Charlotte d’Ornellas : «Ce n’est pas une affaire qui a été cachée»

  • il y a 5 mois
La journaliste, Charlotte d’Ornellas revient sur l’affaire du violeur à la trottinette : «Ce n’est pas une affaire qui a été cachée».

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00:00 - Déjà que c'est vrai, il est blanc, voilà.
00:02 Et il était... Vous savez, ça a commencé au mois de janvier,
00:06 et il y a plusieurs femmes qui se sont plaintes, justement, de viols ou de tentatives de viols,
00:11 et c'était l'homme à la trottinette, ça a commencé à circuler sur les réseaux sociaux.
00:15 Il est blanc, roux, on le décrivait comme roux, jeune, et il circulait avec une trottinette.
00:20 Bon, alors déjà pour dire que comme il est blanc et roux, on va faire un exemple pour une fois,
00:24 quand vous êtes grenobloise, on vous dit ça, et que vous croisez un homme roux, blanc, sur une trottinette,
00:28 vous changez de trottoir, même si c'est pas lui, et même si c'est très injuste pour le pauvre monsieur roux
00:32 qui passe là avec sa trottinette et qui n'y est pour rien dans cette histoire.
00:36 Donc il y a d'abord un préjugé qui est né, évidemment, de ce message qui circulait.
00:41 Bon, il se trouve que le procureur de la République de Grenoble a pris la parole,
00:45 il y a un homme qui a été interpellé, il est en effet... Il a 22 ans, on l'a vu passer,
00:49 il correspond parfaitement à la description, et on le soupçonne de sept agressions différentes.
00:54 Il n'a reconnu qu'un fait de viol, nous dit le procureur,
00:56 et le procureur précise que c'est justement le viol dans lequel il a été confondu par son ADN.
01:01 Donc il a reconnu celui-là, les autres, il n'y avait pas d'ADN, il n'a pas pu être confondu,
01:05 mais donc l'enquête se poursuit. En fait, il y a eu une vidéo-surveillance,
01:10 ils ont... Comme ils savaient qu'il passait avec sa trottinette un peu partout,
01:13 et que c'était une trottinette apparemment assez... "cali", on va dire,
01:16 ils ont fait le tour des vendeurs de trottinettes pour savoir.
01:20 Et en fait, lui-même travaillait dans un magasin de trottinettes, il était complètement fan de trottinettes,
01:24 et il y a un de ses anciens patrons qui l'a reconnu, parce qu'il avait une...
01:27 Vous savez, comme certains refont leur voiture avec des petites lumières et des...
01:31 et des... Enfin, des... Comment on appelle ça, là ?
01:33 - Tuning. - Tuning, merci.
01:35 - Il a tuné sa trottinette. - Il avait tuné sa trottinette, donc il a été reconnu comme ça,
01:39 et donc il a été convoqué, puis interpellé au moment de sa convocation.
01:43 Donc là, aujourd'hui, l'enquête se poursuit, il est quand même mis en examen pour tentative de viol,
01:47 tentative d'agression sexuelle, tentative d'extorsion et de fait de violence.
01:51 Il est placé en détention provisoire, il encoure 15 ans de prison aujourd'hui,
01:55 20 si le caractère sériel des viols est reconnu, en gros, si c'est un violeur en série.
01:59 Et le procureur de nous préciser, et son avocat d'ailleurs l'a dit aussi,
02:04 c'est un profil étonnant, pourquoi ?
02:06 On a un jeune homme, il a 22 ans, c'est un jeune homme inséré, qui a toujours travaillé,
02:10 qui avait une copine, et qui avait une cellule familiale stable, une famille "normale".
02:15 Donc tout le monde est tombé des nus, à la fois dans sa famille, évidemment, autour de lui,
02:20 c'est exactement le profil de l'homme des films, en fait.
02:23 C'est le tueur en série, le violeur en série, celui qui est insoupçonné absolument,
02:28 et qui est d'autant plus difficile à retrouver qu'il est insoupçonnable dans la vie qu'il mène.
02:34 Alors évidemment, aujourd'hui, il relève de...
