Ludivine Gilli, docteure en histoire, directrice de l'Observatoire de l'Amérique du Nord à la Fondation Jean Jaurès, Alain Frachon, éditorialiste au Monde, ancien correspondant à Washington et Alain Genestar, directeur et co-fondateur de Polka Magazine sont les invités du Grand Entretien. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-15-juillet-2024-9736768
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00:00Donald Trump, le visage ensanglanté, le point levé, entouré par une nuée de gardes
00:05du corps, évacué de la scène du meeting où il vient d'échapper à une tentative
00:09d'assassinat et puis ces mots « fight », « combattez » qu'il assène à la foule.
00:13C'est vrai que l'image est saisissante, on imagine déjà qu'il y aura un avant
00:17et un après dans la campagne mais aussi peut-être dans la vie politique américaine.
00:21Et deux invités en studio ce matin pour le grand entretien de France Inter.
00:26Bonjour Ludivine Gilly.
00:27Bonjour.
00:28Vous êtes historienne, directrice de l'Observatoire de l'Amérique du Nord au sein de la fondation
00:32Jean Jaurès.
00:33Et bonjour à vous Alain Frachon.
00:35Bonjour.
00:36Vous êtes éditorialiste au Monde et ancien correspondant notamment à Washington.
00:40Alors je vous rappelle, vous qui nous écoutez, que vos questions sont les biens de vue,
00:43sont les bienvenus, 0145 24 7000.
00:46Alors est-ce que vous avez été choqué, choqué j'imagine, mais est-ce que vous
00:50avez été surpris surtout par ce qui s'est passé hier en Pennsylvanie ? Est-ce que
00:55quelque part c'était écrit qu'on en viendrait là, Ludivine Gilly, dans cette
00:58Amérique qui sans doute n'a jamais été aussi polarisée ?
01:01Alors effectivement choqué parce que qui ne le serait pas quand un candidat à une
01:07élection présidentielle se fait tirer dessus.
01:09Mais surprise, probablement pas parce que ce sont les Etats-Unis.
01:16Comme vous l'avez dit, la société est extrêmement polarisée et depuis des années.
01:20Et si l'on remonte dans l'histoire du pays, sans aller remonter très loin, mais Ronald
01:27Reagan, tentative d'assassinat dans les années 80, et puis avant ça le pays a quand même
01:33eu quatre présidents assassinés et plus d'une dizaine de tentatives contre des présidents,
01:38candidats ou des presque présidents.
01:41Donc on a un pays dans lequel ces événements ne sont pas des exceptions et donc pas forcément
01:49de surprises vu le contexte récent en plus.
01:52Mais on pourrait dire que ça faisait quelques décennies, alors les années 80 c'est pas
01:56si loin, mais tout de même, que ça ne s'était pas produit à l'infrachon, est-ce que c'est
02:01une résurgence de quelque chose qui effectivement a émaillé régulièrement l'histoire politique
02:05américaine mais qu'on aurait pu croire cette fois appartenant au passé ?
02:08Je ne parlerai pas de résurgence, non, parce que regardez le 6 janvier 2021, c'est pas
02:15très loin et dans le genre de violences en politique, on fait difficilement mieux le
02:216 janvier 2021, Trump est encore président pour quelques jours, il a été battu par
02:28Joe Biden, il a appelé tous ses partisans à venir manifester ce jour-là devant le
02:34Capitole, devant le siège du Congrès, pourquoi ? Parce que ce jour-là, les sénateurs et
02:39les membres de la Chambre des représentants doivent certifier le résultat de l'élection.
02:44Donc une fois qu'ils l'ont certifié, tout le monde est d'accord, c'est Joe Biden qui
02:49a gagné, qui a remporté l'élection, c'est ce qu'on dit d'ailleurs tous les magistrats
02:52qui ont eu à en juger.
