Le ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini veut s'attaquer au "tabou" du licenciement des fonctionnaires. Dans quels cas les fonctionnaires peuvent-ils être licenciés ? Pourquoi Stanislas Guerini veut-il s'y attaquer ? Stéphanie Matteudi-Lecocq Docteure en droit, spécialiste du droit du travail et du dialogue social, auteure de "Les syndicats peuvent-ils mourir ?" (Ed. Rue de Seine) est l'invitée pour tout comprendre.
Regardez L'invité de RTL Soir avec William Galibert du 10 avril 2024
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00:00 William Galibert, Agnès Bonfillon et Vincent Serrano.
00:04 Et c'est l'heure de notre invité pour tout comprendre.
00:06 Sur un sujet explosif, le licenciement des fonctionnaires.
00:09 Stanislas Guérini, le ministre de la fonction publique, veut lever ce qu'il appelle un tabou,
00:13 faire la chasse aux mérites et si on lit entre les lignes, modifier, du moins clarifier la loi sur ce sujet.
00:18 Licencier un fonctionnaire, dans quel cas est-ce que c'est souvent arrivé ?
00:21 Que dit le code du travail ? Quid de nos voisins européens ?
00:24 Eh bien ça tombe bien, on a quelqu'un qui va nous aider à y voir clair et à y répondre.
00:28 Bonsoir Stéphanie Mathieu-Dilococq.
00:31 Vous êtes spécialiste du droit du travail, spécialiste du dialogue social.
00:35 On entend donc ce ministre Stanislas Guérini qui dénonce un flou juridique sur le licenciement des fonctionnaires.
00:42 D'abord, est-ce qu'il a raison ?
00:43 Il n'y a pas un flou juridique, il y a une procédure en matière de licenciement des fonctionnaires qui est plutôt claire.
00:50 Après, elle est extrêmement peu utilisée par rapport à ce que prévoit le droit du travail français dans le secteur privé.
01:00 C'est juste ça la différence.
01:02 Pour vous donner une idée en termes de chiffres, sur le troisième trimestre 2023,
01:07 on a 240 500 licenciements et 20 300 licenciements économiques en droit du travail
01:14 et aux alentours de 500 000 démissions en matière de fonction publique en 2022.
01:20 On a 222 révocations pour faute et puis 13 ruptures de contrats pour inaptitude.
01:28 Pour presque 3 millions de fonctionnaires.
01:30 Donc c'est assez faible dans le secteur de la fonction publique.
01:32 Ça veut dire quoi quand on voit ces chiffres ?
01:34 Ça veut dire que 13 agents licenciés en 2022, ça veut dire que tous les fonctionnaires font extrêmement bien leur travail
01:39 ou qu'il y a quand même un petit problème de ressources humaines ?
01:42 Sur près de 5 millions, 13 ça ne fait pas beaucoup.
01:43 Je pense que là n'est pas là la question.
01:45 On va dire qu'il y a un statut, que quand je suis fonctionnaire, je postule, j'ai réussi un concours
01:53 et je suis appelée à un grade.
01:56 Et effectivement, le fonctionnaire il est titulaire de son grade, mais il n'est pas titulaire de son emploi.
02:02 Donc on peut le changer de grade par rapport au salarié.
02:07 Le salarié il est soumis à un contrat de travail, à des sources de droits du travail extrêmement différentes des fonctionnaires
02:14 et il est beaucoup plus facilement révocable de façon unilatérale de la part de l'employeur.
02:19 Est-ce que vous avez des cas concrets ?
02:21 Ce que veut rafraîchir, effectivement, Stanislas Guérini veut rafraîchir la notion d'insuffisance professionnelle
02:29 qui n'est pas la même en droit privé pour les salariés et en droit de statut de la fonction publique pour les fonctionnaires.
02:37 Et il veut effectivement essayer, par le motif d'insuffisance professionnelle, d'augmenter finalement le nombre de licenciements.
02:48 Mais est-ce que vous avez des cas concrets, justement, de licenciements dans la fonction publique pour ces insuffisances professionnelles ?
02:54 Encore une fois, il y en a extrêmement peu. Ça veut dire quoi, insuffisance professionnelle dans la fonction publique ?
