• il y a 7 mois
Quatre jeunes hommes ont été mis en examen pour assassinat après la mort de Shemseddine, 15 ans, tabassé jeudi devant son collège de Viry-Châtillon. Comment répondre à cette ultraviolence des jeunes ? Le pédopsychiatre Gilles-Marie Valet, ainsi que Johanna Cornou, directrice d'école et référente direction pour le syndicat des enseignants de l'Unsa, répondent à ces questions. 

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Transcription
00:00 Retour sur le plateau de première édition.
00:02 Tours, Viry-Châtillon, Montpellier, toutes ces villes ont été le théâtre de plusieurs attaques impliquant des adolescents ces derniers jours.
00:08 L'ultra-violence entre mineurs est le dénominateur de ces agressions.
00:12 Comment y répondre ? C'est le thème du 7 minutes pour comprendre ce matin.
00:16 [Générique]
00:21 Et avec nous pour en parler, Johanna Cordou, bonjour.
00:23 Vous êtes référente direction d'école chez SE Unsa, le syndicat, et vous êtes directrice d'une école élémentaire au Havre.
00:29 Gilles Marival est bonjour à vous. Vous êtes pédopsychiatre, vous êtes praticien hospitalier. Bruno Jeunier est avec nous.
00:34 On va rappeler ce qu'a annoncé Gabriel Attal d'abord hier.
00:37 Il annonce un plan interministériel dans les prochaines semaines pour que les sanctions soient plus fortes à l'école quand on ne respecte pas les règles.
00:43 Il veut des conseils de discipline en primaire et puis il veut une prise en charge à l'internat dès 11 ou 12 ans pour être en capacité de le proposer à des gamins qui partent à la dérive.
00:53 Et il veut engager la responsabilité des parents si nécessaire.
00:56 Souvenez-vous de ce qu'il disait en janvier dans son discours de politique générale.
01:00 Nous devons faire respecter l'autorité partout, dans les classes, dans les familles, dans les rues.
01:04 Je ne me résoudrai pas à ce qu'on a préféré attendre avant de donner une lourde peine alors que bien souvent c'est très tôt qu'il aurait fallu agir.
01:11 Nous devons disposer de sanctions adaptées pour les mineurs de moins de 16 ans.
01:15 Dès le plus jeune âge, il faut en revenir à un principe clair.
01:18 Tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l'autorité, on t'apprend à la respecter.
01:24 Ce qu'il fallait retenir à l'époque, c'était donc dès le plus jeune âge.
01:28 Johanna Cordou, vous êtes vous-même directrice d'une école.
01:31 Gabriel Attal propose d'instaurer des conseils de discipline dès le primaire.
01:36 Est-ce que ce serait une solution face à la violence des plus jeunes ?
01:41 En réalité, en annonçant des conseils de discipline en primaire comme en secondaire,
01:48 le ministre de l'Éducation nationale, enfin le premier ministre, démontre une fois de plus qu'il ne connaît pas grand-chose
01:55 au fonctionnement de l'école primaire et surtout à ses défis éducatifs.
01:59 C'est malgré les textes qu'il a lui-même publiés et malgré la phrase que là vous avez repassée,
02:06 puisque dans la petite formule qu'il a utilisée, on a plus l'impression de justice restaurative que de punition.
02:14 Or là, annoncer un conseil de discipline pour le primaire, c'est un peu un artifice de communication.
02:19 Ça va donner l'illusion d'un retour de l'ordre dans les écoles,
02:23 mais le retour de l'ordre s'exige bien plus que des simples déclarations.
02:28 Ça exige des investissements humains, une formation adéquate pour les enseignants et pour tous les personnels
02:35 et des ressources suffisantes pour de la prévention et de l'éducation.
02:39 On n'a pas besoin d'un énième dispositif qui va prendre des années à se mettre en place.
02:44 Ce dont on a besoin, c'est de formation, de moyens humains.
