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00:00 Montpellier, la capitale mondiale de la lumière ces jours-ci.
00:02 - Et on va en parler avec notre invité. Bonjour Bruno Paterno.
00:05 - Bonjour.
00:06 - Vous êtes le vice-président de la Métropole, en charge vous de l'esthétique lumineuse.
00:10 Et si vous êtes avec nous ce matin, c'est parce que depuis hier,
00:14 il y a 40 délégations du monde entier qui sont en ce moment à Montpellier
00:18 pour parler de cette thématique de la lumière.
00:22 Congrès annuel de l'association LUCI.
00:24 Ça sert à quoi de faire un congrès comme ça mondial sur ce sujet-là ?
00:28 - Alors déjà ça sert à aller prendre les bonnes idées un peu partout ailleurs.
00:32 Comme ça, ça nous évite de faire des tests et de voir ce qu'ont testé les autres avant.
00:37 Et puis ça nous permet aussi de confronter un peu notre rapport culturel à la lumière,
00:42 donc à l'éclairage, donc aussi à la nuit et au noir.
00:47 Parce qu'évidemment, que ce soit à Séoul, à Helsinki ou à Los Angeles,
00:52 on n'a pas tout à fait la même vision qu'ici.
00:55 Et c'est toujours intéressant de ce congrès.
00:57 - C'est-à-dire qu'est-ce qu'il y a de différent en termes de perception de la lumière justement
01:00 ou de l'obscurité selon les différentes villes du monde ?
01:03 - Quand vous êtes dans un pays où il fait nuit 12, 15, 20 heures par jour la moitié de l'année,
01:09 vous avez vraiment besoin d'avoir de la lumière
01:11 et de recréer aussi des températures de couleurs qui sont un peu différentes.
01:15 Donc vous allez utiliser plus facilement du vert pour vous rappeler que la végétation existe aussi.
01:20 Et après, vous avez certains pays où il y a de la lumière 24 heures sur 24,
01:25 donc dans les grandes villes asiatiques, il y a de la lumière partout, tout le temps et le plus possible.
01:30 Ce qui est vraiment ce qu'on a changé à Montpellier,
01:32 où on est passé du "partout, tout le temps, le plus possible" à "où il faut, quand il faut, en fonction des usages".
01:37 - Vous avez mis en place un plan lumière à Montpellier, à la métropole.
01:41 Est-ce que vous pouvez nous rappeler ce que c'est ?
01:43 - Oui, c'est de se poser justement la question d'éclairer différemment selon les usages.
01:49 Et donc du coup, c'est d'aller inspecter tous les usages.
01:52 Est-ce qu'on éclaire de la même façon les étangs de Pérole, le coeur de ville de Montpellier ou une route départementale ?
02:03 - La réponse est non ?
02:04 - La réponse est non.
02:04 Parce que là où il y a besoin de lumière, il faut en mettre.
02:07 Là où il y a besoin d'une très belle lumière, il faut vraiment la soigner.
02:10 Là où il n'y en a pas besoin, ça ne sert à rien d'en mettre.
02:12 - On va revenir sur ce petit sondage, la question qu'on pose aux auditeurs ce matin.
02:16 Est-ce que vous êtes favorable à l'extinction de l'éclairage public la nuit ?
02:22 Ça se fait de plus en plus, il y a de plus en plus de communes qui pratiquent ça.
02:26 On voit que ce n'est pas encore tout à fait accepté.
02:29 - 60/40, c'est quand même plutôt pas mal.
02:33 Il y a quelques années, on n'aurait pas été là.
02:36 Parce qu'il s'agit bien de rappeler qu'il ne s'agit pas d'éteindre partout, tout le temps,
02:41 mais bien aux endroits où il n'y a personne.
02:43 Le but du jeu de ce plan lumière, c'est aussi de faire en sorte que personne ne s'en rende compte.
02:49 C'est-à-dire que comme on enlève les lumières qui ne servent à rien,
02:52 les lumières qui sont excessives, les lumières qui sont inutiles,
02:55 les lumières qui font doublon, triplon.