03:01 C'est l'incapacité à exercer les fonctions qui correspondent à un grade par rapport aux capacités que l'administration est en droit d'attendre d'un fonctionnaire de ce grade.
03:11 Donc quand on est dans une nuance et quand on est dans un sujet et beaucoup plus au mérite ce que souhaite dans son projet de loi Stanislas Guérini,
03:21 effectivement, qu'est-ce que l'administration est en droit d'attendre d'un fonctionnaire ?
03:26 Et à partir de là, peut-être qu'il y aura plus de risques si l'administration finalement n'a pas ce qu'elle attend.
03:34 On pourra rompre le contrat, en tout cas rompre le statut pour un fonctionnaire plus facilement.
03:42 C'est peut-être ça qu'il veut mettre en place, sachant que c'est une faute, c'est une discipline, c'est une sanction disciplinaire
03:50 et dans le droit privé, l'insuffisance professionnelle n'est pas une sanction disciplinaire.
03:54 C'est-à-dire que ça n'est pas de la faute du salarié s'il est licencié pour insuffisance professionnelle.
04:00 Par contre, dans la fonction publique, c'est une faute.
04:04 Ce que vous nous dites en résumé, c'est que derrière la formule un peu choc du ministre, il n'y a pas grand-chose de sérieux, de concret ou de faisable, de réalisable.
04:16 Quand on voit les chiffres, c'est sûr que ça ne va pas être évident de passer du secteur public au secteur privé,
04:25 de passer de 13 ou de 222 révocations à 240 000.
04:30 Ça n'est pas à souhaiter. Les organisations syndicales sont plutôt vent debout contre cette idée et sont plutôt à recruter.
04:36 La question centrale, c'est comment fait-on et que fait-on pour améliorer les conditions de travail des fonctionnaires,
04:43 pour que ceux-ci souhaitent rester dans leur emploi, pour qu'ils n'aient pas à démissionner ou pour qu'ils n'aient pas à se mettre en inaptitude, en maladie ?
04:51 C'est comment on provoque justement cette amélioration des conditions de travail ?
04:55 Et peut-être par le biais du recrutement d'autres fonctionnaires ou en tout cas une certaine motivation,
05:02 beaucoup plus qu'en disant "le licenciement ne doit pas être un sujet tabou".
05:08 Je ne suis pas sûre que c'est la meilleure des solutions possibles dans ce climat social actuel en France.
05:14 Ce que vous nous dites aussi, c'est qu'on parle beaucoup du licenciement alors qu'il y a de plus en plus de démissions par exemple dans la fonction publique.
05:20 Exactement. Alors bien évidemment, la démission c'est souvent parce qu'on a trouvé un emploi derrière,
05:26 ou on va repasser à un autre concours.
05:31 Ce n'est jamais une bonne idée que de démissionner.
05:36 Si on démissionne parce qu'on a trouvé quelque chose, très bien, c'est la vie logique des relations de travail.
05:41 Si on démissionne parce qu'on n'est pas à l'aise et parce qu'il n'y a pas d'autres solutions pour partir, là ça pose plus de problèmes.
05:48 Merci beaucoup Stéphanie Mathodie-Lecocq d'avoir remis du contexte et de la réalité derrière les phrases de choc ou l'interview de Stanislas Guérini, le ministre.
05:58 Je rappelle que vous êtes spécialiste du droit du travail, du dialogue social et que vous êtes auteur du livre
06:04 "Les syndicats peuvent-ils mourir ?" aux éditions Rue de Seine. Merci d'avoir été avec nous.
06:08 Merci.
06:09 RTL, bonsoir.
06:11 La suite, c'est tout de suite.
06:14 Oui, forcément.
06:16 Dans 9 minutes maintenant, le retour de l'info avec le journal de 19h qui sera présenté par Hermine Leclech.
06:22 Mais avant ça, c'est un grand match qui va opposer Vincent Serrano et Agnès Bonfillon.
06:29 C'est le match des infos pour briller qui débarque sur RTL. À tout de suite.
06:32 RTL Bonsoir. Jusqu'à 20h.