02:52 - Mais est-ce que vous partagez le constat du Premier ministre qui souligne qu'il y a une augmentation particulière
03:00 de la violence et de l'agressivité dans les classes de CM1 et CM2 ?
03:04 Vous êtes dans une école élémentaire, vous en avez des CM1 et CM2.
03:07 Est-ce que vous partagez le constat du Premier ministre ?
03:11 - Localement, je ne partage pas son constat, mais on ne peut pas fonder son avis sur juste ce qui se passe dans sa propre école.
03:19 Effectivement, on a quand même beaucoup de signalements des collègues sur les boîtes syndicales qui font mention de problèmes.
03:28 - De quel genre de problèmes ?
03:30 - C'est pour ça que je vous parle de formation, d'information et de personnel qualifié.
03:39 Ce ne sont pas tant des problèmes de violence en soi, ce sont des problèmes d'enfants qui ne sont pas pris en charge correctement
03:47 par rapport à des troubles du comportement qu'ils peuvent avoir, ou alors des troubles des apprentissages
03:53 qui les amènent à être en difficulté et qui empêchent qu'ils soient pris en charge correctement à l'école par des personnels qualifiés.
04:02 - Un conseil de discipline pour vous ? On n'a pas besoin d'aller jusque là ?
04:07 Quand on vous écoute, on a l'impression qu'il y a des solutions à mettre en place assez facilement, assez rapidement.
04:13 Il faut d'abord des effectifs.
04:16 - Ça fait des années que l'on réclame que les RASED soient complets, c'est-à-dire les enseignes spécialisées qui aident à identifier la difficulté scolaire et à la traiter.
04:29 On a besoin de psychologues de l'éducation nationale ou de médecins de l'éducation nationale.
04:34 Par exemple, si vous prenez mon territoire, sur mon secteur, il y a deux médecins de l'éducation nationale,
04:44 ce qui représente plusieurs milliers d'élèves en périmètre.
04:48 C'est impossible qu'il y ait une prise en charge correcte des troubles du comportement ou des troubles des apprentissages de cette façon-là.
04:56 Au bout d'un moment, les situations qui ne sont pas gérées deviennent ingérables sur le temps scolaire et au-delà.
05:03 On a vraiment besoin de professionnels de proximité qui soient accessibles rapidement
05:09 pour qu'on ait des procédures d'accompagnement à la fois des élèves et de leur famille,
05:14 parce que parfois il faut les mettre en relation avec des personnels de soins.
05:22 On entend, Gilles-Marie Vallée, qu'elle est très imitative, cette directrice des écoles, sur les conseils de discipline pour des enfants de 7-8 ans.
05:29 Est-ce qu'à 7-8 ans, la peur du gendarme, ça marche ?
05:32 La peur du gendarme, ça marche et à la fois, on intervient presque trop tard.
05:40 Il existe dans l'école publique déjà des dispositifs, mais qui sont peut-être sous-utilisés.
05:46 J'entends par là les équipes éducatives qui sont à mon sens plus pertinentes que des conseils de discipline.
05:54 Le conseil de discipline vient sanctionner et propose comme réponse le plus souvent l'exclusion plus ou moins longue de l'élève en cause d'un comportement inadapté ou d'une violence.
06:08 Les équipes éducatives sont des réunions qui vont associer les enseignants, le directeur d'école ou la directrice,
06:16 mais également des professionnels de l'enfant, la psychologue scolaire, les parents, le jeune lorsqu'il est en âge d'y assister,
06:23 pour réfléchir au problème, l'analyser et proposer des solutions.
06:27 La sanction peut venir, mais elle est effectivement à visée réparatrice ou protectrice.
06:34 C'est-à-dire qu'effectivement, un enfant violent, ce qui est pertinent, ce n'est pas de l'exclure de l'école pour avoir la paix,
06:39 c'est effectivement de lui permettre de comprendre le caractère inadapté de son comportement et le faire réintégrer de façon plus adaptée.