02:57 Parce que s'il y a une lumière publique de la rue, plus une lumière privée de l'éclairage,
03:02 plus une lumière temporaire d'un festival ou d'un éclairage de Noël par exemple,
03:07 ça fait qu'il y a trois lumières au même endroit.
03:08 Si vous en enlevez deux, personne ne s'en rend compte.
03:10 Sauf que vous faites beaucoup d'économies et que ça fait du bien à la planète.
03:13 - Alors ça fait du bien à la planète, comment justement ?
03:15 Le côté économique, on le voit bien, c'est comme à la maison, on éteint la lumière, ça coûte moins cher.
03:20 Le côté planète, le côté environnement, comment ça joue finalement
03:23 et pourquoi c'est important de se poser ces questions-là ?
03:26 - Alors ça c'est une des grandes nouveautés qu'on va révéler justement aujourd'hui
03:29 aux 40 villes qu'on accueille, c'est la trame étoilée.
03:33 C'est-à-dire que les différentes espèces qui vont être ce qu'on appelle "lucifuges",
03:39 c'est-à-dire qu'elles ont peur de la lumière.
03:41 S'il y a des endroits qui sont éclairés, elles ne vont pas y aller.
03:44 Et donc il faut qu'on arrive à recréer des couloirs de biodiversité
03:47 pour que justement ces espèces puissent recirculer.
03:50 - Donc c'est les oiseaux nocturnes par exemple ?
03:52 - C'est les oiseaux nocturnes, c'est les chauves-souris et c'est tous les insectes.
03:55 60% de nos pollinisateurs sont des insectes nocturnes.
03:59 Si vous n'avez plus d'insectes nocturnes, vous n'avez plus de fruits et légumes.
04:01 Si vous n'avez plus de fruits et légumes, vous n'avez plus d'humains.
04:03 Donc c'est utile de préserver nos petits papillons de nuit,
04:05 qui ne sont pas très beaux, mais qui nous servent vraiment tous les jours.
04:08 Et si vous mettez une lumière entre l'endroit où ils dorment et l'endroit où ils mangent,
04:13 ils ne peuvent plus manger et donc ils meurent.
04:15 - Et donc vous mettez en place à Montpellier une trame étoilée ? Racontez-nous un peu.
04:18 - Exactement, donc ça veut dire qu'il y a des endroits où on va arrêter l'éclairage
04:23 puisqu'on n'en a pas besoin, ou des endroits où on va diminuer l'éclairage.
04:26 Il suffit des fois d'abaisser le mat d'un mètre pour que la chauve-souris puisse passer par-dessus.
04:31 Il y a des endroits où on va changer la température de couleur,
04:34 c'est-à-dire qu'on va passer d'un éclairage très blanc, qui est aussi agressif,
04:38 qui est aussi vecteur d'un sentiment d'insécurité,
04:41 vers un éclairage qui va être beaucoup plus chaleureux, beaucoup plus chaud.
04:45 Dans vos magasins de bricolage, vous pouvez acheter des lampes blancs ou blancs chauds.
04:50 Et là, nous on va carrément jusqu'à lambrer, c'est-à-dire des lampes orangées.
04:53 C'est d'ailleurs ce qu'on est allé voir hier à Murvielle-les-Montpelliers,
04:55 donc j'étais ravi que des gens de Séoul, de Los Angeles, de Glasgow ou d'Amsterdam
05:00 aillent à Murvielle-les-Montpelliers pour aller regarder les lampadaires
05:03 et prendre en photo les lampadaires de Murvielle, qui vont maintenant faire le tour du monde.
05:06 - Qui sont donc plutôt orangées à Murvielle-les-Montpelliers.
05:08 - Qui sont très orangées à Murvielle-les-Montpelliers, oui.
05:10 - Et ça c'est mieux pour les espèces nocturnes, tolèrent mieux ce genre de luminosité ?
05:15 - Exactement, parce qu'eux aussi c'est une lumière qui est beaucoup plus naturelle,
05:18 qui ressemble à la lumière du soleil ou à la lumière du reflet de la lune.
05:21 Et donc du coup c'est une lumière qui va être plus acceptée par la nature et aussi par l'humain.
05:26 - Cette trame étoilée, elle se dessine où, comment, elle est répartie comment sur la métropole montpellierenne ?
