Laure Adler : "Le féminisme est une cause essentielle, un des piliers de notre démocratie"

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Laure Adler est l'invitée de Léa Salamé ce jeudi, pour évoquer son essai "La Voix des Femmes" (éditions Grasset). Elle publie aussi avec l'historienne de la photographie Claire Bouveresse "Les femmes photographes sont dangereuses" (Flammarion, 9 octobre). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-jeudi-10-octobre-2024-4201845

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00:00Alors Léa, c'est très simple, on ne présente plus votre invitée.
00:04Bonjour Laure Adler.
00:05Bonjour.
00:06Merci d'être avec nous ce matin.
00:08Si vous étiez une heure de la journée, une actrice, un homme puissant et un vice, vous
00:13seriez qui ? Vous seriez quoi ? Alors d'abord, une heure de la journée.
00:16Entre 19h et 20h.
00:19L'heure bleue ?
00:20Juste avant.
00:21Si vous étiez une actrice ?
00:23Gina Rolands.
00:25Ah oui.
00:26J'aurais tellement aimé.
00:28La connaître, lui parler, lui dire mon admiration, lui dire à quel point elle s'était offerte
00:38au cinéma pour nous permettre, à nous les femmes, de nous identifier à ses fillures,
00:45à sa force, à son courage aussi.
00:47Si vous étiez un homme puissant ?
00:49Nelson Mandela.
00:51J'ai eu la chance de le rencontrer il y a longtemps.
00:54Avec Mitterrand ?
00:55Oui.
00:56Le dernier voyage de Mitterrand dans le deuxième mandat, c'était l'Afrique du Sud et je n'ai
01:02toujours pas compris pourquoi, mais il m'avait invité à ce dernier voyage et j'ai eu la
01:06chance de passer trois jours avec Mandela.
01:09Et ?
01:10Écoutez, j'avais déjà beaucoup d'admiration pour lui, mais pouvoir l'accompagner partout
01:18en Afrique du Sud, pouvoir l'écouter à l'intérieur de l'Assemblée, pouvoir l'entendre
01:23argumenter.
01:24Déjà, il y avait des problèmes de factions politiques et c'était quelqu'un qui essayait
01:29de lier les gens et qui était animé surtout d'une immense bienveillance et d'une bonté
01:35absolument extraordinaire.
01:37Si vous étiez un vice, Laura Delaire ?
01:40La lecture.
01:41Il paraît que c'est un vice.
01:42En tout cas, au 19e siècle, pour les jeunes filles, pour les femmes, pour les ouvrières,
01:48c'était un vice.
01:49Un vice qui pouvait vous conduire non seulement chez le médecin, mais aussi à l'hôpital
01:54et on pouvait vous enfermer pour folle quand vous lisiez trop.
01:58Je suis une vieille blanche, hétérosexuelle, cisgenre, mère de famille, grand-mère d'origine
02:04petite bourgeoise, appartenant à un milieu privilégié, engagée à gauche depuis des
02:08décennies et croyant encore en elle, autant vous dire que je ne suis pas du tout à la
02:13mode.
02:14C'est ainsi que commence votre premier livre, votre dernier livre, sûrement pas le premier
02:19J'aimerais bien que ce soit le premier.
02:21La voix des femmes chez Grasset, pas du tout à la mode, vous, vraiment ?
02:25Ah bah non, pas du tout.
02:27Être à gauche, vous pensez que c'est à la mode ?
02:29Je sais pas.
02:30Être cisgenre, être hétéro, tout ça, c'est débranché, c'est ringard.
02:37Mais j'assume.
02:38À mon âge, on peut.
02:40Vous rajoutez, mais je suis féministe, et surtout féministe, c'est ce qui me dit que
02:44c'est à la mode.
02:45Et encore plus féministe, chaque jour qui passe, le féminisme est, paraît-il, à la
02:49mode.
02:50Alors est-il vraiment à la mode le féminisme ?
02:52Finalement, pas tellement.