06:53 Gabriel Attal dit "se traduisent à l'école des mots que l'on retrouve dans le reste de la société,
06:59 comme la perte du civisme et la conflictualisation des rapports".
07:03 Le maire de Viry-Châtillon, où s'est produite l'agression immortelle de ce jeune garçon de 15 ans,
07:09 il faut leur apprendre qu'il y a le bien et le mal. Est-ce que c'est là que se situe le problème ?
07:15 Le problème est bien en amont, il me semble.
07:22 Bien évidemment qu'il est important que les enfants, très tôt, aient une conscience de ce qui est pertinent, adapté et de ce qui est inacceptable.
07:33 Ce qui s'est passé est inacceptable, mais ce qui est en jeu, ce n'est pas la connaissance du bien ou du mal.
07:41 Parce que ce qui peut même paraître paradoxal, et ce drame vient l'illustrer, c'est comment certaines valeurs vont prendre le pas sur d'autres valeurs.
07:49 Si on résume, si on caricature, c'est l'honneur d'une jeune fille qui aurait été bafouée,
07:57 et c'est au nom de cet honneur-là qu'on s'autorise et on bascule dans une extrême violence qui n'est pas non plus acceptable.
08:05 Je pense que ce qui est en jeu, c'est aussi la non-intégration, le non-développement de compétences humaines naturelles,
08:15 que sont l'empathie, la possibilité d'anticiper la conséquence de ses actes, des fondamentaux bien plus larges.
08:23 La responsabilité des écrans très tôt dans cette hyper-violence ?
08:28 Malheureusement, je crois qu'il faut en tenir compte. On a beau jeu d'accuser toujours les écrans,
08:35 mais ces écrans qui sont utilisés par les jeunes très très tôt ont effectivement une influence.
08:40 Elles ont une influence notamment sur la gestion de la temporalité.
08:45 Les jeunes grandissent du fait du formatage que favorise l'écran dans ce désir de l'instantanéité, c'est-à-dire qu'on veut tout, tout de suite.
08:56 J'ai lu que certains de vos confrères disaient que ça entraînait une forme d'hystérisation chez les jeunes,
09:01 et qui peuvent conduire à des comportements très violents.
09:04 Il y a plusieurs facteurs qui se potentialisent. Il y a effectivement cette hystérisation.
09:09 Je crois qu'il y a aussi une forme de banalisation de la violence, une forme d'anesthésie émotionnelle,
09:15 qui fait qu'effectivement le principe du scrolling, c'est qu'on passe d'une vidéo à une autre.
09:19 On va passer d'une vidéo de petit chat tout mignon à une vidéo où on voit des jeunes tabasser d'autres jeunes,
09:24 où on voit un accident de la rue dans laquelle un vélo se fait écraser par un camion.
09:34 On passe de ces images d'une extrême violence avec une vitesse qui fait que sur le plan émotionnel,
09:41 on n'intègre pas la gravité de ce que l'on vit.
09:45 Et sur le plan émotionnel, on ne développe pas une empathie, une prise de conscience qu'un acte a des conséquences.
09:51 Ce que l'on observe, c'est qu'il est très probable que ces jeunes n'avaient pas forcément une intention de donner la mort,
09:56 mais que pris par l'impulsivité et l'effet de masse, ils n'ont pas géré leurs actes.
10:03 Il faut aussi rappeler...
10:05 - Ce sont des conseils de discipline en primaire et des internats de force qui solutionnent ces problèmes.
10:10 - Non, sachant que les internats éducatifs existent, mais on manque de moyens.
10:15 Moi, je suis responsable d'un hôpital de jour.
10:20 On a des jeunes qu'on cherche à orienter en internat et il n'y a pas de place.
10:24 - Merci en tout cas à tous les deux d'avoir été avec nous ce matin dans le programme.

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