• il y a 8 mois

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00:00 * Extrait de la première exposition *
00:07 A l'occasion de la célébration des 150 ans de la première exposition impressionniste en 1874,
00:13 lumière ce matin sur trois musées, trois expositions qui placent cet anniversaire en leur cœur.
00:19 Avec nous, Fanny Girard. Bonjour.
00:21 Bonjour.
00:21 Vous êtes conservatrice du patrimoine, directrice du musée Toulouse-Lautrec d'Albi
00:25 qui accueille l'exposition Toulouse-Lautrec et l'impressionnisme, c'est jusqu'au 9 juin 2024.
00:31 A vos côtés, Cyril Sciamma. Bonjour.
00:33 Bonjour.
00:33 Vous êtes directeur général du musée des impressionnismes de Giverny depuis 2019,
00:38 conservatoire du patrimoine, directeur du musée des impressionnismes de Giverny.
00:41 Et ce musée organise l'exposition "L'impressionnisme et la mer",
00:45 ouverte jusqu'au 30 juin 2024. Et enfin, Sylvie Patry. Bonjour.
00:50 Bonjour.
00:50 Vous êtes conservatrice générale du patrimoine, co-commissaire de l'exposition,
00:54 intitulée "Paris 1874, inventer l'impressionnisme".
00:58 C'est en ce moment au musée d'Orsay, c'est jusqu'au 14 juillet 2024.
01:02 Et pour commencer, Sylvie Patry, que s'est-il passé le 15 avril 1874 au 35 boulevard des Capucines,
01:09 alors qu'ouvrait la première exposition impressionniste ?
01:12 C'est le jour de l'ouverture de cette exposition qui est devenue mythique.
01:16 On est à deux pas de l'Opéra Garnier, on est dans les locaux du photographe Nadar,
01:23 qu'il a loués pour l'occasion, sur deux étages.
01:26 Une trentaine d'artistes se sont réunis de façon tout à fait indépendante
01:29 pour montrer des peintures, des sculptures, des œuvres sur papier.
01:33 Et un petit groupe de peintres va être qualifié, quelques jours après, d'impressionniste,
01:38 puisqu'ils montrent une peinture nouvelle.
01:40 Fanny Gérard, pourquoi cette exposition-là, à côté des circuits académiques, des circuits classiques,
01:46 a-t-elle fait date dans l'histoire de la peinture, et plus largement d'ailleurs dans l'histoire de l'art ?
01:50 Je pense qu'elle a fait date parce que c'est le moment où vraiment on a cet assemblage d'œuvres
01:59 de différents artistes qui sont devenus vraiment des grands noms pour nous,
02:03 des grandes figures tutélaires de l'histoire de l'art.
02:07 Et on voit que les artistes d'après ont ce regard sur leurs aînés, il y a cette aura.
02:15 Et c'est le cas par exemple de Toulouse-Lautrec qui se forme une dizaine d'années après,
02:20 on voit qu'il va avoir des expositions d'impressionnistes après, dans les années 80,
02:26 et ça se ressent dans ses peintures.
02:27 Cyril Sciamma, dans cette exposition, pour y revenir au 15 avril 1874,
02:33 qu'est-ce qu'on y trouve, qu'est-ce qu'on y voit surtout ?
02:35 On y voit beaucoup de peintures, mais aussi de la sculpture, c'est aussi étonnant.
02:39 Puis il y a des grands noms de l'impressionnisme, Renoir-Cisselet,
02:42 mais d'autres qui sont complètement passés sous les radars de l'histoire de l'art,
02:46 comme Calse par exemple.
02:47 Et ce qui est intéressant dans l'exposition d'Orsay, c'est qu'on découvre
02:50 un panorama de l'histoire de l'art de l'époque,
02:52 avec des mouvements qui sont un peu antinomiques,
02:55 il y a des gens qui sont presque réalistes, qui sont vraiment impressionnistes.
02:58 Et ça, Cyril peut très bien l'expliquer, mais pour moi c'est intéressant de voir
03:01 que c'est un mouvement, qui est d'abord un mouvement de liberté,
03:05 avec des gens qui veulent lutter contre le salon, qui veulent être indépendants,
03:08 et donc ils se rassemblent avec une idée derrière la tête,
03:12 beaucoup plus qu'une peinture cohérente.
03:15 Et ça c'est assez fascinant de voir que ce mouvement va se développer en 1986,
03:20 avec une sorte de cohérence qui s'installe au fil du temps, je trouve.
03:24 - Ce sont des gens, dites-vous, Cyril Sciamma, qui veulent lutter contre l'académie,
03:29 qui veulent lutter contre la tradition artistique classique,
03:33 ou ce sont aussi des gens qui sont refusés par celle-ci,
03:36 qui sont refusés notamment par l'académisme et par les salons ?
03:39 - Il y a les deux, parce que Claude Monet l'expose aussi au salon,
03:41 et Renoir aussi, de manière officielle.
03:43 Mais en revanche, je crois qu'ils ont une volonté d'indépendance,
03:46 et de lutter sur des critères du jury qui sont incompréhensibles à l'époque.
03:51 Pourquoi certains sont acceptés et pas d'autres ?
03:53 Et donc ils décident de créer leur propre salon.
03:56 Mais après tout, Courbet avait fait son salon du réalisme en 1855,
04:00 donc il y avait déjà quelque chose qui était dans l'air, depuis une vingtaine d'années.
04:03 Et donc on passe à la fin du salon un peu officiel,
04:06 on est un peu sur un bout de souffle sur ce système académique
04:10 de prix, d'exposition, de commandes officielles.
04:13 Et donc les impressionnistes vont aussi développer le marché de l'art.
04:16 - Sylvie Patry, on a beaucoup dit, on a beaucoup lu également,
04:19 que ce mouvement, lorsqu'il émerge peu à peu,
04:22 est décrié par ses contemporains, il est critiqué, mal reçu,
04:25 par la critique d'art. Est-ce que c'est une réalité historique ?
