risque
42:33 et en lui permettant de s'organiser au fil de sa vie,
42:36 au fil de ses 40 ans, un peu plus,
42:39 peut-être d'années d'exploitation,
42:41 pour pouvoir progressivement gérer son exploitation
42:44 et ne pas subir, en plus des aléas climatiques,
42:47 en plus des aléas de marché,
42:49 ce niveau de dette.
42:52 Et ça, nous allons l'accompagner.
42:54 Enfin, sur le sujet des phytosanitaires,
42:58 il faut quand même dire, très simplement,
43:00 que vous avez des substances dangereuses.
43:02 -Mais ça dépend des doses.
43:04 -Cancérigènes, éco-propre mutagènes, etc.
43:07 -Ca dépend de la dose. -Mais complètement.
43:09 Ca dépend des modes d'emploi,
43:11 ça dépend de la façon dont...
43:14 Aujourd'hui, les agriculteurs
43:16 ont diminué l'utilisation de substances
43:18 qui sont reconnues comme les plus dangereuses,
43:21 comme le CMR1, de 96 %.
43:23 -Mais le glyphosate, c'est dangereux ?
43:25 -96 %. Ca dépend comment vous l'utilisez.
43:28 Encore une fois, tout est une question d'équilibre.
43:31 Il y a des substances plus dangereuses que le glyphosate.
43:34 Si c'était totalement anodin, on ne serait pas en train
43:37 de regarder et de compiler différentes études.
43:40 C'est comme le médicament.
43:41 Il faut accepter que la science évolue aussi,
43:44 c'est-à-dire que les études de dangerosité
43:46 ne disent pas les mêmes choses qu'elles disaient il y a cinq ans.
43:50 Ils ne disent pas ce qu'elles diront dans cinq ou dix ans.
43:53 Ce qui est essentiel, et c'est la ligne que porte le gouvernement,
43:57 c'est d'avoir une action qui soit fondée sur la science.
44:01 On n'est pas fondé sur l'émotion et sur l'opinion.
44:04 On a vu certaines personnes exploser émotionnellement
44:09 sur des décisions qui ont pu être prises sur le glyphosate.
44:12 Que la SNCF arrête d'utiliser le glyphosate,
44:15 je crois que c'est pas très grave.
44:17 -C'est une des arrêtions utilisées dans nos citations.
44:20 -Ca coûte 500 millions d'euros.
44:22 -Quand on voit les voies ferrées...
44:24 -Ceci laisse entendre, madame.
44:26 Ceci laisse entendre que c'est dangereux.
44:29 Or, sur ce sujet que je connais un peu,
44:31 qui date depuis 1971,
44:33 il y a une cohorte de 50 000 paysans américains...
44:38 -Américains, d'accord.
44:39 -Qui montrent qu'il n'y a absolument
44:41 aucune différence entre les agriculteurs...
44:44 C'est des sujets connus.
44:46 Vous dites que vous vous basez sur la science.
44:48 -Tout à fait. -Mais c'est pas le cas.
44:50 C'est pareil pour les OGM.
44:52 -Sur les autorisations de mise sur le marché...
44:54 -En tout cas, on a le droit...
44:56 -Il n'y a pas d'agriculture sans protection.
44:59 -On a le droit, dans un débat...
45:01 -Lorsqu'on n'avait pas d'alternative.
45:03 -On a le droit de diverger.
45:05 M. Voll, je voudrais avoir votre avis.
45:07 -Il est important que les gens sachent
45:09 que nous n'avons pas interdit le glyphosate
45:12 sur certains usages agricoles.
45:14 Il faut pouvoir agir. -On ne met jamais
45:16 le glyphosate sur les cultures.
45:18 C'est très important de comprendre ça en France.
45:20 C'est un herbicide en interculture,
45:23 parce que nous n'avons pas de plantes
45:25 qui sont génétiquement modifiées
45:27 pour supporter le glyphosate.
45:29 -M. Voll, je voudrais vous interroger
45:31 sur un point précis.
45:33 La loi EGalim,
45:35 le terme est devenu maintenant très populaire.
45:39 Grosso modo, ça consiste à répartir
45:42 équitablement les profits entre les producteurs,
45:45 nos agriculteurs, les transformateurs
45:48 et les distributeurs.
45:49 Moi, ce que je constate, comme journaliste,
45:52 lisant la presse, regardant les statistiques,
45:56 c'est que les distributeurs ne sont pas mal lotis
45:59 et d'ailleurs, ils font partie de ceux qui font de gros bénéfices.
46:03 Par contre, on a une partie qui vit,
46:06 pour certains, les petites exploitations dans la misère.
46:09 Est-ce que EGalim doit aller beaucoup plus loin
46:12 pour corriger cette distorsion économique ?