02:54Parce que ce que j'ai essayé de faire, c'est d'écouter des différentes générations
02:58de jeunes femmes, de femmes, dans différents milieux, dans des associations, mais aussi
03:04dans la rue, dans les cafés, dans le métro.
03:07Oui, c'est ces voix de femmes que vous dites dans ce livre, c'est aussi beaucoup votre
03:13voix à vous, où vous dites finalement, de tout ce qui me définit, ce qui me définira
03:19le plus de manière existentielle, de manière la plus forte, c'est mon féminisme.
03:23C'est d'être féministe, c'est ça, à la fin, s'il devait rester une chose, c'est
03:28ça.
03:29Et du coup, ce livre, c'est quoi ? C'est un vagabondage, comme vous dites, c'est une
03:33autobiographie parcellaire de Laura Adler, c'est votre manière de donner, de mettre
03:38en lumière la voix de certaines femmes, comme Radha Hatem, qui est celle qui a fondé
03:43la Maison des Femmes, c'est tout ça à la fois ?
03:46C'est un plaidoyer pour essayer de faire comprendre aux femmes, mais aussi aux hommes,
03:52que le féminisme est une cause essentielle.
03:55C'est un des piliers de nos démocraties, c'est une manière de combattre pour une
04:01égalité que je n'arrive toujours pas à comprendre, pour quelle raison elle est en
04:07ce moment même où nous parlons violer, il y a toujours une inégalité femmes-hommes
04:12en ce moment en France, et c'est pour essayer d'expliquer que ce mouvement, puisque ce
04:17n'est pas un parti, c'est un mouvement, beaucoup de femmes y participent sans le savoir,
04:23et que ce mot même de féminisme a été confisqué par nos ennemis les plus irréductibles,
04:29à savoir les masculinistes, qui ont fait de nous des malbaisés, des hystériques,
04:36des givrés, des folles, etc.
04:39Mais c'est encore ça à votre avis ? Vous avez cette définition du féminisme dans
04:45le livre que j'aime bien, vous dites que c'est un mouvement le féminisme, c'est
04:48une attitude.
04:49Il n'y a pas de chef.
04:50Il n'y a pas de chef.
04:51Féministe, c'est la manière permanente de refuser d'être réduite à ce que l'on
04:55veut faire de nous, quand on est jeune, des bimbos sexuels, quand on est adulte, des épouses
04:59soumises et des mères obéissantes, et quand on est vieille, des pensionnaires, des pades
05:03enfermés, invisibilisés.
05:04De ce point de vue-là, les choses ont avancé.
05:07On n'est plus des bimbos sexuels à jeunes.
05:11Dites donc Léa, vous ne regardez pas beaucoup les réseaux sociaux et notamment ceux que
05:17regardent les toutes jeunes filles ou des corps de jeunes filles avec des gros seins,
05:23des grosses fesses, une taille très marquée, avec des schémas qui entretiennent la honte
05:30chez les filles quand elles ne sont pas comme ça et qu'elles sont devenues des objets
05:34de désir, de prédation sexuelle.
05:37Vous ne trouvez pas que de ce point de vue-là, Mitou a accéléré les choses ? Même si
05:42elle s'aime comme ça, les filles avec des gros seins et des grosses fesses et se photographient
05:48aussi ?
05:49Non, ce n'est pas qu'elle s'aime comme ça, c'est qu'il y a une injonction de
05:52la société pour dire que seules les filles très sexy, objets sexuels et désirables
05:59immédiatement sont des filles à considérer.
06:02Alors que les filles, on n'est peut-être pas obligé de regarder leur corps d'abord,
06:08on peut d'abord les regarder dans les yeux, on peut aussi les écouter et d'abord les
06:12considérer comme des sujets.
06:14D'autre part, Mitou a révolutionné véritablement le mouvement féminisme, c'est une nouvelle
06:21accélération qui a permis à des générations différentes, à des continents entiers de
06:26se mobiliser, mais cette mobilisation se heurte à des schémas de domination patriarcale
06:34qui continuent à exister dans notre quotidien et dans notre manière aussi de penser, à
06:40l'intérieur de nous-mêmes.