02:54Mais Trump, non, Trump se bat pour dire « on m'a volé l'élection », il, entre guillemets,
02:59le système m'a volé l'élection et donc il appelle ses électeurs à venir forcer
03:05la main des membres de la Chambre des représentants, on sait ce qui s'est passé, du vandalisme,
03:11de la violence et il y a eu 6 morts, il y a eu 6 morts le 6 janvier 2021, c'est très
03:17récent, ça accompagne, je dirais, d'une certaine manière, l'image de Donald Trump,
03:23ça fait aussi partie de son image, autant que l'attentat.
03:26Mais pour le moment, l'attentat gomme cette image, elle redonne à Donald Trump une sorte
03:33de virginité politico-judiciaire, il est pour le moment inattaquable et d'ailleurs il a
03:39été aussi, il faut le dire, admirable, pas de panique, courageux et déterminé et comprenant
03:46immédiatement la situation et ce qu'on attendait de lui et ce que ses partisans attendaient
03:51de lui la veille de la convention républicaine qui commence aujourd'hui.
03:55Alors c'est intéressant, effectivement, que vous parliez à l'infraction du Capitole
03:59parce qu'on a le sentiment, le divin Jilly, qu'il a complètement changé de braquet avec
04:04cette tentative d'assassinat, Donald Trump, il était celui qui était le danger pour la
04:07démocratie, là, il se pose à la fois en victime, en rempart d'une vie politique qui
04:14est menacée par la violence.
04:15Tout à fait, alors, malgré tout, je resterai prudente parce qu'on connaît la volatilité
04:21de Donald Trump, les premiers mots qu'il a eus quand il se faisait escorter loin du
04:27site par les services secrets, c'était le point levé « Fight, fight, fight ». Donc
04:32ça, ce n'est pas un appel à la concorde.
04:34En revanche, à la suite, il a eu des mots poussant plutôt vers l'apaisement.
04:41Donc, toute la question maintenant, et la question que je me pose vraiment sans avoir
04:45la réponse, c'est de savoir de quel côté va-t-on basculer ? On a vu circuler sur ces
04:50derniers jours, alors, dans les réseaux complotistes, ça, ce n'est pas une surprise, mais également
04:56les messages qui sont venus de la part du camp républicain, on a eu deux types de messages.
05:01On a eu des appels à l'unité nationale, mais on a quand même eu un certain nombre
05:05de messages non négligeables accusant le camp démocrate et faisant porter la responsabilité
05:11de la tentative d'assassinat contre Donald Trump, soit à Joe Biden, soit au discours
05:17de Joe Biden, soit au soutien de Joe Biden et à la rhétorique qu'il porte.
05:23Donc, va-t-on aller vers ce type de discours en blâmant les démocrates et donc en polarisant
05:31toujours la société, ou va-t-on aller vers un discours plus apaisé ? Personnellement,
05:37je pense qu'on ira plutôt vers la première option que vers la seconde.
05:40On va continuer dans un instant à parler de la suite et justement de la manière dont
05:43la campagne américaine pourrait s'orienter après ce fait majeur, évidemment, parce
05:48qu'on se dit qu'il y aura un avant et un après, mais je voudrais d'abord qu'on s'arrête
05:50sur cette image qui, évidemment, est l'image presque de l'année, je dirais, qui en tout
05:56cas est partout dans la presse, sur les réseaux sociaux, cette image de Donald Trump avec
06:00le sang, mais en même temps, avec le point levé, cette détermination dans le regard.
06:04Et on va accueillir pour cela Alain Genestard qui est en ligne avec nous.
06:07Bonjour.
06:08Bonjour.
06:09Vous êtes fondateur et co-directeur de Polka Magazine qui est un magazine consacré à
06:13la photographie.
06:14C'est donc aux spécialistes de l'image que je m'adresse à travers vous.
06:17Est-ce que c'est une image qui entre dans l'histoire aujourd'hui ?
06:20Oui, elle est totalement entrée dans l'histoire.
06:22Il suffit de regarder les images, les couvertures des magazines et pour prendre le magazine
06:29américain le plus célèbre, Time Magazine, sur cette image, il y a absolument tout.
