• il y a 8 mois
Plus d'une personne LGBTI+ sur deux s'est déjà sentie discriminée dans son parcours de soin, d'après une étude de 2018. Certains patients changent de médecins, d'autres renoncent aux soins par la suite et nombre d'entre eux perdent confiance. 40 % des personnes LGBTI+ n'ont jamais parlé de leur identité de genre ou orientation sexuelle à des professionnels de santé.
Pourtant, du fait même des discriminations dont elles sont victimes, les minorités sexuelles et de genre ont plus de risques de souffrir de troubles psychologiques et de dépression. Une étude danoise a ainsi récemment montré que le risque de faire une tentative de suicide était près de huit fois plus important pour les personnes transgenres. Alors, pourquoi les professionnels de santé ne parviennent-ils pas à accueillir tous les patients ? Comment mieux prendre en charge ces communautés ? Nous poserons ces questions à notre invitée Coraline Delebarre, psychologue et sexologue.

La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.
L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP-Assemblée nationale, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.
Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !

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Transcription
00:00 (Musique)
00:02 LCP Assemblée Nationale, en partenariat avec MGEN,
00:05 première mutuelle des agents du service public, présente État de santé.
00:09 (Musique)
00:12 (Musique)
00:38 20% des personnes homosexuelles ont déjà eu le sentiment d'être discriminées par des professionnels de santé.
00:45 Et plus d'une personne transgenre sur deux rapporte avoir été victime de transphobie dans des lieux de soins.
00:51 "Il ne reçoit que les vraies femmes."
00:53 "C'est toujours angoissant d'aller chez le médecin. Il faut vraiment aller bien ce jour-là parce qu'il y a beaucoup de chances que ça aille mal."
01:00 Propos offensants, curiosités mal placées, refus de prise en charge ou simple méconnaissance, des comportements qui peuvent éloigner ces communautés des soins courants et des soins spécifiques dont elles ont besoin.
01:13 "Les personnes ne peuvent pas faire de transition médicale avec un accompagnement de médecin.
01:18 Elles vont aller faire de l'automédication et c'est autant de personnes qui n'ont aucun suivi médical qui peuvent faire des erreurs."
01:23 Alors, les personnes LGBTI+ sont-elles moins bien prises en charge ?
01:28 Comment améliorer l'accès aux soins ? C'est le thème de ce nouveau numéro d'État de santé.
01:33 "Donc ça, vous pourrez récupérer tout ça."
01:35 "Bonjour et bienvenue dans ce nouveau numéro d'État de santé avec cette question aujourd'hui.
01:43 Est-ce compliqué d'aller chez le médecin quand on est trans, quand on est lesbienne, quand on est gay ?
01:49 Ce n'est pas une petite question parce que l'homme ou la femme qui pourrait être sur les freins avant d'aller chez le médecin parce qu'il a peur d'être illoué, il a peur d'être stigmatisé,
01:57 il ou elle a peur d'être maltraitée, pourrait passer à côté d'un diagnostic important.
02:02 C'est de cela dont on va parler avec vous. Bonjour Coraline Delbar, merci beaucoup d'être avec nous.
02:06 Vous êtes psychologue, vous êtes sexologue et vous consacrez une grande partie de votre carrière à ramener ces patients qui pourraient s'éloigner de l'accès aux soins.
02:17 On regarde votre portrait."
02:24 Coraline Delbar est psychologue et sexologue.
02:27 Elle exerce en libéral et au Césam un dispositif communautaire de soutien psychologique pour les personnes LGBTI+ à Paris.
02:36 Son engagement pour l'accès aux soins de ces communautés a commencé au kiosque InfoSida en 2007.
02:43 Elle y a coordonné l'une des premières brochures de prévention destinées à la santé sexuelle des lesbiennes.
02:49 Aujourd'hui, Coraline Delbar s'engage aussi dans la formation des professionnels de santé.
02:54 "Alors Coraline Delbar, on va entrer dans le vif du sujet.
03:01 Quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes trans, les personnes gays, les personnes lesbiennes ?
03:07 Alors la grande difficulté c'est que ces personnes, elles ont peur.
03:12 Elles peuvent avoir peur d'être discriminées, elles peuvent avoir peur de vivre des violences,
03:17 elles peuvent avoir peur de certains refus de prise en charge.