02:36 Enfin, il est toujours sous la présomption d'innocence,
02:38 il y a un viole qui l'a reconnu, je l'ai dit,
02:40 mais son profil relève vraiment du profil que vous ne croisez jamais.
02:44 C'est extrêmement rare, et d'ailleurs, on en fait des séries pendant...
02:48 Je pense aux "Violeurs de la cendre", quand on vient de faire une série qui cartonne,
02:52 précisément parce que c'est ça qui est extrêmement fascinant dans ces histoires,
02:55 c'est qu'on se dit "mais c'est mon voisin, vraiment, quoi, c'est le père de famille insoupçonnable".
03:00 Donc si le viol de rue, c'est-à-dire le fait de pouvoir se faire violer dans la rue,
03:04 et on en parle suffisamment ici, relève aujourd'hui d'une menace qui concerne toute la société,
03:09 parce qu'il y a une augmentation de ces agressions, notamment envers les femmes,
03:12 le profil, lui, en l'occurrence, est beaucoup plus atypique,
03:15 et on ne le retrouve quasiment jamais en termes de statistiques.
03:19 Donc il existe bien, parce qu'il y a des femmes qui sont aujourd'hui ses victimes,
03:22 mais en revanche, en termes de statistiques, il est relativement atypique, on pourrait dire.
03:26 Alors justement, certains font remarquer que les médias sont moins prolixes sur cette affaire,
03:30 parce qu'il est blanc, et qu'on ne peut blâmer l'immigration.
03:33 Je fais une petite parenthèse, certains ont reproché à notre équipe, par exemple,
03:36 de ne pas parler de son profil, donc c'est pour ça aussi qu'on en parle.
03:38 - Et comme on écoute, on en parle. - Et comme on écoute, on en parle.
03:40 - On répond à nos questions. - Alors est-ce que ce n'est pas une réalité, finalement ?
03:44 Alors, cette affaire, d'abord, elle a été largement traitée par la presse locale,
03:47 évidemment, ne serait-ce que pour prévenir les femmes, et en effet, leur demander de faire attention,
03:52 en sachant que ce profil-là existait.
03:54 Elle a été reprise en presse nationale, et d'ailleurs, c'est pour ça qu'on est au courant, évidemment.
03:59 Et depuis que l'homme a été arrêté, il a été mis en examen,
04:02 il est incarcéré aujourd'hui, et le procureur a communiqué,
04:05 comme dans toutes les affaires, donc déjà, les autorités se sont comportées comme d'habitude,
04:08 et je note, par ailleurs, qu'on sait déjà qu'il s'appelle Milan D,
04:12 ce qui n'est pas le cas dans toutes les affaires, parfois, les prénoms mettent du temps à sortir.
04:15 Donc, objectivement, ce n'est pas une affaire qui a été cachée,
04:19 elle a été moins commentée que d'autres, enfin, on ne va pas m'expliquer aujourd'hui que, par exemple,
04:23 certaines affaires Nordal-Lelandais, Jonathan Daval,
04:27 tout le monde était blanc dans ces affaires, et ça a fait la chronique médiatique pendant des semaines et des semaines.
04:31 Donc, en général, on fonctionne, et parfois, d'ailleurs, on se demande, même nous,
04:35 parfois, on observe, et on se dit "il y a des trucs qui prennent médiatiquement, et d'autres, moins".
04:39 Bon, voilà, mais en l'occurrence, on a toutes les informations que l'on a dans d'autres affaires.
04:43 Mais la question qui est posée, en réalité, elle est un peu différente.
04:46 Est-ce que sa couleur de peau, sa nationalité, est-ce que ce sont ces questions-là qui guident le récit médiatique ?
04:53 Alors, je pense que c'est un peu absurde de l'imaginer ainsi, et je vais essayer d'expliquer pourquoi...
04:57 - Mais posons-nous les bonnes questions, posons-nous les vraies questions.
04:59 - Pourquoi, en effet, parfois, le profil des criminels a beaucoup plus d'importance, on va dire, dans certaines affaires.
