A 9h20, le réalisateur culte Jean-Marie Poiré est l'invité de Léa Salamé. Il publie ses mémoires "Rire est une fête" (Michel Lafon).
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 France Inter, le 7-10.
00:07 - Et Léa, ce matin vous recevez un grand réalisateur.
00:09 - Bonjour Jean-Marie Poiret. - 1m86.
00:11 - Ouais, 1m86, c'est pas mal, c'est pas mal.
00:14 Si vous étiez une époque, un personnage historique, une voiture de collection et un défaut, tout ça à la fois.
00:20 Alors une époque d'abord, vous seriez quoi ?
00:21 - La Renaissance, c'est-à-dire que vraiment, François 1er, voilà, c'est l'homme que j'admire beaucoup parce qu'il aimait les artistes.
00:32 Il a ramené Vinci quand même, c'est pas zéro.
00:35 - Non, c'est pas zéro. - Et c'est horrible à dire ce que je vais dire.
00:39 Les gens vont être scandalisés. Mais il a mis la fin au Moyen-Âge alors que moi j'ai fait fortune avec le Moyen-Âge.
00:46 - Ah bah oui ! Et pourtant !
00:48 - C'est lui qui a niqué le Moyen-Âge et donc... Mais enfin bon, c'était mieux quand même.
00:53 - Alors si vous prenez un personnage historique, c'est lui ? C'est François 1er ? Ou un autre ?
00:57 - Je crois que ma plus grande admiration pour un homme qui ne serait d'ailleurs aujourd'hui même pas élu, je pense que c'est Churchill.
01:06 Parce que Churchill est la seule personne qui nous ait sauvé d'Hitler.
01:10 Tout le monde voulait laisser tomber, y compris tous les Anglais, les Américains, tout le monde.
01:16 Donc on serait aujourd'hui très emmerdés.
01:18 - Une voiture de collection ?
01:20 - Ah une... J'ai voulu en acheter une, puis après on m'a dit du prix. J'ai dit merci, je m'en vais. C'était une de la Haye.
01:28 - Et enfin un défaut. Si vous étiez un défaut Jean-Marie Poiret ?
01:32 - Oh là là... C'est compliqué, mais j'en ai tellement ! C'est une putain ! La putasserie !
01:40 - La putasserie ! Parce qu'une putain c'est pas un défaut !
01:43 - Non, non, putain c'est plutôt sympathique. J'aime bien les putains moi.
01:49 - La putasserie ?
01:51 - Oui, enfin ou la lâcheté. Je suis très courageux dans le travail. Je peux, si je suis acculé, être très combatif.
02:03 Mais dans l'ensemble...
02:06 - Vous êtes lâche ?
02:07 - Oui, je suis très lâche.
02:09 - Écoutez, pour une fois qu'on a un invité qui ose un vrai défaut.
02:13 - Normalement c'est la gourmandise.
02:15 - La gourmandise ou l'impatience.
02:17 - La gourmandise c'est pas un défaut. La gourmandise c'est une qualité.
02:21 Non, non, je suis très lâche. C'est-à-dire que je me défile.
02:26 J'ai vécu avec trois personnes en même temps parce que je n'arrivais pas à dire ce que je voulais faire.
02:34 - Vous n'êtes pas obligé d'aller si loin !
02:37 En matière de cinéma, il n'y a que des péchés. Et le péché capital c'est l'ennui.
02:42 - C'est une phrase de Capra.
02:46 C'était d'ailleurs la devise de mon papa qui était producteur de films.
02:52 - Votre père Alain Poiret c'est le producteur mythique de la Gomonde.
02:56 Sans doute le plus grand producteur français de tout le monde.
03:00 - Je ne suis pas sûr que ce ne soit pas le plus grand producteur du monde.
03:03 Il a fait 500 millions de spectateurs.
03:07 500 millions de spectateurs c'est beaucoup.
03:11 - Vivre vite, surtout ne pas s'ennuyer. Filmer vite, écrire vite.
03:15 Des scènes, des vannes, des émotions, ça a été toute votre vie Jean-Marie Poiret.
03:18 Vous dites "Rien ne vaut être caché dans une salle de cinéma et entendre 1000 personnes plier de rire devant votre film".
03:25 Vous incarnez à vous seul 60 ans de cinéma français.
03:28 Jacouille Lafripouille, Béat de Montmirail, dans "Les Visiteurs" c'est vous.
