Chaque semaine, Public Sénat et France24 vous plongent au coeur des questions qui secouent l'Europe : Covid-19, questions migratoires, « Green deal », Brexit ou encore souveraineté digitale. Quel avenir pour l'Union et ses 450 millions d'habitants ? Une demi-heure d'information avec Caroline de Camaret et Marie Brémeau pour mieux comprendre les enjeux européens. Année de Production : 2023
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00:00 (Générique)
00:25 Bonjour à tous, merci de nous rejoindre pour "Ici l'Europe". Nous sommes ensemble sur France 24 et Radio France Internationale.
00:32 Alors cette semaine, je vous propose de prendre un peu de recul sur l'actualité européenne, car nous sommes en compagnie d'Arancha González-Laya.
00:41 Bonjour. - Bonjour.
00:43 - Vous êtes, je le rappelle, la doyenne de l'École des Affaires Internationales de Sciences Po.
00:48 Vous avez occupé de nombreux postes de direction pour les Nations Unies, la Commission européenne, et d'ailleurs, vous êtes ancienne ministre des Affaires étrangères
00:57 entre 2020 et 2021 du gouvernement espagnol de Pedro Sánchez, gouvernement socialiste. Je précise d'ailleurs qu'on commence sur une actualité très espagnole,
01:07 si vous nous le permettez. Dans la guerre Israël-Hamas, l'Espagne est déterminée à reconnaître l'État de Palestine au 1er juillet,
01:15 et Pedro Sánchez invite ses voisins européens à suivre cette initiative. Rappelons que 10 pays sur les 27 membres de l'Union européenne ont reconnu la Palestine,
01:27 surtout à l'époque où ils étaient dans la sphère soviétique. Est-ce que vous pensez que l'Union européenne va suivre cette idée, les 27 suivent cette idée ?
01:36 - Disons que les 27 sont d'accord sur le fait qu'il faut reconnaître la Palestine. C'est implicite dans l'idée des deux États.
01:43 Là où il y avait toujours aussi une position de la part des États membres de l'Union européenne, c'est de le faire au bon moment,
01:52 quand cette reconnaissance pouvait servir à ancrer la solution de des États. Et bon, c'est vrai que peut-être la situation a changé aujourd'hui,
02:04 parce que les enjeux aujourd'hui, ce n'est pas tellement d'ancrer la solution de des États, mais de la rendre possible pour le futur.
02:13 - Donc c'est au bon moment, vous dites ? - Et donc peut-être que le moment est venu de le faire. En tout cas, c'est clairement la vue qu'on a en Espagne.
02:23 Il y a d'autres États membres qui voient avec sympathie aussi l'idée de le faire maintenant. - Et la France ?
02:29 - Et je crois que c'est une question qui va se poser aux autres membres de l'Union européenne. Encore une fois, ce n'est pas une question de si le faire,
02:37 mais quand le faire. Je crois qu'aujourd'hui, peut-être le faire rendrait possible de garder vivante la solution de des États,
02:47 qui pour l'instant, est la seule solution qui est sur la table. - Alors vous êtes une passionnée de diplomatie.
02:52 Vous avez écrit un éditorial en joignant les Européens à se préparer à une nouvelle Air Trump, puisqu'il pourrait être réélu, bien sûr, en novembre,
03:00 et un abandon de l'Union européenne par les États-Unis. On se prépare comment à être abandonné par les États-Unis ?
03:08 - Je crois qu'on est dans un moment de notre histoire, un peu dans un carrefour de chemin. Et il faut décider quel chemin nous, Européens, nous prenons.
03:15 Est-ce que nous prenons le chemin de prendre notre destin entre nos mains, ou est-ce que nous laissons d'autres dessiner notre destin ?
03:25 Est-ce que c'est les électeurs américains, à la fin de cette année, qui choisissent Trump ou Biden, ou est-ce qu'on met notre destin dans les mains de la Chine ?
03:35 On ne fait pas des élections. Donc c'est un peu le sens de cette élection européenne du mois de juin. Où mettons-nous les futurs de l'Union européenne ?
03:45 Et nous savons, et c'est l'histoire, l'histoire de notre construction européenne, mais aussi l'histoire récente de l'Union européenne,
03:53 que quand nous avons fait des pas supplémentaires d'intégration européenne, quand nous sommes devenus plus forts à travers l'intégration européenne,
04:01 nous sommes plus capables de prendre notre destin en nos mains.
