Avec Nadir Khaia, président de l’association Banlieue plus et nos quartiers
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NewsTranscription
00:00 (Générique)
00:06 13h06 sur Sud Radio, nous sommes ensemble jusqu'à 14h.
00:08 On a le plaisir aujourd'hui de recevoir pour ce face à face Nadir Kaya,
00:12 président de l'association Banlieue Plus.
00:14 Bonjour à vous Nadir Kaya.
00:16 - Bonjour. Banlieue Plus et nos quartiers.
00:18 - C'est le quartier qui s'appelle Banlieue Plus ?
00:21 - Non, l'association s'appelle Banlieue Plus et nos quartiers.
00:24 - Ah, et nos quartiers.
00:25 - Voilà.
00:25 - J'ai pas entendu parce que j'ai entendu c'est le quartier,
00:27 je me suis dit c'est pas mal un quartier.
00:29 Alors, Nadir Kaya, ça fait longtemps qu'on se connaît,
00:32 ça fait longtemps qu'on se parle et je voudrais vraiment faire quelque chose.
00:36 On va pas en une heure retracer tout le promener des banlieues,
00:40 il faudrait dix heures et plus que ça et des années peut-être.
00:44 Mais c'est intéressant de voir parce que les banlieues,
00:46 c'est l'auberge espagnole du fantasme d'un côté comme de l'autre.
00:50 C'est-à-dire d'un côté on dit "Ah là là, les banlieues, la violence, tout ça, etc.
00:54 Il y a plus, oui, des gens qui profitent, on a donné 100 milliards,
00:57 pourquoi ? Pour rien, pour qu'il y ait des émeutes, à la naelle et compagnie, etc."
01:00 Et puis d'autres qui disent "Attendez, c'est beaucoup plus compliqué que ça les banlieues,
01:04 il n'y a pas une chosification et c'est vrai que les généralisations sont toujours, à mon avis,
01:09 toujours un peu imbéciles, si je peux me permettre.
01:12 Il y a des gens qui travaillent, il y a des gens qui font,
01:14 on ne peut pas mettre, on ne peut pas étiqueter d'une même façon tout le monde."
01:19 Mais je voudrais rappeler quelque chose de Nadir Kaya avant de vous donner évidemment la parole.
01:23 Il y a incontestablement, et ça c'est les statista de les fractures sociales, et ils existent.
01:28 Par exemple, ils ont regardé un indicateur socio-économique
01:33 entre les quartiers prioritaires et l'ensemble de la France.
01:36 C'est intéressant de parler de ça parce que ça on en parle assez peu.
01:38 Quelle est la part d'ouvriers entre quartiers prioritaires et l'ensemble de la France ?
01:44 Dans l'ensemble de la France, la population ouvrier, 14,5%.
01:50 Dans les quartiers prioritaires, 33,5%.
01:54 Donc population ouvrière très importante.
01:57 Taux de chômage, 7,3% dans l'ensemble de la France,
02:01 18,1% dans les quartiers prioritaires.
02:05 Ce qu'on appelle les quartiers prioritaires, on en parlera avec Nadir Kaya.
02:08 Je continue quand même.
02:09 Part des 16-25 ans non scolarisés et sans emploi,
02:13 12,9% dans l'ensemble de la France,
02:15 25,2% dans les quartiers prioritaires.
02:19 Le revenu médian, l'ensemble de la France est 1822 euros par mois.
02:24 Dans les quartiers prioritaires, 1168 euros par mois.
02:28 Taux de pauvreté, 15,5% dans l'ensemble de la France,
02:35 l'ensemble de la France y compris évidemment les quartiers,
02:38 mais dans les quartiers simplement, 43,3% de taux de pauvreté.
02:43 Ménage, enfin ménage vivant dans un logement surpeuplé,
02:47 en France, dans l'ensemble de la France, 8,7%,
02:50 dans les quartiers, 22,0%.
02:53 C'est vrai que là déjà, Nadir Kaya, quand même,
02:56 on trace un tableau qui est quand même très parlant.
02:59 Alors on ne va pas dire la faute à qui, la faute à quoi,
03:02 mais ça veut dire qu'il y a une véritable fracture sociale,
03:05 un véritable, je dirais un mur ici, non ?