03:31 Zezette dans "Le Père Noël est une ordure" c'est encore vous.
03:34 "Papy fait de la résistance", le film préféré de Patrick Modiano.
03:37 Ou "L'opération de corneau de bif" c'est encore vous.
03:39 Vous êtes le réalisateur aux 40 millions d'entrées avec vos comédies populaires à la française.
03:44 Vous avez aussi été scénariste des films de Michel Audiard.
03:47 Vous êtes le fils du producteur mythique de "La Gaumont" Alain Poiret.
03:52 Et vous sortez vos mémoires, votre autobiographie, très personnelle, très drôle, très cache,
03:56 bourrée d'anecdotes assez folles, de portraits savoureux d'acteurs que vous avez aimés
04:00 et de pas mal de coups de griffe pour les autres.
04:02 Ça s'appelle "Rire est une fête" chez Michel Lafon.
04:05 Pourquoi alors que vous disiez jamais au grand "Jamais j'écrirai mes mémoires"
04:07 vous vous êtes laissé convaincre par cette idée ?
04:10 En fait, c'est pas vraiment une autobiographie.
04:16 Je trouve que ça n'a pas beaucoup d'intérêt de raconter sa vie, honnêtement, à part si on est un héros.
04:22 Mais c'est parce que dans les dîners, j'ai quand même pas mal d'heures de vol,
04:28 et donc j'ai fait beaucoup de dîners.
04:30 Dans les dîners, on vous invite pour que vous vous amusez à la galerie.
04:34 Et donc quand je voyais des gens pliés de rire,
04:37 parce que je racontais une anecdote sur un film, sur un personnage,
04:41 ça m'arrivait en partant, j'ai une collection, absolument, je ne vais même pas vous les foutre,
04:47 de petits... je ne fais pas de la pub, c'est des petits Moleskine, des petits calepins.
04:53 Donc je disais...
04:54 Vous notez ?
04:55 Je note et je dis ça, ça fait marrer, c'est marrant, etc.
04:58 Et puis les gens me disaient toujours "mais il faut écrire vos souvenirs, il faut écrire vos souvenirs".
05:02 Et puis je me suis trouvé avec une période d'inactivité,
05:04 en dehors du fait que je suis devenu peintre et que maintenant je fais des tableaux,
05:08 mais parce qu'il faut bien s'occuper, qu'on ne propose pas des films tous les jours.
05:13 Donc je me suis dit "tiens, pourquoi pas écrire ça, surtout avant d'oublier,
05:17 parce qu'il y a aussi un âge où on va se mettre à tout oublier.
05:20 Alors, tant que je peux me souvenir...
05:23 Et quel souvenir ?
05:24 Votre livre s'ouvre d'abord sur un vent, un râteau que vous met cette femme.
05:29 "Oh, il part avec votre penchon, lâchez les serpillets !"
05:33 C'est le râteau que vous met Valérie Lemercier pour "Les Visiteurs 2".
05:36 Vous l'invitez à déjeuner à la Closerie des Lilas pour tenter de la convaincre,
05:39 après les 14 millions d'entrées des visiteurs.
05:41 On rappelle que c'est le film le plus vu après "La Grande Vadrouille" pour l'époque.
05:45 Vous tentez de la convaincre de faire le 2, vous lui donnez tout, vous utilisez tous les arguments.
05:51 Elle vous dit oui, puis elle vous dit non, puis elle vous dit oui, puis elle vous dit non,
05:54 puis elle vous dit oui, c'est sûr, ok, je fais le 2.
05:56 Ensuite, elle descend aux toilettes, elle remonte, et qu'est-ce qu'elle vous dit ?
05:59 Elle dit finalement non.
06:01 Je pensais qu'elle allait changer d'avis.
06:04 D'abord, c'était un accident industriel, parce que je suis producteur de "Les Visiteurs".
06:11 Les décideurs sont très durs.
06:14 Le cinéma, ce sont des affaires.
06:16 Tant que vous arrivez, il n'y a plus Valérie Lemercier.
06:19 On vous dit "Ah ben, on ne te donne plus ce qu'on te devait te donner".
06:22 Donc, c'est un drame pour vous.
06:24 Oui, c'est un drame pour moi.
06:26 Je propose par exemple une actrice comme Sabina Zema, que je trouve une actrice géniale.
06:31 On vous répond non.
06:33 On me répond, mais c'est n'importe quoi.
06:36 Tout le monde.
06:38 Valérie Lemercier vous dit non, pourquoi ?