03:20 Je crois que ça, ça vient beaucoup impacter le rapport qu'elles ont aux soins et aux soignants.
03:25 Est-ce que c'est une peur parce qu'elles ont entendu parler d'un certain nombre de situations délicates
03:30 ou est-ce qu'elles ont peur parce qu'elles ont vécu ces situations délicates ?
03:34 Un peu des deux. Notamment parce que beaucoup ont déjà vécu des situations difficiles
03:39 et que ça se parle et que ça se dit, mais aussi parce qu'il y a un historique avec le soin.
03:45 Et notamment avec la médecine, la sexologie, la psychiatrie,
03:48 qui fait que dans l'inconscient collectif de ces personnes, il y a une vraie défiance qui s'installe.
03:52 Qu'est-ce que ça peut être par exemple ? Chez le médecin, une personne trans, gay, lesbienne,
03:57 elle est face à un professionnel, on ne va pas généraliser, mais ça peut arriver.
04:02 Le médecin lui fait une réflexion par exemple, qui est désagréable.
04:07 Le médecin refuse un examen gynécologique ou pose des questions intrusives.
04:12 C'est ça les difficultés ?
04:15 En partie, ça peut être ça.
04:17 Ça peut être le refus d'utiliser le pronom utilisé par la personne,
04:21 ou le refus d'utiliser son prénom d'usage, par transphobie un peu généralisée.
04:27 La difficulté à reconnaître aussi la légitimité des personnes trans, parfois, mais on ne généralise pas.
04:33 La difficulté à reconnaître la légitimité, c'est-à-dire un trans-homme
04:38 que la personne en face persiste à considérer comme une femme.
04:42 Voilà, c'est ça.
04:43 Alors, ces difficultés, évidemment, elles peuvent avoir des conséquences graves.
04:49 Quelles sont les conséquences de ces comportements inappropriés
04:52 auxquels font face ces hommes et ces femmes quand ils vont chez le médecin ?
04:55 Infographie.
04:56 L'orientation sexuelle d'une personne peut-elle l'éloigner des soins ?
05:05 Des chercheurs canadiens se sont penchés sur cette question.
05:09 Pour y répondre, ils ont comparé la mortalité évitable chez les personnes lesbiennes, gays et bisexuelles
05:16 à celle des personnes hétérosexuelles.
05:19 Ils ont alors découvert que, dans la communauté LGB,
05:22 le risque de mortalité toutes causes confondues était plus élevé.
05:28 C'est aussi le cas dans le détail pour les maladies cardiaques,
05:31 les accidents, le VIH et les suicides.
05:35 Et une étude française a récemment montré que les femmes lesbiennes et bisexuelles
05:40 ont une moins bonne santé cardiovasculaire que les femmes hétérosexuelles.
05:45 Pour les chercheurs, cela peut s'expliquer en partie par un phénomène qu'on appelle stress minoritaire,
05:52 c'est-à-dire une anxiété qui s'accumule à force d'être exposée à des comportements déplacés,
05:58 discriminatoires ou haineux, qu'ils soient vécus, anticipés ou intériorisés.
06:05 Ainsi, de nombreuses personnes issues de minorités sexuelles retardent ou évitent les consultations médicales.
06:13 Ce phénomène touche aussi la communauté trans,
06:16 qui est la plus exposée aux discriminations en santé d'après l'association SOS Homophobie.
06:24 En France, plus d'une personne transgenre sur deux estime avoir été victime de transphobie dans des lieux de soins,
06:30 et 45 % ont déjà évité ces lieux pour précisément cette raison.
06:35 Pourtant, ces populations sont plus exposées aux violences, à la précarité et aux troubles psychiques.
06:42 Il est donc urgent de mieux accueillir et de mieux prendre en charge les personnes,
06:46 quelle que soit leur identité de genre et leur orientation sexuelle.
06:51 Corline Dolbar, petite question de pratique.
06:54 Un patient qui vient vous voir, à priori vous ne savez pas exactement pourquoi à l'origine,
06:58 après vous lui dites pourquoi. Est-ce que rapidement vous lui posez des questions sur sa sexualité ?