06:35Il y a le visage de Trump avec le sang, il y a le point qui se lève, il y a la bouche
06:43ouverte et on sent qu'il pousse un cri et ce cri, c'est « Fight ». Oui, c'est une
06:48image incroyable.
06:49Et vous savez, pour qu'une image rentre dans l'histoire, comme vous dites, il faut plusieurs
06:53critères.
06:54Il y a le critère esthétique, il y a la composition de l'image, là, on va dire…
06:57Ça marche.
06:58On va dire même que c'est parfait.
07:00Mais d'abord, il faut susciter une émotion, le choc de l'image.
07:04L'émotion, elle est considérable.
07:06Il y a la sidération, quand on découvre ces images, on a le souffle coupé.
07:09Donc première chose, émotion.
07:11Deuxième chose, la réaction.
07:12Dans un premier temps, réaction, donc des mots, condamnation.
07:15Dans un deuxième temps, on a commencé à parler dans ce débat, c'est les commentaires
07:20sur la violence.
07:21Donc cette image, elle est riche, après, de commentaires qui rentrent dans la campagne.
07:26Et puis, et je dirais presque surtout, il y a une confirmation, donc une information.
07:31Cette confirmation, cette information, c'est que Trump affiche une énergie, une force,
07:37une vitalité, une rage de vaincre au moment où on s'interroge sur la santé de Joe Biden,
07:43etc.
07:44Donc Trump…
07:45Il y a un contraste très fort, c'est ça ce que vous dites à la jeunesse.
07:48C'est Trump l'invincible, Trump la force, et Biden, vulnérable, faiblesse.
07:54Mais vous savez, Alain Frachon a dit quelque chose d'important et que je vais relier
07:58à la photographie.
07:59Une photographie, c'est un instantané, c'est un moment très précis.
08:04Alain a dit tout à l'heure, pour le moment, cette photo, elle est, on va dire, gagnante
08:11pour Trump.
08:12Pour le moment.
08:13Il reste 4 mois.
08:144 mois de campagne, enfin à peine, et là va ressortir le débat notamment sur la violence,
08:22en rappelant, ce qui vient d'être rappelé en ouverture de ce débat, que le grand responsable
08:28de la violence en politique depuis des mois, depuis des années, c'est Donald Trump,
08:33c'est le Capitole, c'est les 6 morts du Capitole et c'est le refus, même pas de
08:38condamner l'assaut du Capitole, mais de l'accompagner, de l'avoir encouragé et
08:43aujourd'hui d'avoir une indulgence pour ce mouvement qui est une manifestation de
08:48guerre civile.
08:49Donc je crois que, pour le moment, ces photos sont considérables en impact, au meilleur
08:54moment pour Trump, parce que Joe Biden est affaibli et parce qu'il y a la Convention,
09:00mais qu'après, cette image, rentrée dans l'histoire, ça veut bien dire ce que ça
09:03veut dire.
09:04Rentrée dans l'histoire, c'est sur l'étagère, c'est à côté, mais l'histoire elle continue
09:11de s'écrire.
09:12Alors justement, c'est intéressant ce que vous dites, c'est un peu image contre image,
09:16c'est aussi ça cette campagne électorale, qu'on l'accepte ou qu'on le déplore, c'est
09:20comme ça.
09:21Et Joe Biden, aussitôt, a voulu lui aussi apporter son image à cela, l'allocution
09:26depuis le bureau Valls, qui est quand même quelque chose d'assez rare, pour rappeler
09:30à l'unité, pour dire que la violence politique n'avait pas de place aux Etats-Unis, à l'infrachon.
09:35Est-ce que c'est une bonne manière, ou en tout cas, politiquement, c'était la seule
09:38manière de réagir à ce qui s'était passé à ce meeting en Pennsylvanie ?
09:42C'était la seule manière, et c'est ce qu'on attend du président.
09:46Joe Biden ne pourra pas compenser la différence d'image, la physionomie, si vous voulez,
09:52de cette élection.