03:08 - Alors déjà, merci pour l'invitation,
03:10 parce que comme vous le savez, ça va faire presque 10 ans que je me bats
03:13 avec certaines personnes issues des quartiers populaires
03:15 et que c'est nous aussi, aux médias, qu'on puisse aussi commenter l'actualité.
03:18 C'est très compliqué en 2024, c'est pour ça que je vous remercie
03:21 et je le fais à chaque fois que je peux avoir l'occasion d'être invité.
03:24 C'est un vrai combat.
03:26 Par rapport à ce que vous venez de dire concernant ces chiffres,
03:29 c'est parlant pour les gens qui sont intéressés par rapport aux chiffres.
03:32 Ça leur donne une image, un instant T,
03:36 de la réalité de cette France qui est fracturée.
03:39 - C'est une réalité ?
03:41 - Par rapport à vos chiffres, c'est une réalité.
03:43 C'est une réalité, mais de façon humaine.
03:46 C'est-à-dire que je n'ai pas besoin de chiffres pour savoir qu'il y a des inégalités
03:49 et des choses qui ne vont pas en France.
03:51 Et les banlieues, j'aimerais le rappeler,
03:53 la banlieue ou les banlieues, ça reste la France.
03:56 Qu'on le veuille ou non.
03:57 Donc s'il y a des problématiques qui se résument à vos chiffres que vous venez de rappeler,
04:01 ça veut dire qu'il y a des choses qui ne fonctionnent pas en France
04:04 ou qui continuent à mal fonctionner.
04:06 Donc à un moment donné, les chiffres, c'est bien pour les statisticiens,
04:09 les gens qui vivent de ça,
04:11 mais si on veut se détacher notamment sur la partie humaine des choses,
04:15 j'aimerais qu'on prenne acte de ça et qu'on essaye rapidement,
04:19 même si je n'y crois pas trop,
04:21 d'inverser les choses parce que j'ai un certain âge.
04:23 Ça fait plus de 40 ans qu'on sait qu'il y a des inégalités en France,
04:26 et notamment par rapport au quartier.
04:28 Mais aujourd'hui, comme on est dans l'émotion et qu'il y a un discours de droite,
04:31 d'extrême droite, qui est prioritaire en politique et dans les médias,
04:35 ça n'intéresse pas les gens.
04:36 Parce qu'on va nous dire encore, vous faites de la victimisation,
04:39 vous plaignez...
04:40 - Non mais est-ce qu'il n'y a pas... Attendez, Nadir,
04:42 parce qu'on va parler au fond, parce que sinon on va revenir sur les mêmes clichés.
04:47 Moi je crois qu'il ne faut pas opposer.
04:49 À mon avis, chiffres et humains.
04:50 Vous avez tout à fait raison de dire dans l'humain, ça compte,
04:52 les chiffres aussi comptent.
04:54 Mais ce que je crois... Vous voyez, vous dites par exemple,
04:56 et c'est pour ça que ça m'intéresse d'aller au fond avec vous,
04:59 vous dites par exemple, effectivement, il y a de la précarité,
05:02 il y a etc.
05:03 Vous savez très bien qu'en France aussi,
05:05 il y a des agriculteurs qui touchent 800 euros par mois
05:07 en travaillant 50 heures par semaine et plus, effectivement.
05:11 Qu'il y a de la pauvreté en Creuse, dans le Limousin et partout.
05:14 Donc, il ne faut pas... Je crois que, franchement,
05:17 pour aller plus loin, il ne faut pas opposer
05:19 tel banlieue ou tel banlieue.
05:21 Je crois que c'est votre cas.
05:24 - Alors je ne le fais pas, je n'oppose pas les uns et les autres.
05:27 Je suis conscient, parce que je connais quand même un petit peu le monde rural
05:31 pour partir souvent en vacances dans ces secteurs-là de la France.
05:34 Et je sais très bien qu'ils ont des difficultés qui peuvent être les mêmes,
05:37 voire pires, sur certaines situations.
05:39 Et on le sait très bien à travers le suicide des agriculteurs.
05:42 On a vu la crise des agriculteurs dernièrement,
05:44 en tant que Français, connaissant un petit peu la situation,
05:46 suivant l'actualité aussi, c'est des réalités.