07:03 Alors sur sa sexualité, peut-être pas tout de suite, ce sera fonction aussi de sa demande,
07:08 mais en tout cas me poser des questions sur son orientation sexuelle, son identité de genre,
07:14 ses modes de relation aux autres, sa conjugalité, oui.
07:17 Alors ça, parce que vous êtes effectivement psychologue,
07:20 quand on va chez un médecin généraliste ou un médecin spécialiste,
07:24 le médecin qui poserait au patient une question sur sa sexualité, ce serait perçu comme intrusif.
07:29 Alors c'est souvent la réponse que font les soignants.
07:33 Or les différentes études montrent que, au contraire, les patients et les patientes ont envie que le médecin leur pose ces questions,
07:39 parce que ça participe aussi à améliorer l'alliance thérapeutique avec le soignant.
07:43 On n'est pas obligé d'étaler sa vie privée devant le médecin ?
07:47 Il y a une différence entre poser la question "Quelle est votre sexualité ?" et "Quelle est votre orientation sexuelle ?"
07:51 C'est deux choses un petit peu différentes.
07:53 Quand on parle de l'orientation sexuelle, on parle d'éléments identitaires.
07:57 Et ces éléments identitaires vont être importants, parce qu'ils vont permettre au soignant ou à la soignante
08:01 de mieux s'accompagner, d'avoir peut-être des recommandations particulières à faire,
08:05 et puis surtout de pouvoir prendre le patient ou la patiente en considération dans son entièreté.
08:10 Ça peut valoir pour certains et pas d'autres. C'est ça qui est compliqué pour le médecin.
08:14 Je vous donne un exemple. Un homme qui vient au cabinet, si le médecin part du principe que cet homme a forcément une femme ou une épouse,
08:22 on enferme dans ce qu'on appelle l'hétérosexualité présupposée.
08:26 Et la personne qui n'est pas hétérosexuelle va se sentir enfermée dans cette considération, et ça va devenir empêcher le lien.
08:33 L'homme peut se sentir enfermé, coincé, stigmatisé, ou même enceint.
08:38 - Ça peut être le cas. C'est-à-dire que de pouvoir demander à la personne
08:42 "Est-ce que vous avez un amoureux, une amoureuse, un petit copain, une petite copine ?"
08:46 Le simple fait d'ouvrir, de dégenrer un petit peu la conjugalité ou la relation amoureuse ou sexuelle,
08:53 ça permet à la personne de se dire "Ce médecin m'entend, me comprend, il est en capacité d'accueillir",
08:59 et donc ça aide la personne à dire les choses.
09:02 Si on enferme dans le présupposé hétérosexuel, on force quelque part le patient à un coming-out
09:08 qui peut être très difficile et très douloureux à faire.
09:10 - Alors, pour mieux comprendre pourquoi des hommes, des femmes s'éloignent du soin,
09:14 Marianne Cazot, pour État de Santé, est allée à leur rencontre,
09:17 précisément à Paris, à Bordeaux et à Lausanne.
09:21 Reportage.
09:27 Entre amis, Raphaël et Océane se donnent souvent des conseils de santé.
09:33 Comme pour la plupart des personnes trans, l'accès aux soins leur est difficile.
09:38 Raphaël a des problèmes de santé qui s'accumulent.
09:41 Il doit donc voir de nombreux médecins.
09:44 Mais face aux propos transphobes de certains de ses professionnels,
09:47 - Il ne reçoit que les vraies femmes.
09:49 - Il redoute ses rendez-vous.
09:51 - C'est toujours angoissant d'aller chez le médecin.
09:55 C'est...
09:57 Faut se préparer au pire et juste être...
10:00 Faut vraiment aller bien ce jour-là, parce qu'il y a beaucoup de chances que ça aille mal.
10:04 Il y a beaucoup de médecins que j'annule au dernier moment,
10:06 parce que j'ai pas la force, j'ai pas la foi, j'ai pas l'énergie de le faire, en fait.
10:10 Raphaël garde de mauvais souvenirs, des regards en coin dans les salles d'attente
10:14 ou de curiosités mal placées de certains d'entre eux.
10:17 - Il y a toujours le risque que tout tourne autour de la transidentité,
10:22 alors que le rendez-vous, c'est pas le sujet et c'est pas le lieu de discuter.
10:27 Du coup, c'est toujours "est-ce qu'on dit qu'on est trans, on le dit pas qu'on est trans ?"