04:04 Mais quel impact d'un Trump 2 sur la guerre en Ukraine ? Est-ce que vous croyez que finalement, ce sera un pacte catastrophique que nous annoncent beaucoup d'observateurs ?
04:15 Ce que nous voyons, et c'est une tendance à long terme, et du coup ça a un impact aussi dans les courts termes qui est l'Ukraine,
04:22 c'est une tendance isolationniste aux États-Unis. Des intérêts pour les affaires, d'autres théâtres d'opération qui ne soient pas les États-Unis,
04:30 ou leur grande priorité géopolitique qui est la Chine. Si c'est ça ce que nous observons, nous ferions bien de nous préparer.
04:40 Et nous préparer, ça veut dire étoffer un peu plus notre politique de sécurité et de défense, être capable de prendre plus de responsabilités européennes à l'intérieur de l'OTAN,
04:52 et franchement intégrer plus notre industrie de défense et de sécurité, toute l'industrie en Europe qui est très bonne et très compétitive,
05:04 mais trop fragmentée pour être capable aujourd'hui d'être un concurrent aux grandes industries au monde, que ce soit les États-Unis ou que ce soit la Chine.
05:16 Vous avez certainement suivi ce vote un peu crucial le 10 avril. Une bonne ou une mauvaise nouvelle selon vous pour l'Union européenne,
05:24 ce pacte asile-migration accouché dans la douleur, on l'a dit, mais avant les élections européennes quand même.
05:29 Soyons sérieux, nous avons un problème pas avec la migration, nous avons un problème avec la gestion de la migration,
05:37 et je trouve que ce pacte n'étant pas parfait a trouvé un point d'équilibre sur des sujets majeurs, celui de la responsabilité,
05:46 la responsabilité des États membres de l'Union européenne et pas simplement celui de pays qui sont les pays des premières à entrer dans l'espace européen,
05:55 mais aussi le point d'équilibre dans la solidarité européenne, puisque c'est une politique où nous devons aussi exercer des doses de solidarité,
06:04 comme pour toute politique européenne. Ce n'est pas parfait, c'est clair, mais je trouve qu'on donne un signal clair de la capacité aussi des États membres de l'Union européenne
06:14 de s'entendre pour assurer une meilleure gouvernance des flux migratoires. C'est certainement mieux que de ne pas avoir une gouvernance pour la migration en Europe.
06:26 La réforme quand même effectivement interpelle un certain nombre d'ONG. La hausse des demandes d'asile est bien là, plus d'un million en 2023,
06:37 et le renvoi possible d'un demandeur d'asile vers un pays tiers considéré comme sûr, il y a beaucoup de pays qui sont considérés comme sûrs et qui ne sont pas très démocratiques.
06:47 En matière de politique d'asile, l'Union européenne a aussi des engagements internationaux. Ce n'est pas l'Union européenne qui définit les règles.
06:58 L'Union européenne les met en place. Les règles en matière d'asile, c'est des règles internationales. Il y a des engagements que l'Union européenne
07:06 et tous ses États membres ont pris au sein de l'ONU. Il s'agit simplement de trouver la meilleure manière de les mettre en place.
07:14 Encore une fois, on n'est pas dans les domaines du parfait. On est conscient que même la manière dont on applique les règles internationales ne sont pas parfaites,
07:24 mais nous avons aussi été capables de trouver un compromis sur un sujet qui est difficile et tellement qu'on a pris beaucoup d'années à le construire.
07:36 Essayons de partir de ces points communs qu'on a trouvés et s'il faut perfectionner, perfectionnons, mais soyons aussi clairs,
07:44 on est arrivé à mettre de l'ordre dans un domaine qui va rassurer nos citoyens et qui va aussi nous rendre un peu plus responsables vis-à-vis de nos partenaires internationaux.
07:56 Ce thème va être utilisé comme thème de campagne de prédilection de l'extrême droite, une extrême droite qui caracole en tête des sondages en France.
08:08 Jordan Bardella, crédité de 30 %, est d'ailleurs aussi dans un tiers des pays européens, les 27. Pourquoi, selon vous ?
08:17 Moi, quand je regarde ce sondage et surtout quand je regarde les sondages français, moi, ce qui me préoccupe, c'est qu'il y a une forte baisse de la participation
08:27 attendue des citoyens européens dans les élections européennes. On est à 44 % des participations des citoyens français.
