• il y a 8 mois
Il est l'un des maîtres américains du roman à suspense : après avoir vendu plus de 400 millions de livres dans le monde entier depuis les années 90, John Grisham publie "Le Réseau", son dernier roman. Récemment, dans une interview, il affirmait qu'il ne continuait pas pour l'argent. Alors... pourquoi ? "D'abord, je n'ai rien d'autre à faire ! C'est devenu mon métier, et j'ai suffisamment de santé pour pouvoir écrire tous les jours. Et puis, j'ai énormément d'histoires dans la tête que j'ai envie d'écrire, de partager avec les lecteurs".
Avocat de formation, c'est le milieu de la justice pénale qui le fascine : "Aux États-Unis, on a un problème avec la justice pénale. Notre système judiciaire crée beaucoup d'histoires intéressantes. Ce que je cherche, ce sont des histoires qui font intervenir des avocats, des affaires, des procès... C'est mon univers", explique l'écrivain. Une fois de plus dans "Le Réseau", c'est donc un avocat qui est au cœur de l'affaire. Et pas n'importe lequel, Mitch McDeere, le héros de son best-seller absolu, "La Firme", engagé dans une course contre la montre pour sauver une collègue.

Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

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Transcription
00:00 Bonjour John Grisham. Bonjour.
00:02 La firme, l'affaire Pélican, la sentence, son nom sur la liste et voilà le petit dernier, le réseau.
00:09 Ce livre que vous venez nous présenter ce matin, vous avez déjà vendu plus de 400 millions de livres.
00:15 Depuis les années 90, vous écrivez au moins un sur les heures judiciaires par an et c'est toujours un best-seller.
00:21 Récemment dans une interview, vous avez dit « en fait j'aurais pu arrêter il y a 20 ans, c'est pas pour l'argent que je continue ».
00:27 Alors pourquoi ?
00:31 Il y a quand même plusieurs raisons. D'abord je n'ai rien d'autre à faire. C'est mon métier.
00:38 J'ai suffisamment de santé pour pouvoir écrire tous les jours. Je suis très reconnaissant.
00:45 Et puis aussi j'ai énormément d'histoires dans la tête que j'ai envie d'écrire, que j'ai envie de partager avec les lecteurs.
00:52 Donc je m'amuse beaucoup à écrire, autant maintenant qu'il y a 20 ans justement.
00:58 C'est vrai que vous avez encore une dizaine, une douzaine de livres tout près dans votre tête ou peut-être même dans votre ordinateur ?
01:06 Alors je ne sais pas si j'en ai une douzaine, mais en tout cas j'ai beaucoup d'idées.
01:13 La plupart des idées au début elles ont l'air géniales et puis après elles ne fonctionnent plus.
01:21 Elles s'en vont du coup. Mais je crois que 5 ou 6 très bonnes idées qui pourront toujours servir et puis j'en cherche toujours de nouvelles.
01:31 Et vous les trouvez où John Grisham ? Est-ce que c'est dans la presse ? Il paraît que vous lisez 5, 6 quotidiens par jour.
01:37 Vous savez je suis quand même juriste, avocat de cette formation. J'étais avocat pendant 10 ans.
01:44 Et ce qui m'intéresse c'est justement tout ce qui est juridique et notamment tout ce qui est la justice pénale.
01:51 Aux États-Unis on a un problème avec la justice pénale. Notre système judiciaire crée beaucoup d'histoires intéressantes.
01:59 Ce que je cherche évidemment c'est l'actualité des articles en ligne ou dans la presse.
02:05 Et je cherche toujours des histoires qui font intervenir des avocats, des cabinets d'avocats, des affaires, des procès, des appels.
02:18 C'est mon univers. Et puis je dis aux gens si vous observez les avocats vous verrez qu'il y a énormément de bonnes histoires derrière eux.
02:32 Il paraît qu'en ce moment vous êtes en train de lire Balzac, la comédie humaine. Est-ce que ça vous inspire ?
02:38 Non, ça ne vous inspire pas.
02:42 Disons que plutôt qu'une source d'inspiration c'est un challenge pour moi. C'est un vrai défi que je relève parce que j'aime, évidemment j'aime beaucoup Balzac.
02:51 D'ailleurs d'autres auteurs, il n'y a pas que lui, des artistes d'une autre époque.
02:56 Parce que normalement ce que je lis, en fiction en tout cas, c'est justement des thrillers judiciaires, des polars.
03:08 Et donc j'ai toujours lu des livres populaires mais à côté également de la lecture sérieuse. D'où Balzac.