06:41Et le féminisme, il faut en être fier, c'est une manière d'appartenir au monde, pas seulement
06:48de se défendre, mais aussi d'acquiescer à la vie.
06:52Le féminisme, c'est une joie, c'est une joie, c'est une forme de sororité, c'est
06:57une forme de lien avec les autres et de ce féminisme-là, les hommes, à mon avis, doivent
07:04être inclus.
07:05Tous les hommes ne sont pas des porcs, moi je me suis vraiment interrogée, j'ai pas
07:12du tout aimé le hashtag, quand il a commencé à naître, qui s'appelait « balance ton
07:16porc », comme si tous les hommes étaient des porcs, moi je connais beaucoup d'hommes
07:21et autour de moi énormément d'hommes qui ne sont pas des porcs, donc il ne faut pas
07:25essentialiser les hommes.
07:27Alors justement, qu'est-ce que vous avez pensé, puisque vous allez sur ça, de la
07:31déclaration de Karim Rissouli, avec qui vous avez travaillé, le journaliste ?
07:35Avec qui j'ai la chance de travailler, parce qu'il y a beaucoup d'hommes féministes,
07:38ça commence mais ça va s'élargir.
07:40Alors Karim Rissouli, à l'aune du procès Pellicot, qui avait déclaré « j'ai mal
07:45au ventre comme homme, j'ai honte comme homme », c'est le premier procès de la masculinité
07:51en France et il avait été critiqué sur les réseaux sociaux avec d'autres hommes
07:55qui lui disaient « not in my name », moi je ne me considère pas comme ceux qui ont
08:00violé Gisèle Pellicot.
08:01Qu'est-ce que vous avez pensé de sa déclaration ?
08:03Alors je suis au départ historienne et donc je réfléchis avec une mise en perspective.
08:09Dans cette mise en perspective, au moment du surgissement du mouvement de libération
08:15des femmes à l'aune des années 1970, on a décidé, sans vraiment d'ailleurs y réfléchir,
08:22que nous les femmes, on avait envie de parler entre femmes.
08:24On ne voulait pas des hommes, ce n'était pas une exclusion des hommes, c'était une
08:28exclusion temporaire, un soir par semaine, quelques fois deux soirs, pour parler entre
08:34nous.
08:35Et on a découvert qu'entre femmes, et ça je m'en réjouis parce que c'est aussi
08:39une accélération du féminisme, avant, il y a 30-40 ans, vous voyiez autant de femmes
08:44dans les cafés ou dans les restaurants, entre elles, se retrouver le soir, ça n'était
08:50pas permis il y a 30-40 ans.
08:52Maintenant, les femmes, entre elles, elles ont des choses à se dire qu'elles ne pourraient
08:56peut-être pas dire devant les hommes, ça ne veut pas dire qu'elles ne partagent pas
09:00avec les hommes.
09:01En ce qui concerne les hommes féministes, moi je me réjouis, il n'y a pas que Karim
09:07Rissouli, d'ailleurs cette confession de Karim Rissouli a commencé par des confessions
09:14de féministes qui ont dit à des hommes « est-ce que vous vous reconnaissez dans ces connards
09:20de salopards qui sont allés violer Gisèle Pellicot ? ». Comment on fait pour aller
09:25pénétrer, puisque c'est le terme, pénétrer une femme qui est endormie, comme morte ? Qu'est-ce
09:34que c'est ?
09:35Moi je comprends complètement qu'il y ait plein d'hommes qui aient dit « mais moi
09:39je ne suis pas comme ça, mais moi ça ne me viendrait pas à l'esprit, mais pour moi
09:42l'amour ça existe, pour moi l'amour ça passe par l'échange, la considération,
09:47ça passe par l'égalité, ça passe par le désir, le désir par définition il comprend
09:54et il inclut essentiellement le respect, etc.
09:57Donc ce mouvement des hommes qui considèrent qu'il faut non pas faire partie du féminisme
10:06mais accompagner le mouvement de société.