08:40 C'est un baisse par rapport à la dernière fois où on avait vu l'effet contraire, une augmentation. Et pourquoi ?
08:47 La dernière fois, en 2019, parce que les citoyens français avaient mis comme prioritaire les pactes verts.
08:54 Et c'est de ça dont on avait parlé pendant la campagne électorale. Cette fois-ci, ce qu'on voit, c'est une diminution de la participation des citoyens.
09:03 Et pourquoi ? Peut-être parce qu'on n'est pas en train de parler des vraies préoccupations des citoyens.
09:09 Donc peut-être il faudrait être un peu plus sensible aux préoccupations de nos citoyens. Je crois que l'économie, les pouvoirs d'achat, la sécurité.
09:23 On voit bien qu'il y a une guerre à côté de l'Union européenne. Et ça préoccupe les citoyens européens.
09:29 Et franchement, les changements climatiques. Moi, qui vis dans une université, et je suis entourée des jeunes, eux, la préoccupation, c'est la planète qu'ils vont hériter demain.
09:39 Et pour eux, la préoccupation, c'est les changements climatiques. Or, plutôt que parler de ces sujets, on offre l'offre politique dans une partie importante de notre spectre politique,
09:50 surtout à l'extrême droite, c'est le wokisme, c'est les grands changements démographiques, c'est la migration.
09:56 Oui, bien sûr, mais mettons aussi l'accent sur là où nos citoyens ont des interrogations et peut-être on verrait augmenter les taux de participation.
10:08 Surtout les plus jeunes, en effet, qui participent souvent moins à ce scrutin.
10:11 Effectivement, à deux mois du scrutin, la candidate des droites européennes au Parti populaire européen, c'est Ursula von der Leyen, l'actuelle présidente de la Commission européenne.
10:21 Et elle doit se multiplier sur tous les fronts où elle est attaquée. Certains commissaires et une partie du Parlement européen lui ont reproché d'avoir nommé Marcus Pieper,
10:31 représentant de l'UE pour les PME, alors qu'il était moins bien noté des candidats qui se sont présentés pour ce poste, mais qu'il appartenait à sa famille politique, le PPE.
10:41 Une nomination donc très politique, ça vous choque ?
10:45 Moi, je ne connais pas les détails, donc ça serait un peu péjudicieux de ma part de commenter sur ça.
10:52 Ce que je note, c'est que la présidence de la Commission européenne nécessite une double investiture.
10:59 Elle nécessite l'investiture de la part du Parlement européen et nécessite les soutiens par consensus des États membres de l'Union européenne.
11:08 C'est de ça qu'il s'agit. N'importe qui voudrait être candidat à la présidence de la Commission européenne.
11:15 Je crois qu'elle est clairement candidate et qu'elle a passé cinq ans à la tête de la Commission, donc elle a des choses à mettre sur la table, des atouts à mettre sur la table.
11:24 Mais toute candidat c'est réavisé, c'est cette double légitimité qu'il lui faut.
11:30 Donc son second mandat n'est pas assuré selon vous ?
11:33 Non, je ne commente pas. Il faudrait avoir cette discussion sur la base des résultats des élections.
11:40 Mais c'est vrai que la dernière fois, encore une fois, moi je peux regarder ce qui s'est passé la dernière fois.
11:45 La présidente de la Commission a passé la légitimité au Parlement européen avec huit voix.
11:52 Huit voix. C'est fragile.
11:56 Comment vous voyez d'ailleurs la recomposition du Parlement européen et des autres institutions,
12:02 telles que nous l'annoncent un peu les sondages post-élection du 9 juin ?
12:06 Je crois que les sondages nous disent qu'il y a un mouvement plutôt à la droite de l'échec qui est politique,
12:11 mais que les centres de gravité de la politique européenne,
12:15 qui est cette grande entente entre sociodémocrates, chrétiens démocrates et libéraux,
12:21 continuerait à tenir une majorité au Parlement européen.
12:25 Et c'est important parce qu'à la fin de fin, il faut construire un consensus.
12:31 L'Europe est faite sur la construction des consensus.
12:34 Ce n'est pas sur les extrêmes qui se joue l'Europe. L'Europe se joue au centre.
12:39 Et donc c'est important de garder ce centre de cet échec qui est politique pour les futurs de l'Europe,
12:45 pour les discussions sur la compétitivité, sur l'intégration des secteurs qui vont faire notre force économique du demain,
12:52 sur l'Europe sociale, sur les changements climatiques.
