"Ce que savait Maisie" de Henry James - La dramatique de Juliette Arnaud
Une loi récente tente de garantir le respect du droit à l’image des enfants par leurs parents sur les réseaux, visant notamment les influenceurs. Du temps d’Henry James (1896), pas d’Internet, mais ça ne l’empêchait pas de se demander quel usage pouvaient faire pères et mères de leurs progénitures.
Retrouvez toutes les dramatiques de Juliette Arnaud dans « Le grand dimanche soir » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-de-juliette-arnaud
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AmusantTranscription
00:00 Non mais Juliette c'est à vous, j'ai été un bon lancement.
00:03 Moi je rebondis sur les glands.
00:04 Non, non, ne rebondissez sur rien du tout.
00:07 Un fait de société a guidé votre choix d'un classique de la littérature.
00:14 L'image des enfants sur les réseaux sociaux.
00:16 Parce qu'il y a une loi récente qui tente de garantir le respect du droit à l'image
00:20 des enfants par leurs parents sur les réseaux.
00:23 Les parents influenceurs sont principalement concernés.
00:26 Et à l'époque de l'écrivain Henry James, on est à la fin du 19ème, point d'internet,
00:31 mais ça ne l'empêchait pas de s'interroger sur l'instrumentalisation que certains parents
00:35 pouvaient faire de leurs enfants.
00:37 Et vous nous parlez de ce roman d'Henry James qui s'intitule "Ce que savait Maisie".
00:42 Parce que la littérature des enfants et des parents, elle en est vraiment gavée.
00:47 Alors il y a des parents aimants comme chez Marcel Pagnol ou Cormac McCarthy dans un registre
00:52 plus dur.
00:53 Il y a des parents monstrueux comme dans "Vipère au point" ou plus basiquement les
00:57 parents du petit pousset.
00:58 Et puis il y a une autre catégorie de géniteurs, ceux qui s'en foutent de leurs enfants.
01:03 Ce n'est pas la catégorie la plus courue.
01:05 Et à l'époque de la publication de ce roman, il est encore moins commun d'avoir des parents
01:10 personnages de la sorte et de choisir de mettre la focale sur l'enfant qui est l'objet
01:16 de cette souveraine indifférence.
01:17 Donc la focale dans ce bouquin, elle est placée sur une petite fille qui s'appelle Maisie
01:21 et sur la conscience que Maisie a de cette situation.
01:24 Parce qu'aucun enfant n'admet aisément ne pas être aimé de ses parents.
01:27 Et puis les parents, ils ne s'en vendent pas, bien sûr.
01:30 Ils prétendent toujours le contraire.
01:31 C'est compliqué en société de dire "Bonjour, je m'appelle Chantal et je me fous de ma
01:35 progéniture".
01:36 Sauf que les enfants, ils ont toujours un super pouvoir, celui de déceler les sous-entendus.
01:40 Ainsi, Maisie sait que ses parents ont divorcé parce qu'ils ne pouvaient plus se voir, y
01:45 compris en peinture.
01:46 Elle sait qu'elle vit six mois chez l'un, puis six mois chez l'autre.
01:49 Elle sait que l'un et l'autre se sont écharpés au sujet de cette garde.
01:53 Et elle commence à comprendre qu'ils vont aussi s'écharper pour ne pas honorer la
01:57 dite garde.
01:58 Bref, ce que Maisie sait, ce n'est pas gay.
02:01 Et ce que petit à petit elle va comprendre, ce n'est pas ce qu'on lui dit, c'est tout
02:04 le reste.
02:05 Le non-formulé, le relief que fait l'absence, les silences.
02:09 Ce que Maisie sait, elle évite d'ailleurs de trop trop le faire savoir parce qu'elle
02:13 a vite compris que les adultes sont rarement fans de la vérité, enfin de la réalité,
02:17 spécifiquement quand ça les concerne eux.
02:19 Henry James écrit « Maisie n'avait jamais été en sécurité qu'en se faisant passer
02:24 pour une imbécile ». Alors Maisie s'adapte.
02:26 Elle passe pour une imbécile et elle s'adapte comme elle peut au mouvement des grandes personnes.
02:30 Ainsi, on lui file une gouvernante plutôt gentille, très jeune, très jolie.
02:34 Tiens, papa en fait sa seconde femme.
02:36 Maman disparaît pendant des mois sans donner de nouvelles et quand elle revient, tiens,
02:40 Maisie a un beau-père.
02:41 Il est plutôt très chouette le beau-père avec Maisie.
02:44 Assez pour que sa mère s'en offusque et dise à Maisie « il vous a éloigné de
02:47 moi, il vous a dressé contre à moi.
