• il y a 8 mois
Après des mois de débats et un ultime vote de l’Assemblée nationale, le projet de loi visant à sécuriser Internet a définitivement été adopté ce mercredi 10 avril. Un texte dont s’est félicitée Marina Ferrari, la secrétaire d’État chargée du numérique, qui a d’ailleurs annoncé saisir la Commission européenne suite à la diffusion massive d’arnaques exploitant l'image de personnalités. On en parle avec Agata Hidalgo, la responsable des affaires publiques européennes de France Digitale, Henri d’Agrain, le délégué général du CIGREF et Philippe Le Grand, président d’Infranum dans le grand débrief de SMART TECH.

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00:00 3 débatteurs aujourd'hui dans Smartech pour parler de l'actualité.
00:07 Agatha Hidalgo, bonjour, bienvenue. On reçoit régulièrement France Digital,
00:11 mais c'est la première fois que vous êtes en plateau avec nous.
00:14 Vous êtes la responsable des affaires publiques européennes pour cette association,
00:17 cette grande association de start-up France Digital.
00:20 On a parlé de votre étude récemment sur comment faire de l'Europe
00:24 une championne dans ce domaine, dans le domaine de l'IA générative.
00:29 Donc on ne va pas revenir dessus, mais on a des sujets qui sont connexes
00:33 quand même, qui vous permettront de réagir également.
00:36 Henri Dagrin, également en plateau, délégué général du CIGREF
00:40 et Philippe Legrand, président d'Infranum.
00:42 Voilà pour les présentations. On commence avec notre premier sujet.
00:45 La loi SREN est adoptée en France. On va regarder ce qu'elle contient,
00:49 en particulier cette loi pour sécuriser et réguler Internet.
00:53 Moi, je voulais vous faire réagir sur quelques points.
00:55 Le délit d'outrage en ligne. Pourquoi je commence avec ça ?
00:58 Parce que c'est ce qui fait le plus polémique actuellement.
01:01 Une amende forfaitaire serait prévue pour sanctionner tout contenu
01:05 portant atteinte à la dignité d'une personne ou présente à son égard
01:09 un caractère injurieux, dégradant ou humiliant.
01:13 Ce délit d'outrage en ligne est là pour protéger les citoyens
01:17 contre le cyberharcèlement, la haine en ligne.
01:20 Pour autant, on estime qu'aujourd'hui, ce texte, en tout cas les contours
01:24 de cette proposition, restent assez flous. Quel est votre avis sur cette question ?
01:29 Philippe.
01:30 Oui, alors effectivement, on comprend bien l'intérêt et l'intention
01:33 qui est derrière. C'est de mettre un terme à tous les types de violences
01:37 qui existent et d'outrages qui peuvent exister sur les réseaux sociaux
01:41 et sur Internet. Là, la question, c'est la question de l'appréciation
01:44 de l'outrage et de sa définition. On n'a pas trop de recul.
01:48 On craint que ça soit donné à la discrétion de policiers
01:52 ou de gens qui ne soient pas forcément habilités, qui n'aient pas de référence
01:56 et que par conséquent, ça conduise à tous les excès et tous les abus.
01:59 C'est la raison pour laquelle il y a tant de débats et une saisine, je crois,
02:02 du Conseil constitutionnel, de façon à contester cette mesure.
02:06 Moi, je pense qu'il faut poursuivre quand même dans la voie de l'analyse
02:09 de ce qu'est un outrage, peut-être complexifier la procédure,
02:13 mais la rendre existante malgré tout. Là, elle est trop...
02:16 Est-ce qu'il y a déjà des procédures aujourd'hui ?
02:18 On peut se retourner vers une procédure classique judiciaire ?
02:22 Oui, oui.
02:23 Henri, peut-être ?
02:25 Je crois qu'il faut partir du principe que ce qui est interdit dans l'espace physique
02:29 doit être interdit dans l'espace numérique.
02:31 Ça, c'est ce qu'on nous dit.
02:32 Mais c'est vrai !
02:34 Mais oui.
02:35 Parce que l'espace numérique, ce n'est pas un espace éterné
02:38 qui est en dehors de la vie de nos concitoyens,
02:41 de la vie et du fonctionnement de la société.
02:43 Mais la loi s'y applique déjà.
02:44 Comment ?
02:45 La loi s'y applique déjà.
02:46 Peut-être qu'effectivement, il y a des difficultés à y faire appliquer
02:51 les lois qui prévalent dans l'espace physique.
02:53 Et donc, il est nécessaire de préciser comment ces lois
02:56 qui s'appliquent dans l'espace physique vont s'appliquer également
02:59 dans l'espace numérique.