12:55 Ce centre de l'échec qui est essentiel.
12:57 Et c'est de là qu'il va dépendre les futurs de l'Union européenne.
13:01 La Commission européenne a proposé en janvier de prolonger les exemptions de droits de douane sur les produits ukrainiens jusqu'en 2025.
13:10 Mais en même temps, il y a un mécanisme d'urgence permettant de rétablir des tarifs douaniers sur les volailles, les oeufs, le sucre.
13:18 Et peut-être on réfléchit sur le blé.
13:21 Est-ce qu'on est tout à fait fair play avec l'Ukraine si on la pénalise du côté agricole alors qu'on lui envoie de l'argent par ailleurs ?
13:31 Je crois qu'aujourd'hui, il faut avoir les idées claires concernant les soutiens à l'Ukraine.
13:36 Et d'ailleurs, les citoyens, quand on regarde les enquêtes, les sondages, ils sont assez clairs, les citoyens européens.
13:43 Malgré le fait qu'on a douté de leur soutien vis-à-vis de l'Ukraine, ils le démontrent sondage après sondage.
13:49 Ils savent que pour l'Union européenne, aider l'Ukraine aujourd'hui, cela veut dire aider l'Union européenne aujourd'hui.
13:58 Aider l'Ukraine à se protéger de l'agression russe et mieux protéger les citoyens européens.
14:06 Et ça, il faut le faire à la fois d'un point de vue économique, comme l'Union européenne l'a fait constamment,
14:15 sur le plan militaire, parce que c'est l'Ukraine qui doit lutter pour expulser l'agresseur russe.
14:24 Et il faut aussi l'aider du côté des exportations ukrainiennes,
14:30 qui constituent quand même la manière dont l'économie ukrainienne peut continuer à tourner, y inclut dans les secteurs agricoles.
14:39 Donc on est un peu hypocrite ?
14:41 Je crois qu'il faut être un peu plus cohérent.
14:43 Alors tournons-nous vers votre pays de naissance, l'Espagne.
14:47 En Catalogne auront lieu des élections régionales le 12 mai,
14:50 alors que le gouvernement Sanchez a fait voter une loi d'amnistie justement pour les indépendantistes.
14:55 Le président catalan est en train de faire monter la température en déclarant qu'un référendum sur l'indépendance est inévitable.
15:01 Qu'est-ce qui va se passer exactement en Catalogne ?
15:03 Je crois que le choix des électeurs, c'est assez clair.
15:07 Si on regarde les sondages en Catalogne, on a une majorité de citoyens qui est en train de demander aux partis politiques de s'occuper de leurs problèmes.
15:15 Alors quels sont les problèmes de Catalogne aujourd'hui ?
15:17 C'est les très mauvais scores en matière d'éducation dans les derniers rapports de l'OCDE et des PISA.
15:25 La Catalogne étant le territoire espagnol avec la moindre quantité d'énergie renouvelable.
15:34 Le système sanitaire qui n'a pas très bien fonctionné pendant la Covid.
15:39 Les pouvoirs d'achat. Donc tout ça c'est les problèmes des citoyens catalans.
15:44 Il n'empêche que ce gouvernement Sanchez, nouvelle formule, il doit être soutenu par les indépendantistes catalans.
15:52 Est-ce qu'il va perdurer ou est-ce qu'il est fragile ?
15:55 Je crois qu'on ne peut pas à la fois vouloir la démocratie et ne pas écouter les résultats des citoyens catalans.
16:04 Je crois que les pactes, c'est un pacte qui est difficile comme tout consensus, qu'il faut nourrir tous les jours.
16:12 Mais je crois que ça serait un pays logique d'ailleurs de vouloir ces pactes seulement quand les citoyens disent une chose
16:24 et ne pas le vouloir quand les citoyens veulent des solutions à leurs problèmes.
16:30 Donc je crois que ce sont les citoyens catalans à parler. Je crois qu'ils vont être assez clairs.
16:35 Et si j'étais un parti politique qui prenait pour l'indépendance, j'essaierais très à l'écoute de ce que disent mes citoyens.
16:46 Ce n'est pas ça le principal problème.
16:49 Merci à vous Arantxa González-Laya d'avoir été notre invitée aujourd'hui. Merci à vous de nous avoir suivi.
16:54 Restez en notre compagnie tout de suite avec Public Sénat.
16:57 Le débat consacré aux pays nordiques et à leur modèle social.
