• il y a 7 mois
Solène Chalvon-Fioriti, reporter et réalisatrice du documentaire : « Nous, jeunesse(s) d'Iran. Voyage interdit au sein de la génération "Z" iranienne » (diffusé dimanche 21 avril sur France 5, à 21H05) est l’invitée de 9h20 de Léa Salamé.

Plus d'infos : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-lundi-15-avril-2024-6370929

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Transcription
00:00 Bonjour Solène Chalvon-Fioritti.
00:02 Bonjour.
00:02 Merci d'être avec nous ce matin.
00:04 Si vous étiez un pays, une langue et un livre, vous seriez quoi ?
00:08 Alors un pays je dirais l'Afghanistan, puisque c'est le pays qui m'a apporté ma famille, ma carrière.
00:14 Un livre je dirais Anima de Wajdi Mouawad, qui est une chasse à l'homme extraordinaire.
00:24 Et une langue ?
00:25 Et une langue, je dirais le Dari, qui est le persan afghan, que je me suis évertuée à apprendre toutes ces années.
00:32 J'ai encore du taf.
00:33 Le persan afghan, c'est étonnant parce que c'est vrai qu'on vous avait découvert, vous êtes grand reporter,
00:40 vous êtes documentariste, on vous avait reçu ici il y a un an pour votre documentaire éblouissant,
00:44 "Afghan sur la vie des femmes sous le régime taliban", qui avait été diffusé sur France 5
00:48 et qui avait fait le meilleur score de la case en documentaire de France Télé de toute l'histoire.
00:52 Vous aviez fait un million et demi de téléspectateurs pour les Afghanes, c'était énorme pour France 5 en prime.
00:58 Et vous revenez avec un autre documentaire qui sera diffusé aussi dimanche prochain à 21h sur France 5.
01:03 Et là pour le coup, c'est l'autre pays, c'est le persan, c'est l'Iran.
01:07 Le documentaire s'appelle "Nous, jeunesse d'Iran, voyage interdit au pays de la génération Z iranienne".
01:14 Vous décrivez la mosaïque qu'est la jeunesse iranienne.
01:17 Un jeune sur quatre en Iran à moins de 25 ans, un jeune sur six à moins de 35 ans,
01:22 à travers le portrait de six jeunes, des garçons, des filles, des urbains, des ruraux,
01:26 tous percutés par la révolution "Femmes, vie, liberté" qui couvre depuis 2022 et la mort de Massa Amini.
01:32 Pourquoi vous avez mis "jeunesse d'Iran" au pluriel ?
01:35 Parce que justement cette jeunesse n'est pas homogène.
01:39 La jeunesse, ce n'est pas simplement la jeunesse qu'on a pu voir à l'automne 2022 dans les images de "Femmes, vie, liberté".
01:45 C'est une jeunesse très urbaine, c'est une jeunesse de la classe moyenne, mais il y a d'autres mondes en Iran.
01:51 Je voulais explorer les sphères religieuses et puis explorer en fait ce qui les relie tous.
01:58 Et ce qui les relie tous, vous l'avez dit, j'ai été la première surprise d'ailleurs,
02:01 c'est l'onde de choc "Femmes, vie, liberté" sur laquelle ils ont tous quelque chose à dire.
02:05 Et surtout une onde de choc qui les a tous vraiment choqués, où qu'ils soient.
02:09 On va en parler parce qu'il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre.
02:12 Parce qu'il y a même des jeunes iraniens qui sont contre cette révolution.
02:15 Mais d'abord un mot sur l'actualité, cette attaque sans précédent d'Israël par le régime iranien samedi,
02:19 le risque d'escalade régionale.
02:21 Les jeunes iraniens et les jeunes iraniennes que vous suivez, à qui vous avez parlé ce week-end après l'attaque,
02:25 est-ce qu'ils se préparent à un conflit ouvert, à une guerre régionale avec Israël ?
02:31 Non, pas vraiment.
02:32 Alors ceux avec lesquels j'ai discuté depuis l'attaque sont plutôt inquiets en fait pour les frais d'essence.
02:39 C'est-à-dire qu'ils ont peur, ils n'ont pas tous nécessairement une voiture,
02:43 mais ils ont besoin de prendre le taxi pour aller à la fac.
02:45 Donc en fait ils ont peur des frais d'essence qui risquent encore d'augmenter.