03:01 L'espace numérique, ce n'est pas un espace, comme on le dit souvent, virtuel,
03:04 mais c'est un espace bien réel qui a une implication directe
03:07 sur la vie des gens, sur leur santé mentale, et ainsi de suite.
03:10 Donc, moi, je crois qu'il est absolument essentiel
03:12 que l'on soit en mesure d'apporter des règles qui soient extrêmement claires,
03:16 lisibles, je ne sais pas s'il faut compétifier,
03:18 mais il faut que ce soit extrêmement lisible
03:20 et qu'on comprenne bien où sont les limites.
03:22 Et faire appliquer ces limites, tout n'est pas permis
03:25 sous prétexte de neutralité du net,
03:28 sous prétexte de liberté d'expression.
03:30 Tout ne doit pas être possible, n'importe où, dans l'espace numérique.
03:34 Et donc, il faut qu'il y ait une régulation qui s'applique
03:37 et qui soit la même ou de même nature que celle qui s'applique
03:40 dans l'espace physique.
03:41 - Agatha, est-ce que c'est lisible selon vous, justement ?
03:44 - On va laisser le Conseil d'Etat s'exprimer à ces sujets.
03:47 Nous, dans le projet de loi CEREN, ce qu'on a regardé,
03:49 c'est l'autre moitié du texte, on va dire,
03:52 à savoir la transposition des importantes régulations européennes
03:56 sur les marchés et les contenus en ligne,
03:59 ainsi que sur le cloud et le partage des données.
04:01 Et c'est cette partie-là qui a été la plus importante pour nos membres.
04:05 - Alors, effectivement, il y a la partie portabilité autour du cloud,
04:09 l'incapacité des données entre les services des différentes entreprises
04:12 et l'imitation des crédits cloud,
04:15 qui finalement faussaient la concurrence entre les différents opérateurs.
04:20 Est-ce qu'il vous semble aujourd'hui que le texte de la loi CEREN
04:22 apporte les bonnes réponses ?
04:24 - Il faut être pragmatique.
04:25 Les crédits cloud, aujourd'hui, sont très utilisés,
04:27 très importants pour les start-up,
04:28 notamment dans les premières phases du lancement de leurs activités.
04:32 Du coup, ils ont aussi un effet bénéfique.
04:35 Après, le problème, c'est que dans la durée,
04:37 ils peuvent avoir des impacts captifs vers les start-up.
04:40 C'est difficile, après, de changer de fournisseur.
04:43 C'est pour ça qu'au niveau européen,
04:45 on a décidé de dire qu'ils ne peuvent plus avoir cet effet captif.
04:48 Et en France, on a décidé d'aller même plus loin et les encadrer
04:51 pour faire en sorte qu'ils ne durent pas plus qu'un an,
04:54 ce qui nous semble un délai raisonnable.
04:56 Après, il va falloir veiller à ce que ça ne cause pas de disparité
04:59 entre les marchés européens.
05:01 Mais en soi, la règle nous semble la bonne
05:03 pour trouver l'équilibre entre les besoins des petites start-up
05:06 et donner aussi un marché équitable, c'est développé,
05:09 pour les fournisseurs cloud européens.
05:11 - Oui, soyons bien clairs.
05:13 D'abord, les crédits cloud, c'est pour ça que nous,
05:15 on ne s'est pas beaucoup exprimé sur le sujet,
05:17 mais ça ne concerne pas les adhérents du CIREF
05:20 qui ont une approche assez distanciée du sujet des crédits cloud.
05:25 Mais les crédits cloud, ça permet...
05:27 - Pourquoi ils ont une approche distanciée ?
05:29 - Parce qu'AWS ne fait pas des crédits cloud
05:32 pour une entreprise du CAC 40.
05:34 - Pour le CAC 40.
05:36 - Ce n'est pas tellement le sujet.
05:38 En revanche, le vrai sujet, c'est est-ce que du financement,
05:41 et notamment des financements publics,
05:44 notamment dans le cadre de la French Tech,
05:46 doit permettre de financer à terme des entreprises américaines
05:51 à travers notamment le développement de produits et de services
05:56 sur leurs plateformes qui ont été engagées dans le cadre de crédits cloud.
06:00 Je crois que c'est une des responsabilités du financeur public,
06:04 de l'investissement dans la tech,
06:06 de regarder comment est-ce que, in fine, ces crédits cloud
06:09 peuvent avoir une influence sur des financements publics,
06:12 qu'ils soient nationaux ou européens.