17:02 Trois heureux députés en notre compagnie pour en débattre. C'est tout de suite le débat.
17:12 Merci de nous rejoindre à Bruxelles au Parlement européen où nous continuons nos débats consacrés aux enjeux des élections européennes de juin prochain dans les pays et les régions de l'Union Européenne.
17:24 Et aujourd'hui direction l'Europe du Nord, on va s'intéresser au Danemark, à la Suède, à la Finlande pour parler du modèle social nordique qui a fait couler beaucoup d'encre.
17:34 Nous recevons aujourd'hui trois femmes.
17:36 Et on accueille sur ce plateau Maline Björk. Bonjour. Vous êtes eurodéputée suédoise, membre du groupe de la gauche au Parlement européen et membre du parti de gauche suédois.
17:46 Alors pour resituer votre pays, rappelons que la Suède compte 10,5 millions d'habitants, un revenu médian par habitant de 2250 euros par mois.
17:56 Au niveau national, au niveau politique, c'est une coalition conservatrice de trois parties de droite qui gouverne le pays et qui a élargi sa majorité en négociant un programme avec le parti d'extrême droite, les démocrates de Suède.
18:08 Et puis dans l'hémicycle européen, les Suédois éliront en juin prochain 21 eurodéputés aux prochaines élections européennes.
18:14 Et d'ailleurs, juste à côté de vous et juste à côté d'ailleurs de la Suède, c'est le voisin, la Finlande, Heidi Autala. Bonjour.
18:22 Vous êtes eurodéputée finlandaise, membre du groupe des Verts et dans cet hémicycle européen et de la Ligue verte en Finlande.
18:30 Alors pour rappel, les Finlandais sont 5,6 millions d'habitants avec un revenu médian de 2200 euros par mois.
18:38 Ils seront 15 eurodéputés en juin prochain et les Finlandais ont élu un gouvernement alliant la droite et l'extrême droite qui gouverne depuis plus d'un an.
18:48 Et puis enfin, le Danemark. Bonjour, Karine Melchior. Vous êtes eurodéputée danoise, membre du groupe Rignou au Parlement européen.
18:55 Le Danemark compte 5,9 millions d'habitants. Le revenu médian par habitant est assez élevé, 2800 euros par mois.
19:03 Et politiquement, c'est une coalition qui dirige le pays composée des sociodémocrates et des partis libéraux.
19:09 15 eurodéputés danois sont à élire en juin prochain.
19:13 Alors Malin Bjork, le fameux modèle nordique a été érigé un peu partout en exemple avec trois éléments quand même.
19:22 Une économie ouverte et prospère, une protection sociale très étendue et une démocratie vigoureuse.
19:28 Est-ce qu'il existe encore aujourd'hui ce modèle ? Est-ce qu'il est débattu pour les prochaines élections européennes ?
19:34 Il existe encore mais je trouve qu'il est menacé. En fait, en Suède, chacun parlera de son pays, dans mon pays la Suède,
19:45 il est menacé par les attaques sur les droits des travailleurs parce que ça c'est un pilier.
19:51 L'autre, c'est à cause de la privatisation. Donc en fait, on a invité des entreprises qui font du profit dans le système d'éducation.
20:00 C'est le seul pays en Europe où on a fait ça, le seul pays dans le monde je pense.
20:04 Donc les grosses entreprises qui font du profit pour les enfants dans l'éducation, c'est vraiment quelque chose qui était très néfaste.
20:10 Et en plus de ça, il y a aussi un sous-financement de la sécurité sociale et cet état de providence
20:17 qui fait en sorte que les services ne sont pas ce qu'ils étaient.
20:21 Et nous, on pense évidemment qu'il faut renforcer tout ça, financer mieux,
20:26 et il faut s'en débarrasser de la privatisation et il faut renforcer les droits des travailleurs.
20:33 Karen Melker, est-ce que vous faites le même constat au Danemark ? Est-ce que le modèle social danois est menacé ?
20:38 Et est-ce qu'il est encore accepté par les citoyens ? On le rappelle, il est basé sur des impôts très élevés.
20:44 Je trouve que le système social en Danemark est sous débat,
20:50 mais je ne trouve pas que la menace soit en cause des mêmes éléments que Malin Björk avait déposés en Suède.
20:58 Il y a un sous-financement de la santé, il y a un appel des partis libéraux
21:06 de faire plus de privatisation d'un système des hôpitaux privés en faisant appel à ça.