46:15 -En tout cas... -Est-ce qu'on connaît
46:18 cette chose-là ? Il y a d'un côté,
46:20 j'allais dire, pas d'élingo d'or,
46:22 ce serait reprendre une logorée néo-marxiste
46:26 qui n'a plus cours, mais en tout cas,
46:28 il y a de l'argent d'un côté
46:30 et il y a aussi un peu de misère de l'autre côté.
46:33 Est-ce qu'il n'est pas normal
46:36 qu'il y ait une répartition plus équitable ?
46:40 -Évidemment, il faut qu'il y ait une répartition plus équitable.
46:43 C'est pour ça qu'on a demandé
46:45 que les états généraux de l'alimentation
46:48 soient mis en place, qu'il y ait plusieurs lois d'EGalim.
46:51 Il y a eu aussi des évolutions sur la loi EGalim
46:53 parce qu'on a vu un certain nombre de travers
46:56 entre EGalim 1, EGalim 2 et, aujourd'hui, EGalim 3.
47:00 Évidemment qu'il faut plus de répartition,
47:02 mais aujourd'hui, s'il n'y avait pas la loi EGalim,
47:07 on serait encore dans une répartition
47:09 encore beaucoup plus dégradée sur le plan financier.
47:12 Donc il y a quand même un avantage et un accompagnement
47:15 qui a été fait grâce à EGalim et des évolutions,
47:18 notamment dans la filière élevage, qui vont dans le bon sens.
47:22 Maintenant, il faut aller au bout de cela.
47:24 Il faut qu'on ait des indicateurs
47:26 qui nous permettent d'avoir des coûts de revient interprofessionnels,
47:30 qui soient gérés par des instituts,
47:32 qui nous permettent de pouvoir se dire
47:35 que ça, c'est le coût de production de notre produit.
47:40 Et à partir de là, faire une construction du prix
47:43 en marche en avant qui permette d'amener
47:45 une vraie, réelle valeur de l'alimentation.
47:48 Et je voudrais quand même revenir sur la question de l'alimentation
47:52 et le coût de l'alimentation,
47:53 parce que le contrat social qu'a abordé l'ERA
47:56 est un vrai sujet.
47:58 Un pacte a été mis en place pour que la population française
48:02 ait de l'alimentation à bas coût,
48:04 en tout cas qui permettait d'accompagner
48:06 une alimentation à bas coût.
48:08 Aujourd'hui, si la variable d'ajustement reste toujours
48:11 l'alimentation, parce qu'il faut reconnaître
48:14 qu'aujourd'hui, un certain nombre de foyers
48:16 qui, malheureusement, sautent des repas
48:18 pour des questions financières,
48:20 c'est toujours l'agriculture et l'alimentation
48:23 qui est la variable d'ajustement.
48:25 Ca pose une vraie question de fond.
48:27 Ca veut dire qu'un corps, en tout cas, qui doit être actif,
48:30 doit être aussi bien alimenté.
48:31 Ca pose des questions aussi de sécurité et de santé,
48:34 par rapport aux enjeux.
48:36 Donc, nous, on pousse pour qu'Egalim continue à être appliqué,
48:41 pour qu'on dégage un revenu pour les agriculteurs
48:44 et que seuls les industriels ou la grande distribution
48:48 ne se prennent pas la seule marge qu'il peut y avoir
48:51 sur un produit alimentaire et qu'on aide à une répartition.
48:54 Mais on a un vrai enjeu de renouvellement des générations.
48:57 D'ailleurs, un jeune ne s'installera pas
49:00 si il sait qu'avec les investissements qu'il a
49:02 et qu'il ne dégagera jamais de revenus,
49:04 en fait, on ne peut pas donner une voie sans issue.
49:07 Il faut qu'on soit capable de donner une voie aux jeunes
49:10 et aux moins jeunes qui viennent dans nos métiers
49:13 pour se dire qu'ils dégageront des revenus
49:15 et demain être présents encore sur le plan économique et social.
49:19 -Madame la ministre, en cette période de rigueur budgétaire,
49:23 le terme a été utilisé par le Premier ministre,
49:26 Gabriel Attal.
49:27 Trouver de l'argent pour l'agriculture est difficile.
49:30 Est-ce qu'à votre avis,
49:32 il ne s'agit pas d'une taxation,
49:34 mais en tout cas, est-ce qu'on peut aller plus loin avec Egalim ?
49:38 -Egalim, ce n'est pas un enjeu budgétaire.
49:40 -Oui, mais est-ce qu'on peut... -C'est pas l'Etat qui paye
49:43 quelque chose, sauf dans ses cantines.
49:46 -Est-ce qu'on peut lui faire servir de rustine économique ?