06:14 - Alors ça, c'est intéressant, mais sur la portabilité des données,
06:17 c'est quand même un sujet, ça, non ?
06:19 - La portabilité des données, c'est une chose absolument essentielle.
06:21 - Il faut qu'on puisse passer d'un opérateur à un autre.
06:23 - Bien sûr. Il y a la portabilité des données
06:25 qui est un sujet tout à fait essentiel,
06:27 et notamment ce sujet des egress fees
06:29 qui était absolument essentiel et qu'il fallait régler.
06:33 D'ailleurs, je constate, je note que tous les opérateurs,
06:36 notamment les trois hyperscalers,
06:38 ont décidé finalement, progressivement, de les supprimer de leur modèle,
06:43 ce qui est une excellente chose.
06:45 Et puis, il y avait également l'interopérabilité entre certains services.
06:48 Je pense qu'on n'est pas allé assez loin aujourd'hui
06:51 sur ces critères d'interopérabilité entre différents services,
06:54 mais c'est une bonne direction,
06:56 et il faudra dans les années à venir,
06:58 notamment au titre de la mise en oeuvre du Tata Act,
07:00 qu'on puisse renforcer cette interopérabilité entre les services.
07:04 - Si vous voulez réagir.
07:06 - Oui, simplement pour rajouter un mot,
07:08 pour dire que c'est quand même une question concurrentielle.
07:10 On voit qu'on est dans un secteur,
07:12 les autres sujets que nous aborderons le démontrent également,
07:14 un secteur avec une domination d'un petit nombre d'acteurs.
07:16 Par conséquent, il faut sortir de cette domination,
07:19 y compris des start-up ou des entrepreneurs qui veulent se lancer.
07:23 Les credit clouds également, bien entendu, doivent être régulés
07:27 et on doit faire attention de ne pas laisser cette emprise se développer davantage.
07:31 C'est pour ça que le fondement du texte est tout à fait légitime.
07:34 Notre intention d'agir doit être renforcée
07:37 et il faut bien développer, bien entendu, la portabilité,
07:40 l'interopérabilité sur le cloud,
07:42 de façon à rendre le plus perméable possible ce marché
07:45 et le plus dynamique possible,
07:47 pour ne pas nous enfermer dans une logique
07:49 dont on voit les conséquences trop souvent sur notre marché français.
07:53 On a des raisons de se réjouir sur ce texte.
07:58 On ne va pas lister l'ensemble,
08:00 mais on a aussi des raisons de s'apercevoir que finalement, ça ne va pas suffire.
08:05 Parce que quand on a Marina Ferrari, la nouvelle secrétaire d'Etat chargée au numérique,
08:09 qui nous dit qu'elle saisit la Commission européenne
08:12 pour la diffusion massive d'arnaques sur Meta et X Twitter,
08:18 et qui parle même d'ailleurs de connivence avec les cyber-escrocs
08:22 de la part de ces plateformes numériques,
08:25 on se dit que là, on vient d'adopter un texte,
08:28 on a des règlements européens,
08:30 mais finalement, on ne sait pas encore agir totalement contre les dérives.
08:34 - Henri ?
08:35 - Oui, moi je ne parlerai pas de connivence,
08:40 mais enfin, d'une forme de myopie de ces plateformes
08:46 pour laisser prospérer ce type de comportement,
08:50 assurément, il manque de leur part une façon de les identifier,
08:57 de les détecter et de les supprimer avec les délais nécessaires.
09:02 - Vous pensez qu'ils ne peuvent pas les identifier ?
09:05 - Oui, c'est une myopie encourageante quand même.
09:07 Je crois que la bonne réponse est de supprimer son compte Twitter le plus vite possible,
09:10 c'est ce que j'ai fait, et j'en suis très heureux.
09:12 - C'est radical !
09:14 - Oui !
09:15 - Agatha ?
09:16 - Je pense qu'il faut nuancer.
09:18 C'est clairement un enjeu de modération des contenus,
09:21 et dans ça, il y a deux sous-enjeux, si je peux dire.
09:24 D'un côté, il y a effectivement l'identification de ces contenus,
09:27 qui aujourd'hui est fait en partie par des intelligences artificielles,
09:30 en partie par des humains, qui voient toute la journée des images, des textes très très durs,
09:35 et qui ne sont pas forcément bien accompagnés pour faire face à ça,
09:38 notamment dans des régions du monde au-delà de l'Europe et des États-Unis.
09:41 Du coup, est-ce qu'on se donne les moyens humains pour faire cette modération ?