21:16 Et il y a aussi un débat qui a été tordu par le débat sur la migration,
21:24 parce qu'on dit que notre système social ne peut pas survivre si on a des migrants
21:30 qui viendront pour voler les droits sociaux. Mais on a oublié dans ce débat que c'est au bénéfice de toute la société
21:39 que les plus pauvres, les plus personnes avec des problèmes sociaux ont soutien de l'État,
21:46 parce qu'en famille qui fonctionne bien, où les enfants ont assez de manger,
21:51 qui puissent aller à l'école et penser à leur éducation, c'est en famille qui fonctionne bien pour la société.
21:57 Il ne faut pas avoir des anti-migration qui disent qu'on ne veut pas payer pour les enfants des migrants ou des réfugiés
22:06 pour qu'ils aient un bon niveau de vie, parce que c'est une perte pour la société.
22:11 Et c'est cette sortie de ce débat que je trouve dangereuse en Danemark.
22:15 Alors justement, madame Othala, en Finlande, le gouvernement, à droite toute,
22:19 mène une réforme très contestée, contestée avec des grandes manifestations,
22:24 pour diminuer les aides sociales, durcir le marché du travail.
22:27 Est-ce que c'est la fin de l'État-providence qu'on discute dans votre pays ?
22:31 Je pense que le modèle est menacé, comme l'a dit Marlène de la Suède.
22:37 En ce moment, si je pense que le gouvernement va faiblir les droits des travailleurs,
22:45 et ça c'est le problème des grandes manifestations qui sont actuelles maintenant,
22:52 parce que le modèle finlandais a été basé sur des contrats entre les employeurs et les employés.
23:01 Et maintenant, le gouvernement de droite va changer ça.
23:06 Et ce n'est pas très populaire.
23:08 Et la logique du gouvernement est aussi qu'il faut nécessairement faire des réformes à notre système,
23:16 parce que la dette publique est très élevée.
23:19 Les réductions des droits sociaux ne sont pas très populaires,
23:24 parce que les plus pauvres de la société sont maintenant en danger de perdre le plus.
23:33 Mais on en parle pour les européennes, c'est un thème de discussion des élections européennes.
23:39 Cette baisse des aides sociales ?
23:41 Non, je pense que le modèle nordique est pour la plupart basé sur des décisions prises sur le niveau national.
23:54 Je pense que peut-être que ce n'est pas un grand sujet pour les élections européennes.
24:01 Mais c'est clair que le climat dans la société est très divisé, très polarisé.
24:08 Il y a un sujet qui est très européen, c'est l'immigration.
24:13 Parce que comme j'écoute à mes collègues, surtout à Malin Björk de la Suède,
24:19 la Suède a très bien réussi à intégrer des immigrés dans la société.
24:25 Le gouvernement finlandais en ce moment-ci est très idéologiquement contre l'immigration, mais c'est nécessaire.
24:33 Une question sur le marché du travail en Suède.
24:38 Malin Björk, il y a des mois, il y a eu une grande grève des salariés de l'usine automobile Tesla
24:44 pour protester contre le refus d'Elon Musk, le patron américain de Tesla,
24:48 de signer les conventions collectives en Suède qui protègent les travailleurs.
24:54 Cette grève en Suède s'est étendue à d'autres pays d'Europe du Nord,
24:57 comme la Finlande, le Danemark. Comment vous expliquez l'ampleur de ce mouvement social ?
25:01 En Suède et en Danemark aussi, en Finlande aussi, les conventions collectives pour les travailleurs,
25:08 c'est une des bases, un des piliers de l'État social, de la Providence.
25:13 C'est comme ça qu'on a un soutien aussi par rapport aux salaires corrects des gens.
25:20 Le fait que Musk, qui peut prendre son rocket et s'envoyer dans la lune,
25:27 ne peut pas venir en Suède s'installer et ne pas payer les salaires corrects
25:31 et ne pas laisser les travailleurs s'organiser comme on a toujours fait.
25:34 Je trouve ça très sain et très bienvenu qu'il y ait cette réaction
25:38 et qu'il y ait aussi toutes ces actions de solidarité.
25:40 Je pense que Musk a une ou deux ou trois choses à apprendre.
25:43 Au Danemark, les sociodémocrates ont empêché la montée de l'extrême droite,
25:48 ont commencé à parler de l'immigration qui est un grand sujet aussi.