02:49 Et ils ont peur aussi parce que, en fait je ne sais pas si vous avez vu,
02:53 mais ça se passe souvent comme ça d'ailleurs dans la politique iranienne.
02:55 C'est-à-dire qu'on attire les yeux vers Gaza, mais en réalité on a vu ces derniers jours
03:00 le retour sinistre de la police religieuse iranienne qui avait complètement disparu ces derniers mois.
03:05 Et là on a plusieurs images de filles qui sont raptées dans la rue avec la même violence
03:10 que ce qu'on avait vu à l'époque avec Gilah Marzahamini.
03:13 Et donc ça, ça nourrit une vraie peur de la part des jeunes femmes qui ont notamment tourné ce film.
03:18 Mais sur l'attaque israélienne, non en fait, ils sont assez persuadés pour ceux avec lesquels j'ai discuté.
03:23 Il y a un tel cynisme, une telle hypocrisie du régime iranien sur la question de Gaza
03:27 qui est d'ailleurs évoqué dans le film.
03:29 Qui est évoqué dans le film parce qu'on voit dans le film que partout dans Téhéran
03:32 il y a des affiches de Gaza avec des enfants en sanglanté, le visage d'enfants en sanglanté.
03:37 C'est partout dans Téhéran, on le voit dans le film.
03:40 C'est partout et d'ailleurs on ne filme pas qu'à Téhéran, on est dans trois villes iraniennes, c'est partout.
03:44 Et surtout ces affiches sont moquées, parce qu'elles sont constamment renouvelées.
03:49 Et donc avec une espèce de farce macabre, des images toutes plus glauques les unes que les autres.
03:54 Des enfants de Gaza avec des ailes dans le dos, avec Al-Aqsa derrière en sanglanté.
03:59 Il y a toute une mise en scène qui est vraiment moquée par Sarah qui nous raconte ce film.
04:04 Mais qui est aussi, je pense qu'on n'a pas bien vu nous ici, à quel point depuis l'attaque du 7 octobre
04:09 le régime iranien essaye de recycler cette histoire en permanence.
04:14 On voit ce jeune homme Basiji, de cette milice iranienne qui raconte comment son petit frère qui a 8 ans
04:20 dans les mises en scène et dans les spectacles de théâtre qu'il fait à l'intérieur du Basiji
04:24 on les fait de nouveau martyrs, on les déguise en martyrs, de nouveau martyrs de la cause de Gaza.
04:30 Et donc il y a toute cette martyrologie qui est très présente dans votre film.
04:33 Vous expliquez que c'est vraiment quelque chose de culturel et d'historique en Iran, le culte du martyr.
04:39 Parce qu'il est attaché à la jeunesse.
04:40 Tu meurs en martyr.
04:41 Bien sûr, et c'est les paroles d'ailleurs de Sarah dans le film.
04:43 C'est-à-dire que pour le régime iranien, un bon jeune iranien c'est un jeune mort.
04:48 Et d'ailleurs elle tourne toutes ces images où on voit toutes ces fresques avec tous ces jeunes gars
04:52 tous en uniforme qui sont morts à tous les coins de rue, tous ces noms de rue même qui portent des noms de martyrs.
04:56 Et en fait elle dit assez finement, je crois, elle dit ça y est, ils ont trouvé, vu qu'ils nous ont perdu sur cette cause
05:01 que vraiment l'Iran et l'Irak c'est le combat de nos parents, c'est pas le nôtre, il est désincarné pour nous, on ne comprend pas la guerre.
05:06 La guerre Iran-Irak dans les années 80 qui a été ultra meurtrière.
05:09 Tout à fait, qui est un traumatisme national, surtout pour la génération de leurs parents.
05:13 Et elle dit, là avec Gaza, ils sont en train d'essayer de nous pousser, nous, aux martyrs
05:18 ou en tout cas à cette idéologie de nous rappeler cette familiarité.
05:22 Et en fait les jeunes iraniens sont complètement désintéressés.
05:25 Vous savez dans les manifs de Femmes Vives Libertés, il y avait un slogan qui m'avait beaucoup marquée
05:28 parce qu'il y avait quand même des slogans très très très patriotes.
05:30 Et il y en avait un qui disait "Ni Gaza, ni Liban, je me battrai pour l'Iran".
05:34 C'est à dire qu'ils ont très bien compris qu'on cherche à les instrumentaliser dans ces conflits.