09:45 Le train à jeu, il est économique, et c'est pour ça qu'on parle peut-être d'éconnivance,
09:49 mais il est encore à démontrer, c'est que les algorithmes favorisent des contenus
09:53 qui peuvent être viraux, et du coup, aujourd'hui, il n'y a pas d'incentive économique pour les arrêter.
09:57 Il faut peut-être revoir la façon dont les algorithmes mettent en avant davantage un contenu,
10:02 plus que l'autre, et la bonne nouvelle, je trouve que...
10:04 - C'est tout leur modèle d'affaires, aussi, là.
10:06 - Tout à fait, mais ce n'est pas le seul modèle possible,
10:09 parce que nous, on voit, même parmi nos adhérentes,
10:11 ou parmi d'autres plateformes et d'autres réseaux sociaux,
10:15 qu'il est possible de mettre en avant des contenus beaucoup plus bienveillants.
10:18 C'est un choix de design de la plateforme qu'on peut faire,
10:21 et du coup, il faut pousser les grands acteurs à la faire.
10:23 - Puis, il y a un troisième sujet, c'est celui de l'éducation.
10:27 L'éducation, l'éducation, et on ne le répétera jamais assez.
10:31 Aujourd'hui, on a pris des retards considérables en matière d'éducation
10:38 à la capacité de discriminer les fonctionnements de ces plateformes
10:43 et de donner à notre jeunesse,
10:46 de donner, mais même au-delà de notre jeunesse,
10:48 à toute la société française, la capacité de comprendre
10:51 ce qui est en train de se passer.
10:53 - En l'occurrence, les victimes des cyber-escrocs dont on parle,
10:56 ce n'est pas forcément les plus jeunes.
10:58 Ce n'est pas une question juste d'éducation à l'école,
11:00 c'est vraiment une question de prévention.
11:02 Moi, je milite pour qu'il y ait des campagnes de prévention nationale
11:05 sur la cyber-éducation.
11:06 - Je reçois sur mon smartphone un SMS avec un 06.
11:09 Amélie, votre 4 Vitale arrive à expirer son expiration,
11:13 effectuer son renouvellement.
11:15 Mais comment se fait-il que ce genre de numéro
11:17 ne soit pas identifié directement par mon opérateur,
11:20 dont je vais taire le nom par charité,
11:22 et ne soit pas immédiatement, ils savent que ce type...
11:25 - Avant qu'il n'arrive...
11:27 - Avant qu'il n'arrive sur le téléphone de Dagrin,
11:29 ce n'est pas très grave, mais sur le téléphone de milliers de gens
11:32 qui sont vulnérables, c'est une catastrophe.
11:34 - Alors, autre sujet d'inquiétude, TikTok Lite.
11:37 Je ne sais pas, peut-être que vous allez me dire,
11:38 non, on s'en fiche, c'est super, TikTok Lite, pourquoi pas.
11:40 C'est donc un nouveau mode de rémunération
11:43 qui est inventé par la plateforme TikTok au visionnage.
11:46 Plus on visionne, plus on gagne des points
11:48 qui peuvent être transformés en bons d'achat.
11:51 - C'est le développement de l'hyperdépendance.
11:54 L'hyperdépendance, l'hyper-influence, l'hyper-violence,
11:58 c'est dans ce schéma-là que nous sommes enfermés,
12:01 effectivement, qu'on nous encourage à aller.
12:04 Moi, je rebondis quand même.
12:06 C'est vrai que la question de la prévention est importante,
12:08 l'éducation est fondamentale.
12:10 Il faut que nos plus jeunes, les plus vulnérables,
12:12 nos jeunes aient un apprentissage beaucoup plus approfondi
12:16 de ces réseaux sociaux et du monde du numérique
12:19 qu'ils ne l'ont aujourd'hui.
12:21 À 13 ans, à 14 ans, 15 ans, on voit des comportements
12:24 qui relèvent de la fiction, et il faut absolument
12:27 protéger ces jeunes-là et ne pas subir cela.
12:30 Ça sera beaucoup plus efficace que de lutter sans arrêt.
12:33 Et on le fera avec des normes, contre les outils
12:35 et des algorithmes qu'il faut réguler.
12:37 - Là, ce qu'on voit, c'est qu'on ne lutte pas
12:39 contre les pratiques addictives avec tous nos textes européens.
12:42 - Je crois que la dernière fois que je suis passé sur ce plateau,
12:44 on a parlé justement des pratiques addictives,
12:47 on a parlé de la santé mentale de la jeunesse,
12:49 on a parlé de ces sujets-là.