06:40 Vous écrivez parce qu'elle s'est mal entendue avec les deux autres stars du film,
06:43 Christian Clavier et Jean Reno.
06:45 Alors maintenant, c'est compliqué, parce que je ne sais pas si les mémoires,
06:49 ce n'est pas souvent complètement faux.
06:51 C'est-à-dire que parce que je lis dans les journaux, comme en ce moment,
06:55 on parle de mon livre, je lis des espèces d'articles qui sortent
07:01 avec Valérie Lemercier interviewée, qui dit "Mais Jean-Marie Poiré aussi a été odieux".
07:05 Ah oui ?
07:06 Alors bon, maintenant, ça me colle un doute.
07:09 Je dis peut-être que j'ai été odieux.
07:11 Je ne crois pas.
07:13 Elle dit, il disait "Tu n'étais pas drôle".
07:16 Je n'y crois pas.
07:18 Ce n'est pas du tout le genre de choses que je pourrais dire.
07:20 Je ne dirais jamais à un acteur "Tu n'es pas drôle".
07:23 En tout cas, vous racontez ce qui est assez incroyable pour elle, pour vous,
07:26 c'est que Valérie Lemercier, qui joue ce personnage absolument génial
07:30 de Béatrice de Montmirail, elle ne va au départ pas tellement comprendre son personnage.
07:34 Et donc, le film est terminé, elle va le voir en montage
07:38 et elle décide de tout refaire en post-synchronisation.
07:41 C'est-à-dire qu'il faut expliquer aux auditeurs que tout ce qu'on entend
07:45 des visiteurs de Lemercier, ce n'est pas ce qu'elle a prononcé en live
07:49 au moment du tournage.
07:51 Vous avez regardé quelques-unes.
07:52 Mais ce que je veux dire, c'est qu'elle se voit et elle dit "Mais je ne suis pas drôle".
07:54 Et elle refait tout en accentuant les "Ah", les "Oui", les machins
07:58 pour avoir cette question snob qui a été géniale.
08:01 Oui, elle a découvert le film, les post-synchros, ce sont des choses qu'on fait en studio
08:05 pour corriger, parce que quand on enregistre des films, il y a des bruits de voiture,
08:10 il y a un marteau-piqueur, il y a des trucs comme ça, donc ce n'est pas audible.
08:14 Donc, on refait des parties du dialogue.
08:16 C'est très compliqué, c'est très cher.
08:19 Il faut marquer le texte pour que les acteurs le lisent, etc.
08:23 Elle voit le film et brusquement, elle est authentiquement, je ne dis pas épatée,
08:31 mais elle dit "Ah, c'est très drôle, je ne voyais pas ça comme ça".
08:35 Mais elle me dit "Mais j'ai tout raté, il faut que je refasse tout".
08:38 Je lui dis "Tu te fous de moi, je ne peux pas faire tout, on n'a pas le temps".
08:41 Et puis vous la rappelez, vous lui dites "Ah non, il ne faut pas".
08:43 Et puis après je lui dis "Mais tant pis, je ne sais pas pourquoi".
08:45 Et puis elle le refait et elle a amélioré incroyablement.
08:48 Franchement, les pages sur les visiteurs, ce que vous racontez sur le producteur Alain Terzian
08:53 qui veut vous couper les scènes, le hockey, il ne trouvait pas ça drôle.
08:57 Il voulait couper les 20 premières minutes sur le Moyen-Âge.
08:59 Il disait "Ce n'est pas drôle, on coupe".
09:01 Vous insistez, vous montrez aussi comment c'est une bataille perpétuelle pour l'argent.
09:05 Parce que oui, c'est aussi de l'argent.
09:07 Comment personne n'y croyait sauf Clavier et vous.
09:09 Tout le monde vous a dit, même Alain Terzian est venu vous faire l'entièreté des films sur le Moyen-Âge.
09:14 En vous disant "Ça n'a été que des fours, le Moyen-Âge ça ne marche pas".
09:18 Bon, ça va être un des plus grands succès du cinéma.
09:20 Et puis alors très drôle, Fabrice Lucchini a failli être du casting.
09:24 Il avait lu le scénario, il l'avait adoré, il vous appelle, il vous invite à déjeuner,
09:27 il vous dit "Je veux être dans le film".
09:29 Pourquoi ça ne s'est pas fait ?