05:48 Moi, je n'oppose pas les campagnes et les banlieues, bien au contraire.
05:51 Par contre, il y a une petite différence qu'il ne faut pas négliger.
05:54 C'est-à-dire que, malgré leurs difficultés dans les campagnes,
05:57 dans les territoires, ces Français-là, ces femmes et ces hommes,
06:00 ne sont pas discriminés par rapport à leur couleur de peau,
06:03 par rapport à une appartenance religieuse.
06:05 C'est la seule distinction qu'on a entre les banlieues et les campagnes.
06:09 Autrement, la difficulté de vivre, dignement,
06:12 est parfois la même, et parfois même encore plus,
06:14 dans les campagnes qu'en banlieue.
06:16 Parce que le service public est quand même plus présent
06:18 dans certains quartiers, dans certaines villes populaires,
06:21 parce que c'est l'urbanisme qui veut ça,
06:23 alors que vous avez des desertifications dans la campagne
06:25 qui sont difficiles à vivre,
06:27 et qui aussi démontrent que, sur certains aspects,
06:30 vivre en campagne, c'est très difficile.
06:32 Alors, on va en parler après cette petite pause,
06:34 et on va parler justement des discriminations
06:36 que vous venez d'évoquer,
06:38 et on va parler de tout ça dans le fond.
06:40 Alors, nous avons parlé des chiffres,
07:01 mais nous n'allons pas rester sur les chiffres
07:04 avec Nadir Kaya,
07:06 qui est fondateur de Banlieue+ avec nos quartiers.
07:10 - Voilà, c'est une association, comme il en existe de nombreuses,
07:13 en banlieue et en France.
07:15 - Association de 1900.
07:17 - Vous savez que la France, c'est le pays des associations en Europe.
07:19 - Ah oui ? - Le tissu associatif en France,
07:22 c'est extraordinaire, et globalement,
07:24 la plupart des politiciens s'appuient sur ce tissu associatif pour vivre.
07:27 - Ah oui ? C'est-à-dire ? Expliquer ?
07:29 - Comme partout, dans les villes, dans les banlieues,
07:32 la plupart des politiciens, soit pour être élu,
07:35 s'appuient sur le tissu associatif,
07:37 soit pour maintenir une certaine autorité,
07:39 ou une paix sociale,
07:41 on peut parler du clientélisme en banlieue,
07:43 à droite ou à gauche, il existe aussi,
07:45 bon, pas partout, heureusement, mais il y a un clientélisme,
07:47 depuis des années en France,
07:49 qui est insupportable, et qui détruit aussi, si vous voulez,
07:51 une relation qu'il peut y avoir entre citoyens,
07:53 et de citoyens avec nos élus.
07:55 - Alors, attendez, c'est intéressant,
07:57 vous dites qu'en fait,
07:59 un certain nombre de politiciens, effectivement,
08:01 droite et gauche confondus, de ce point de vue-là,
08:03 pour se faire réélire, se dire
08:05 "Ah là là, il y a telle puissance,
08:07 tel groupe, tel milieu,
08:09 je vais m'appuyer sur eux, comme ça, ils vont m'apporter des voix."
08:11 C'est un peu ça.
08:13 - C'est le propre de l'être humain, quand vous êtes au pouvoir,
08:15 c'est choisir son clan, ou ceux qui sont capables
08:17 de faire en sorte que vous restiez au pouvoir.
08:19 - Mais vous ne croyez pas qu'il y a des hommes politiques,
08:21 qui sont des hommes d'État, et qui sont un peu au-dessus de ça ?
08:23 Et qui essayent de...
08:25 - De l'intérêt collectif, au lieu de leur intérêt d'être élus ?
08:28 - Oui, bien évidemment, heureusement,
08:30 tout n'est pas sombre ou obscur dans ce monde-là,
08:33 mais de mon expérience, pour avoir
08:35 navigué un peu partout en banlieue,
08:37 notamment en parisienne,
08:39 dans des villes dirigées
08:41 par des communistes ou des gens de droite,
08:43 malheureusement, ils ont souvent ces mêmes pratiques.