12:51 C'est un sujet qui, aujourd'hui, n'est pas suffisamment pris
12:54 en compte par l'ensemble de la société
12:57 et qui doit, comme la lutte contre le tabac,
13:02 il doit y avoir une véritable politique de santé publique
13:08 vis-à-vis des addictions numériques.
13:10 - Alors, ça pose la question de, à partir de quand
13:13 on se mêle du modèle d'affaires des entreprises ?
13:15 Je ne sais pas, qu'est-ce qu'ils en pensent,
13:16 sur le fonds digital, de cette question ?
13:18 - C'est vrai que, dans certains cas, on a déjà commencé à les faire.
13:21 Si je prends l'exemple du Digital Markets Act en Europe,
13:24 on demande à Google, Apple, Microsoft,
13:27 de revoir leur modèle d'affaires.
13:29 Et on voit déjà des résistances, bien sûr,
13:31 parce qu'encore une fois, il n'y a pas d'incentive économique
13:33 pour les faire, mais on a vu qu'il y a des choses
13:35 qui ne vont pas, et du coup, il faut se remettre en cause.
13:37 Et l'innovation, c'est ça aussi, c'est revoir les modèles d'affaires.
13:41 Du coup, il faut être ouvert à s'interroger à ces sujets,
13:44 et quand on voit où on arrive à anticiper
13:47 qu'il peut y avoir de grands problèmes,
13:49 il faut intervenir, comme encore une fois,
13:50 on l'a fait déjà en Europe.
13:51 - Oui, horrible.
13:52 - Si on propose une idée, vous savez, sur les paquets de cigarettes,
13:55 on voit, il y a le logo, c'est horrible.
13:58 On oblige ces plateformes à mettre un logo
14:01 sur leurs images et sur leurs vidéos en disant
14:05 "Ceci est une vidéo addictive", et on met un petit...
14:10 - On va réfléchir à cette proposition.
14:12 - Ils vont adorer.
14:13 - Ils vont adorer, c'est sûr.
14:14 - Allez, on passe à notre autre sujet.
14:16 C'est le sujet apporté par Infranum,
14:19 qui a été signé le 10 avril 2024, tout récemment.
14:22 Donc, toute la filière d'infrastructures numériques françaises
14:28 va s'impliquer dans la reconstruction
14:30 des réseaux de télécommunications en Ukraine.
14:33 Qu'est-ce que ça veut dire, très concrètement ?
14:35 Comment on s'investit sur le terrain et en temps de guerre ?
14:39 - Oui, concrètement, ça veut dire qu'on a trois phases dans notre projet.
14:42 On a une première phase qui a fait l'objet de la signature
14:44 la semaine dernière avec le vice-premier ministre Mikhaïlo Fédorov,
14:48 à Kiev, qu'on voit la photo là,
14:50 qui consiste à poser des jalons d'une étude stratégique globale
14:55 sur la reconstruction du pays et la modernisation du pays.
14:57 Depuis dix ans, les infrastructures souffrent d'un certain retard d'investissement.
15:01 Les priorités ont été ailleurs et le sont encore, d'ailleurs.
15:04 Donc, reconstruction, 20% des infrastructures,
15:06 2,4 milliards de dollars pour reconstruire,
15:09 et modernisation. Donc, on fait une étude...
15:11 - 20%, c'est l'estimation des infrastructures
15:15 endommagées par la guerre, sur ces deux dernières années.
15:18 - Oui, de fait de guerre.
15:20 Et qui ne sont pas forcément faciles à reconstruire, ça dépend des zones.
15:23 Et du coup, la première étape consiste à bien étudier et faire un pilote.
15:27 Et ce pilote va nous permettre de nous roder entre
15:29 la filière des infrastructures numériques françaises
15:31 et la filière des infrastructures numériques ukrainiennes.
15:35 Pourquoi ? Parce que la stratégie qui est la nôtre,
15:37 mais pas qu'en Ukraine, partout,
15:39 c'est d'être extrêmement respectueux sur l'autonomie et la souveraineté
15:43 des pays dans lesquels on travaille et avec lesquels on travaille.
15:46 Ça ronde un peu avec des pratiques qu'on a vues au XXe siècle,
15:49 y compris de puissances étrangères qui sont arrivées massivement en Afrique,
15:53 pour un résultat dont je vous épargne le bilan,
15:56 mais que vous imaginez très bien, avec un pillage de ressources
15:59 en échange d'infrastructures aujourd'hui obsolètes et inexploitables,
16:02 car aucune formation, etc.
16:04 Bref, cette stratégie, on l'applique aussi en Ukraine.