09:54Elle a été, d'une certaine manière, elle a atteint son sommet avec la tentative d'attentat
09:59contre Donald Trump, et évidemment, le contraste entre la force de Trump, sa détermination,
10:04son calme aussi, sous le feu, et avec Joe Biden, qui est hésitant, qui donne cette
10:11image de fragilité, ça, ça ne va pas partir tout de suite.
10:15Mais c'est le langage qu'on attendait de lui, d'une certaine manière, c'est aussi
10:19le langage qu'a tenu Donald Trump.
10:23Maintenant, voilà, les seconds couteaux démocrates sont entrés en action, et sont en pleine exploitation
10:29politique, en rejetant la responsabilité, comme vous le disiez, en rejetant la responsabilité,
10:35sinon sur le président, du moins sur les démocrates.
10:39Ce qui est tout de même paradoxal, parce qu'au fond, cette scène à laquelle on a
10:44assisté, ce jeune homme de 20 ans, auquel son père a offert un fusil de guerre, l'AR-15,
10:52je dirais que c'est véritablement la face sombre du trumpisme, c'est-à-dire les ventes
10:57d'armes sans contrôle.
10:59Il faut savoir que l'AR-15, ce fusil, les républicains au Congrès ont déposé, il
11:06y a quelques mois, une proposition de loi pour en faire l'arme nationale des Etats-Unis.
11:12C'est donc presque un marqueur du parti républicain, l'AR-15.
11:16Vous savez, le parti républicain s'est opposé à toutes les mesures de contrôle
11:20des armements, et donc c'est un de ses marqueurs.
11:23Et cette scène-là, qu'est-ce qu'elle manifeste ? Elle manifeste le contrôle total du parti
11:30trumpiste sur le parti républicain.
11:33Vous savez, ce mouvement MAGA, Make America Great Again, c'est un slogan repris de l'ère
11:38de Ronald Reagan, mais ça n'a rien à voir avec l'ère de Ronald Reagan.
11:42Et bien, ce mouvement MAGA s'est emparé du parti républicain.
11:46Et vous allez voir que dans la convention qui s'annonce, ce sera le culte du chef,
11:51une quasi-sanctification, un héros miraculé, ce qui est vrai, c'est un miraculé, mais
11:58aussi exploitation politique, un martyr du système.
12:02Et on oublie la condamnation pour affaire criminelle, on oublie le condamné pour agression
12:07sexuelle, on oublie le condamné pour escroquerie commerciale, répétez, tout cela est gommé
12:14par la tentative d'assassinat.
12:16Alors on va aller au Standard de France Inter, où nous attend Myriam, bonjour Myriam.
12:21Oui bonjour, depuis deux jours, je ne peux m'empêcher de trouver que cet incident tombe
12:28vraiment à point pour remonter l'image de Trump.
12:32Et compte tenu de ce à quoi il nous a habitué dans le passé, notamment avec le Capitole,
12:38ce qui s'est passé au Capitole, comment ne pas penser que c'est un coup monté qui
12:42a légèrement foiré ?
12:43Merci Myriam pour ce témoignage visiblement partagé par un certain nombre d'auditeurs
12:49de France Inter qui nous appellent au Standard.
12:52Est-ce qu'on peut imaginer, est-ce qu'on peut accréditer, Ludivine Gilly, la thèse
12:58d'une manipulation ou est-ce que c'est là la porte ouverte à bien des théories
13:02du complot ?
13:03À accréditer absolument pas, pour le moment on ne sait pas, pour le moment il manque énormément
13:07d'éléments donc la chose urgente à faire c'est de ne rien dire qu'on ne puisse étayer
13:15et de ne surtout pas extrapoler.
13:16On a vu des théories du complot sortir des deux côtés.
13:19Du côté des républicains accusant le président Biden d'avoir commandité la tentative d'assassinat,
13:26on a aussi vu des théories émerger du côté gauche de la sphère politique avec des théories
13:36accusant précisément l'ex-président Trump d'avoir commandité lui-même une tentative
13:44contre sa personne.
13:45Pour le moment on n'a pas d'éléments.
13:47On n'a pas d'éléments donc prudence et attendons de voir ce que dit l'enquête pour savoir
13:53ce qu'il s'est passé.