25:51 Année après année, ils ont renforcé la politique d'immigration.
25:55 Le Conseil de l'Europe a même récemment considéré que les conditions d'accueil des migrants
25:59 et de demandeurs d'asile au Danemark étaient dégradées.
26:03 Ça met un peu en cause d'ailleurs votre modèle de démocratie réprochable
26:07 parce que c'est le troisième terme important.
26:09 Je trouve que c'est une fausse approche d'arrêter l'extrême droite,
26:15 d'adopter leur politique parce qu'on peut arrêter la montée des nombres de mandats
26:23 en adoptant leur politique, mais ça n'arrête pas l'objectif de l'extrême droite.
26:29 Ça les fait rentrer dans le centre de la politique
26:33 et ça permet aussi aux extrémités d'être encore plus extrêmes.
26:38 Et je crois que le gouvernement qu'on a en ce moment-là,
26:42 c'est entre les deux grands partis du centre traditionnel qui a eu le poste de premier ministre,
26:49 qui ont dit qu'il faudrait arrêter cette polarisation de la politique,
26:54 ce voyage vers l'extrême dans la politique danoise
26:58 pour faire une grande coalition au gouvernement
27:02 pour ne pas être otage des partis de l'extrême droite ou extrême gauche.
27:08 Et j'espère que ça va réussir,
27:11 mais il faudra aussi changer le point de vue sur les droits fondamentaux
27:17 et les pouvoirs parlementaires en Danemark pour que ça réussisse pour le vrai.
27:23 En tout cas, l'extrême droite est arrivée au pouvoir en Finlande,
27:26 notamment avec un discours très dur sur l'immigration,
27:30 sur les immigrés qui remettraient, selon l'extrême droite, en cause ce modèle social finlandais.
27:35 Est-ce que ce thème de l'immigration, où d'ailleurs l'Union européenne a un rôle à jouer,
27:39 est-ce que ce thème sera au cœur de la campagne des élections européennes en Finlande ?
27:43 Oui, dans quelques mesures, parce que les entreprises finlandaises,
27:49 l'économie finlandaise comprend très bien que le grand problème, c'est le manque de travailleurs.
27:56 Mais au contraire, le gouvernement de droite a maintenant décidé
28:02 de durcir la condition des immigrations.
28:06 Par exemple, si un travailleur étranger ne peut pas trouver un nouveau travail,
28:18 dans trois mois, il faut partir, il faut être expulsé.
28:24 Mais c'est extrêmement dur et ce n'est pas possible de trouver un autre travail.
28:30 C'est contraire aux intérêts des entreprises d'avoir une politique idéologique contre l'immigration.
28:39 Parce qu'on a le vieillissement démographique maintenant.
28:44 C'est un peu le pays des OSDE, mais en Finlande, c'est plus dur.
28:49 C'est le plus important. En Suède, néanmoins, le pays est touché, Malin Björk,
28:54 par la guerre des gangs sur fonds de trafic de drogue.
28:57 Le gouvernement de droite suédois rejette d'ailleurs la faute sur les immigrés
29:01 et l'échec de l'intégration. La hausse des violences dans votre pays,
29:05 son exploitation politique stigmatisant les migrants,
29:08 ça va déterminer le résultat des élections du 9 juin ?
29:12 Je pense que l'extrême droite et la droite vont essayer de faire ça.
29:17 Mais je pense que c'est très important de voir que, contrairement à ce que Karine dit,
29:22 moi je trouve que c'est la droite qui s'est adaptée à l'extrême droite.
29:26 C'est là où se posent les grands problèmes et la fausse route.
29:30 Comment on parle de l'immigration ?
29:32 Donc, effectivement, ils vont essayer de mettre ça ensemble, la criminalité et l'immigration.
29:37 Mais moi, je pense que c'est très important de nous autres,
29:40 tous les acteurs de gauche jusqu'au centre gauche, nous on a des propositions concrètes.
29:46 Il faut arrêter le sous-financement de l'école, de la santé,
29:51 de tout ce qui fait coller une société ensemble.
29:54 Peu importe ta couleur de peau, ta religion,
29:57 ce qui nous fait coller ensemble dans les pays nordiques,
30:00 c'est parce qu'il y a l'école qui fonctionne, il y a la santé qui fonctionne,
30:03 et on sent que l'État-providence fonctionne pour tout le monde.
30:06 Si ce contrat est rempu, et bien il est rempu, et ça a des effets.
