• il y a 8 mois
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Transcription
00:00 Europe 1.
00:01 Vous écoutez Culture Média sur Europe 1 jusqu'à 11h avec Thomas Hill.
00:05 Et nos deux indispensables Olivier Benquemoun pour le cinéma.
00:09 Salut Olivier.
00:10 Bonjour à tous.
00:11 Et Nicolas Caro qui va nous rejoindre pour la littérature.
00:13 Et puis quel bonheur d'accueillir ce matin une actrice, une réalisatrice, Nicole Garcia.
00:18 Bonjour.
00:19 Merci beaucoup d'être avec nous pour la première fois.
00:22 Vous montez seule sur scène dans "Royan, la professeure de français".
00:26 Je porte le deuil de personne et jamais jamais je n'ai fait de mal à qui que ce soit.
00:38 Ce ne sont pas des éclaircissements que vous souhaitez obtenir mais des aveux de culpabilité
00:45 dont vous ferez un usage dégradant.
00:47 Mais qu'est-ce que j'ai à voir avec tout ça ?
00:52 Est-il toujours dans le malheur incoupable ?
00:56 "Royan, la professeure de français" c'est un seul en scène écrit spécifiquement pour vous,
01:01 Nicole Garcia, par Marie N'Diaye qui est lauréate des prix Goncourt et Fémina.
01:06 C'est vous qui lui avez demandé, avec votre fils je crois, Frédéric Belligarça,
01:09 vous lui avez demandé d'écrire pour vous.
01:11 Oui, c'est un producteur qui a eu cette idée.
01:14 Frédéric connaissait bien Marie N'Diaye, elle avait monté même sa toute première pièce "Hilda".
01:18 Elle m'avait dit qu'il faudrait qu'un écrivain écrive pour toi.
01:22 On lui a passé une commande et j'étais très heureuse et honorée qu'elle soit d'accord.
01:27 Elle s'est lancée, en même temps c'était assez effrayant parce que c'était un pari qu'on faisait.
01:32 Qu'est-ce qu'elle allait donner ? Qu'est-ce qu'elle allait écrire pour moi ?
01:35 Vous l'avez guidée un peu ?
01:38 Non, rien du tout.
01:40 Elle m'avait dit de me donner trois mots, je crois même que j'ai oublié les mots que j'ai donnés.
01:45 Il y avait question d'une gare, de solitude, de cloire...
01:51 Je ne vois pas ce qu'elle a fait de ces trois mots.
01:55 C'était un camelot.
01:57 Elle vous a fait une très jolie pièce.
02:00 C'est la première fois que vous jouez un monologue, que vous êtes seul comme ça sur scène.
02:04 Vous avez joué dans des dizaines de pièces, dans des dizaines de films aussi déjà.
02:09 Mais j'imagine qu'être seul sur scène, c'est une pression toute particulière.
02:12 Il y a quelque chose d'un peu vertigineux quand on se retrouve toute seule comme ça.
02:15 Oui, c'est sûr.
02:16 C'est vrai que ce n'est pas un stand-up, c'est que je joue en jouant une pièce.
02:20 Mais c'est vrai que déjà, je trouve que le théâtre par définition, c'est une sorte d'abîme dans laquelle on se jette,
02:24 même quand on joue à plusieurs.
02:26 Mais là, c'est multiplié.
02:28 On se dit que cette traversée-là, je vais la faire toute seule.
02:30 Quand je rentre en scène avec mon cartable, je me dis voilà, maintenant c'est parti pour...
02:34 Il faut garder en soi l'énergie, la foi, le désir d'être cet autre personnage.
02:38 Et tout en même temps, on sait bien qu'on ne joue que soi.
02:42 Et pendant 1h20, et de raconter cette histoire incroyable de cette prof de lycée,
02:48 dans un lycée de Royan, et qui raconte une histoire qui ressemble beaucoup à ce qu'on entend, voit, beaucoup maintenant.
02:55 Mais qui est assez universelle et éternelle.
02:58 C'est la violence qu'il y a déjà dans un lycée, déjà dans une salle de classe.
03:03 Et comment une salle de classe peut être une chambre d'écho pour toute la violence qu'il y a à l'extérieur.
03:09 - C'est vrai que je disais, c'est en vraie résonance avec l'actualité.
03:13 Parce que ça se passe autour d'un fait divers, qui est fictif, qu'a inventé Marianne Diaille.
03:18 Le suicide d'une élève, Daniela, qui s'est jetée par la fenêtre pendant le cours de Gabriel, qui est donc votre personnage.
03:24 - Non, non, elle ne s'est pas jetée pendant mon cours.
03:26 Je plaide pour mon personnage.
03:29 Non, c'est vrai, il y a eu un drame.
03:32 Une élève qui s'est défenestrée, mais ce n'était pas pendant le cours de français.
03:36 C'était pendant le cours de maths. Non, je blague.
03:39 - Et après ce drame, cette prof, elle rentre un soir et elle se rend compte que les parents de Daniela l'attendent sur son palier, au deuxième étage.
