• il y a 7 mois
Tribune politique, stratégies, marche de la justice : sans rentrer dans le fond du dossier, le premier jour du procès de Donald Trump à New York a révélé des éléments déterminants pour la suite. Amy Greene est spécialiste de la politique américaine à l'université Paris Sciences et Lettres.

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Transcription
00:00 Le premier procès pénal de Donald Trump s'est ouvert hier soir à New York.
00:04 Comment s'est passée la première journée ? Comment se défend-il ? Que risque-t-il ?
00:07 Ces ennuis judiciaires peuvent-ils lui barrer la route de la Maison Blanche ? On a besoin
00:12 de vos lumières, Amy Green ! Bonjour !
00:13 Bonjour !
00:14 Vous êtes enseignante, spécialiste de la politique américaine à l'université Paris
00:17 Sciences et Lettres.
00:18 C'est le premier des quatre procès au pénal qui attendent l'ancien président américain.
00:23 Celui-ci, c'est l'affaire des pots de vin versés à une ancienne star du X, Stormy
00:27 Daniels, pour cacher leur relation sexuelle.
00:29 Donald Trump s'est présenté, comme à son habitude, avec un costume bleu et une cravate
00:33 rouge.
00:34 Il a pris la parole.
00:35 Quelques mots seulement lors de questions techniques du juge et à la presse avant d'entrer
00:40 dans la salle d'audience.
00:41 Mais ces quelques mots, on voit bien quelle va être sa stratégie de défense ?
00:45 Oui, sa stratégie, c'est de ramener toute l'attention vers lui.
00:48 Il est vrai qu'il sera retenu plusieurs jours par semaine dans ce procès-là, donc
00:52 il ne peut pas faire campagne.
00:53 En effet, il a besoin que toute l'attention médiatique lui revienne.
00:57 Il a décidé de faire l'injonction à son équipe d'être présent dans l'espace
01:03 médiatique le plus possible.
01:04 Et donc, en effet, il veut faire basculer le centre de gravité politique et électorale
01:08 vers justement la salle de procès à New York.
01:12 Le pays est mené par un homme incompétent.
01:14 Ça, c'était pour Joe Biden.
01:15 Il s'en est pris aussi au juge de New York.
01:18 Il se présente comme une victime.
01:20 C'est une attaque contre l'Amérique, une persécution politique, une chasse aux sorcières.
01:24 Est-ce qu'il peut réellement en tirer profit sur le plan politique ?
01:27 Il a déjà commencé.
01:28 Le jour où on a vu ce fameux mugshot, il l'a utilisé pour lancer une campagne de
01:33 levée de fonds.
01:34 C'est quoi le mugshot ?
01:36 C'est la photo qu'on prend de lui au moment de l'arrestation, de la prise en charge
01:42 par la police d'il y a quelques mois.
01:44 Donc, en effet, cette stratégie de s'appeler une victime en permanence, ça fonctionne
01:48 auprès de ses supporters.
01:49 Donc, il ne compte pas changer de cap à ce stade.
01:52 Mais ça peut lui faire gagner de nouveaux électeurs ou pas ?
01:54 Je pense que c'est très difficile.
01:57 C'est toute la question autour de Trump.
01:58 Est-ce qu'il y a quelqu'un aux Etats-Unis aujourd'hui qui n'est pas encore convaincu
02:02 ou qui n'a pas encore un avis sur Donald Trump ?
02:04 C'est vrai que cette notion de corruption institutionnelle, du underdog, du petit contre
02:11 le système, ça a fonctionné.
02:13 Donc, ça peut potentiellement attirer de nouveaux électeurs.
02:16 Il en fait des cas, savons-nous le dite.
02:17 Il fait tout pour attirer l'attention.
02:18 Mais en même temps, on voit quand même que son équipe joue la montre, essaie de tout
02:22 faire pour éviter les procès, pour les repousser.
02:24 Parce qu'il y en a d'autres qui l'attendent.
02:26 Est-ce qu'au fond de lui, il y a quand même une part d'inquiétude ?
02:29 C'est classique, une stratégie de repousser l'échéance.
02:33 Parce qu'en effet, Donald Trump, qui pense que lui-même, il a des chances, c'est toujours
02:39 la stratégie de l'équipe juridique, l'équipe des avocats, qui est de repousser le plus
02:44 possible l'échéance.
02:45 Pourquoi ? Parce qu'en effet, en cas de condamnation, ça interviendrait d'ici l'été.
02:49 Et ça peut tout changer sur le calcul électoral.
02:54 Donc en effet, que Donald Trump lui-même soit personnellement inquiété, je ne sais
02:57 pas.
02:58 Mais en tout cas, c'est vrai que le parti pris des avocats, c'est d'essayer de repousser
03:02 un maximum l'échéance pour l'après-élection.
03:05 Parce que dans ce cas-là, il aurait gagné.