03:16 D'où Balzac. Alors parlons de ce nouveau Grisham, le réseau.
03:20 On retrouve le jeune avocat de votre best-seller absolu, la firme. Mitch Mcdeere, le voilà engagé dans une course contre la montre pour sauver une collègue.
03:29 Il y a du sang, des dollars et pas de morale. Je ne vais pas en dire plus, c'est un thriller.
03:35 Mais tout le monde se souvient qu'il y a 30 ans, dans l'adaptation cinéma, le film de Sidney Pollack, c'était Tom Cruise qui incarnait Mitch.
03:43 Est-ce qu'il est exact que vous avez décidé d'écrire la suite de la firme en voyant Tom Cruise dans la suite de Top Gun ?
03:50 Oui, c'est en partie vrai. J'ai quand même attendu 30 ans.
03:58 30 ans parce que d'abord j'avais d'autres livres à écrire mais je n'ai jamais oublié Mitch.
04:06 Mais il a fallu attendre d'avoir l'intrigue qu'il fallait, une bonne histoire pour remettre Mitch en scène.
04:13 Ça a pris un certain temps mais ce qui m'a fasciné, figurez-vous, c'est le droit international.
04:20 Je n'avais pas écrit de livre à ce sujet précédemment et cette histoire qui se passe en Libye et qui s'appuie d'ailleurs sur l'histoire vraie.
04:29 Tous ces facteurs se sont conjugués pour ainsi dire et Tom Cruise, comme vous le savez, avait fait justement la suite de Top Gun avec The Maverick.
04:40 Très bon film, 30 ans après Top Gun justement. Et il a toujours l'air d'avoir 30 ans le gars. C'est injuste.
04:47 Mais bon, je me suis dit peut-être que Tom Cruise pourra faire la suite de The Firm, pourquoi pas.
04:54 Donc à ce jour, le livre a été publié en octobre et à ce jour, bon, Tom ne nous a pas appelés encore.
05:03 John Grisham, en tout cas, en tant qu'écrivain, on a l'impression que vous vous renouvelez, vous trouvez toujours votre inspiration.
05:10 Mais il y a quand même ce défi qui est en train de vous arriver comme à tous les auteurs, les créateurs, c'est l'intelligence artificielle.
05:16 Je peux déjà donner mon texte à une IA et lui dire réécris-le moi comme si j'étais John Grisham. Est-ce que ça, ça vous inquiète ?
05:24 Je crois que nous sommes tous inquiétés par cela parce que je crois que nous ne savons pas trop, nous ne voyons pas où l'intelligence artificielle nous mène
05:39 et comment elle pourra avoir une incidence sur nos vies. Donc ça nous inquiète. D'ailleurs, nous, quand je dis nous, on est une quinzaine d'auteurs de best-seller.
05:47 Nous avons David Baldacci, Johnny Perkel, des auteurs de best-seller, sont allés traîner en justice une société d'intelligence artificielle en affirmant,
06:00 on n'a pas pu le démontrer parce que l'affaire ne fait que commencer, mais notre accusation c'est que nos droits d'auteur et de reproduction ont été volés sans nous donner d'indemnité ou quoi que ce soit.
06:15 Ils se sont servis de nos œuvres pour créer leurs propres produits en faisant des millions de dollars sur notre dos. Donc c'est une longue affaire.
06:23 Ça c'est une première bataille sur les droits d'auteur, bien sûr, les intelligences artificielles nourrissent grâce aux œuvres, mais il y a l'autre bataille qui est,
06:30 est-ce que vous pensez qu'un jour on peut remplacer John Grisham par une IA ? Est-ce que ça peut décimer la profession d'écrivain ?
06:37 Écoutez, franchement, je ne sais pas. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'en tant qu'acteur, acheteur de livres ou lecteur de livres, moi je ne vais pas acheter un livre écrit par un ordinateur.
06:51 Ça ne m'intéresse pas. J'achète des livres en fonction de leurs auteurs. J'ai des auteurs favoris ou de nouveaux auteurs, de nouveaux écrivains qui écrivent leurs propres livres. Je ne sais pas.
07:03 John Grisham, il y a une autre bataille encore au sujet des livres sur les étagères des bibliothèques aux États-Unis, c'est la bataille culturelle.
07:10 Il y a eu 4000 livres ciblés par des demandes de retrait l'an dernier. Ça c'est le dernier rapport de l'American Library Association, c'est du jamais vu.
07:20 Alors il y a ceux qui disent qu'il faut retirer Mark Twain parce qu'il emploie le mot « nigger », « necre », un auteur qui était de son temps.