09:31 Mais en plus, il était étourdissant parce qu'on dit, je ne sais pas si c'est vrai,
09:37 qu'il est quand même assez près de ses sous.
09:39 Il m'invite à déjeuner, c'est lui qui me dit "Je t'invite dans un restaurant étoilé, très cher, très bon".
09:44 Et en plein milieu du repas, brutalement, il se met à jouer le film.
09:48 Et il joue tous les rôles.
09:50 Il avait appris, pas son rôle qu'il voulait faire, il voulait faire le mari d'Antiste.
09:56 Mais il se met à jouer Clavier, il se met à jouer Béat, il prend une voix de femme.
10:01 Il connaît tout le film par cœur et il est étourdissant.
10:04 Parce que je lui disais "Mais Fabrice, je vous admire comme acteur, mais vous êtes quelqu'un d'extraverti.
10:11 Le personnage est un timide introverti, ce n'est pas du tout vous".
10:14 Et comme ça m'arrive souvent, l'acteur montre qu'il est plus fort que son image et réussit ça.
10:21 Et donc, à la fin du repas, je lui dis "Vous êtes engagé".
10:24 Et puis bon, il a demandé des sommes que je ne pouvais pas payer.
10:28 Et comme je disais tout à l'heure, c'est une industrie.
10:32 Et en plus j'avais déjà mon budget.
10:35 Donc je disais "Mais si j'appelle et je dis à FR3, il y a le Kini en plus, on s'en fiche".
10:43 Donc je n'aurais pas à rendre plus.
10:46 - Voilà, c'est à peu près ça.
10:47 C'est mémoire, c'est tout ça.
10:48 C'est tous ses souvenirs.
10:49 Avant les visiteurs, il y a le père Noël.
10:51 - C'est des mémoires salopes, quelques fois.
10:53 - Oui, ça je vous le confirme.
10:54 Mais c'est ce qui rend, au moins c'est pas chiant.
10:56 Je peux vous dire, on apprend plein de choses sur le milieu du cinéma.
10:59 Par exemple, le père Noël est une ordure.
11:01 On est en 82, la bande du splendide vient d'exploser avec les bronzés.
11:04 Clavier, Chazelle, Balasco vous veulent comme réalisateurs du père Noël.
11:08 Il va falloir convaincre Gérard Juniau et Thierry Lhermitte qu'ils ne voulaient pas.
11:11 - Alors il paraît que ce n'est pas vrai parce que j'ai eu un texto de Gérard Juniau ici.
11:16 Il me dit, je ne sais pas pourquoi, parce qu'il a lu à papier dans un canard du matin.
11:20 - Il dit "Non, ce n'est pas vrai, je ne suis pas contre toi".
11:21 - Et il m'a dit "Mais jamais j'ai dit ça, qu'est-ce que c'est ?"
11:24 Alors j'ai dit "Écoute, c'est Clavier qui le dit dans la préface".
11:26 Je dis "Moi, je ne suis pas responsable".
11:28 - Oui, mais en tout cas, il a fallu les convaincre, vous allez...
11:31 - Oui, mais en fait, après il y a eu une entente absolument formidable.
11:35 C'est vrai, mais...
11:36 Donc, vous savez, c'est ça, c'est qu'on ne sait jamais.
11:39 Il y a autant de vies, autant de versions.
11:42 Et on ment beaucoup sur les souvenirs.
11:45 Moi, d'ailleurs, quand je mens, c'est simplement pour être plus drôle.
11:48 - Il y a Depardieu.
11:50 Depardieu qui vous appelle après les visiteurs parce qu'il veut absolument tourner avec vous.
11:53 Ça va donner les anges gardiens avec Christian Clavier.
11:56 Christian Clavier qui signe la préface de votre livre.
11:59 Christian Clavier qui est, on le devine, la grande rencontre professionnelle de votre vie.
12:03 Peut-être avec Josiane Balasco qui est un peu comme votre sœur, mais avec de très belles pages sur eux.
12:07 Depardieu, les pages sur Depardieu sont intéressantes parce que vous dites qu'il est monstrueux dans tous les sens du terme.
12:11 Monstrueusement, éblouissant, génial et sensible comme acteur.
12:14 Mais aussi un monstre avec la bouffe, l'alcool, l'argent, les femmes et les autocrates.
12:19 Il y a deux Depardieu comme le dit Raphaël Baquet et Samuel Bumefeld dans leur bouquin.
12:26 - Oui, je crois qu'il est quand même plus amusant que l'homme qu'ils décrivent.