04:29 - Alors c'est à la fois vrai et quand même un peu faux.
04:33 - Alors dites-nous.
04:34 - Voilà, la situation était un petit peu mitigée.
04:36 Les artistes dont on parle, ceux qui sont passés à la postérité,
04:39 et surtout ceux qui vont finalement constituer ce groupe impressionniste,
04:42 parce que j'ai parlé d'une trentaine d'artistes,
04:44 et comme l'a dit Cyril, certains finalement ont été oubliés aujourd'hui,
04:49 tout simplement parce que le moteur de cette exposition,
04:52 il n'est pas esthétique au départ, il est commercial,
04:56 il est dans une stratégie de positionnement,
04:58 de volonté de reprendre en main, en fait, de prendre en main plutôt sa carrière.
05:03 On est dans un système en pleine évolution à ce moment-là,
05:06 au milieu des années 1870.
05:08 Donc les impressionnistes, en fait, ils vont...
05:12 Ce qu'on va appeler les impressionnistes,
05:14 déjà ce terme d'impressionniste, c'est une création de la presse.
05:17 Donc c'est vraiment l'expo qui fait l'exposition qui fait le groupe,
05:20 plutôt que le groupe qui précède l'exposition.
05:22 C'est vraiment ce qu'on a voulu montrer.
05:23 - Une création même moqueuse au départ de la presse.
05:25 - Voilà, donc c'est une création...
05:28 C'est un journaliste, peintre amateur aussi, dramaturge,
05:32 un homme très du 19e siècle, un peu dans son côté touche-à-tout,
05:35 il s'appelle Louis Leroy, qui dans un journal satirique,
05:37 le cher Ivari, va les qualifier d'impressionnistes
05:41 à partir du titre d'un tableau devenu très célèbre aujourd'hui,
05:45 "Impression, soleil levant" de Claude Monet.
05:47 Et il va s'amuser autour de ce terme d'impression en disant
05:51 "Oui, ça c'est pas l'impression, ça ne m'étonne pas, je suis impressionné".
05:54 Et une impression c'est péjoratif,
05:57 c'est, voilà, on se contente de peu,
06:00 on se contente d'une impression par opposition à l'art,
06:02 qui doit être composée, réfléchie,
06:05 causa-mentale, chose intellectuelle.
06:07 Donc c'est dépréciatif, et ça ne sera repris d'ailleurs
06:10 par les artistes eux-mêmes que trois ans plus tard,
06:13 à l'occasion de la troisième exposition du groupe.
06:17 Mais au départ, ils ne sont pas très à l'aise du tout
06:19 avec ce terme d'impressionniste.
06:21 - Fanny Girard, qu'est-ce qui caractérise,
06:23 cette fois-ci, du point de vue esthétique,
06:25 le mouvement impressionniste ?
06:26 Est-ce que c'est l'instantanéité, le mouvement projeté sur la toile ?
06:30 - Je pense, comme disait Cyril, c'est aussi cette liberté
06:33 qui se voit dans la peinture,
06:35 c'est cette liberté de touche,
06:37 des touches très enlevées,
06:40 c'est aussi des palettes, des palettes de couleurs,
06:44 c'est une manière de travailler la lumière aussi,
06:48 qui est très différente, d'une couleur claire, lumineuse,
06:51 des ombres qui deviennent colorées,
06:54 et vraiment cette volonté de donner un aspect gestuel,
06:59 un aspect très libre à cette peinture.
07:02 - On parle souvent, Cyril Sciamma, de ce mouvement comme un bloc,
07:05 or ce que montre l'exposition dont vous êtes le commissaire à Giverny,
07:09 c'est la pluralité, dans le fond, de ce mouvement impressionniste,
07:14 et vous avez choisi la thématique de la mer
07:16 pour démontrer, illustrer cette pluralité.
07:19 Pourquoi ce thème-là ? Pourquoi ce choix-ci ?
07:21 - J'ai trouvé que le thème de la mer, c'était un thème très fédérateur,
07:25 et en même temps, il n'avait pas été tellement traité
07:27 dans les expositions sur l'impressionnisme,
07:29 alors que le tableau fondamental, c'est "Impression au soleil levant",
07:32 et qui est une marine magnifique,
07:34 on l'oublie souvent, ce n'est pas qu'un port industriel, c'est une marine,
07:37 et j'ai trouvé que ça permettait d'aller aux sources de l'impressionnisme,
07:41 en mettant aussi en exergue la diversité du mouvement.
07:44 Vous avez des artistes très connus, comme Monet, évidemment, ou Renoir,
07:48 mais vous avez des artistes moins connus
07:50 qui ont fait de l'impressionnisme, comme Moffra ou Moret,
07:53 et ça permettait de dire que ce mouvement,
07:55 il avait réussi à s'aimer jusqu'en Bretagne,
07:58 et ça, ça m'intéressait, il n'y avait pas que la Normandie et que Paris,
08:01 c'est un mouvement qui a eu une diversité d'approche,
08:04 et évidemment, autour de la lumière, avec l'eau, qui est fondamentale,
08:08 il y a eu beaucoup d'expositions sur l'eau, la Seine, les impressionnismes,
08:11 mais sur la mer en tant que telle, il y avait des thèmes très structurants,
08:14 comme la marée basse, ou les falaises, ou les ports de France,
08:18 qui permettaient de mettre des artistes totalement en valeur,
08:21 et on voyait qu'ils avaient une même approche.
08:23 - La marée basse, par exemple, pourquoi c'est une thématique particulière,
08:26 une thématique d'ailleurs qui se disperse dans l'ensemble du mouvement ?
08:29 Qu'est-ce qui intéresse les peintres dans ce thème de la marée basse ?