03:06 Et donc, il est président des Etats-Unis à nouveau.
03:09 Et donc, il bénéficie de l'humilité.
03:10 Donc clairement, ils vont vers ça.
03:12 S'il est condamné, il peut lui arriver quoi ? Il peut être déclaré inéligible ? Il
03:16 peut aller en prison ? C'est quoi les options possibles ?
03:18 Alors, il pourrait y aller en prison, tout à fait.
03:20 Mais en fait, il serait toujours éligible à se présenter.
03:23 La Constitution ne dit rien du tout.
03:25 C'est-à-dire qu'il y a les critères d'éligibilité, le critère d'âge, le critère de citoyenneté
03:30 américaine par exemple.
03:31 Mais la Constitution ne dit rien d'une condamnation non pénale.
03:35 Donc théoriquement, il peut être derrière les barreaux de prison et toujours être éligible
03:39 à la présidence.
03:40 C'est fou ça !
03:41 Mais en effet, s'il est condamné, s'il va en prison, je pense que ce sera… Bon,
03:45 on est dans des hypothèses qui paraissent aussi lointaines.
03:47 Ça provoquerait une crise institutionnelle et juridique aux États-Unis sans précédent.
03:53 Mais à ce jour, la Constitution ne préconise rien.
03:55 Et donc, si on va vers ces hypothèses-là, ça veut dire qu'on est vraiment très loin
03:59 de ce que pensaient les fondateurs du pays au moment de la rédaction.
04:03 Alors, il y a tous les enjeux politiques qu'on vient d'évoquer.
04:05 Il y a les enjeux financiers aussi pour lui.
04:08 Il risque gros, là, sur ce plan-là ?
04:09 Il risque effectivement une condamnation qui peut l'affaiblir davantage.
04:13 On avait vu qu'il a été déjà ordonné à payer une certaine somme il y a quelques
04:18 semaines déjà, ce qui a vraiment tendu son calcul financier.
04:22 Donc, en effet, il a besoin à la fois d'attirer l'attention pour en faire une sorte de
04:26 levée de fonds parce que derrière, il y a effectivement un enjeu financier pour lui
04:30 et sa compagne.
04:31 Et dans le camp Biden, comment on vit ça ?
04:32 Alors, la compagne Biden ne peut rien faire.
04:36 Pourquoi ? Parce que le président, justement, et puis les institutions américaines en réalité,
04:42 sont attaquées par Trump pour être une source d'instrumentalisation politique, une chasse
04:47 aux sorcières comme on entend.
04:48 Et donc, Biden ne peut rien faire que de rester silencieux.
04:52 Mais en tout cas, la stratégie de son équipe, c'est de dire et c'est d'espérer que
04:56 le fait d'avoir autant d'attention médiatique rivée justement sur ce procès-là va à
05:00 la fois rappeler le chaos et le désordre, la désorganisation de l'époque Trump précédente
05:05 et en effet, de rappeler aux Américains qu'ils ne souhaiteraient plus en avoir.
05:09 Et puis, il y a un argument central, ce qui est de dire que de montrer aux Américains
05:13 par ce procès-là, que effectivement, cette stratégie de Trump de se représenter, c'est
05:17 pour se sauver de ses soucis juridiques.
05:19 Et ça peut aussi lasser l'opinion américaine, cette surmédiatisation de Donald Trump.
05:24 D'ailleurs, notre correspondant aux Etats-Unis nous disait hier qu'il n'y avait quasiment
05:27 personne devant le tribunal de New York.
05:28 Oui, c'est une ville qui est très marquée à gauche.
05:31 Donc en effet, il y avait quelques manifestants dans les deux sens.
05:33 Mais ce qui est tout à fait intéressant, c'est que finalement, c'est tout à fait
05:36 exceptionnel, c'est sans précédent, c'est historique.
05:39 Mais après tout, c'est un homme face à la justice de son État.
05:42 Ce qui est très important comme message de laisser fonctionner les institutions.
05:46 En tout cas, il y a des électeurs qui commencent à se soucier.
05:48 Parce qu'à peu près 6 sur 10 électeurs américains considèrent que c'est grave,
05:52 voire très grave, ce qui arrive à Donald Trump et au pays.
05:55 Vous dites que c'est un homme face à la justice de son État.
05:57 D'ailleurs, le juge hier lui a dit "bonjour monsieur Trump" et pas "bonjour monsieur
06:01 le président Trump", comme le veut l'usage.
06:03 C'était une manière de lui rappeler qu'il n'est dans le tribunal qu'un simple citoyen.
06:06 Oui, exactement.
06:07 C'est tout à fait ça.
06:08 Merci beaucoup à Amy Green, enseignante à l'université Paris Sciences et Lettres,
06:13 politologue américaine, on l'a entendu à votre petit accent.
06:16 Merci beaucoup d'être venue ce matin sur France Inter dans le 5/7.
06:19 Il est 6h27.

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