12:33 Parce qu'il y a une chose, aujourd'hui il est un peu au banc de la société,
12:42 alors que c'est un des hommes les plus charmants qu'il soit.
12:46 Et en plus c'est un homme très charmant parce que c'est un homme incroyablement féminin.
12:51 C'est-à-dire que quand...
12:53 J'ai une grosse bourrue, je ne rentre pas dans les trucs.
12:57 Il a la maladie de la tourette, ça c'est une évidence, il avait déjà la maladie de la tourette.
13:01 - Il dit des grossières théalogiquement.
13:03 - Sans arrêt, des obscénités tout le temps.
13:05 Bon, ce n'est pas très grave, moi ça ne me dérange pas, les obscénités m'amuseraient plutôt.
13:08 Mais c'est quelqu'un d'une sensibilité incroyable.
13:13 Donc si on dit "attention, là tu me fais mal", il se transforme en homme de 8 ans
13:18 et je le trouve absolument touchant et adorable.
13:21 - Et en même temps il est double.
13:22 - D'ailleurs je l'ai filmé comme ça parce que j'ai gardé à la fin "Les anges gardiens"
13:26 un moment où il s'assied sur un masque d'enfant qui est tombé
13:32 et il fait une petite mimique qu'on a quand on est gosse et qu'on a fait une bêtise.
13:36 - Et vous l'avez gardé.
13:37 Il y a encore mille souvenirs dans votre livre, j'aimerais parler de tous.
13:41 Je vais parler d'un mot du tournage des "Meilleurs copains" avec Gérard Lanvin, Jean-Pierre Daroussin et Jean-Pierre Bacry
13:45 qui vont vous donner des sueurs froides, vous raconter le problème c'était le pétard,
13:48 quand tu rentrais dans leur loge tu étais déjà défoncé.
13:50 Le pétard dont vous avez abusé jeune, vous vous dites "ça rend cool et con".
13:54 La cocaïne aussi, il y a des pages sur la drogue, vous vous dites "la cocaïne, je n'aime pas trop cette drogue
13:58 qui vous rend vide, paranoïaque et imbuvable mais c'est vrai que c'est un remède à la timidité,
14:02 ça vous a aidé à un moment de votre vie".
14:04 Et puis il y a cette très belle page sur Jean-Pierre Bacry qui joue un homosexuel dans le film.
14:09 Vous dites qu'il avait du mal à jouer un homosexuel et à un moment devant tout le monde,
14:13 vous l'engueulez ultra-violemment devant tout le monde sur le set, sur le tournage.
14:18 Et ensuite vous voulez vous excuser, puis le temps passe, mais vous ne vous excusez pas,
14:22 il va être très malheureux de ça.
14:24 Et quelques mois avant sa mort, dans une émission de télé, vous vous réconciliez avec Bacry.
14:28 C'était là que j'ai profité de ça.
14:32 Je parlais de lâcheté, c'était quand même un peu par lâcheté parce que je suis resté
14:36 avec un arrière-goût désagréable.
14:39 Parce que je trouvais Bacry un acteur fantastique, un homme très drôle et très charmant.
14:45 Et donc c'est vrai que plusieurs fois je me dis qu'il faudrait que je l'invite à bouffer,
14:50 qu'il faudrait que j'en parle.
14:53 Et puis tout à coup, il y a une télévision qui me téléphone pour me dire
14:57 "On fait un JT sur Bacry et on aimerait bien avoir votre sentiment, on vient, on va parler."
15:02 Et ils me font une interview de 2h10.
15:04 Donc je me dis "Il se fout de ma gueule, dans un JT on a le droit à 20 secondes."
15:09 Donc ils me font "Ah, mais il n'y a pas eu une histoire de bagarre, etc."
15:15 Et ce qui m'a bouleversé, c'est que quand ils ont dit, parce que j'ai vu le JT,
15:20 c'est qu'ils ont dit à Jean-Pierre "Ah, il y a un metteur en scène qui va parler de vous,
15:25 c'est Jean-Marie Poiret, et il fait une tête épouvantable et il fait...
15:29 Ah oui, je sais ce qu'il va dire."
15:31 Et moi, j'ai profité de cette...
15:34 - On vous excuse. - Voilà, j'ai dit "Je m'excuse, je demande pardon à Bacry,
15:38 j'étais producteur de ce film, stressé, il était tard la nuit, j'étais un con,
15:43 j'aurais dû lui parler..." - Et il a les larmes aux yeux.