08:32 - Ce qui est intéressant dans la marée basse, c'est qu'en fait,
08:34 il y a toute une activité maritime qui se passe,
08:37 il y a les lavandières, il y a les ramasseuses de guémons,
08:40 il y a les bateaux qui sont échoués, donc ça donne une vitalité à la peinture,
08:43 et en même temps, ça joue sur la lumière,
08:46 que ça soit sur des œuvres de Boudin ou de Monet,
08:49 on voit qu'ils sont intéressés par les reflets de l'eau sur les flaques,
08:52 et puis en Normandie, c'est ce ciel très changeant
08:55 avec des ocres et des vers qu'on ne trouve pas en Méditerranée,
08:58 donc il y a une peinture qui se dévoile à la marée basse
09:01 et c'est finalement très spectaculaire.
09:03 - La Normandie, c'est un lieu, un espace géographique central
09:06 dans le développement du mouvement, notamment pour tenter d'aller chercher,
09:09 capter cette lumière si particulière ?
09:12 - Oui, c'est un endroit fondamental,
09:15 bon, Monet, il est né à Paris, mais il est parti à Wavre à l'âge de 5 ans,
09:18 il rencontre Boudin près de Montfleur, et ensuite,
09:21 il ne faut pas oublier qu'ils sont impressionnistes, ils ont aussi besoin de nature,
09:24 et donc ils prennent le train, c'est un peu des touristes, ils quittent Paris,
09:27 et une des lignes de chemin de fer qui est la plus facile à prendre,
09:30 c'est celle depuis la Grèce à Nazar, et ils vont donc jusqu'en Normandie,
09:33 donc ça devient un spot à la fois touristique,
09:36 balnéaire et artistique.
09:38 - Sylvie Patrice, il faut aussi préciser que cette révolution artistique, culturelle,
09:42 cette révolution dans les formes de l'art,
09:45 elle est parmise par une révolution dans les techniques de l'art,
09:48 pas très loin de l'invention du chevalet, des tubes à peinture,
09:51 de l'aquarelle même, comment la technique
09:54 accompagne justement cette révolution esthétique et de la pensée ?
09:58 - Effectivement, depuis la fin du 18e siècle et le début du 19e surtout,
10:03 il y a eu l'industrialisation des moyens picturaux,
10:08 donc ces tubes qu'on peut transporter plus facilement,
10:12 donc tout concourt, tout facilite en fait la mobilité de l'artiste,
10:16 donc ce n'est pas le facteur déclenchant,
10:18 mais ça favorise en fait cette volonté des artistes
10:21 de sortir de l'atelier et d'être au contact de la nature
10:26 ou de la vie moderne, si c'est une peinture urbaine,
10:29 il n'y a pas que la nature dans l'impressionnisme,
10:31 et cette mobilité va leur permettre, cette facilité technique va leur permettre
10:36 d'être plus mobile, d'être plus rapide,
10:39 de donner cette impression qu'ils peignent rapidement,
10:42 puisque on sait que parfois des tableaux,
10:46 la plupart d'ailleurs des tableaux impressionnistes,
10:48 ont été commencés à l'extérieur ou finis à l'extérieur,
10:51 mais ils ont transité entre l'extérieur et l'atelier,
10:54 donc c'est ça qui est intéressant, c'est de voir toutes ces allées venues.
10:58 - Vous parliez un peu plus tôt de la dimension commerciale également du mouvement,
11:01 à quel point elle a structuré l'intérêt des artistes pour ce mouvement,
11:06 pour leur façon de peindre et de créer ?
11:08 - Alors ça c'est un vaste sujet, de toute façon l'impressionnisme il est,
11:11 il apparaît publiquement en 1874 à l'occasion de cette première exposition,
11:16 les artistes ont fait leur début dans les années 1860,
11:19 et là il faut imaginer qu'en France, et en Europe d'ailleurs,
11:21 dans le monde dit occidental, on est en plein bouleversement,
11:24 donc crise des institutions pour ce qui est du domaine artistique,
11:28 et puis développement du marché de l'art,
11:31 multiplication des galeries à Paris,
11:33 et notamment pour les impressionnistes, il y a un épisode important,
11:37 c'est la rencontre de certains des impressionnistes,
11:39 de Monet, Pissarro, notamment avec un marchand qui s'appelle Paul Durand-Ruel,
11:45 et qui va commencer à les soutenir commercialement,
11:50 et puis va se constituer un premier cercle d'amateurs.
11:52 Mais en 1874, ce qui se passe c'est qu'on est en pleine crise économique,
11:55 et Durand-Ruel a complètement cessé ses achats.
11:58 Donc les artistes prennent en main cet aspect commercial,
12:01 ils créent un collectif d'artistes en fait, comme on dirait aujourd'hui,
12:04 une société anonyme, une coopérative,
12:06 où chacun cotise pour organiser l'exposition et pour vendre leurs oeuvres.
12:10 - Fanny Girard, on a parlé du fait que ce mouvement-là n'était pas un mouvement homogène,
12:15 par ailleurs il est sème auprès aussi de nombreux artistes,
12:18 par exemple auprès de Toulouse-Lautrec,
12:20 qui est largement inspiré par le mouvement impressionniste.
12:23 - Oui, alors c'est ce qui nous a intéressés dans cet accrochage qu'on a fait,
12:28 c'est parti un peu d'un étonnement,
12:30 Toulouse-Lautrec qui se revendique n'être d'aucune école,
12:34 faire son petit bout de chemin à part,
12:37 mais évidemment il est dans tout un contexte, dans tout un réseau d'amitié,
12:40 et puis surtout il se forme à Paris dans des ateliers dans les années 80,
12:44 à un moment donné, qu'on est après bien sûr 1874,
12:48 mais à un moment donné où les impressionnistes,
12:50 les grands impressionnistes exposent beaucoup plus,
12:52 et on sait, on a des témoignages que Toulouse-Lautrec va voir,
12:55 va à la galerie du Rang Ruel justement voir des impressionnistes,
12:59 on a des citations où il dit "Vive la Révolution, vive Manet",
13:03 un vent d'impressionnistes souffle sur l'atelier,
13:06 donc on sait qu'il a incorporé tout ça au moment de sa formation,
13:10 et en effet c'est ce qui nous a intéressés,
13:12 de voir surtout dans ses œuvres de jeunesse,
13:14 comment est-ce qu'il reprend des points de la peinture impressionniste.