05:38 Proxy, ils n'ont pas envie d'y aller.
05:40 Proxy c'est décidément le nouveau mot à la mode, ça veut dire les voisins en gros, la proximité des voisins.
05:46 Sur votre documentaire, il y a quelque chose de totalement inédit, jamais vu dans un documentaire français,
05:52 en tout cas je ne sais pas si à l'étranger ça avait déjà été utilisé, aux Etats-Unis.
05:55 C'est que vous avez utilisé pour la première fois l'intelligence artificielle
05:58 pour changer le visage et la voix de vos six témoins, parce que vous suivez six jeunes.
06:04 Et ça je trouve, pour le coup on fait des débats souvent avec Nicolas
06:09 pour parler des ravages possibles de l'intelligence artificielle,
06:12 mais là pour le coup c'est extrêmement réussi.
06:14 Parce que s'ils vous parlaient devant une caméra, vous télévision étrangère,
06:19 ils prendraient le risque d'être arrêtés, d'être mis en prison, voire d'être torturés.
06:24 Mais là, ce qui est intéressant c'est qu'en général jusqu'à maintenant,
06:27 quand on voit des gens qui parlent en se cachant, soit on les filme de dos, soit on floute le visage.
06:31 Or là, avec l'intelligence artificielle, ils ont un nouveau visage, iranien,
06:36 donc on voit les traits iraniens, vous ne faites pas des blondes aux yeux bleus pour parler des iraniennes.
06:40 Et en même temps c'est leur hologramme, mais il y a de la ressemblance.
06:43 C'est assez dingue ce nouveau procédé.
06:45 En fait, surtout, ce cas fait jurisprudence, vous l'avez dit, donc je suis très heureuse
06:49 parce que France Télé et ma maison de production, et ma productrice,
06:53 Béatrice Schoenberg, m'ont suivie dans cette tentative.
06:57 Parce qu'effectivement, ce n'est pas facile, surtout en France aujourd'hui,
07:00 d'avoir envie de proposer avec l'intelligence artificielle,
07:04 un traitement que moi je considère comme vertueux et humaniste.
07:07 Alors ça ne peut pas même être plus humaniste pour moi,
07:09 puisque on rend l'humain, c'est-à-dire qu'on rend un visage.
07:12 Et vous et moi on le sait, le visage, ce n'est pas nous qui l'avons théorisé,
07:15 c'est le point de départ de la fraternité.
07:17 Et les expressions du visage, c'était ça la plus grande surprise pour moi,
07:20 et même le plus grand cadeau.
07:21 C'est-à-dire qu'on a fait d'une contrainte, en vrai pour moi une force,
07:24 parce que je n'avais pas compris au départ.
07:26 J'avais vu un film exceptionnel américain qui s'appelle "Welcome to Chechnya"
07:30 qui raconte l'exfiltration de militants LGBT de Chechnya,
07:33 à qui justement on change le visage avec la même technique.
07:37 Et en fait, je n'avais pas compris que lorsque vous faites ça,
07:40 vous épousez, vous gardez les expressions du visage.
07:43 Et bien sûr que la terreur, l'effroi, la surprise, le doute,
07:47 en fait ce sont des expressions, c'est un langage universel.
07:50 Il n'a pas besoin de langue, donc c'est ce qu'on s'évertue toujours,
07:53 nous quand on travaille dans la télé, à garder.
07:55 Et en plus, la protection des sources, c'est un sujet sur lequel on va continuer de travailler.
08:00 On a toujours travaillé, bien sûr que ça pose des questions de confiance,
08:03 mais en fait le jour où vous avez dit aux gens,
08:05 "Bah là la dame qui parle derrière le flou, c'est vraiment elle",
08:08 qu'est-ce qui fait que le téléspectateur l'a cru ?
08:10 Il l'a cru alors qu'il ne voyait pas l'image,
08:12 il l'a cru parce que vous avez bâti la confiance.
08:14 On construit la confiance comme on construit la défiance.
08:16 Et je pense qu'avec Lya, là, quand je vois ce qu'on arrive à faire,
08:20 et en plus quand je vois, et là je suis particulièrement émue et heureuse pour elle,
08:24 parce que ce sont les témoins qui ont choisi leur visage avatar,
08:27 et je pense que ça ne nous a pas échappé qu'elles sont toutes très jolies.
08:30 Oui, elles sont toutes très jolies.