49:49 -C'est pas une rustine. Encore une fois, ce que rappelait...
49:52 -Géronpole ? -Non, Léa...
49:55 -Losier. -Losier, c'est qu'elle est
49:57 entrepreneure et qu'elle, elle ne demande rien de plus
50:00 que, comme une entrepreneuse, du vivre de la vente
50:03 de ses produits qui soit vendu à un prix acceptable.
50:06 -Si c'est trop difficile.
50:08 -C'est pas une question de difficulté,
50:10 c'est une question de partage de la valeur
50:13 et c'est une question de reconnaissance du prix
50:16 et de la qualité de ce qui est produit.
50:18 -On est bien d'accord. -Je suis désolée,
50:20 mais pourquoi certains groupes y arrivent ?
50:23 Pourquoi Bell est capable de rémunérer correctement
50:26 ses coopérateurs ? Pourquoi Saudial ?
50:28 -Vous voyez bien que les petites exploitations ont du mal.
50:32 -Mais non, mais encore une fois,
50:34 sortons de cette opposition stérile
50:36 entre petites et grandes exploitations.
50:39 Je peux vous assurer que l'AOP Comté,
50:41 c'est pas des exploitations immenses,
50:43 ils savent se faire rémunérer correctement de leur lait,
50:46 ils sont sur des contrats qui sont équilibrés
50:49 et ils vivent de leur métier tout à fait correctement
50:52 et ça leur va bien.
50:54 C'est un sujet, encore une fois,
50:57 d'organisation, de la contractualisation.
50:59 Il y a des groupes qui y arrivent,
51:01 il y a des coopératifs qui y arrivent
51:03 et la loi EGalim a permis d'aller plus loin,
51:06 90 % aujourd'hui des volumes de lait sont contractualisés
51:09 grâce à EGalim. Il faut quand même dire
51:12 à ceux qui nous écoutent que certaines filières
51:15 n'ont pas voulu être dans EGalim.
51:17 Les fruits et légumes ne sont pas dans EGalim.
51:19 La viticulture n'est pas dans EGalim.
51:22 La question du revenu à traiter par EGalim,
51:24 si vous n'êtes pas dans EGalim, c'est compliqué.
51:27 Il y a un sujet d'organisation de la filière
51:30 qu'il faut voir. Sur la partie élevage,
51:32 il est intéressant de savoir que seulement 25 %
51:35 seulement de l'élevage est sous contractualisation.
51:38 -Je voulais vous interrompre, il nous reste peu de temps.
51:41 -Une partie des éleveurs sont plutôt partants
51:44 pour continuer à bénéficier des variations de marché.
51:47 Il faut aussi qu'on remette cela à poids.
51:50 Je rejoins complètement les suggestions qui disent
51:53 que le prix doit se construire en marche en avant.
51:55 Deuxième chose, il y a un travail d'éducation
51:59 à l'alimentation et à la consommation.
52:02 On doit aussi pouvoir faire valoir et améliorer
52:05 l'information du consommateur
52:07 pour qu'il puisse distinguer deux produits.
52:09 Si un produit français coûte plus cher,
52:12 c'est qu'il y a de la valeur dans ce produit,
52:14 de la valeur pour la santé et par rapport à d'autres produits.
52:18 -Jean de Carvazouet,
52:19 j'ai juste un mot qui t'étonnera, je pense, comme nos éditeurs,
52:25 c'est que seulement dans un ménage agricole,
52:29 32 % du revenu de ce ménage vient de l'agriculture.
52:34 Donc l'agriculture, c'est-à-dire que l'essentiel
52:37 du revenu des ménages agricoles, c'est autre chose.
52:40 Ca pose la question de la ruralité, de l'emploi en milieu rural,
52:44 ça pose beaucoup d'autres questions.
52:46 -Merci. Une question politique,
52:48 même avant de poursuivre cette conversation,
52:51 fort intéressante.
52:52 Les urnes européennes sont en juin,
52:55 c'est donc très bientôt.
52:57 Les partis populistes ont le vent en pompe.
53:00 Qu'est-ce qu'il faut faire pour corriger le tir ?
53:02 Madame Pannier-Runacher.
53:05 -Mais je crois qu'il faut montrer à quel point,
53:09 un, la vision que nous portons pour l'Europe
53:13 a permis des bougées importantes.
53:15 On a évoqué le caractère indispensable
53:17 de la PAC pour l'agriculture française,
53:20 on a évoqué la façon dont le gouvernement s'est mobilisé
53:23 pour faire bouger les règles de la PAC
53:25 et faire en sorte qu'elles soient plus simples,
53:28 tout en préservant l'ambition climatique.
53:30 Je ne vois pas, dans les partis populistes,
53:33 de proposition claire et précise,
53:35 si ce n'est un repli sur la France et une sortie de l'Europe.