13:18 On va essayer de comprendre dans la suite de cette discussion,
13:20 à partir de 8h20 avec vous trois,
13:22 quel est le leg impressionnisme, sa diffusion aussi, son institutionnalisation,
13:27 je le disais, ce sera à partir de 8h20.
13:32 6h30, 9h, les matins de France Culture, Quentin Laffey.
13:37 À l'occasion donc de la célébration des 150 ans de la première exposition impressionniste,
13:42 c'était en 1874, lumière ce matin sur trois musées,
13:46 trois expositions qui placent cet anniversaire en leur cœur.
13:49 Trois invités, donc Fanny Girard, elle est conservatrice du patrimoine,
13:53 directrice du musée Toulouse-Lautrec d'Albi,
13:55 qui accueille l'exposition Toulouse-Lautrec,
13:57 et l'impressionnisme c'est jusqu'au 9 juin 2024.
14:00 À ses côtés Cyril Siamail, il est directeur général du musée des impressionnismes de Giverny depuis 2019,
14:06 conservateur du patrimoine, et il organise l'exposition "L'impressionnisme et la mer ouverte jusqu'au 30 juin 2024".
14:13 Et enfin Sylvie Patry, elle est conservatrice générale du patrimoine
14:16 et co-commissaire de l'exposition intitulée "Paris 1874, inventer l'impressionnisme",
14:21 c'est au musée d'Orsay en ce moment, et jusqu'au 14 juillet 2024.
14:25 Et pour commencer, pour reprendre plutôt cet échange,
14:28 je voudrais évoquer qu'en ce printemps, le musée d'Orsay,
14:30 qui abrite la plus vaste collection au monde d'œuvres de ce mouvement,
14:34 célèbre donc à sa façon, à sa manière, les 150 ans du mouvement.
14:39 Replonger d'abord dans cette exposition au musée même, c'est possible,
14:42 et puis surtout, vous avez permis que soit dispersé à travers la France
14:46 un nombre considérable d'œuvres impressionnistes.
14:49 D'ailleurs, je voudrais citer le catalogue,
14:51 "Le regard fatal de Berthe Morisot dans le balcon de Manet surplombera
14:55 les quais bordelais de la Garonne et le citron du même Manet
14:58 viendra compléter l'annuel moisson du jardin des orangés de la Villa Médicis,
15:02 cette enclave française de Rome.
15:04 La cathédrale de Rouen de Monet, elle, rendra visite à sa voisine Averès.
15:08 Sa pie s'envolera jusqu'à Clermont-Ferrand.
15:10 Les drapeaux de sa rue Montorgueil flotteront à Douai.
15:13 Son déjeuner sur l'herbe étendra sa nappe à Besançon."
15:16 Quel esprit a présidé à cette vaste, à cette ambitieuse opération ?
15:21 - C'était une initiative du ministère de la Culture et de la direction du musée d'Orsay.
15:25 L'idée, c'était effectivement de partager sur le territoire national
15:28 ces collections qui sont très riches, comme vous l'avez dit,
15:31 et de permettre aux musées en région de pouvoir célébrer aussi l'impressionnisme.
15:38 Parce que c'est vrai que l'impressionnisme a été beaucoup collectionné à Orsay.
15:42 C'est l'histoire des collections nationales, un petit peu en région,
15:46 mais c'est parfois un petit peu les tableaux les plus difficiles à obtenir,
15:49 si je peux dire, dans le contexte d'organisation d'exposition.
15:52 Donc c'était vraiment cette volonté de démocratiser, de partager,
15:56 de faire rayonner ces collections sur l'ensemble du territoire,
15:59 jusqu'à La Réunion d'ailleurs, donc en dehors de la métropole.
16:02 - Quels tableaux ? Combien ont été prêtés en tout pour qu'on puisse mesurer l'ampleur de la chose ?
16:07 - C'est historique puisque c'est près de 180 tableaux
16:10 qui ont été prêtés à près de 35 institutions territoriales.
16:15 Donc c'est vraiment une opération de grande envergure qui a été signée par le musée d'Orsay.
16:20 - Fanny Girard, en tant que directrice du musée Toulouse-Lautrec à Albi,
16:25 vous avez accueilli au sein de votre établissement trois de ces œuvres.
16:29 Lesquelles pour commencer et surtout comment vous les avez choisies ?
16:33 - Alors on accueille trois tableaux en effet, deux tableaux d'Auguste Renoir,
16:38 "Portrait de Charles Le Coeur" et "La Liseuse".
16:41 Et puis un très beau tableau aussi de Berthe Morisot sur un banc du bois de Boulogne.
16:46 Ces choix, c'est aussi ce qui était très appréciable dans cette opération nationale 150 ans de l'impressionnisme,
16:54 c'est que les musées en région étaient vraiment invités à participer à ce mouvement en demandant des prêts.
17:02 Vraiment, on nous a dit "faites des demandes, vraiment en lien avec vos collections, en lien avec des projets,
17:08 et puis on essaiera d'y répondre".
17:11 Et il y a vraiment eu ce dialogue pour pouvoir choisir ces œuvres.
17:16 Donc nous c'est ce qui s'est passé, on est parti de nos collections au musée Toulouse-Lautrec d'Albi
17:22 pour demander des prêts ciblés, pour faire écho à ces collections-là.
17:27 Et puis le musée d'Orsay a accepté de nous prêter ces trois œuvres.