15:47 - Et j'ai cru qu'il allait pleurer.
15:50 Et honnêtement, je vais vous dire pourquoi je suis ravi de ça.
15:53 C'est parce qu'il est mort peu de temps après, et j'aurais été désespéré qu'il meure
15:57 et que je n'ai pas pu lui dire que je l'aimais.
16:00 Il faut toujours dire aux gens qu'on les aime parce qu'ils peuvent disparaître très vite.
16:05 - Alors, j'aurais eu encore mille questions à vous poser, parce que c'est vrai que vous avez mille vies,
16:09 vous avez eu mille vies, vous racontez vos dîners avec Gilles Deleuze,
16:12 vous racontez quand vous croisez Jim Morrison au "Baise et ivre",
16:15 Jean-Michel Basquiat défoncé et agarre, il y a aussi des pages sur Michel Audiard
16:19 qui va vous mettre le pied à l'étrier, comment vous écrivez les films avec lui,
16:23 il y a des pages sur Gérard Houry qui va aussi vous faire écrire "La grande vadrouille",
16:27 Louis de Funès qui attendait vos rires, Jean-Marie Poiré,
16:29 pour savoir que la scène était réussie dans "Oscar", vous dites que c'est le plus grand acteur du monde.
16:33 Il y a mille questions, il y a les échecs aussi, le fait que vous tournez plus là maintenant,
16:38 il y a l'échec des visiteurs aux Etats-Unis.
16:40 Mais bon, il nous reste une minute, vous allez répondre en un mot,
16:43 je fais les impromptus très rapidement, et ensuite les auditeurs achèteront votre livre.
16:48 Le plus grand président de la Ve République à vos yeux ?
16:51 De la Ve République ? J'aime beaucoup, de Gaulle d'abord,
16:56 et peut-être Pompidou qui était quand même un homme qui aimait beaucoup les arts.
16:59 L'argent fait-il le bonheur ?
17:01 Non, l'argent est indispensable pour le bonheur, mais par contre il faut plus.
17:08 Louis de Funès ou Christian Clavier ?
17:10 Ils sont trop différents, et d'ailleurs je déteste quand on dit que Christian Clavier,
17:16 copie de Funès, c'est absolument le contraire.
17:19 Michel ou Jacques Audiat ?
17:21 Les deux sont très sympathiques, et Jacques a l'intelligence de se démarquer de son père
17:29 et de faire un travail formidable, c'est un météorologiste extraordinaire.
17:32 Paris ou Bruxelles ?
17:34 J'habite Bruxelles, donc je préfère beaucoup Bruxelles, je vous le dis tout de suite.
17:37 Duras ou Sagan ?
17:39 Il y a des pages sur Françoise Sagan où vous vous éclatez avec elle.
17:42 Sagan était tellement drôle, et Duras n'était pas très drôle.
17:47 Les Frères Toledano ou La Bande à Fifi ?
17:50 Les Frères Toledano.
17:52 Télérama ou Le Parisien ?
17:54 Télérama m'a toujours massacré la gueule à cause de pied dans la figure.
18:01 C'est quoi l'autre ?
18:03 Le Parisien.
18:05 Je ne lis pas beaucoup.
18:07 Vous lisez quel journal ?
18:09 Je ne lis pas le journal du tout.
18:11 Est-ce que vous avez imaginé votre épitaphe ?
18:14 C'est quoi l'épitaphe ?
18:16 Ce qu'on met à la mort.
18:18 Je ne vous avais plus dit que j'allais être très malade.
18:22 Et Dieu dans tout ça Jean-Marie Poiret ?
18:28 Lequel ?
18:30 Est-ce que vous savez ce qui sera diffusé sur France 2 dimanche soir ?
18:33 "Papi fait de la résistance".
18:36 C'est génial.
18:38 J'ai l'impression qu'ils ont appris que mon bouquin sort, ils sortent tous mes films.
18:42 Le bouquin s'appelle "Rire est une fête. Mémoire cache d'un réalisateur culte".
18:46 C'est chez Michel Lapont.
18:48 C'est des rapaces quand même.
18:50 Quand on parle d'industrie, il sort son bouquin.
18:52 Qu'est-ce qu'on peut faire ?
18:54 On l'a acheté une fortune.
18:56 Mets-le, mets-le.
18:58 Merci Jean-Marie Poiret.
19:00 C'est moi qui vous remercie.