10:32 Alors, avant chaque rendez-vous, tous deux consultent cette carte
10:36 de l'association France Genre, qui répertorie les professionnels trans-friendly.
10:41 - Secteur 2.
10:43 Pour l'instant, il y a juste une secteur 1, une gynéco-secteur 1,
10:47 qui soit pas transphobe, à priori.
10:49 - Un manque de médecins qualifiés affecte aussi les personnes homosexuelles.
10:54 Mélanie, par exemple, a longtemps souffert d'un déficit d'accompagnement.
10:58 Ainsi, au moment de ses premières relations avec des femmes,
11:02 Mélanie ne savait pas si elle devait se protéger et comment.
11:06 - Dans des relations hétéronormées, celles que j'ai eues avant mon coming-out,
11:10 c'était assez simple de trouver des informations.
11:13 Et dans les couples de femmes ou dans les relations lesbiennes,
11:16 je savais pas du tout, du tout comment faire, en fait,
11:19 et j'étais vraiment perdue.
11:21 Je suis allée voir mon médecin généraliste à l'époque,
11:24 et elle m'a dit, en fait, qu'elle savait pas.
11:27 - Ce manque d'informations l'a incité à devenir influenceuse digitale.
11:31 Aujourd'hui, elle compte plus de 25 000 abonnés sur Instagram
11:35 désireux d'être mieux accompagnés.
11:37 Dans un sondage, 90 % estiment ne pas être assez informés
11:41 sur la prévention des maladies sexuellement transmissibles.
11:45 - Et sur les 90 %, on est sur 416 réponses.
11:49 Donc voilà, je pense que c'est assez parlant.
11:53 - Et que vous proposez ici une petite FAQ si vous avez...
11:56 - Là, tout, c'est bouche à oreille, Internet, réseaux sociaux,
11:59 des comptes comme le tien.
12:01 Il y a des amis, quand même.
12:03 Très peu d'infos, ça ressort beaucoup.
12:06 - Alors, pour mieux se faire entendre,
12:08 Mélanie parle d'homosexualité simplement, sans tabou.
12:12 - P. Edeguin, bonjour. J'espère que vous allez bien.
12:15 Aujourd'hui, on se retrouve pour...
12:17 Je vous parle de santé sexuelle chez les lesbiennes.
12:20 Mon grand chien.
12:22 - De quoi ramener peut-être certaines femmes vers le soin.
12:25 Car s'en éloigner trop longtemps peut avoir des conséquences.
12:29 À Lausanne, en Suisse, Bénédicte découvre le compte de Mélanie.
12:35 - C'est tellement ça.
12:41 La gynécologie est assez hétéronormée.
12:44 Donc forcément, dès qu'on arrive avec une autre façon de vivre,
12:48 c'est souvent assez perturbé.
12:50 - Cette infirmière l'a découverte sur le tard.
12:53 Car avant ses 30 ans,
12:55 elle n'avait jamais mis les pieds chez un gynécologue.
12:58 - Mes amis, elles y allaient de ce que je comprenais.
13:01 Mon cerveau, en tout cas, voulait entendre ça,
13:03 c'est qu'elles allaient pour la pilule.
13:05 Et comme moi, j'avais pas trop de risques d'avoir des bébés,
13:08 je me sentais pas du tout concernée.
13:11 Et puis, en fait, ça a duré très longtemps.
13:14 Puisque j'ai jamais eu une personne qui m'a sensibilisée à ça.
13:19 - Son suivi par la suite est irrégulier.
13:22 Et après 5 ans sans dépistage,
13:24 on lui diagnostique une tumeur qui a envahi son utérus.
13:28 Elle subit une hystérectomie.
13:31 La tumeur était en fait bénigne.
13:33 Mais Bénédicte prend conscience des dangers d'une médecine
13:37 qui se réfère à la norme hétérosexuelle.
13:40 - C'est vraiment assez compliqué pour les 2 sens.
13:43 Autant pour des soignants qui peuvent se sentir complètement désarmés
13:46 parce qu'on leur a jamais parlé
13:48 qu'on pouvait avoir une vie autre qu'hétéronormée.
13:51 Et effectivement, pour les personnes concernées,
13:54 de se dire, bon, bah, de toute façon,
13:56 moi, je suis pas hétéro, donc ça me concerne pas.