17:31 Alors précisément, lorsque vous choisissez ce tableau, cette œuvre de Berthe Morisot intitulée "Sur un banc du bois de Boulogne",
17:38 pourquoi ce choix et comment vous la mettez en regard avec une ou plusieurs œuvres de Toulouse-Lautrec ?
17:44 Alors pourquoi ce choix ? Parce qu'il y a un tableau de Toulouse-Lautrec dans nos collections,
17:52 qui est un portrait de sa mère, la comtesse Adèle, dans lequel il a un travail particulier sur les Blancs.
18:00 C'est une touche rapide, déjà, qui dénote un regard sur l'impressionnisme,
18:05 mais surtout ce travail sur les Blancs, sur les Blancs colorés, sur des Blancs nacrés,
18:09 qui donne vraiment une richesse à cette couleur.
18:13 Et c'est quelque chose qui nous a fait écho avec la peinture de Berthe Morisot,
18:17 qui est une femme peinte qui expose dès la première exposition impressionniste de 1874,
18:26 et qui a cette particularité dans sa peinture, d'avoir déjà une grande liberté de touche,
18:33 et surtout ce travail sur les Blancs, et sur les Blancs colorés.
18:37 Et c'est tout ce qui fait l'intérêt aussi de cette mise en regard des deux tableaux,
18:42 puisque le tableau de Berthe Morisot que nous prête le musée d'Orsay,
18:47 on le voit sur un banc, la fille de l'artiste et sa cousine en train de lire,
18:53 on a une vue sur l'arrière-plan, sur une allée avec quelques passants,
18:58 des feuillages très rapidement brossés,
19:01 et puis cette allée et les habits des jeunes filles,
19:05 on sent que c'est blanc, on sent que la volonté c'était de représenter quelque chose de clair,
19:10 et quand on regarde dans le détail, il y a du bleu, du rose, du jaune,
19:14 mais on garde cette impression de blanc avec une richesse de la couleur, ce côté nacré,
19:20 et la mise en parallèle des deux tableaux à côté montre comment on peut apporter cette profondeur à cette blancheur,
19:28 et dénote un regard potentiel de Toulouse-Lautrec sur les œuvres de Berthe Morisot,
19:35 pour reprendre cette richesse des teintes de blanc.
19:39 - Cyril Sciamma, à Giverny, là où menait ces journées par le passé,
19:44 vous célébrez continuellement l'impressionnisme, l'anniversaire c'est chaque année,
19:49 comment est-ce que vous vous êtes inscrit dans cette opération particulière menée conjointement par le musée d'Orsay et le ministère de la culture,
19:55 en vue de célébrer ces 150 ans du mouvement ?
19:59 - Nous à Giverny, l'impressionnisme c'est la fête tous les jours, c'est dans notre ADN,
20:04 justement c'est peut-être la complexité de la chose,
20:07 c'est qu'il faut trouver aussi des sujets, des expositions, des œuvres qu'on n'a pas toujours vu à Giverny,
20:11 je rebondis sur ce que vient de dire Fanny, nous avons eu la chance d'accueillir ce tableau il y a quelques mois,
20:15 le tableau de Berthe Morisot, et c'est un magnifique tableau sur l'adolescence, je trouve, sur la solitude aussi, sur un banc incroyable.
20:22 Nous à Giverny, on a la chance d'avoir un partenariat scientifique avec le musée d'Orsay,
20:26 donc ils sont partenaires pour des prêts incroyables depuis des années, depuis la fondation du musée en 2009,
20:31 ils sont membres fondateurs du musée, donc cette année ils nous ont très généreusement prêté 16 œuvres,
20:37 à la fois des chefs-d'œuvre, des œuvres très connues comme par exemple "Les Rochers de Béli, l'Enmer de Bonnet"
20:42 ou "L'évasion de Rochefort" de Manet, chef-d'œuvre absolue, le directeur de prison de l'Orsay m'a dit "t'es gonflé"
20:49 et du coup j'ai été audacieux.
20:51 Il faut décrire ce tableau d'ailleurs de cet homme qui fuit la commune, qui veut échapper aux bannes, il est absolument saisissant.
20:57 C'est un tableau incroyable, qu'on ait vu dans l'exposition Manet, deux gars, mais c'est une œuvre qui est un hymne à la mer, à l'évasion, à l'exotisme,
21:04 c'est un communard qui est emprisonné à Nouméa et il s'échappe en 1974, il a 5 compagnons de route et donc il prend une barque
21:15 et il va soudoyer un commandant de navire australien pour partir jusqu'en Europe.
21:19 Donc Manet représente une barque au milieu de l'océan, c'est un premier plan extrêmement vert avec une mer assez fougueuse
21:25 et puis on voit tout au bout le navire, il y a presque un hommage au radeau de la Méduse de Géricault.
21:29 Je trouve que c'est un tableau extrêmement iconique, même si Manet n'a pas été membre à part entière du mouvement impressionniste,
21:35 je voulais absolument ce tableau pour parler de la mer.
21:37 Donc ils ont été très très généreux et j'ai envie de dire qu'on est très chanceux à Giverny avec Orsay.
21:43 - Sylvie Patry, on a parlé dans la première partie de cet échange du mouvement impressionniste comme un mouvement de liberté,
21:50 comme un mouvement de rupture et néanmoins c'est peut-être aujourd'hui le mouvement le plus populaire auprès du grand public.
21:56 Si on fait l'histoire de cette popularisation, comment ce mouvement-là s'est-il institutionnalisé au fil des décennies ?
22:04 - Alors ça a pris un petit peu de temps en effet parce que à partir de cette exposition qui a eu lieu en 1874,
22:10 il a fallu attendre des groupes de collectionneurs qui se sont constitués.
22:15 Il y a peut-être une étape importante, c'est l'internationalisation du mouvement.