08:31 Elles sont toutes très jolies parce qu'elles se sont toutes choisies des beaux visages.
08:34 Elles sont encore plus félaniques au régime iranien,
08:36 qui cherchent absolument à tairer, à cacher, à invisibiliser.
08:40 Et surtout cette mise en valeur de la beauté,
08:42 elles se sont toutes choisies des visages magnifiques.
08:44 Moi ce qui m'a frappée le plus dans votre film,
08:46 c'est le courage et les petits gestes de résistance au quotidien de tous ces Iraniens,
08:50 et notamment à Téhéran.
08:52 C'est-à-dire, on découvre dans votre film,
08:54 qu'on peut danser le hip-hop dans le métro de Téhéran.
08:58 Il faut savoir que les molas interdisent la musique,
09:01 on n'a pas le droit de chanter, on n'a pas le droit de danser, homme-femme, tout pareil.
09:04 Et on voit les jeunes danser le hip-hop,
09:07 comme si on était dans le métro parisien.
09:09 On voit aussi sur le voile,
09:11 beaucoup de femmes dévoilées aujourd'hui à Téhéran.
09:13 Ou semi-voilées, c'est-à-dire qu'elles poussent le foulard vers l'arrière.
09:17 Il y a énormément de femmes dévoilées.
09:19 Et donc, c'est ça qui est...
09:21 Parce qu'on s'imagine qu'elles sont toutes couvertes ninja,
09:23 et en fait on voit dans les rues de Téhéran,
09:25 qu'elles jouent avec ça.
09:26 C'est-à-dire, quand elles vont apercevoir au loin un gardien de la Révolution,
09:28 évidemment elles vont remettre le voile.
09:30 Mais sinon, elles jouent avec la taille.
09:32 Ces petits gestes de résistance, c'est ça aussi.
09:34 C'est comme ça qu'aujourd'hui elles résistent.
09:36 Oui, et puis je pense que vous avez mis le doigt sur quelque chose
09:39 qui peut paraître anodin, mais qui a été aussi très émouvant,
09:41 ou en tout cas très intéressant pour moi dans cette histoire,
09:43 c'est la force des libertés individuelles,
09:47 la force que ça a eu dans ce mouvement précisément.
09:49 C'est-à-dire que moi je me suis beaucoup intéressée,
09:51 j'ai essayé de comprendre, mais qu'est-ce qui fait,
09:53 alors qu'on a eu des soulèvements populaires encore plus importants
09:55 en termes de nombre ces dernières années en Iran,
09:57 qu'est-ce qui fait que celui-là, tout le monde s'est vertu à dire
09:59 « c'est différent ».
10:01 Et en fait, la puissance, c'est-à-dire ce que nous,
10:04 la mise en valeur de soi par les réseaux sociaux,
10:06 par les selfies, par les filtres, etc.,
10:10 tout ce qu'on décrit de la jeunesse chez nous,
10:12 en Iran ça a été un formidable moteur de la révolte.
10:16 Et ça, vous voyez quand vous parlez des hip-hopers,
10:18 des hommes qui dansent dans le métro,
10:21 moi ce qui m'a donné envie de faire ce film,
10:23 c'est la première vidéo que je regarde sur Internet
10:24 à la mort de Gina Marzahamini.
10:26 C'est une vidéo où elle est chez elle, et elle danse.
10:28 Et elle danse hyper bien.
10:30 Et donc, comme vous dites, ils n'ont pas le droit de danser.
10:32 Ils n'ont pas le droit de danser dans l'espace public.
10:34 Et en fait, elle sait danser.
10:36 Et elle sait danser pourquoi ?
10:38 C'est ce qu'on voit dans le cinéma iranien.
10:40 Parce qu'à l'intérieur de chez elle, on a fait perdurer
10:42 cette iranité qui est racontée dans le film,
10:44 ces musiques traditionnelles, cet attachement à la culture iranienne.
10:47 Et donc ça, ça m'a vraiment donné envie,
10:49 parce que j'ai réalisé que, encore une fois,
10:51 de la danse à la mise en valeur,
10:54 à la chirurgie esthétique, à toute cette beauté qui est exprimée dans le film,
10:57 aux vernis à ongles, aux brochettes,
10:59 c'est comme ça, ce sont ça, ces actes de résistance.
11:02 Ce n'est pas seulement les grandes manifestations, etc.
11:04 C'est par des petits gestes du quotidien
11:06 où vous voyez la résistance d'un peuple.
