• il y a 9 mois
Alors que le débat sur la fin de vie se poursuit en ce moment en France, nous recevons ce jeudi Jean-Jacques Erbstein, médecin généraliste en Moselle. Il est l’auteur du livre « je ferai tout pour soulager les souffrances », avec un titre engagé faisant écho au fameux serment d’Hippocrate.

Accompagnement de patients, d’un ami ou encore de son père, il raconte dans cet ouvrage les différentes fins de vie auxquelles il a été confronté. Le tout avec avec un objectif : apporter une réflexion sur le métier de médecin et la gestion de la fin de vie et également démontrer l’utilité et la justesse de la loi Claeys-Leonetti.

Généraliste, chroniqueur santé, dirigeant d’une entreprise et grand passionné de littérature, rencontre avec un médecin multicasquette.
Transcription
00:00 J'ai l'impression qu'on veut distribuer la petite pilule magique pour mourir,
00:02 simplement parce que ça coûtera moins cher que de développer des équipes d'HLD
00:06 qui, elles, pourraient faire en sorte que la fin de vie se passe dans la dignité entourée des gens qu'on aime.
00:10 J'ai écrit ce livre suite à la, non pas la polémique, mais disons,
00:21 à commencer à ressortir les histoires de la fin de vie.
00:23 Et on parlait du suicide assisté et de l'euthanasie,
00:26 des choses auxquelles je suis totalement opposé en tant que médecin et en tant qu'homme.
00:29 Et j'avais envie de raconter un peu une forme d'expérience,
00:31 c'est-à-dire certaines fins de vie que j'ai pu amener à gérer dans mes serbes généralistes,
00:35 pour démontrer que tout compte fait, le suicide assisté et l'euthanasie n'étaient pas la solution la plus ultime,
00:40 puisque la loi Leonetti est très bien faite.
00:43 C'est une histoire d'une jeune femme qui a un cancer, un enfant malheureusement qui a une leucémie.
00:50 Je raconte aussi comment j'ai accompagné un de mes confrères et amis jusqu'au bout,
00:53 comment j'ai accompagné mon père également.
00:55 Je parle de ma fin de vie à moi parce que c'est aussi une chose auquel il faut savoir penser.
00:58 Et puis naturellement, derrière, il y a toute une réflexion sur le métier de médecin,
01:02 sur la gestion de la fin de vie justement.
01:04 Régulièrement, le médecin est confronté à la vie, la maladie et la mort.
01:10 Il y a 30 ans, quand j'ai commencé, les gens mouraient plus chez eux.
01:13 Aujourd'hui, malheureusement, ils meurent souvent sur un brancard, dans une salle d'urgence, souvent seuls,
01:17 alors que le minimum qu'on peut apporter aux gens, c'est de leur permettre de mourir à domicile,
01:21 avec une aide, notamment la HAD, qui permet de faire cette césation palliative,
01:25 même si nous, généralistes, on a notre disposition malamorphine.
01:28 Quand les gens sont beaucoup trop algiques, on propose d'augmenter la morphine,
01:31 tout en expliquant naturellement à la famille qu'en augmentant la morphine,
01:34 on va céder, enfin une cédation de la douleur, avec le risque, malheureusement, que les choses s'arrêtent tout doucement.
01:39 C'est d'être présent, d'y aller tous les jours.
01:45 C'est parfois simplement tenir la main de quelqu'un.
01:47 Et puis, il n'y a pas une fin de vie, mais des fins de vie.
01:49 Tout le monde ne veut pas mourir de la même manière.
01:51 Quand on est jeune, on n'y pense pas parce qu'on pense à la mort des autres et pas trop à la sienne.
01:54 Quand on est malade, on commence un peu à y penser.
01:56 Et puis, vous savez, même en tant que médecin, on reste humain.
01:58 Et la fin de vie des autres, c'est une sorte de miroir, une mise en abîme,
02:01 qui nous permet aussi de nous interroger sur la manière dont nous-mêmes voudrions que ça se passe pour nous et notre famille.
02:05 Ah, moi, je trouve que c'est un débat qui n'a pas lieu d'être.