22:20 Ces tableaux ont été montrés assez tôt, dès le milieu des années 1880 aux Etats-Unis par le marchand dont je parlais tout à l'heure,
22:28 Paul Durand-Ruel, qui a eu cette intuition de se dire "à nouveau pays, nouvelle clientèle, nouveau goût, nouvelle peinture" peut-être,
22:35 pour répandre le mouvement. Donc une diffusion internationale, des collectionneurs privés de plus en plus importants à la fin du 19ème
22:43 et ce qui va marquer aussi un basculement, c'est des donations. Ces collectionneurs vont un peu forcer les portes des musées
22:50 et il a fallu attendre une vingtaine d'années après cette première exposition pour qu'un tableau impressionniste,
22:56 c'est un tableau de Renoir, entre dans les collections publiques, dans les collections des musées français.
23:02 Et à partir de là, à partir des années 1890-1900, c'est vraiment la bascule.
23:08 Ces peintres sont recherchés par les musées français, européens, américains, par les grands collectionneurs
23:14 et puis des premières histoires sont écrites. C'est l'histoire d'un succès, on les inscrit aussi dans une histoire de la peinture française,
23:22 ils deviennent aussi un peu un symbole de la France. Et s'ils sont encore populaires aujourd'hui, je pense que c'est à la fois parce qu'il y a cette leçon de liberté,
23:30 c'est aussi une peinture qui est accessible, puisque l'un des projets des impressionnistes, c'était de peindre la vie de leur contemporain,
23:38 de rompre avec une tradition qui puisait dans l'histoire, la religion, l'antiquité. Donc il n'y a pas de barrière culturelle en quelque sorte.
23:47 Et ce sont aussi, c'est ce que vous dites, des œuvres témoins, des œuvres qui décrivent une époque, une industrialisation,
23:52 des pratiques particulières dans la vie de tous les jours. On se projette pleinement grâce à ces tableaux ?
23:58 On se projette pleinement et je pense qu'on se projette d'autant plus aujourd'hui que les impressionnistes ont fait face à un monde en plein bouleversement
24:07 dont on retrouve les échos encore aujourd'hui. On dit parfois maintenant que les impressionnistes ont été les premiers à documenter cet anthropocène.
24:14 Et quand on regarde des œuvres de Monet, par exemple, il peint ce qui est des nuages, ce sont en fait des vapeurs industrielles, etc.
24:24 Donc cette transformation du monde par l'homme, cette domestication de la nature, cette urbanisation, sans la dénoncer, il la poétise.
24:33 Fanny Girard, on inscrit régulièrement Toulouse-Lautrec dans une catégorie un peu nébuleuse, il faut le dire, des post-impressionnistes.
24:42 Qu'est-ce que cela signifie le post-impressionnisme ? Est-ce que c'est même une notion qui a du sens du point de vue de l'histoire de l'art cette fois ?
24:48 Alors ces post-impressionnistes, c'est un groupe où on met beaucoup de choses dedans, beaucoup d'artistes très différents qui vraiment ont exploré des voies artistiques très différentes
25:00 et qui sont ces générations qui suivent un petit peu les impressionnistes. Donc c'est vrai qu'on n'est pas du tout sur quelque chose d'homogène ni quoi que ce soit,
25:08 c'est plutôt la génération d'après qui arrive et qui continue, qui part de ce qu'ont développé les impressionnistes pour aller plus loin et pour chacun développer leur identité.
25:20 Mais c'est vrai que ce qui est intéressant de voir parmi ces artistes qu'on classe post-impressionnistes, c'est qu'il y a quand même l'aura de ces aînés, de ces impressionnistes.
25:31 Et je pense notamment en 1887, Vincent Van Gogh a l'initiative d'une exposition au Grand Bouillon qu'il appelle, qu'on surnomme une exposition des impressionnistes du petit boulevard,
25:43 en comparaison aux impressionnistes du grand boulevard qui sont les grands aînés impressionnistes.
25:47 Et dedans on a de nouveau des artistes très différents, tout le lotrec est dedans, Vincent Van Gogh, Émile Bernard, Louis Hankin.
25:57 Et on a finalement ces générations d'artistes qui vont puiser, qui se forment aussi avec cette nouvelle peinture, mais qui chacun explore des voies différentes.
26:10 Et c'est ça finalement qu'on rassemble un petit peu dans le post-impressionnisme, c'est des expérimentations et des nouvelles façons de peindre assez différentes.
26:17 Dans cette exposition qui accourt présentement au musée Toulouse-Lautrec d'Albi, de quelle façon vous avez rapproché Renoir et Toulouse-Lautrec ?
26:26 Comment les deux œuvres du premier, Renoir, viennent éclairer d'une façon nouvelle l'œuvre entière, pléthorique d'ailleurs, de Toulouse-Lautrec ?
26:35 Alors on a fait là encore des binômes de tableaux avec des œuvres de Toulouse-Lautrec de ces années 1880, début 1890.
26:46 Et en fait on l'a rapproché aussi d'une façon, d'un regard qu'on les impressionnise, donc cette manière d'aller travailler en extérieur, de travailler la lumière naturelle,
26:59 de fondre une figure humaine dans un extérieur avec ce jeu de la lumière non seulement sur le corps humain, mais aussi sur le décor autour qui va vraiment uniformiser.
27:13 Et Toulouse-Lautrec c'est quelque chose qui va reprendre aussi et qu'on voit dans ces œuvres.
27:17 Il y a aussi la palette, la manière de travailler par touche très rapide, très libre, et donc c'est plutôt sur ces éléments-là qu'on va mettre des échos.
27:27 Il y a également aussi des échos thématiques et ce thème de la liseuse par exemple de Renoir fait écho à d'autres tableaux de Toulouse-Lautrec.
27:35 On voit par exemple sa mère qui lit également, donc ces figures féminines qui s'approprient la lecture et qui constituent aussi un sujet finalement de la vie moderne à cette époque.