10:10Le féminisme est un mouvement, mais en même temps il est un mouvement profond et puissant
10:15de la société et par définition il implique aussi les hommes.
10:20Dans « Le Vertige », son dernier essai, Caroline Forest se félicite de la révolution
10:24qui a été MeToo, mais elle dénonce aussi ses excès, je la cite « Il m'est insupportable
10:29de voir ce nouveau pouvoir MeToo être invoqué pour abuser, opprimer ou tyranniser.
10:33Nous sommes passés d'une société de l'honneur, imposant le baillon, à une société de la
10:37pureté, magnant le bûcher et la délation.
10:39Dans ce nouveau monde, il suffit d'accuser pour exister ». On écoute Caroline Forest.
10:44Ce qui permet aujourd'hui d'avoir cette puissance d'accusation, c'est parce qu'on
10:49est enfin écouté, mais même on est cru sur parole, et plus que cru sur parole, il
10:54n'y a plus personne qui ose douter parfois, et c'est normal parce que c'est un retour
10:58de balancier après des siècles, encore une fois, d'intimidation, où on n'a pas voulu
11:01entendre la parole de celles qui disaient ce qui leur était arrivé.
11:05Donc c'est normal qu'on en passe par là.
11:07Moi je pense que ce « Vertige » est tout à fait évident et logique, mais c'est notre
11:12travail en tant que journaliste, éditorialiste, de dire le problème c'est que là on a de
11:16plus en plus d'affaires de gens qui ont été effacées socialement, mises à mort
11:20socialement, pour des accusations de plus en plus légères et de moins en moins établies.
11:24Vous avez lu le livre de Caroline Forest ?
11:27Bien sûr, j'ai beaucoup de considération et d'admiration pour Caroline Forest depuis
11:31des décennies, parce qu'elle est extrêmement courageuse sur le droit des femmes.
11:35Je n'oublierai jamais le combat qu'elle a mené contre des prédateurs sexuels qui
11:41disaient des femmes qui accusaient qu'elles étaient des menteuses, qu'elles étaient
11:46des salopes, qu'elles voulaient faire l'amour, etc.
11:49Je pense que Caroline a une perspective qui est de s'alerter, de nous alerter sur des
11:56dérives possibles d'une sorte de féminisme radical.
11:59Je pense qu'on n'en est pas là.
12:03Je comprends très bien l'attitude de Caroline Forest, mais je pense qu'on n'en est pas
12:09là.
12:10Je pense que tous les jours, il y a des violences sexistes et sexuelles qui sont faites sur
12:14les femmes, notamment sur les femmes les plus précaires, sur les femmes qui ne peuvent
12:20pas interroger et être mises en lumière dans les médias, que d'autre part les prédateurs
12:27les plus connus qui ont été balancés, c'est le cas de le dire, par non pas une plainte
12:33mais des kyriels de plaintes de femmes, ils sont tranquillement chez eux et ils ne sont
12:39toujours pas passés en justice.
12:41Donc je ne vois pas très bien les dérives de MeToo, je trouve que MeToo doit continuer
12:47avec la puissance de feu qu'a ce mouvement, sa diversité d'approche et surtout sa sororité,
12:55sa solidarité.
12:56Oui, sororité.
12:57Vous aussi, vous, alors ce n'est pas les excès de MeToo, vous ne dénoncez pas les
12:59excès de MeToo dans ce livre-là, mais vous dénoncez les combats qui divisent les féministes.
13:04Vous avez été ébranlée, Laura Adler, par ce qui s'est passé avec le collectif Nous
13:07trouverons, créé après l'attaque du 7 octobre, ces militantes qui voulaient défiler
13:10dans les cortèges féministes avec des pancartes qui dénonçaient les viols commis par le
13:14Hamas ce jour-là.
13:15Elles furent attaquées par d'autres militantes féministes pro-palestiniennes, ça vous a
13:18troublée profondément, tout comme les déclarations de Judith Butler.
13:22Absolument.
13:23Je trouve que le féminisme, par essence, par définition, historiquement d'ailleurs,
13:29politiquement, c'est un mouvement pacifiste qui considère que l'existence de chaque
13:35femme est une existence essentielle, inviolable.