02:49 Votre affreuse petite âme en a été empoisonnée ». Tiens, j'ai une affreuse petite âme
02:53 empoisonnée.
02:54 Et nous, lectrices, lecteurs, en assistant au plus près, étape par étape, à la formation
02:58 de la conscience de Maisie, ballotée entre quatre adultes égocentriques et spécialistes
03:03 de la fugue, on s'interroge sur la possibilité d'un permis pour être parent.
03:07 Quoi ? C'est fasciste ? Bon, je retire alors.
03:10 Merci, bisous, merci.
03:11 Et cette histoire de Maisie va être adaptée entre vos oreilles dans une séquence théâtrale.
03:24 Imaginez le bureau d'un juge aux affaires familiales où la juge, ce serait Laélia
03:31 Véran.
03:32 En 2024, Maisie et ses parents se retrouvent dans le bureau de la juge.
03:36 Le père est un homme politique, ce serait Guillaume.
03:40 La mère est influenceuse, beauté et lifestyle, ce sera… Emeric.
03:45 Bon, disons que c'est le parent d'eux.
03:48 Et l'objet de leur confrontation, l'enfant Maisie, c'est Juliette.
03:53 Salut la commune ! Je me rends chez le juge des affaires familiales today !
04:00 Maman !
04:01 Quoi ? Ah oui, je suis avec ma fille, Malaisie, follow her !
04:06 Maisie ! Moi je m'appelle Maisie, pas Malaisie !
04:09 Maisie ! #PSG #Argentin #Rebondta #Rebondrebond #Orthophonie
04:16 Bon, bon, écoutez, ça suffit, ça suffit, pas de téléphone dans mon bureau !
04:23 Ok, de toute façon on ne peut plus rien faire ! #DictatureDeLaPensée #AideMoiPascalPro
04:28 Bon, bon, monsieur et madame Farange, le litige concerne la garde de Maisie lors des vacances
04:34 d'avril, c'est bien ça ?
04:35 Tout à fait, et je vous le dis avec honnêteté madame la juge, je ne vais pas passer par
04:39 mon zéparveau, le degré de perniciosité de mon ex-femme dépasse l'entendement !
04:43 Tu me pourris la ville ! C'est toi qui me pourris la ville aussi avec tes meetings
04:48 politiques là ! #Marrying #PublicSénat #ChristopheBarbier
04:51 Ouais, bah avec tes conneries d'affluenceuse j'ai perdu 6% chez les 25/40, d'accord ?
04:56 #Loser
04:57 Bon, alors, maman, papa, je crois que madame la juge voudrait pouvoir en placer une.
05:02 Oui, bon, pour résumer, vous voulez tous les deux avoir la garde de votre fille pendant
05:06 les vacances, c'est ça ?
05:07 Non.
05:08 Alors non, c'est pas vraiment ça, c'est maman, elle veut que ce soit papa qui me
05:11 garde et papa qui veut que ce soit maman.
05:13 Bah oui, je pourrais pas te garder ma petite, parce que moi je vais à Dubaï pour une marque
05:18 de shampoing et vous aurez -20% avec le code IDA.
05:21 Bah visiblement ce shampoing il marche pas bien.
05:22 Et t'as les cheveux dégueulasses !
05:24 Ah ah ah, qu'est-ce qu'il a, Fido Dido ?
05:28 Hé, je vais pas recevoir de leçon capillaire d'un type qui a les cheveux blancs depuis
05:34 le collège !
05:35 Les cheveux blancs, ils ont des reflets argentés, c'est comme les goélands !
05:38 Stop, stop, bon, bon, écoutez, expliquez-moi le problème parce que là je ne comprends
05:42 vraiment plus rien.
05:43 Eh bien c'est très clair, nous sommes dans une situation inextricable de dualité conflictuelle
05:47 exacerbée.
05:48 Hein ?
05:49 C'est la merde, c'est la merde.
05:50 En gros, mon père ne pense qu'à ses électeurs et ma mère à ses followers.
05:55 Et toi ma petite, tu en penses quoi ?
05:57 Bah moi j'ai 6 ans en fait, je pense pas trop.
06:00 Bon, ça suffit, dossier suivant, allez faites entrer la famille Delon !
06:04 Merci à Juliette Arnaud et sa petite troupe pour cette adaptation du roman Dory James
06:15 "Ce que savait Maisie", c'était le classique de ce grand dimanche soir.
06:19 Et merci également à Jenna Blanchard et Matteo Jachkin à la vidéo, ainsi qu'à
06:24 Maxime Bayol et Maxime Rigolle à la lumière.
06:26 Sachez que vous pouvez nous voir en streaming vidéo sur franceinter.fr ou la chaîne Youtube