16:06 On veut que l'Ukraine puisse se reconstruire par elle-même,
16:09 avec ses propres outils, avec son propre industrie.
16:13 Alors nous, filière des infrastructures numériques, bien sûr,
16:16 on sera là pour l'apport en ingénierie, pour l'accompagnement,
16:19 pour l'investissement en capital dans des sociétés ukrainiennes.
16:22 Donc la première étape, c'est cette étude avec ce pilote.
16:25 La deuxième étape, on va passer, on a auditionné,
16:28 en plus d'avoir rencontré la moitié du gouvernement ukrainien,
16:31 on a auditionné les opérateurs télécoms en Ukraine,
16:35 de façon à leur faire un recensement des besoins
16:38 et des projets qu'ils vont déposer, que nous allons déposer,
16:41 que nous allons essayer de faire financer par des fonds publics et privés.
16:44 Et en trois, après le conflit, après la guerre,
16:47 quand j'espère que tout se sera calmé là-bas,
16:50 on pourra passer sur un plan de reconstruction massif
16:53 des infrastructures numériques ukrainiennes.
16:55 Trois étapes. Le pilote, avec cette étude stratégique et technique,
17:00 les premiers déploiements pour reconstruire en priorité
17:03 là où il faut reconstruire, avec quelques dizaines de millions d'euros d'investissement,
17:06 et après le plan à grande échelle, on verra plus loin.
17:09 C'était l'objet de cet accord.
17:11 Et peut-être que le témoignage, c'est qu'on a senti des interlocuteurs,
17:18 le gouvernement, les opérateurs, chaleureux,
17:22 qui nous ont beaucoup remerciés, qui ont besoin de soutien en les sent abandonnés.
17:26 On voit bien la situation aujourd'hui, c'est pas terrible sur le front militaire,
17:30 c'est pas terrible dans les relations internationales.
17:32 On y allait aussi, on fait du business, bien sûr, mais franchement,
17:36 les entreprises qui se sont mobilisées autour de ce projet ne font pas que du business.
17:40 Et on a senti une sorte de remerciement de cette considération,
17:44 on a été reçu comme des chefs d'État.
17:46 Et j'espère que ça produira des effets très significatifs pour le pays.
17:50 En tout cas, je ne peux pas terminer ce propos sans évoquer l'investissement massif de Xavier Niel,
17:56 que j'ai eu l'occasion de soutenir, bien entendu,
17:58 auprès de la diplomatie française et auprès de nos interlocuteurs ukrainiens,
18:02 qui peut constituer cette locomotive de la filière des infrastructures numériques.
18:06 En tout cas, c'est exactement comme ça qu'on essaie de construire les choses.
18:09 En France, on est assez présent, finalement, dans la région, dans le secteur des télécommunications.
18:13 Vous citez Xavier Niel, on a aussi Orange qui est présent en Pologne.
18:18 On s'exporte plutôt bien, alors, désormais ?
18:22 Moi, je crois qu'il y a un intérêt majeur pour cette filière.
18:27 Je pense que Philippe ne me démentira pas.
18:29 Parce que c'est une filière qui a, avec le plan France Très Haut Débit,
18:33 qui est monté rapidement en compétences, en volume d'effectifs,
18:37 et qui, aujourd'hui, n'est pas au bout du chemin sur l'équipement en infrastructure du pays,
18:45 mais qui a besoin, progressivement, de trouver des relais de croissance à l'international,
18:49 qui le fait dans différentes zones,
18:51 et pouvoir contribuer à la reconstruction de l'Ukraine,
18:55 avec toutes ses compétences accumulées et très haut niveau, parmi les meilleures au monde.
18:59 Je trouve que c'est un superbe projet, que tout le monde peut soutenir.
19:04 Bravo.
19:05 Agatha, un mot sur ce projet ?
19:07 Oui, ça me semble une excellente nouvelle.
19:09 Nous, on est très très proche de l'association ukrainienne de start-up.
19:12 Du coup, on échange régulièrement sur leur enjeu,
19:15 et on a discuté, juste avant d'arriver sur ce plateau,
19:18 il y a une très belle énergie là-bas, énormément d'innovation qui s'y crée.
19:21 Il faut juste un intérêt du vrai business et de l'investissement,
19:25 de la part du reste de l'Europe.
19:27 Nous, on voit que nos homologues danois, par exemple, sont extrêmement impliqués sur ces sujets.
19:31 Ils se déplacent, ils investissent, ils font du partage d'expérience,
19:36 ils forment des Ukrainiens en Dénemark, avant de les renvoyer vers la reconstruction en Ukraine.