03:48 Elle va rester dans le hall de son immeuble et se lancer dans un long monologue.
03:52 Gabriel s'adresse au public.
03:55 C'est un peu comme si elle était en garde à vue, en fait.
03:57 C'est ça, elle s'explique, elle veut se justifier aussi.
03:59 - C'est ça, et comme toujours en garde à vue, ça n'est pas encore arrivé, mais ça peut être arrivé à ceux qui nous ont,
04:03 on commence par dire qu'on n'a rien à voir avec l'affaire.
04:07 Et c'est ce qu'elle dit, c'est une garde à vue, c'est effectivement intime.
04:10 Les parents sont là, elle ne veut pas les voir, et elle dit "j'ai rien à voir avec cette histoire, c'est arrivé, c'est arrivé, j'ai rien vu".
04:16 Puis après elle va dire qu'elle n'a pas su voir.
04:18 Puis après elle va dire, peu à peu, qu'elle a eu peur, elle se sentait trop fragile pour aller contre la meute,
04:24 cette meute des élèves qui harcelaient Daniela.
04:28 Et c'est vrai, c'était une meute qui était, et elle-même, son secret à elle va être encore plus profond,
04:34 c'est-à-dire qu'elle a reconnu dans cette adolescente qui arrivait comme ça,
04:38 qui provoquait, qui arrivait en dreadlocks au lycée, qui provoquait les autres,
04:42 qui cherchait à agresser les autres, comme ça, et en même temps elle était désespérée de l'agression qu'elle recevait en retour.
04:48 Elle dit qu'elle s'est vue dans cette adolescente, elle a reconnu quelque chose d'elle,
04:53 qu'elle a fait taire, qu'elle a écrasé en elle pour devenir un professeur, comme elle dit bien, sous tout rapport,
04:58 professeur estimé, collègue apprécié, pour être professeur dans un rail.
05:04 Et donc cet élève était comme un miroir, et cet élève venait la chercher là-dedans,
05:09 venait lui dire "on est pareil toutes les deux", et donc quand les autres l'ont harcelée,
05:15 elle s'est retirée comme si, voilà, elle n'a pas prêté, porté assistance,
05:22 et on s'interroge tous dans la vie comment, à certains moments, on arrive à l'impossibilité d'aider l'autre,
05:30 on a l'impression qu'on le ferait tout le temps d'aider les autres, mais il y a des moments où quelque chose en soi s'arrête,
05:36 parce qu'il y a une force intime, intérieure, qui l'empêche, et c'est ça qui fait que c'est une pièce qui est...
05:43 ça fait divers, voilà, mais Marindia oscule comme un petit théâtre, en fait une salle de classe c'est un théâtre,
05:50 c'est déjà un théâtre en soi, qui raconte les forces et les failles de chacun.
05:54 - Et puis c'est vrai que ça résonne avec l'actualité, ces jeunes qui meurent sous les coups d'autres jeunes,
05:59 on pense à Viri Chatillon, à Montpellier, vous y pensez forcément, Nicole Garcia, en jouant cette pièce aussi,
06:04 à tout ce qui se passe dans l'actualité autour de l'école en ce moment.
06:06 - Oui, tout ce qui se passe, ça s'est toujours passé, je pense que Marinal est comme une grande auteure,
06:09 elle raconte des faits de société en les projetant, en arrivant même avant tout, ça s'est toujours passé,
06:16 en ce moment c'est particulièrement brelon dans l'actualité, mais c'est vraiment que même quand les violences sont cachées,
06:22 même quand elles étaient moins évidentes qu'elles le sont en ce moment, on sait tous très bien, pour avoir été élève,
06:26 qu'il y a des violences souterraines mais qui sont toujours là dans des classes.
06:31 - Vous me faites bien de dire "faits de société", pas "faits livres", Alkémon. C'est vraiment des faits de société.
06:36 - Elle parle aussi, Gabrielle, de ses élèves, comme d'une meute de fauve, elle a peur d'eux, cette pièce,
06:42 elle parle aussi de ses professeurs qui ont de plus en plus peur parfois, en tout cas face à leurs élèves.
06:47 - Oui, c'est ça, j'ai l'impression qu'en Avignon, on a eu beaucoup de professeurs qui sont venus,
06:52 et qui disaient que c'était ça, ils ont comme rôle d'apprendre, ils sont là pour ça,
06:58 et en même temps il faut tout le temps qu'ils jugulent cette violence possible d'être dépassé par le nombre,
07:04 et leur violence est de plus en plus quelque chose d'incontrôlable.
07:11 - Alors il faut s'interroger plus profondément sur notre société même.
07:16 - Elle pose beaucoup de questions, effectivement, cette pièce, quand on va la voir,
07:19 "Royan, la professeur de français", c'est à partir du 17 avril, donc c'est mercredi prochain,
07:24 au Théâtre de Paris, que vous pourrez voir Nicole Garcia sur scène.