13:59 - C'est pourquoi elle tente d'y remédier au quotidien,
14:02 avec ses patients, en s'informant autant qu'elle peut.
14:06 ♪ ♪ ♪
14:11 ♪ ♪ ♪
14:14 - Coraline Delbar, alors d'abord, il y a cette peur,
14:18 d'aller chez le médecin, qui est très frappante.
14:21 On prend un rendez-vous et puis finalement,
14:23 on l'annule au dernier moment.
14:25 Ça, c'est fréquent?
14:27 - C'est relativement fréquent parce qu'il y a beaucoup
14:29 d'anticipation, beaucoup de projections quant à comment
14:32 pourrait se passer la consultation.
14:34 Et ça demande aussi une énergie importante.
14:37 Il y a une charge émotionnelle très importante.
14:40 Et il n'est pas rare que les personnes, au dernier moment,
14:43 ne se sentent pas en capacité d'y aller,
14:45 en ayant trop peur d'être violentées
14:47 ou de devoir se défendre.
14:49 - Puis alors, ce qui est très intéressant,
14:51 c'est le cas de Bénédicte, qui passe à côté d'un repérage,
14:55 d'un dépistage, et qui, finalement, a une hystéroctomie.
14:59 Ça, c'est complètement étonnant.
15:01 - Oui, alors la question de la santé des femmes lesbiennes,
15:04 elle est vraiment, en mon sens, très importante.
15:07 C'est-à-dire que ce sont des femmes qui échappent beaucoup
15:10 à la question du soin et de la santé sexuelle.
15:13 On sait, par exemple, dans l'enquête EPGL de 2011,
15:16 que 60% des répondantes de femmes qui n'ont des rapports
15:19 qu'avec des femmes n'avaient jamais réalisé
15:22 un seul frottis cervico-utérin, ce qui est énorme.
15:25 - Est-ce que pour elles, à partir du moment où elles
15:27 ne prennent pas la pilule ou elles n'ont pas des rapports
15:29 sexuels avec les hommes, elles n'ont pas besoin de ça ?
15:31 - C'est-à-dire qu'il y a un amalgame qui est fait
15:33 entre la gynécologie et la contraception ou la grossesse.
15:36 Donc, quand on échappe à la contraception et la grossesse,
15:39 on se dit "Est-ce que j'ai besoin d'aller chez le gynéco ?"
15:42 C'est-à-dire que la gynécologie est très peu considérée
15:45 comme un endroit de santé sexuelle plus global.
15:47 Et puis, il y a aussi l'intériorisation,
15:49 par les chercheurs, les professionnels de santé,
15:52 les femmes elles-mêmes, d'une forme d'immunité
15:55 contre les IST dans la sexualité entre femmes.
15:58 Parce qu'elle est niée, parce qu'elle est dévalorisée
16:01 ou elle est impensée socialement.
16:03 S'il n'y a pas de sexualité, il n'y a pas de risque.
16:05 - S'il n'y a pas de sexualité hétérosexuelle,
16:07 il n'y a pas de risque. Or, il y en a.
16:10 Et donc, ça, c'est un défaut d'information.
16:12 - Absolument.
16:13 - Et ça, qu'est-ce qu'il faudrait, alors ?
16:15 - Alors, ça, ce qu'il faudrait, c'est des brochures,
16:17 des campagnes de sensibilisation, grand public,
16:20 où on pourrait voir aussi des femmes lesbiennes
16:23 dans ces campagnes de sensibilisation.
16:25 Et puis, surtout, il faudrait de la formation,
16:28 notamment de la formation initiale,
16:30 pour les professionnels de santé.
16:31 - Pour les médecins.
16:32 - Pour les médecins.
16:33 - Évidemment.
16:34 Mieux former les professionnels de santé,
16:36 c'est fondamental.
16:37 C'est le combat d'Anaïs Perrin-Prével
16:39 que je vous propose de regarder.
16:41 Marianne Cazot a suivi le temps d'apportage,
16:43 le travail qu'elle effectue précisément
16:45 auprès de ces populations.
16:54 Anaïs Perrin-Prével n'a pas de temps à perdre.
16:57 Elle n'est ni professeure, ni médecin.