13:54Mais les théories circulent et on sait tous que c'est extrêmement important, on a la
14:00réalité d'un côté, on a les faits, avérés ou pas, pour le moment on a énormément d'incertitudes
14:07et ce qu'on a énormément ce sont des théories qui circulent et ces théories peuvent servir
14:12de base à des perceptions.
14:13Toute la question aujourd'hui c'est de savoir quelles sont les perceptions qui vont s'ancrer
14:17à la suite de cet événement-là, basées ou non sur la réalité ?
14:20Alors justement en parlant de perceptions, est-ce que ça peut renforcer les partisans
14:25de Donald Trump ? Ça on a bien compris avec Alain Frachon que ce sera sans doute le cas,
14:29en plus ça arrive juste au moment où Donald Trump va se présenter à cette convention
14:33républicaine donc il va pouvoir bénéficier un peu de l'aura du survivant.
14:37Mais est-ce que ça peut faire basculer des indices, voire des électeurs plutôt démocrates
14:43ou est-ce que c'est trop tôt évidemment pour le savoir ?
14:45Alors à mon sens, Donald Trump est la victime d'une tentative d'assassinat, clairement
14:51ça mobilise sa base et ça unit sa base derrière lui.
14:54Ça crée une émotion nationale, personne n'a envie de voir un opposant politique se
15:00faire assassiner.
15:01Donc ça crée de la compassion.
15:03En revanche, l'élan du cœur vers l'opposant politique, étant donné les discours que
15:11Donald Trump a tenus sur la violence, sur la démocratie, je ne crois pas une seconde
15:18que cet événement-là lui permettra d'attirer des électeurs démocrates.
15:25Ça peut faire revenir éventuellement, temporairement ou de manière plus durable, des personnes
15:31qui étaient éloignées du champ politique, mais convertir des démocrates en républicains
15:35de manière durable, même ponctuelle, je n'y crois pas.
15:38Alain Genestard, j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus, parce qu'au-delà
15:41de l'image, c'est bien sûr son utilisation, sa récupération, son éventuelle manipulation
15:47qui sont importantes.
15:48La question, c'est de savoir qu'est-ce qu'on va faire maintenant de ces images-là
15:51dans un camp et dans un autre ?
15:52Vous avez raison de dire ces images, ce n'est pas une image, ce n'est pas une seule scène.
15:59On a un récit complet.
16:01On dit toujours, le slogan de Polka, c'est chaque photo a son histoire.
16:05Là, on a toute l'histoire.
16:07C'est-à-dire qu'on a avant, donc il y a le candidat Trump qui est en train de parler,
16:12il fait du Trump.
16:13Derrière, on l'aperçut après, il y a la trace d'une première balle.
16:18Après, le pendant, c'est quand il est blessé.
16:22Et il y a la troisième séquence, qui est ce qui se passe immédiatement après, où
16:28on voit cet homme, ce n'est pas récupérer, mais c'est réagir de façon extraordinaire,
16:35par rapport à la situation.
16:36Il est blessé.
16:37Normalement, la garde qui le protège doit l'empêcher de se montrer.
16:42On entend dire « Ouette, ouette », c'est-à-dire « Laissez-moi m'exprimer », et il revient
16:47à la surface.
16:48Donc ça, c'est beaucoup plus fort qu'une seule image.
16:50C'est un récit complet qui montre la détermination d'un homme.
16:54Et comme en plus, il y a un récit extrêmement complet en vidéo et en photographie, ça
17:01va à l'encontre.
17:02C'est l'inversé au dossier, et ça montre que ce n'est pas un complot.
17:06Il y a vraiment quelque chose qui s'est passé, qui est échappé à tout le monde,
17:10et la mise en danger du Président est telle que si c'était une mise en scène, ce serait
17:16prendre un grand risque.
17:17Mais à propos de mise en scène, on a vu sur ces images, qui sont un film, on a vu un grand
17:22acteur.
17:23On peut tout dire sur Trump, sa mégalomanie, ses erreurs, sa folie, mais c'est un acteur.