11:08 Ce dont parle d'ailleurs, puisque vous parlez de la danse,
11:10 Kyan, un des personnages,
11:12 qui est un des membres de la diaspora iranienne.
11:14 We are Iranian students.
11:16 Formidable collectif.
11:18 Et 5 millions d'Iraniens qui vivent aujourd'hui à l'étranger.
11:21 Il vous parle de la force et de la puissance de sa diaspora iranienne
11:24 pour se battre continuellement contre les Mollahs.
11:26 Et Kyan, on va l'entendre, il dit,
11:28 oui, c'est vrai, ils nous répriment, on n'a pas gagné.
11:30 Pour l'instant, ils n'ont pas gagné.
11:32 La révolution est réprimée, mais on a gagné la bataille idéologique.
11:35 Et notamment quand un homme danse. Écoutez.
11:37 Nous, en tant que jeunes d'Iran, on se retrouve face à une page blanche.
11:40 On a toute notre histoire, toute notre destinée à écrire encore.
11:43 Et c'est ce qu'on va faire, en fait.
11:45 La bataille morale qu'on a gagnée,
11:47 ce n'est pas juste le fait d'être dans la rue.
11:49 On l'a vu, on le paye par le sang.
11:51 Mais pour les régimes comme ça, qui pètent des câbles sur absolument tout et n'importe quoi,
11:55 la désobéissance civile, ça fonctionne très bien.
11:57 Ça fonctionne très bien parce que ça les fatigue.
11:59 Ils ont arrêté un vieux parce qu'il dansait dans la rue.
12:01 C'est vous dire à quel point ils sont paniqués.
12:03 Il a suffi d'une seule danse pour que tout le pays danse.
12:12 * Extrait de "Babam" de M. Joubdou *
12:22 Voilà, il faut voir cette scène incroyable de ce vieux très chic iranien
12:25 qui danse bien d'ailleurs, sur cette musique très entraînante.
12:29 Et toutes les vidéos qui deviennent virales,
12:32 qui se filment en l'imitant danser pour défier le régime.
12:37 Il y a un autre personnage que moi, personnellement, m'a beaucoup intéressé.
12:41 C'est celle qui est cette jeune femme, mère d'un enfant divorcée, qui est pro-régime.
12:46 Elle, ultra religieuse, elle ne veut absolument pas que le régime d'Emmaulat tombe.
12:51 Très intéressant de voir qu'elle est divorcée.
12:53 Très intéressant de voir qu'elle est ambiguë.
12:56 Puisque de voir, je ne savais pas que le régime d'Emmaulat tolérait les divorces,
13:01 tolérait les femmes seules qui vivaient divorcées, qui voulaient se séparer,
13:06 tant qu'elle respecte bien les règles religieuses,
13:08 et qu'elle se voile bien, qu'elle reste bien à la maison.
13:11 Oui, de toute façon, le divorce est un droit chariatique.
13:14 Même les talibans en Afghanistan ont laissé des femmes divorcées récemment, c'est vous dire.
13:18 C'est vrai qu'Anahita, d'ailleurs, c'est intéressant que vous parliez d'elle,
13:22 parce que ce qui m'a convaincue du souffle de Femmes, Vie, Liberté,
13:27 c'est vraiment la plongée chez les religieux.
13:29 Parce que chez les religieux, on a trouvé des gens, d'abord, beaucoup plus éduqués que ce que je pensais.
13:33 Je savais qu'il y avait un niveau académique en Iran qui était très important.
13:36 Mais Anahita que vous citez, elle est doctorante.
13:38 Ce sont des gens qui ont tous fait 4-5 ans de fac,
13:41 qui ont vraiment accepté depuis 20 ans maintenant que leur fille aille à l'université,
13:45 fasse des cursus importants.
13:46 Et en même temps, oui, ce divorce qui explose littéralement en Iran,
13:49 et qui a surtout lieu dans les 5 premières années de mariage,
13:51 donc là, encore une fois, quand les gens sont très jeunes.
13:54 Et c'est ça qui m'intéressait beaucoup.
13:56 Et elle, qui a l'air, effectivement, qui commence quand même par dire,
13:59 je ne sais pas pourquoi je suis comme ça, cette république islamique,
14:02 mais en tout cas, c'est vrai, je la suis.
14:03 Est-ce que ça me vient de ma famille ? Est-ce que ça vient de l'environnement ?