17:00 Mais en tant que femme trans,
17:01 elle a beaucoup de choses à apprendre
17:03 aux professionnels de santé.
17:05 Elle a rendez-vous avec le personnel du Checkpoint,
17:07 un centre de santé communautaire.
17:10 - Comment les personnes trans peuvent accéder
17:13 à des soins au quotidien,
17:14 si la seule réponse des médecins généralistes
17:16 ou des médecins spécialistes face à une personne trans,
17:18 c'est lever les bras au ciel et leur dire
17:19 "Bah oui, mais vous, dans votre cas,
17:20 je sais pas comment ça se passe."
17:21 On a besoin de pouvoir accéder aux soins courants
17:23 et c'est pour ça qu'on se bat, nous,
17:25 pour l'accès au droit commun pour les personnes trans.
17:27 S'assurer que le droit commun soit inclusif
17:29 des personnes trans pour qu'on ne soit pas obligé
17:32 de faire 70 km, 100 km, 300 km, 500 km
17:36 pour trouver un médecin qui accède
17:37 de nous prendre en charge.
17:38 Aujourd'hui, son public est habitué
17:41 à recevoir des personnes trans en consultation.
17:43 Mais ce n'est pas toujours le cas.
17:45 Alors ses formations commencent
17:47 par un rappel du vocabulaire.
17:51 Anaïs Perrin-Prével ne prétend pas enseigner
17:53 la médecine à des médecins.
17:55 Elle leur explique comment accueillir
17:57 des personnes trans avec bienveillance.
17:59 Le terme "transsexuel", il pose aussi un enjeu.
18:02 Globalement, parmi les personnes trans
18:04 qui s'identifient comme telles,
18:05 ou parfois aussi dans le corps médical,
18:07 on va souvent parler d'une personne transsexuelle
18:09 si elle a fait une opération génitale.
18:11 C'est à peu près le critère qui va être donné
18:13 par rapport à ça.
18:14 Et nous, on ne veut pas utiliser ce terme-là
18:16 parce qu'il a tendance à, finalement,
18:17 créer une sorte de hiérarchie au sein
18:18 des personnes trans entre les personnes
18:19 qui auraient fait une opération génitale
18:20 et les personnes qui n'en auraient pas fait.
18:22 Donner la parole aux premiers concernés,
18:24 c'est aussi éviter les erreurs du passé.
18:27 Des médecins qui prennent seul la décision
18:29 d'autoriser ou non une personne
18:31 à faire sa transition.
18:33 Des images qui marquent les professionnels
18:44 de santé présents aujourd'hui.
18:46 Quand on se rend compte de cette violence,
18:48 et c'était il y a peut-être 10-15 ans,
18:50 je me dis que c'est quelque chose
18:51 qu'il ne faut pas reproduire.
18:53 Le domaine médical est toujours,
18:55 par certains éléments du milieu médical,
18:59 très maltraitant pour les personnes trans.
19:01 Donc, on doit aussi avoir cette volonté-là
19:04 de créer des endroits "safe".
19:07 Mais au-delà des médecins engagés et volontaires,
19:11 Anaïs Perrin-Prével milite chaque jour
19:14 pour une formation de tous les professionnels de santé.
19:17 Première victoire, un module sera intégré
19:20 aux études de santé en 2025-2026.
19:24 En attendant, elle ne peut rester les bras croisés,
19:27 car l'offre de soins se fait rare.
19:30 Avec son association,
19:31 elle a appelé des endocrinologues
19:33 pour savoir s'ils pouvaient accompagner
19:35 des personnes dans leur transition hormonale.
19:38 À Paris, seuls 5 ont accepté sur 60.
19:42 Et les médecins qui le font sont surchargés.
19:46 Et...
19:47 Désolé, il n'y a plus de réservation disponible.
19:50 On n'est même plus dans des délais.
19:52 On a une incapacité complète à voir des médecins
19:54 qui acceptent de prendre en charge des personnes trans.
19:56 C'est-à-dire que les personnes ne peuvent pas faire
19:58 de transition médicale avec un accompagnement de médecins.
20:00 Et elles vont aller faire de l'automédication,
20:02 trouver sur Internet, s'acheter avec des bitcoins,
20:05 des hormones injectables, par exemple,
20:07 parce qu'on ne peut pas les trouver par ailleurs.