05:33 - Alors elle se répartit majoritairement aussi sur le même suivi que la trame bleue,
05:40 qui sont les continuités de l'eau.
05:43 Et donc vous avez beaucoup beaucoup d'endroits où on est dans les parcs, au bord des fleuves.
05:48 Et ça tombe bien à Montpellier, ça par contre ça fait 20 ans que c'est comme ça,
05:52 on n'éclaire pas les parcs la nuit, on n'éclaire pas le cœur de l'eau.
05:56 Donc du coup ça va, on n'aura pas grand chose à faire pour améliorer cette trame.
06:00 - Vous vous appuyez finalement sur ce qui existe déjà.
06:03 Est-ce qu'on a dans la métropole montpellierenne encore une problématique
06:07 sur les commerces qui gardent leur façade allumée la nuit par exemple,
06:12 pour attirer les clients qui se baladeraient en soirée et mettre les marques un petit peu en tête ?
06:17 - Alors ça va mieux, on est à 90% de commerces qui éteignent.
06:23 Donc il faut quand même aussi, pas forcément pointer du doigt toujours les mêmes.
06:27 Les petits commerçants vraiment font cet effort-là,
06:30 aussi pour une raison toute simple et qui est économique,
06:33 c'est que de laisser allumer toute la nuit ça coûte très cher.
06:36 Donc après sur les 10% qui restent, on est en train pour l'instant de travailler sur leur rappeler la loi.
06:44 Et on va après passer à un endroit de répression.
06:48 Après c'est un peu compliqué parce que l'État ne nous donne pas les moyens.
06:51 L'État a rejeté cette question-là aux collectivités.
06:54 Donc on est en train de le mettre en place pour aller...
06:57 - Vous pourrez verbaliser éventuellement les commerces qui ne respectent pas cette loi.
07:01 - Voilà exactement.
07:01 - Sur l'extinction nocturne.
07:02 Quels sont les freins encore ?
07:03 Alors que ce soit les commerces ou les gens qui se disent
07:05 "non je préfère avoir de la lumière la nuit, je me sens plus en sécurité".
07:09 Qu'est-ce qu'on peut encore faire évoluer sur cette question de l'éclairage public la nuit ?
07:14 - À chaque fois qu'il y a des endroits où on va travailler sur l'extinction,
07:17 et encore une fois c'est pas partout,
07:19 on fait des réunions publiques où on travaille avec des responsables de gendarmerie,
07:24 où on travaille avec des biologistes, où on travaille...
07:26 Et puis on va sur le terrain.
07:28 En fait à partir du moment où vous déambulez dans la nuit avec les gens
07:31 et vous faites de la pédagogie, et vous faites un travail d'explication,
07:34 les gens se rendent compte que, déjà que peut-être qu'à 4h du matin au fond du jardin,
07:39 c'est pas forcément utile parce que de toute façon personne n'y va,
07:42 et que finalement on arrive plutôt à bien voir.
07:47 Ma grand-mère disait que les joueurs de pleine lune on y voyait comme en plein jour.
07:51 C'est un luxe et demi.
07:53 Du coup est-ce que c'est utile de mettre 100, 200 luxes ?
07:56 Pas forcément.
07:57 Peut-être qu'on peut réduire et passer à 12 luxes, 15 luxes.
08:00 C'est déjà 10 fois plus qu'une nuit de pleine lune.
08:03 Ça va, c'est peut-être suffisant.
08:04 - Merci beaucoup Bruno Paternot d'être venu nous voir ce matin.
08:08 Vice-président de la métropole montpellierenne en charge de l'esthétique lumineuse.
08:12 Et on le rappelle c'est parce qu'il y a en ce moment la 40 villes du monde entier,
08:15 vous en citiez quelques-unes,
08:16 Séoul, Glasgow, Rotterdam, Londres ou encore Rabat,
08:20 qui sont en ce moment à Montpellier pour discuter justement de cette question de la lumière.
08:24 Merci beaucoup.
08:25 - Avec plaisir.
08:26 - Vous pouvez retrouver cette interview sur le site internet à comme à chaque fois francebleu.fr