30:11 Et je pense que l'extrême droite et maintenant aussi la droite,
30:14 ils vont chercher des boucs émissaires, comme on dit en français,
30:18 que ce soit qu'il y a trop d'égalité pour les femmes et les hommes,
30:21 ou il y a trop de droits à l'LGBT, ou il y a trop d'immigrés.
30:25 Ils vont toujours chercher un bouc émissaire.
30:27 Mais le problème, c'est qu'on doit construire des sociétés qui tiennent ensemble.
30:31 Et dans les pays nordiques, c'est l'État-providence.
30:34 We care about each other, on s'occupe les uns des autres.
30:38 Dans ce débat sur le modèle social nordique, il y a peut-être une question
30:42 qui va s'inviter dans la campagne des Européennes,
30:44 c'est la hausse des dépenses militaires avec la guerre en Ukraine,
30:47 l'aide militaire à l'armée de Volodymyr Zelensky.
30:51 Karine Melchior, est-ce que ce sujet-là peut jouer un rôle au Danemark
30:55 dans la campagne des Européennes ?
30:57 La sécurité de l'Europe et l'Ukraine, ça va jouer dans les élections européennes.
31:02 Heureusement, en Danemark, il y a un grand accord à travers le spectre politique
31:07 pour le soutien de l'Ukraine.
31:09 Mais quand il y a des métiers, par exemple l'agriculture,
31:14 et aussi le sous-financement des systèmes de santé en Danemark,
31:20 il y a des questions qui sont posées par la population
31:24 si on investit dans les bons endroits,
31:28 si on investit seulement dans la sécurité de l'Europe et dans l'Ukraine.
31:32 Il faudra avoir en bonne solution politique des bonnes réponses à la population
31:38 pour expliquer que ce n'est pas seulement un investissement dans l'Ukraine,
31:42 mais c'est un investissement dans le Danemark, dans l'Europe,
31:45 pour notre avenir, pour investir dans l'Ukraine.
31:48 D'autant que vous deux, la Suède et la Finlande,
31:52 vous avez rejoint l'OTAN cette année et l'année dernière,
31:57 et là, en l'occurrence, avec la promesse d'augmenter les dépenses de défense
32:03 pour faire partie de cette alliance, ça fait débat ?
32:07 Oui, ça fait débat parce que je pense qu'en Finlande,
32:12 le soutien parmi la population vis-à-vis de l'Ukraine
32:17 est encore plus élevé que dans les autres pays,
32:21 parce que notre voisin, la Russie, a attaqué un pays indépendant.
32:28 La Finlande a toujours une mémoire des années 1930-40,
32:33 quand on a sauvé l'indépendance de notre pays.
32:37 Alors, devenir membre de l'OTAN est très important,
32:42 et il n'y a pas de grande opposition pour ça, pas du tout.
32:46 C'est bien compris qu'il faut s'allier.
32:48 Mais ça coûte cher, ça a un coût quand même,
32:50 et ça a peut-être un coût social aussi, non ?
32:52 Oui, je pense qu'en Suède, il y a plus de débats, je dirais,
32:56 qu'en Finlande, pas par l'OTAN, parce que la gauche, les écolo,
32:59 on est contre cette alliance nucléaire, ou adhérer à cette alliance nucléaire.
33:05 Mais maintenant, on fait partie, et il y aura des dépenses, comme vous dites.
33:09 Par contre, le pays est unanime, de gauche à droite,
33:13 par rapport au soutien à l'Ukraine.
33:15 Et donc, la question va être, où est-ce que cet argent va venir ?
33:19 Que ce soit dans les armes ou d'autres choses.
33:21 Et là, je pense qu'il faut avoir des...
33:24 On ne peut pas dire, oui, on va le prendre des agriculteurs
33:26 ou des systèmes de santé.
33:28 Il faut qu'on soit plus...
33:30 Et pour moi, on doit le prendre, de l'argent qu'on confisque aux Russes,
33:34 et on doit taxer les riches.
33:36 Donc taxer les riches et taxer les Russes.
33:38 Vous voyez qu'on repart sur d'autres thèmes de campagne,
33:40 et elle sera très intéressante, vue des pays nordiques, on l'a compris.
33:43 Merci à toutes les trois d'avoir participé à ce débat sur les enjeux des Européennes
33:47 dans les pays nordiques. C'est la fin de cette émission.
33:49 Très bonne suite des programmes sur nos antennes.
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34:01 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org