20:09 Et c'est autant de personnes qui n'ont aucun suivi médical
20:11 qui peuvent faire des erreurs.
20:12 Anaïs Perrin-Prével espère
20:14 que la Haute Autorité de Santé pourra accélérer les choses.
20:18 Car il n'existe aucun cadre légal
20:20 pour l'hormonothérapie en France.
20:23 Sophie Le Goff est l'une des rares généralistes
20:26 qui en prescrive.
20:28 On n'est pas du tout tranquille sur le cadre légal,
20:32 bien qu'on soit convaincus du bien fondé,
20:35 et qu'il existe quand même une littérature,
20:38 qui est maintenant même abondante au niveau international,
20:41 qui montre qu'on a une prescription
20:44 qui est censée scientifiquement démontrer.
20:46 C'est insécurisant, évidemment,
20:48 de penser qu'on peut nous le reprocher
20:51 d'un point de vue professionnel.
20:53 En attendant les recommandations,
20:56 L6 est engagée dans la formation
20:58 des professionnels de santé,
21:00 aux côtés d'Anaïs Perrin-Prével.
21:02 Corline Delbar, est-ce que les centres communautaires,
21:10 les centres de santé communautaire,
21:12 c'est intéressant, c'est important ?
21:14 C'est important parce qu'on le voit bien,
21:16 il y a des difficultés d'accès et de recours aux soins,
21:19 il y a la peur de la discrimination,
21:21 tout ça bloque l'accès aux soins,
21:23 et notamment aux structures de droit commun.
21:25 Donc finalement, aujourd'hui, les dispositifs communautaires,
21:27 en santé sexuelle ou en santé mentale,
21:29 ils permettent de faire passerelle,
21:31 ils permettent de ramener vers le soin tout doucement
21:33 des personnes qui se sont très éloignées de ces endroits.
21:36 Alors, je vais vous poser une question spontanée,
21:39 ça nuit pas à l'inclusivité ?
21:42 C'est-à-dire ?
21:43 Ça n'aide pas toute la population médicale
21:46 à aider les personnes gays, trans, etc.
21:49 C'est réservé à un certain nombre de médecins
21:51 qui sont dans des centres communautaires,
21:52 vous voyez ce que je veux dire ?
21:53 Alors, c'est heureusement pas réservé aux professionnels
21:56 qui sont dans les centres de santé communautaire.
21:59 Pour autant, aujourd'hui, les études montrent,
22:01 et puis les reportages montrent également,
22:04 que la réalité, c'est que de nombreux soignants et soignantes
22:07 ne sont pas encore en pleine capacité d'accueil et de soutien.
22:11 Donc, ces structures-là, ce sont des endroits
22:14 qui permettent aux personnes d'avoir une amélioration
22:17 de la qualité du soin et une amélioration aussi
22:21 des chances en termes de santé.
22:23 Existe-t-il dans les études de médecine
22:24 une sensibilisation particulière à cet accès aux soins
22:27 des personnes LGBT ?
22:29 Alors, ça peut exister de temps en temps,
22:32 quand il y a des partenariats, des conventions
22:33 qui sont faites avec certaines associations,
22:35 mais ce n'est pas quelque chose qui est systématisé
22:38 dans toute la formation initiale des soignants.
22:40 Un chapitre de plus, les études médicales
22:42 ne seraient pas superflues, c'est ce que vous dites.
22:44 Oui, absolument.
22:45 En tout cas, vous avez aussi voulu interroger un député,
22:48 comme on le fait habituellement dans cette émission.
22:50 Comment mieux intégrer ces hommes, ces femmes
22:52 dans une politique de santé globale
22:54 par le biais de la formation continue ?
22:56 C'est Anne Brugnerat, qui est députée Renaissance du Rhône,
23:00 qui vous répond.
23:01 Quelles formations se développent ?
23:05 Des formations se développent.
23:06 Il y a un DU, diplôme universitaire,
23:08 qui se développe avec certaines facs de médecine,
23:11 d'ailleurs, celle de Lyon y participe,
23:13 sur l'accompagnement et les soins,
23:15 notamment des personnes concernées.
23:18 C'est encore des petites promos,
23:20 c'est encore quelques dizaines de personnes,
23:22 mais c'est déjà ça.