13:39Et je ne vois pas, et je ne peux même pas en parler, je ne vois pas comment des féministes,
13:46au nom du féminisme, peuvent dire qu'il y a des existences qui sont supérieures à
13:51d'autres et qu'il n'y a pas d'égalité.
13:54Moi, je suis très admirative.
13:56Ça vous a bouleversée, ça ?
13:57Ça m'a bouleversée, ça continue encore à travers le monde, ce n'est pas seulement
14:01en France.
14:02Moi, j'appartiens au mouvement des guerrières de la paix.
14:07Je suis fière de savoir qu'il y a une jeune femme qui a une trentaine d'années qui
14:10s'appelle Anna Assouline, qui réussit à mettre des femmes palestiniennes avec des
14:16femmes israéliennes ensemble pour continuer à combattre les valeurs essentielles du féminisme.
14:22Et je ne veux pas d'essentialisme et de basse politique qui nuit au mouvement, alors que
14:31nous avons tellement besoin de, encore une fois, de sororité et de combat commun pour
14:39la démocratie.
14:40D'autre part, je voudrais ajouter que quand même, sans aller dans des débats politiques,
14:45les théocraties font des femmes quoi ? Elles existent dans les théocraties, les femmes ?
14:53Comment des féministes peuvent-elles défendre des théocraties où les femmes sont annulées
15:01tout simplement ? Intellectuellement, physiquement, spirituellement.
15:05Donc, vive la sororité, vive la solidarité et vive les combats démocratiques pour l'égalité
15:13femmes-hommes qui n'existent toujours pas en ce moment même où nous parlons.
15:17Laura Adler, parce que c'est vous, parce que c'était elle, on écoute Nina Simone.
15:20Ça c'est le disque que vous emporteriez sur une île déserte.
15:37Vous avez arrêté la radio, officiellement, en tout cas la radio en mode quotidien.
15:42Pas du tout, j'ai fait comme vous me l'avez dit.
15:44Oui, vous avez fait quoi ?
15:45J'ai suivi vos conseils.
15:47Vous avez fait un podcast ?
15:49Non, j'essaye d'être une vieille influenceuse, la plus vieille influenceuse et je fais un
15:55coup de cœur de livres sur les réseaux sociaux une fois par semaine.
15:58Sur les réseaux sociaux de France Inter, vous avez aussi fait un podcast cet été
16:04sur les femmes d'exception.
16:06Vous ne faites plus l'heure bleue tous les jours, mais c'est vrai qu'avec Nicolas,
16:09je vais vous dire la vérité, on se repasse vos interviews parfois.
16:12C'est dommage, parce qu'Eva Bester fait un travail absolument remarquable.
16:15Ce n'est pas du tout pour comparer, mais c'est juste qu'on n'a jamais atteint un tel
16:19degré de singularité de baroque, et notamment l'interview d'Alain Delon, juste pour le
16:27plaisir, parce que vous l'aviez reçu, et l'interview a commencé comme ça.
16:31Laurent Adler, Alain Delon.
16:33Comment vous appelez-vous ?
16:35Alain Fabien-Maurice Marcel Delon, c'est le vrai nom ?
16:42Oui, c'était une bonne question !
16:44Oui, c'est mon vrai nom !
16:48La disparition d'Alain Delon, ça vous a fait quelque chose ?
16:50Ça m'a beaucoup touchée, parce que je sais que pour beaucoup de gens, c'est un
16:56homme très beau, qui a marqué l'histoire du cinéma, qui était très séduisant, mais
17:01pour moi, c'était un copain, c'était un type qui avait une forme de morale, c'était
17:07quelqu'un qui était très fidèle, c'était quelqu'un qui adorait le cinéma, c'était
17:11quelqu'un qui était devenu producteur de cinéma pour pouvoir faire les films qu'il
17:16aimait, c'était quelqu'un qui avait commencé avec le génie qu'est Alain Cavalier, c'est
17:21quelqu'un qui incarnait une forme de beauté loyale, voilà.