14:05 Toujours est-il que je reste derrière elle parce que je pense,
14:08 et c'est d'ailleurs ce que disent beaucoup d'Iraniens,
14:10 parce que sinon ce serait le chaos.
14:12 Et il y a beaucoup de gens, évidemment, qui pensent ça en Iran.
14:14 Toujours est-il que cette fameuse Anahita, vous avez vu comment elle élève son fils.
14:17 Elle veut qu'il aille à des cours de robotique et d'informatique.
14:20 Elle connaît très bien l'usage de l'intelligence artificielle.
14:22 Je tiens à dire que c'est la première qui a accepté qu'on modifie son visage
14:26 et qui préférait ça au flou, puisqu'elle savait,
14:29 ce que peu de gens savent, que le flou, vous savez, dans 10 ans, ça ne va pas très bien marcher
14:32 parce que les flous légers seront décroisés par des technologies de reconnaissance faciale.
14:36 Et donc c'est elle qui l'a choisi.
14:39 Solène Chalfon-Fioritti, qu'est-ce qui vous attire dans cet Orient compliqué,
14:43 désespéré, parfois désespérant ?
14:45 L'Afghanistan, vous avez passé 10 ans, le Pakistan, l'Iran.
14:48 Plus le pays est kata, plus ça vous attire ?
14:51 Moi, je ne les vois pas désespérants.
14:53 C'est vrai que là, l'Afghanistan, en ce moment, c'est très dur.
14:56 Mais il faut aussi… Moi, j'ai aussi envie de parler, surtout quand même des femmes.
14:59 Vous l'avez remarqué encore dans ce film.
15:01 Je n'ai pas envie de dire les invisibles, les pauvres, etc., les misérabilistes.
15:06 Enfin, regardez, vous avez vu les femmes qui parlent dans les films que je fais.
15:10 Ce sont des femmes qui sont tellement calibrées, qui vont tellement à l'encontre des images misérabilistes
15:16 qu'on colle aux femmes de ces endroits-là que c'est plutôt le contraire.
15:19 En fait, moi, plus je travaille dessus, plus j'ai de l'espoir.
15:21 C'est plutôt si je suis ici…
15:23 Vous êtes optimiste. Vous dites même que vous êtes plus optimiste aujourd'hui
15:26 en ayant terminé le film qu'en l'ayant commencé pour l'Iran, pour les femmes d'Iran.
15:29 Bien sûr. Au départ, en Iran, ça a été très dur.
15:31 On a eu beaucoup de problèmes de sécurité pour ce film.
15:33 Et puis, les gérants de Femmes, Vives, Libertés étaient quand même, c'est vrai, assez déprimés.
15:37 Et puis, c'est vrai qu'en allant du côté des religieux, dans le contre-champ,
15:39 j'ai compris qu'ils avaient raison, que c'était sans doute inéluctable.
15:42 Les impromptus. Deux, trois questions. Vous répondez rapidement.
15:44 Dans votre film, il y a cette phrase qui revient comme une litanie.
15:46 « Vingt ans, c'est l'âge de… » C'est l'âge de l'insouciance, de la révolution, des désillusions.
15:49 Et pour vous, personnellement, Solène Chalvon, Fioritti, vingt ans, c'était l'âge de quoi ?
15:53 Des premiers amours en Afghanistan. Et voilà. Vous avez trouvé votre mari.
15:58 France Info ou RFI ? RFI.
16:01 Oum Kelsoum ou Fayrouz ? Oum Kelsoum.
16:03 Marine Jacmin ou Martine Laroche-Joubert ?
16:05 Oh, je ne vois pas vraiment la différence entre les deux. Je pourrais dire la première, mais…
16:10 Albert Londres ou Joseph Kessel ? Albert Londres.
16:13 Vous seriez un homme pendant 24 heures, vous faites quoi ?
16:16 Je demande pardon.
16:19 Liberté, égalité, fraternité, vous choisissez quoi ?
16:22 Égalité.
16:24 Et Dieu dans tout ça.
16:26 J'aurais aimé. J'aurais aimé. Ça aurait été un outil utile.
16:29 Nous, jeunesse d'Iran, voyage interdit au sein de la génération Z iranienne.
16:34 C'est dimanche prochain à 21h sur France 5. Merci et belle journée à vous.
16:37 Merci beaucoup. Merci à vous.

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