19:41 Du coup, ça c'est un excellent exemple des bonnes pratiques.
19:44 Et nous, au début du conflit, on était très impliqués dans le collectif Ensemble Ukraine,
19:48 pour aider les Ukrainiens qui partaient du pays à trouver des travails ici,
19:52 ou à répartir avec les moyens qu'il fallait pour le quotidien en Ukraine.
19:57 Bon, ça fait au moins une bonne nouvelle sur notre actualité aujourd'hui.
20:01 On va passer aux moins bonnes, avec l'alerte sonnée par le Sigref.
20:05 Henri Dagrin, ça ne se passe pas bien, cette affaire VMware Broadcom ?
20:10 Expliquez-nous.
20:11 Ça ne se passe pas bien.
20:13 Ça se passe comme vous l'aviez imaginé, j'ai l'impression.
20:15 Ça se passe exactement comme on l'avait prévu.
20:17 En mai 2022, Broadcom annonce son projet de rachat de VMware.
20:23 VMware, pour ceux qui ne connaissent pas, c'est une société qui édite des logiciels
20:28 pour les infrastructures de data center et du cloud,
20:31 qui fait ce qu'on appelle de la virtualisation des serveurs,
20:36 la virtualisation du stockage, des réseaux,
20:39 et qui permet d'orchestrer des processus et des données dans le cloud.
20:48 VMware donc racheté par Broadcom.
20:51 Les autorités de contrôle des concentrations,
20:53 et notamment la Commission européenne, ont donné leur accord.
20:56 Et cette acquisition a pris effet à partir de novembre 2023.
21:03 Nous, dès juin 2022, on avait saisi la Commission européenne en disant
21:08 "Attention, on a quand même quelques petits précédents avec Broadcom,
21:12 notamment concernant le rachat de CIT Technology,
21:15 qui fait des logiciels de gestion, et sur Symantec, pour la partie entreprise de Symantec.
21:28 Et on a dit "Nous, ce qu'on a observé dans les années passées,
21:33 ça nous paraît être un gage de mauvais équilibre entre Broadcom et VMware.
21:39 Ce qui devait se passer, s'est passé depuis novembre 2023.
21:43 Et nous constatons de multiples comportements déloyaux,
21:47 que nous estimons illégitimes de la part de Broadcom,
21:52 concernant les clients de VMware, avec une brutalité
21:56 et un mépris de la relation client-fournisseur, parfaitement inédite dans ce domaine.
22:00 Donc vous appelez la Commission européenne à agir, mais à faire quoi ?
22:03 A revenir sur cette acquisition ?
22:06 Nous l'appelons à agir parce que ce que nous disons précisément,
22:10 c'est que le sujet que nous constatons dépasse le strict cadre du droit de la concurrence,
22:17 qu'il ne faut pas laisser ce sujet traiter par des techniciens du droit de la concurrence,
22:21 que c'est un sujet qui a une dimension économique qui concerne tous les acteurs économiques.
22:26 Et d'ailleurs, nous, le CYF, ce sont tous nos adhérents qui sont d'une manière ou d'une autre concernés.
22:31 C'est la même chose en Allemagne chez nos amis de Voix,
22:34 c'est la même chose aux Pays-Bas chez nos amis de CIO Plateforme Nederland.
22:37 Et nous avons tous écrit à la Commission pour lui dire,
22:41 c'était il y a dix jours, nous lui avons écrit un courrier,
22:45 nous représentons plus de 1000 grandes entreprises en Europe,
22:49 pour dire ce qui est en train de se passer, ce n'est pas normal.
22:51 C'est un sujet qui est désormais de nature politique.
22:54 Ne laissez pas ce sujet aux techniciens du droit de la concurrence,
22:58 mais traitez-le comme un sujet politique,
23:00 parce qu'il concerne directement la capacité de l'Europe à faire prévaloir son autonomie stratégique.
23:06 Et on demande trois choses.
23:07 On demande la première chose, on dit à la Commission, régulez.
23:11 Regardez ce qui se passe, régulez.
23:13 Il y a plusieurs manières pour réguler.
23:15 Mais par exemple, on a un Digital Market Act avec des cloud services
23:20 sur lesquels la Commission n'a désigné personne.
23:23 Ce n'est pas comme si on avait trois oligopoles qui tenaient 75% du marché en Europe.
23:28 Personne.
23:29 Désigner Broadcom sur les sujets VMware comme Gatekeeper sur les sujets de la virtualisation.
23:39 Il y a d'autres instruments qui peuvent être utilisés.
23:44 À la Commission de les utiliser, y compris revenir sur son autorisation du rachat.