17:28Ça fait deux ans que vous suivez des cours de théologie à l'Institut Catholique de
17:31Paris, vous avez eu vos examens ?
17:33Oui, j'ai été validé, comme on dit.
17:35Enfin là, je recommence, il va falloir...
17:38C'est dur, c'est dur.
17:40Qu'est-ce que vous avez appris à la fin, sur les Écritures, sur Dieu, sur la mort,
17:43sur l'au-delà ?
17:44Qu'il faut continuer à se questionner, il faut continuer à lire, il faut continuer
17:48à interroger, il faut continuer à travailler dans une incertitude de plus en plus grande.
17:57Vous aviez raconté que vous aviez perdu la foi après la mort de votre enfant en 1986,
18:01Rémy, qui avait neuf mois.
18:03Vous avez dit « ça m'a fait perdre la foi ». Est-ce que vous l'avez retrouvée aujourd'hui
18:06en relisant la Bible ?
18:08Non, pas du tout.
18:09Je pense que l'Écriture de l'Ancien Testament, c'est une leçon de modestie chaque jour
18:15et c'est une leçon d'interrogation et c'est un exercice philosophique qui vous
18:19mène plutôt vers le ciel des interrogations et vers le ciel des idées.
18:25Pour essayer encore d'en savoir plus, mais ça ne m'a pas du tout donné la foi.
18:31Ça m'a permis de considérer qu'aller vers le chemin de la foi était à considérer
18:38mais pas du tout d'y adhérer.
18:40Laura Adler, les impromptus en une minute.
18:42Vous répondez très vite.
18:43France Inter ou France Culture ?
18:45France Inter, c'est devenu ma maison.
18:47Instagram ou TikTok ?
18:49Insta.
18:50Quel est le plus bel âge de la vie pour une femme ?
18:54J'espère 95 ans.
18:56Vous continuez à aller voir un spectacle par soir ?
18:59Bah oui.
19:00Tous les soirs ?
19:01Bah oui, ce soir.
19:02Je vous emmène si vous voulez.
19:03Je n'ai pas votre énergie, je vous le dis tout de suite.
19:06Est-ce que vous continuez à danser ?
19:07Oui.
19:08Et le piano ?
19:09Vous deviez prendre des cours ?
19:10Je continue avec quelqu'un qui fait une excellente chronique musique tous les week-ends.
19:16C'est ma prof de piano.
19:17Je n'en dirai pas plus mais elle est géniale.
19:19Le mystère.
19:20La dernière fois que vous avez pleuré ?
19:23La dernière fois que j'ai pleuré ?
19:27Avant-hier.
19:33Michel Polac ou Bernard Pivot ?
19:36Les deux, mon colonel.
19:37Parce que Michel Polac a beaucoup travaillé aussi à la radio,
19:40a fait des interviews littéraires absolument géniales, autant que Bernard Pivot.
19:44Kamala Harris ou Barack Obama ?
19:46Kamala !
19:47Agnès Varda ou Michel Perrault ?
19:49Michel Perrault !
19:52Agnès aussi mais moi je choisis les vivantes.
19:55Catherine Deneuve ou Françoise Dorléac ?
19:57Les deux.
19:58Elles sont sœurs, elles s'adoraient.
20:00Beyoncé ou Taylor Swift ?
20:02Beyoncé !
20:04La fidélité c'est important pour finir ?
20:06C'est essentiel.
20:07Je ne serai pas là en train de vous parler.
20:10Vous avez l'habitude de citer Agnès Varda.
20:12Une journée sans arbre est une journée foutue.
20:15Une journée sous la pluie c'est une journée comment ?
20:18Une journée où on danse.
20:20Laura Adler, « La voix des femmes », c'est chez Grasset.
20:22Et puis il y a un autre livre que vous sortez avec Clara Bouvrès,
20:25« Les femmes photographes sont dangereuses » dans votre collection chez Flammarion,
20:29collection culte de Laura Adler.
20:30Merci et belle journée.
20:31Merci à vous.
20:32Sous la pluie.

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