07:28 Il y a d'autres qui veulent bannir les livres qui parlent des LGBT. Ça dit quoi de la société américaine ?
07:34 Ça nous dit que la société américaine est divisée. Sur le plan politique bien sûr, mais la guerre politique amène une guerre culturelle.
07:51 En tout cas une bataille où les conservateurs veulent en certains cas interdire mes livres. Mes propres livres ont été interdits en Floride justement, non coupables.
08:06 Ça en dit long malheureusement sur le système politique américain, c'est très clivant.
08:14 Sur la démocratie, sur la capacité à s'entendre et vous avez la présidentielle aux Etats-Unis en novembre.
08:21 Alors ça sera sans doute le même duel que la dernière fois, Biden face à Trump.
08:26 Vous, John Grisham, vous n'avez jamais mâché vos mots au sujet de Donald Trump.
08:30 Vous ne pensiez même pas qu'il était possible qu'il se représente, vous l'avez dit, à cause de toutes ces affaires judiciaires.
08:35 Dans quel état d'esprit êtes-vous face à cette présidentielle et à ce duel ?
08:40 Que vous dire ?
08:45 Moi effectivement, je ne pensais pas que Trump se fasse élire déjà la première fois en 2016.
08:53 Il faut quand même se rappeler qu'en 2016, Donald Trump a obtenu moins de voix qu'Hillary Clinton et en 2020 moins que Biden.
09:05 Et cette année, en 2024, je pense que Trump aura moins de voix, moins de votes que Biden en novembre.
09:12 Mais néanmoins, cela m'inquiète, je suis particulièrement nerveux.
09:18 Alors je pense que Biden l'emportera, mais ce ne sera pas gagné d'avance, ce sera une campagne extrêmement malsaine, extrêmement méchante.
09:29 Mais il y a quand même plus d'électeurs intelligents que de mauvais électeurs, si je puis dire.
09:32 Et donc je pense qu'on va quand même gagner.
09:35 Et cependant, aux États-Unis, les partisans de Trump, les républicains, il y a une bonne partie qui pensent que l'élection de 2020 a été volée par Biden, que sa victoire est volée.
09:45 Est-ce que c'est ça le fond du problème ? Est-ce que ça vous fait peur ?
09:50 Je dois dire que là, justement, ça en dit long sur l'égo démesuré de Donald Trump qui ne pouvait pas accepter la défaite.
10:03 Et donc il a lancé toute cette théorie du complot, disant que l'élection a été volée.
10:08 Mais c'est cela qui lui a coûté quelques 100 millions de dollars en frais de justice.
10:16 Et pourtant, les affaires se poursuivent, les accusations se poursuivent.
10:21 C'est tout un truc incroyable créé par cet homme qui ne voulait pas accepter la défaite.
10:27 Et il y a toutes sortes d'électeurs, les MAGA, les gens d'extrême droite, des conservateurs, qui le croient, qui croient ce qu'ils racontent.
10:37 Alors je ne sais pas comment on peut croire une seule parole prononcée par Donald Trump, mais bon, il a ses partisans, ses fans,
10:45 qui à mon avis restent minoritaires, mais quand même.
10:48 Et donc c'est la campagne la plus coûteuse, elle est aussi très violente dans les mots, mais elle est très coûteuse.
10:53 En ce moment, Biden comme Trump font des levées de fonds.
10:56 Est-ce que vous, en tant que personnalité, est-ce que vous signez des chèques par exemple ? Est-ce que ça, ça peut être votre action ?
11:02 Oui, nous sommes très engagés dans ces campagnes électorales, notamment présidentielles.
11:15 Par exemple, le mois prochain, nous accueillerons chez nous en Virginie...
11:21 René et vous, quand vous dites "nous", c'est René et vous ?
11:27 Oui, avec mon épouse, on va faire une collecte de fonds pour Joe Biden, pour l'épouse de Joe Biden.
11:42 Et également, nous faisons campagne pour les candidats qui nous paraissent dignes de notre soutien.
11:50 Mais je ne fais pas entrer la politique dans mes romans, parce qu'il ne faut quand même pas se mettre les lecteurs à dos en imposant une position politique.
12:01 Mais en lisant entre les lignes, quand même on devine quelque chose.
12:04 Et le dernier s'appelle "Le Réseau", c'est tes éditions, la thèse, déjà en librairie.
12:09 John Grisham, merci, thank you so much d'avoir accepté l'invitation de France Inter.
12:14 Je vous en prie.

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