53:38 Parce que quand vous dites
53:40 "je suis d'accord pour rester dans l'Europe,
53:43 "mais je ne paye pas ma contribution
53:45 "à la PAC, je ne paye pas les règles de copropriété de l'Europe",
53:48 c'est une façon de dire que vous sortez de l'Europe.
53:51 Sortir de l'Europe pour l'agriculture française
53:54 et, de manière générale, pour les Français et les Françaises,
53:58 c'est une catastrophe.
53:59 Le Royaume-Uni nous l'a bien montré.
54:01 -Merci, Agudé. On pourrait poursuivre,
54:03 on fera peut-être d'autres émissions,
54:06 mais le temps est parti et largement écoulé.
54:08 Il me reste juste à vous signaler une brève bibliographie.
54:13 Alors, je voudrais signaler, de Sylvie Brunel,
54:17 "Sa Majesté, le maïs".
54:20 Alors, le maïs, le maïs, le maïs...
54:23 -Offrez-le à madame le ministre.
54:25 -Je vais lui offrir, mais dites-moi
54:27 pourquoi vous êtes si amoureuse du maïs, en deux mots.
54:31 -Parce que nous sommes les premiers importateurs mondiaux
54:34 de maïs de l'Europe.
54:35 C'est la première céréale mondiale.
54:37 Nous avons la chance que la France
54:40 soit la première exportatrice mondiale de maïs.
54:43 Nous sommes en train de décourager nos producteurs de maïs.
54:46 -Sylvie Brunel, juste un mot.
54:48 C'est vrai que le maïs bouffe énormément d'eau ?
54:51 -Non. -C'est la céréale qui optimise
54:54 le mieux l'eau qu'il reçoit.
54:55 C'est la plus généreuse, la plus adaptable,
54:58 la plus prolifique, qui nous permet de réaliser
55:00 les plans climat et écologique.
55:02 Nous ne connaissons pas le maïs, nous méprisons le maïs.
55:06 Je vais vous dire quelque chose, Emile Mallet.
55:08 Il faut écouter ce qu'ont à nous dire les agriculteurs,
55:11 parce que ce sont eux qui ont la science du vivant,
55:14 ce sont eux qui sont les véritables écologistes
55:17 et ce sont eux qui assurent notre souveraineté alimentaire
55:20 en Europe et dans le monde.
55:22 -Avec Jean de Kervasdoué,
55:24 c'est éternellement la critique de l'écologie.
55:28 Vous avez publié... -Politique, pas d'écologie,
55:31 j'estime. -Les écolos, vous dites...
55:33 -Un mauvais formation d'écologiste. -Les écolos nous mentent,
55:37 vous n'êtes pas allé un peu trop loin, sincèrement.
55:39 -Bien sûr. Ecoutez, ils nous mentent
55:42 sur le bienfait du renouvelable,
55:44 ils nous mentent en attaquant l'énergie nucléaire,
55:48 ils nous mentent en attaquant les EGM...
55:51 En attaquant les EGM, Madame la ministre...
55:53 -Sincèrement, dans votre vie quotidienne,
55:56 l'écologie a quand même donné une dimension citoyenne,
55:59 non au comportement qu'on peut avoir.
56:02 -Non, parce que les grandes lois écologiques en France
56:05 ont été prises bien avant l'arrivée des écologistes politiques.
56:09 La loi sur le littoral,
56:11 moi, j'ai fait partie de la première promotion de forestiers
56:15 pour les parcs régionaux et les parcs nationaux,
56:18 tout ça, c'est antérieur à l'écologie politique.
56:20 -Oubliant ce débat, je voudrais également signaler
56:24 le livre d'Eric Orsenna et Julien de Normandie,
56:28 "Nourrir sans dévaster",
56:30 je crois que vous êtes tous d'accord
56:32 avec cette expression.
56:35 Écoutez, avant de nous quitter,
56:37 il me reste à vous remercier,
56:39 Madame la ministre Sylvie Brunel,
56:42 Madame Léa Lausier,
56:44 merci, messieurs, monsieur Voll,
56:46 Jean de Kervasdoué,
56:48 d'avoir participé à cette conversation
56:51 fort instructive.
56:52 J'espère qu'on aura l'occasion de poursuivre cette conversation.
56:56 Je voudrais remercier l'équipe de LCP,
56:58 qui a permis la construction et la réalisation
57:03 de cette émission.
57:04 Avant de nous quitter,
57:06 je vous laisse avec cette pensée simple.
57:09 "Se nourrir reste le premier des droits de l'homme",
57:13 c'est de l'économiste Nicolas Bavresse.
57:17 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
57:20 Générique
57:22 ...