23:49 C'est tout à fait possible.
23:51 Et puis, deuxième chose qu'on demande, regardez ce qui est en train de se passer.
23:57 Si vous laissez passer ça, ça va être un signal qui va être donné à l'ensemble de l'écosystème.
24:03 Vous pouvez y aller, servez-vous.
24:05 La ponction illégitime, ça va représenter quasiment 8 milliards d'euros par an,
24:12 complètement stérile pour la compétitivité de l'économie européenne qui vont partir chez Broadcom, si on laisse faire.
24:18 Non mais oui, je pense qu'on mesure pas là.
24:23 Et la troisième chose, c'est de développer.
24:31 Nous, on lance un appel à la Commission européenne pour qu'elle puisse participer au financement du développement d'alternatives.
24:40 Que ce soit des alternatives techniques du logiciel qui permettent de s'affranchir de VMware,
24:46 mais également de financer à travers les IPCEU, c'est-à-dire les projets d'intérêt européen commun stratégique.
24:59 Un dispositif de financement de projet.
25:01 Un dispositif de financement pour développer des alternatives,
25:05 mais également pour développer des outils qui permettent d'industrialiser la sortie de VMware.
25:11 Mais ça, le temps d'adopter des alternatives, ça va prendre...
25:14 Non, non, non, ça peut aller très vite, parce qu'il y en a déjà qui existent.
25:17 Il suffit de leur permettre de passer à l'échelle.
25:19 Ça peut se faire en quelques mois.
25:21 Agatha ?
25:22 Un commentaire peut-être un peu plus large sur le sujet des acquisitions,
25:25 parce qu'il y a deux intérêts importants à balancer.
25:29 D'un côté, on a notamment les startups européennes, qui pour se développer,
25:34 ils finissent en besoins d'une sortie, et l'une des portes des sorties, si ce n'est pas une entrée en bourse,
25:38 c'est souvent une acquisition par un grand groupe.
25:40 Et si on regarde les entreprises des logiciels et technologiques,
25:44 aujourd'hui, les seuls vrais racheteurs sont les Américains,
25:48 qui ont le know-how, le capital et l'intérêt pour y aller.
25:51 On ne voit pas tant d'options en Europe aujourd'hui.
25:54 Et de l'autre côté, il y a les cas comme celui des VMware,
25:57 où le racheteur en profite pour mettre en place des pratiques anticoncurrentielles
26:01 pour lesquelles, en effet, on a déjà des instruments en place,
26:04 mais on ne les a pas utilisés complètement.
26:07 On voit qu'à Bruxelles, il y a de plus en plus d'intérêts
26:10 pour que le cloud entre dans le champ d'application du Digital Markets Act.
26:15 Ce ne sera pas tout de suite.
26:18 J'aimerais bien, mais nous, on a écrit...
26:21 Concrètement, c'est compliqué, parce qu'aujourd'hui,
26:24 les seuils qui sont établis par la loi ne le permettent pas.
26:26 Mais si la pratique démontre qu'il y en a besoin, on pourrait revenir sur le règle.
26:30 Il n'y a pas besoin des effets de seuil, puisque pour désigner un gatekeeper dans le cadre du DMA,
26:34 il y a effectivement les instruments quantitatifs,
26:37 mais également de manière qualitative.
26:39 Et ça, c'est à la main de la Commission de décider.
26:42 C'est un sujet politique.
26:44 C'est pour ça que tu fais une décision politique.
26:46 Oui, il faut aussi les équipes pour.
26:48 Aujourd'hui, la Commission européenne n'a pas assez de personnes
26:51 pour traiter tous les cas d'abus de position qu'il y a dans le marché.
26:54 Mais c'est important qu'on soit là pour alerter de ces types d'acquisitions,
26:57 mais toujours trouver l'équilibre.
26:59 Voilà qui est fait.
27:00 Malheureusement, c'est qu'à Fleury, la régulation est trop faible et peu clairvoyante.
27:04 Et c'est un vrai problème.
27:06 Il y a bien d'autres sujets d'actualité, d'ailleurs, comme celui-là,
27:08 qui attestent qu'il nous faut durcir et renforcer cette régulation européenne.
27:12 Mais comme le disait Agatha.
27:13 Et effectivement, il y a plein d'autres sujets qu'on n'a pas le temps de traiter.
27:16 C'est la fin de cette émission.
27:17 Merci beaucoup de nous avoir suivis.
27:18 Et merci à vous, mes invités, d'avoir été aussi pertinents.
27:21 Merci.
27:22 Merci.
27:23 [Musique]

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