23:23 Et tant que cette formation ne sera pas déployée
23:25 envers tous les étudiants en médecine
23:27 et tous les médecins,
23:28 parce qu'il y a aussi de la formation continue, bien sûr,
23:30 les centres communautaires auront vraiment
23:32 un rôle très important à jouer.
23:33 On le voit à Lyon, le centre qui s'appelle Le Griffon,
23:36 à peu près 30-35 visites par jour,
23:38 on voit que le besoin est là
23:39 et que ce centre répond vraiment
23:41 aux demandes des personnes concernées.
23:43 Il faudra donc surveiller l'évaluation
23:45 de cette expérimentation
23:47 pour voir si ces centres continuent
23:49 dans cette approche-là.
23:50 Moi, je le crois, le besoin est là.
23:52 On a des territoires où on est encore en manque
23:54 de ces centres pour que les personnes concernées
23:57 puissent trouver l'écoute, l'accueil,
23:59 les conseils dont elles ont besoin.
24:01 Coraline Delbar a surveillé,
24:07 mais surtout a développé les centres.
24:09 Il faudrait qu'il y en ait dans tous les départements ?
24:11 À la bonne échelle, je ne sais pas,
24:13 mais tout ce qu'on sait aujourd'hui,
24:14 c'est que les études montrent
24:16 que ces dispositifs communautaires,
24:18 ces centres de santé sexuelle et de santé mentale,
24:20 ont un effet levier très important
24:23 pour ces populations.
24:24 Par exemple, aujourd'hui, au SESAM,
24:26 qui est un dispositif communautaire
24:28 de soutien en santé mentale
24:30 pour ces populations LGBTI+.
24:32 Il faut savoir qu'on a environ
24:34 une liste d'attentes de 90 personnes
24:36 et qu'on a réalisé, en moins d'un an,
24:38 plus de 600 consultations.
24:40 Beaucoup d'attentes.
24:41 On dirait que dans le milieu médical,
24:42 il y a beaucoup d'attentes, en général.
24:44 Mais évidemment, ce segment-là n'y échappe pas.
24:46 Dernière question, Coraline Delbar.
24:48 Il y a un garçon, une fille,
24:50 qui nous écoute, qui vous regarde
24:52 et qui a peur,
24:54 qui n'ose pas aller chez le médecin,
24:55 parce que précisément, elle a peur d'être interrogée
24:57 ou de ne pas être considérée.
24:58 Qu'est-ce que vous lui dites ?
24:59 Quel conseil vous lui donnez ?
25:01 Je lui conseillerais d'écouter ses amis.
25:03 Le meilleur moyen de tomber sur un professionnel
25:06 plutôt sécurisant,
25:08 c'est d'écouter aussi
25:10 les retours des proches.
25:12 C'est peut-être éventuellement aussi
25:13 se servir des listes blanches sur Internet
25:16 qui permettent de recenser des soignants
25:19 qui, en tout cas, ont envie
25:20 de travailler avec ces publics.
25:22 C'est déjà beaucoup.
25:23 Et pour ceux qui ont eu une mauvaise expérience ?
25:26 Aucune patiente doit être maltraitée
25:29 par un soignant, peu importe le soignant.
25:31 Donc, c'est important de peut-être
25:33 reprendre aussi du pouvoir en tant que patient
25:35 ou en tant que patiente
25:36 et de réussir à dire non,
25:38 à casser la relation thérapeutique
25:40 si elle est violente.
25:42 C'est quoi, casser une relation thérapeutique ?
25:44 C'est dire les choses...
25:45 S'autoriser à partir.
25:46 S'autoriser à partir,
25:47 changer de professionnel
25:48 ou dire aux professionnels
25:49 qu'on a été violentés par le propos.
25:51 On peut le faire aussi.
25:52 On a le droit de dire ça aussi aux sachants.
25:54 Absolument.
25:55 On est dans l'obligation d'écouter.
25:56 Merci infiniment, Corline Delbar,
25:57 d'avoir été avec nous dans cette émission.
25:59 A très bientôt pour le prochain numéro
26:01 d'État de santé.
26:02 [Musique]
26:17 LCP Assemblée Nationale,
26:19 en partenariat avec MGEN,
26:21 vous a présenté État de santé.
26:23 [Musique]

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