17:31Là, il a joué de façon naturelle, et d'une façon d'ailleurs, il faut le dire aussi,
17:38puisqu'on débat de la violence, il a réagi de façon extrêmement violente.
17:42De dire « Fight ! Fight ! Fight ! » au moment où vous recevez une balle qui vous a non
17:47pas frôlé, mais touché l'oreille, donc pas loin de la tête, lui, il a l'énergie
17:51pour encourager au combat.
17:53Alors qu'est-ce qu'on peut faire maintenant, Jean-Michel, sur l'appli France Inter demande
17:56est-ce que Joe Biden, en retirant sa candidature, pourrait contrebalancer cette publicité pour
18:02Trump, Alain Frachon, qu'en pensez-vous ?
18:04Écoutez, je n'ai pas d'opinion très tranchée là-dessus, mais ce qu'on voit, je pense
18:10que Ludivine me confirmera ça, c'est qu'il y a deux hypothèses dans le Parti Démocrate.
18:14Il y a celle qui dit « c'est pas le moment de changer ». Il faut que Biden, par la dignité
18:19de sa réaction, par le fait qu'il a téléphoné à Trump, immédiatement après l'attentat,
18:25par ce qu'il a dit à deux reprises, et notamment, vous le mentionniez, lors de cette
18:30intervention très solennelle dans le bureau Oval, c'est lui qu'il faut garder et on
18:36ne va pas au combat de manière divisée, ce n'est pas le moment de faire un débat
18:40entre nous, on est à quelques semaines de la Convention démocrate, il a remporté les
18:45primaires, parce qu'il y a eu des primaires, même s'il n'y a pas eu de candidat officiel
18:50ou alors de façon très marginale contre Joe Biden, c'est les 4000 délégués démocrates,
18:56c'est lui qui les a, ils sont sur son nom, les électeurs démocrates se sont prononcés,
19:01ce n'est pas le moment de changer.
19:02Et d'autres diront « non ». Face au dynamisme, face à la détermination, au courage aussi
19:08manifesté par Trump, il faut changer, il faut une nouvelle tête, qui ne peut être
19:14qu'après un débat, sans doute, mais qui ne peut être que Kamala Harris, la vice-présidente
19:20qu'on n'a pas beaucoup vue, dont on dit qu'elle n'est pas douée pour la politique,
19:24mais à vrai dire, on n'a rien à lui reprocher non plus, et donc certains disent « oui,
19:30il nous faut une nouvelle tête ». Et en plus, si vous voulez, il y a ce sentiment
19:34dans l'électorat démocrate assez profond, il ne faut pas oublier que la majorité de
19:38l'électorat démocrate ne veut pas que Joe Biden se représente, il ne lui reproche
19:44pas ce qu'il a fait, il a fait beaucoup de choses, mais il estime qu'il est trop
19:47âgé, 81 ans, trop frail, trop fragile pour se représenter.
19:52Et bien, voilà, donc il faut changer, et l'électorat sait bien que la santé de
19:59Trump, au mieux elle sera stationnaire, mais en principe, elle ne va pas s'améliorer.
20:05Le mot de la fin pour vous, Ludivine Gilly, est-ce que ça veut dire qu'il y aura peut-être
20:09une campagne apaisée après ça ? Que ça peut donner un coup d'arrêt aussi à toute
20:12cette violence qu'on avait vue monter ces dernières années ? Vous ne semblez pas y
20:16croire ? Je n'y crois pas, je pense qu'on va avoir
20:18quelques jours de flottement et que les démocrates vont reprendre leur campagne et que les républicains
20:24redeviendront les républicains qu'on connaît.
20:26Bon, peut-être une campagne qui peut-être ressemblera à celle d'avant, malgré ce
20:30qui s'est passé en Pennsylvanie.
20:32Merci à tous les trois, en tout cas, d'avoir alimenté le débat.
20:35Ludivine Gilly, vous êtes docteure en histoire, Alain Frachon, éditorialiste au Monde, et
20:39Alain Genestard, co-fondateur de Polka Magazine.