27:44 Cyril Tiama, lorsqu'on dirige un musée, on le disait un peu plus tôt dans notre discussion, un musée dédié, dévolu à l'impressionnisme,
27:53 comment est-ce qu'on renouvelle les angles, les approches, comment est-ce qu'on pense chaque année, à chaque moment de l'année, des expositions nouvelles ?
28:02 Je ne pense pas tout seul, je trouve qu'on est plus fort quand on a des idées avec d'autres collègues.
28:06 On a un conseil scientifique qui nous permet aussi d'enrichir la discussion, et puis moi je suis du conseil scientifique d'Orsay,
28:12 donc on a la chance d'avoir des échanges très réguliers, et donc on est au courant de ce qui se passe dans le monde entier.
28:18 Il y a des expositions qu'on veut faire et on s'aperçoit que d'autres collègues vont la faire, donc on ne la fait pas.
28:23 Et puis on essaie de programmer des choses des années à l'avance, ça permet de garder un peu un sujet frais,
28:28 en espérant que personne ne va le faire, et finalement on arrive à créer une liste d'œuvres et demander à d'autres collègues d'écrire dans le catalogue,
28:37 ou de trouver des œuvres dans des collections privées, c'est aussi une autre solution,
28:41 parce qu'on fait beaucoup appel aussi aux musées publics, mais aussi aux collections privées, avec des prêteurs très généreux.
28:48 Je trouve que ça c'est aussi la force de l'impressionnisme, c'est que ça fédère aussi des collectionneurs qui ont envie de montrer leurs œuvres,
28:56 qui ne sont pas toujours très connus, et donc les expositions sont aussi là pour permettre de la recherche,
29:02 et donc ça développe beaucoup de sujets. Une expo propose une autre exposition par la suite.
29:06 Là aussi Cyril Tiama, on a parlé de la France énormément, on était très franco-centrés au cours de notre échange,
29:12 mais comment est-ce que le mouvement au fil des décennies s'est internationalisé, et même s'est imprégné de mouvements venus de l'étranger ?
29:20 Le mouvement s'est internationalisé puisqu'il y a une sorte de mouvement impressionniste européen,
29:25 il y a de l'impressionnisme balte, il y a de l'impressionnisme allemand, il y a de l'impressionnisme espagnol avec Sorolla,
29:31 donc il y a aussi une volonté des autres collègues européens de faire des expositions sur leur propre patrimoine,
29:38 c'est devenu un patrimoine national finalement, chaque pays a son propre impressionniste, on va dire.
29:43 Et puis, comme le disait Sylvie, il y a beaucoup d'expositions sur l'impressionnisme aux États-Unis,
29:47 puisque c'est quand même un pays qui a énormément soutenu les impressionnistes,
29:51 donc il y a chaque année des expositions incroyables aux États-Unis sur l'impressionnisme.
29:55 On est dans une économie globale évidemment pour une exposition, mais aussi sur un projet intellectuel global,
30:00 c'est-à-dire que tout le monde travaille sur l'impressionnisme,
30:02 donc il faut simplement, quand on fait une exposition, avoir une idée qui va apporter quelque chose d'intéressant,
30:06 sinon ce n'est pas la peine d'en faire un article.
30:08 Sylvie Patry ?
30:09 L'exposition d'Orsa d'ailleurs, sur 1874, sera présentée ensuite à Washington,
30:13 témoin de ces liens très forts entre les impressionnistes et les États-Unis.
30:17 Il y a un autre pays aussi qui a participé à cette internationalisation de l'impressionnisme, c'est le Japon.
30:23 Le Japon qui a participé même à la conception, à la formation de l'impressionnisme dans son esthétisme.
30:27 Les estampes japonaises en effet, qui ont commencé à circuler en Europe et que collectionnaient un peintre comme Monet,
30:33 et qui ont beaucoup regardé tous les impressionnistes, y compris Berthe Morisot, Pissarro, etc.,
30:40 ont vraiment marqué et encouragé les impressionnistes dans la voie de libération,
30:46 à la fois de la couleur et de cet intérêt aussi pour des sujets qui leur étaient contemporains.
30:51 Je voudrais qu'on parle pour chacun de vos musées, pour chacun de vos établissements,
30:55 comment l'impressionnisme, à sa façon, a permis de les renouveler.
30:59 Alors on va le voir d'une façon à chaque fois très très différente.
31:02 Peut-être pour commencer avec vous Sylvie Patry, l'usage de la réalité virtuelle.
31:08 Racontez-nous le projet qui a été porté, conçu, mettant en lien la réalité virtuelle et l'impressionnisme au Musée d'Orsay.
31:14 Ça, ça a été une belle aventure, c'est complètement inédit, parce qu'en général,
31:17 ce type d'expéditions immersives sont présentées en dehors des institutions.
31:22 Donc on était à un moment de la préparation de l'exposition avec Anne Robbins, qui est co-commissaire de l'exposition.
31:27 On était à un moment du projet où on voulait travailler cette question de l'espace en fait.
31:33 Qu'est-ce qu'on voyait exactement dans cet atelier chez Nadar ?
31:36 Quelle était la façon dont les œuvres étaient présentées ? Parce que ça faisait partie des motivations des artistes.
31:40 Et puis il faut dire qu'on a très très peu d'informations sur ce qui s'était effectivement passé.
31:44 Presque aucune image, mais on y reviendra évidemment.
31:46 On n'a aucune image, paradoxalement, dans ce siècle de la prolifération des images.
31:51 Aucune photographie, aucune gravure.
31:53 Donc on ne pouvait pas, nous, dans l'exposition, vraiment reconstituer cette manière dont les œuvres étaient exposées.
31:58 À ce moment-là, la société de production Gédéon et puis le émissif, qui est spécialiste des expéditions immersives,
32:05 sont venus nous voir en nous disant "il va y avoir l'anniversaire de l'impressionnisme,
32:08 on est en train de reconstituer l'espace de l'atelier, est-ce que ça vous intéresse ?"