05:04 D'abord, un, parce qu'on confond tout, comme d'habitude, la nationalité, la couleur de peau,
05:08 le statut administratif, le statut judiciaire, même, pourquoi pas, ou pénitentiaire, en l'occurrence.
05:14 Donc, un, il est parfois question du statut administratif des personnes. Pourquoi ?
05:19 Parce que, alors, c'est évidemment l'affaire emblématique, c'était la petite Lola, évidemment.
05:25 Mais ça revient souvent, et d'ailleurs, Mathieu vient de nous en parler, ces personnes sous OQTF.
05:29 Alors, on va le redire encore une fois, un statut administratif, c'est-à-dire une personne qui est en situation irrégulière,
05:35 donc qui ne devrait pas être là en raison de la loi française, qui est sous OQTF,
05:39 donc que, par la loi, l'autorité lui a demandé de respecter une obligation de quitter le territoire français.
05:45 Quelqu'un qui est sous interdiction du territoire, prononcé soit par l'administration, soit parfois par le juge.
05:51 Dans ces trois cas-là, c'est en raison de la loi que la personne n'aurait jamais dû croiser sa victime.
05:57 On s'en fout de la couleur de peau, ça n'entre pas en compte, c'est pas une question de couleur, de pays d'origine, de je sais pas quoi.
06:02 C'est une question administrative, il n'aurait pas dû croiser sa victime.
06:06 Deuxième cas, le statut pénitentiaire, entre guillemets.
06:08 Alors là, c'est pas la loi, mais c'est une demande de précisément changer la loi,
06:12 parce qu'il y a une incompréhension, vous savez, c'est cette question d'aménagement de peine, de remise de peine.
06:17 Souvent, le garde des Sceaux répond "il n'y a pas eu de faille".
06:20 Pourquoi ? Parce que ces remises de peine sont prévues par la loi.
06:23 Et il y a des gens qui disent "attendez, une peine, elle est prononcée en raison d'un acte qui a déjà été posé,
06:29 au nom de quoi cette peine est-elle réduite, c'est injuste pour la victime du premier acte pour lequel il a été puni,
06:38 et quand en plus il y a récidive dans le temps de la peine qui a été initialement prononcée,
06:43 forcément, ça génère des questions".
06:45 Là, en l'occurrence, c'est une interrogation de la loi telle qu'elle est aujourd'hui.
06:48 Là, il n'y a toujours pas de question de pays d'origine, de couleur de peau, je ne sais pas quoi.
06:52 Ensuite, pour ce qui est du rapport à l'immigration dans la délinquance,
06:56 il y a deux choses. Il y a la question des étrangers, c'est le statut de la nationalité,
07:00 vous êtes étranger, vous êtes français, là, pour le coup, il y a des statistiques puisque la nationalité entre en compte.
07:05 Et ensuite, il y a la question des personnes issues de l'immigration, qui sont de nationalité française,
07:10 et dont les profils se retrouvent, notamment, c'est la question qui avait été posée au moment des émeutes.
07:16 Alors là, ce n'est pas la même question qui se pose en effet,
07:19 c'est juste une question, pour le coup, de statistiques sociologiquement intéressantes pour comprendre la délinquance.
07:26 Et voir la criminalité.
07:28 Et c'est précisément parce que la délinquance et la criminalité ne sont pas génétiques
07:33 qu'il est intéressant de voir les profils qui se répètent.
07:36 C'est précisément l'inverse, en l'occurrence, de ce qui est du procès qui est fait à ceux qui soulèvent ces actes-là.
07:44 Par exemple, je pense à notre ami Marc, qui n'est pas là, mais quand il dit, par exemple,
07:47 les tueries aux Etats-Unis sont souvent le fait de jeunes hommes sous médicaments, sous anxiolytiques, antidépressants.
07:53 Personne n'aurait l'idée de vouloir mettre les pharmaciens en prison.
07:55 On ne se dit pas que c'est discriminant pour les pharmaciens qui prescrivent des médicaments.
07:59 Simplement, c'est une donnée éventuellement pertinente pour comprendre le passage à l'acte.
08:03 [Musique]
08:07 [SILENCE]

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