02:11 C'est une manière encore de noyer le poisson.
02:13 Vous savez, c'est comme la corrida.
02:14 Ceux qui sont pour n'arriveront jamais à convaincre ceux qui sont contre réciproquement.
02:17 Maintenant, il faut trouver les côtes mal taillées.
02:19 Surtout, beaucoup d'écoute, savoir un peu ce que les gens désirent,
02:21 mais pas leur proposer des solutions qui sont complètement délirantes.
02:24 J'ai l'impression qu'on veut distribuer la petite pilule magique pour mourir,
02:27 simplement parce que ça coûtera moins cher que de développer les équipes d'HLD,
02:30 qui, elles, pourraient faire en sorte que la fin de vie se passe dans la dignité entourée des gens qu'on aime.
02:34 La loi Lenetti est très bien faite.
02:36 Il faut pouvoir l'appliquer en mettant les moyens de l'appliquer.
02:39 De moins en moins, les gens commencent un peu à en parler.
02:44 Au départ, la mort était quelque chose qu'on cachait un petit peu.
02:47 Maintenant, les gens commencent un peu à en parler, à s'y préparer,
02:50 à nous dire des choses quelquefois qui sont un peu délirantes,
02:52 en disant "naturellement, vous viendrez mourir quand le moment est venu".
02:54 Non, le médecin, il soigne, il se bat pour la vie.
02:57 Un médecin n'est pas là pour tuer.
02:59 Là, aujourd'hui, à l'instant T, non, pas du tout,
03:04 mais le jour où ça viendra, je pense que, comme tout le monde, j'aurai...
03:07 Vous vous rendez compte, mourir, c'est abandonner des milliards de choses qu'on aime,
03:11 et surtout se dire que vont devenir ceux qui restent.
03:13 Donc c'est quand même très, très compliqué.
03:14 Je suis...
03:19 Styloscope.
03:21 Ah, mais j'adore m'emmerder.
03:22 S'il n'y a pas une période où vous vous ennuyez, vous ne pouvez pas créer.
03:25 L'ennui fait partie de la création.
03:26 C'est un truc qui est fondé sur mon expérience personnelle.
03:32 Je pense que, comme tout le monde, vous avez probablement déjà été opéré.
03:34 Au moment où vous descendez au bloc, au moment où vous remontez du bloc,
03:36 il y a un blackout complet.
03:37 C'est-à-dire qu'on ne sait absolument pas où vous êtes,
03:39 et la famille est très angoissée,
03:40 parce que, souvent, il y a du retard au bloc,
03:42 parce que le chirurgien est en retard, il y a une urgence qui vient s'intercaler,
03:44 et la famille n'est pas au courant.
03:45 Avec le système Hermès, c'est une application qui est active dans les blocs opératoires.
03:49 À chaque étape du parcours chirurgical,
03:52 l'infirmier qui fait l'identité aux vigilances,
03:54 il appuie sur un bouton, et à ce moment-là, il y a un SMS qui part vers les familles
03:57 en disant "votre mère, votre père, votre sœur vient de descendre au bloc,
04:00 ils viennent de rentrer en salle de réveil".
04:01 Et c'est très rassurant, non seulement pour la famille,
04:04 mais moi, pour l'avoir vécu, pour le patient lui-même.
04:06 Ah, ça, ça ne s'explique pas.
04:10 C'est comme une envie irrépressible.
04:12 J'ai toujours voulu écrire des choses comme ça,
04:13 mais je n'ai pas pu le faire.
04:14 J'ai toujours eu une envie irrépressible.
04:16 J'ai toujours voulu écrire.
04:17 Je suis issu d'une famille un peu d'écrivain,
04:18 mes parents étaient journalistes et écrivains également,
04:20 donc j'ai baigné toujours dans ce bouillonnement un peu culturel et d'écriture.
04:24 Et puis un beau jour, on ressent un besoin irrépressible d'écrire,
04:27 mais ce qui est important surtout, c'est de savoir s'évaluer de la médecine,
04:29 parce que je n'écris pas que sur la médecine.
04:31 Sinon, ça serait d'un triste.
04:32 "Odeo" en latin, ça veut dire "j'ose".
04:38 "Odeo" en latin, ça veut dire "j'ose".
04:41 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
04:44 [Musique]

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