32:12 Donc on a évidemment tout de suite répondu présent.
32:15 C'était un travail déjà très rigoureux.
32:17 Et donc on s'est embarqués avec eux dans cette aventure.
32:19 On a commencé par vraiment la reconstitution de l'espace à travers des archives, etc.
32:24 Et ensuite, l'écriture d'un scénario, l'invention des personnages,
32:28 personnages historiques qu'on a nourris, nous, un et moins de notre connaissance de la période.
32:34 Et aujourd'hui, quand on place sur notre tête ce casque de réalité virtuelle, dans quel monde on plonge ?
32:41 Alors on commence chez Nadar, on commence par visiter l'exposition.
32:45 On est invité le soir du vernissage, on rencontre les artistes qui nous présentent des tableaux.
32:49 Et ensuite, c'est la magie du virtuel.
32:51 Ensuite, on s'évade et on va jusque dans la chambre de l'hôtel de Monet, au Havre,
32:59 lorsqu'il peint "Impression soleil-le-vent".
33:01 On va à Bougival, on passe par la guerre Saint-Lazare dont a parlé Cyril.
33:05 Donc on fait vraiment un voyage dans le temps et dans l'espace.
33:07 Cyril Tiamat, je voudrais qu'on parle du renouvellement de votre musée,
33:11 celui de Giverny dédié aux impressionnistes, au mouvement impressionniste.
33:16 Là, ça passe notamment par la refondation des jardins et la façon de repenser vos jardins.
33:21 Est-ce que vous pouvez nous décrire cette aventure-là ?
33:23 Oui, c'est une aventure qui est collective.
33:25 Mais c'est vrai qu'au musée, on a un magnifique jardin qui est créé par des chambres de couleurs
33:29 avec une prairie qui se revêt de coquelicots en juin et puis de meules à l'automne.
33:35 C'est là où Monet a peint ses meules, donc c'est un site aussi historique.
33:39 On est à quelques pas de la maison Claude Monet.
33:41 On a proposé de faire une incursion dans le jardin, une promenade dans le jardin avec l'art contemporain.
33:47 On a commencé à installer une œuvre de Giuseppe Pénone, "File d'eau".
33:50 C'est un arbre en bronze avec un chêne qui se mêle à ce bronze creux.
33:58 Ensuite, on a commandé deux œuvres à Eva Jospin qui permettent de faire un lien entre la nature et la culture.
34:06 C'est un bosquet de bronze assez fantomatique, mais c'était aussi à l'occasion de l'exposition qu'on avait consacré à Eva.
34:13 L'an prochain, on est avec le Centre Pompidou.
34:16 On va travailler sur un artiste qui s'appelle Branzi, qui est un designer italien,
34:20 qui vient de décéder au mois d'octobre et on était en train de commander une fontaine quand il a décédé.
34:26 L'art contemporain permet aussi de voir différemment le jardin.
34:30 C'est toujours très respectueux du site pour ne pas que ce soit imposant,
34:33 mais en même temps, ça permet aux visiteurs de dire que l'art impressionniste, c'était aussi un mouvement contemporain.
34:39 On oublie souvent que ce sont des artistes d'avant-garde.
34:41 Fanny Girard nous redire comment le musée de Toulouse-Lautrec d'Albi a peut-être joui d'une lumière nouvelle
34:49 grâce à ses trois œuvres, deux d'Evrenoir et une de Berthe Morisot.
34:53 Comment est-ce qu'au fond, ça nous permet d'aborder d'une manière nouvelle l'œuvre de Toulouse-Lautrec ?
34:58 Oui, ça a permis de donner un éclairage nouveau sur l'œuvre de Toulouse-Lautrec,
35:03 de pouvoir développer cette thématique et puis finalement le relier aussi au contexte artistique,
35:13 au contexte de création de son époque.
35:16 C'est vrai que c'est quelque chose sur lequel nous travaillons avec l'équipe du musée,
35:20 justement à redonner plus de contexte sur l'œuvre de Toulouse-Lautrec.
35:25 On a la chance au musée d'avoir la donation d'œuvres de Toulouse-Lautrec,
35:31 avec vraiment un très grand nombre d'œuvres de l'artiste, peintures, dessins, affiches,
35:37 et qui couvrent tout le panorama de sa création et de son œuvre.
35:42 Mais il y a toujours des thématiques qui restent parfois pas encore développées au sein du parcours.
35:49 Son lien avec l'impressionnisme s'en était une,
35:53 et cette exposition près du musée d'Orsay nous permet vraiment de nous plonger sur cette thématique.
35:58 En quelques mots, Sylvie Patry, j'ai découvert ce tableau incroyable en fouillant hier les archives du musée d'Orsay.
36:05 Cette séduisante scène, c'est comme ça que vous l'appelez de genre,
36:08 par Caballo Lassalle qui cache un tour de force.
36:11 Il faut nous décrire ce tableau et peut-être en quelques mots vraiment raconter son histoire.
36:15 Un peintre qui a été oublié aujourd'hui, mais qui avait beaucoup de succès, Caballo Lassalle,
36:19 donc il n'est pas impressionniste, il est exposé au Salon.
36:22 C'est un tableau fascinant parce que c'est un tableau qui représente des œuvres du Salon de 1874
36:27 et qu'il présente au Salon de 1874.
36:30 On voit des tableaux à touche-touche qui sont peints par les artistes auteurs du tableau.
36:36 Donc il avait laissé des vignettes et Corot par exemple est venu peindre une réduction de son propre tableau.
36:41 On mettra ce tableau en ligne sur le site de France Culture, toutes les références des expositions.
36:46 Merci beaucoup à tous les trois, Fanny Girard, Cyrille Sciamma et Sylvie Patry d'être venus célébrer au micro de France Culture.
36:51 de France Culture, les 150 ans du mouvement impressionniste.
36:54 Il est 8h44.

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