08:46 Et c'est ce qui pose problème aussi dans les banlieues,
08:48 sur l'émancipation, sur une certaine évolution.
08:51 - Alors en quoi, c'est intéressant, pourquoi vous pensez
08:53 que ça "chosifie" les gens ?
08:55 C'est-à-dire qu'on leur dit "Restez, vous, vous avez l'étiquette,
08:57 vous êtes musulman,
08:59 vous êtes ceci, vous êtes cela,
09:01 et même plus, vous êtes kurde,
09:03 vous êtes albanais, vous êtes
09:05 Afrique du Nord, Afrique sud-saharienne,
09:07 on va s'occuper de vous, et de vos intérêts particuliers."
09:10 C'est ça la stratégie ?
09:12 - Pour certains, c'est leur philosophie,
09:14 c'est leur façon de faire du commerce localement,
09:16 oui, bien sûr.
09:18 Après, vous savez, moi ce qui me ferait,
09:20 c'est quand certains vous disent de façon hypocrite
09:22 "Il n'y a pas de communauté en France, il n'y en a qu'une seule,
09:24 c'est la communauté nationale." Bien évidemment, il y a une communauté nationale,
09:26 mais vous avez un ensemble de communautés.
09:28 Donc ne pas dire ça, c'est soit ne pas connaître,
09:30 soit être hypocrite, pour chercher
09:32 à plaire à un certain nombre de personnes.
09:34 Mais oui, il y a des maires
09:36 aujourd'hui qui ont une façon de faire de la politique
09:38 localement qui est nuisible à tous
09:40 leurs habitants, parce que
09:42 c'est les opposés les uns les autres, parce que
09:44 je te donne à toi certaines subventions,
09:46 et tu fais ce que je te dis, tu restes dans ton domaine.
09:48 Moi je le vois, à mon niveau du côté de Gennevilliers,
09:50 on a une mairie communiste
09:52 depuis toujours, et il faut savoir qu'on a
09:54 même une mairie qui est l'une des
09:56 plus grandes, plus hautes
09:58 d'Europe, avec 16 étages et
10:00 une tour. C'était l'époque du communisme
10:02 dans sa splendeur en France, ça a été fait dans les années 70.
10:04 La banlieue rouge de l'époque.
10:06 Et encore aujourd'hui, vous avez
10:08 le bassin,
10:10 vous avez le port autonome de Paris, donc c'est une ville
10:12 qui porte un peu l'histoire du communisme en France.
10:14 Et puis,
10:16 il y a des choses qui se font, qui sont très bien, moi je ne veux pas tout
10:18 comme je vous ai dit, noircir sur des villes, parce qu'il y a du bon
10:20 et du moins bon partout. Mais malheureusement,
10:22 il y a du mauvais qui ne nous
10:24 aide pas à évoluer les uns les autres, et qui nous oppose.
10:26 Et ça, je peux le renvoyer aussi
10:28 à l'échelle au niveau national, si vous voulez.
10:30 - Alors justement,
10:32 parlons-en, mais restons.
10:34 Quand vous dites qu'ils vous posent, parce que c'est
10:36 vraiment le fond, le nœud du problème,
10:38 c'est que, ce qu'il n'y a pas eu aussi, vous savez, j'avais reçu
10:40 un préfet, un ancien préfet,
10:42 qui parlait de la politique du logement social.
10:44 Et pourquoi ?
10:46 Et vous connaissez ça au moins aussi bien
10:48 que quiconque,
10:50 Nadir Khaïa. Et qu'est-ce qui fait
10:52 qu'aujourd'hui, on se retrouve
10:54 dans des immeubles, dans des quartiers, etc.,
10:56 où il y a les mêmes communautés,
10:58 presque les mêmes
11:00 doubles nationalités ou pas, et on se retrouve ensemble
11:02 au lieu... C'est-à-dire, cette fameuse mixité
11:04 sociale que tout le monde a parlé,
11:06 oui, il faut mélanger, métisser, tout ça,
11:08 on a l'impression que ça ne s'est pas fait du tout
11:10 depuis 40 ans ou 50 ans.
11:12 - Alors je vais essayer de répondre rapidement, parce que j'ai plein de choses en tête
11:14 quand vous parlez par rapport à des sujets.
11:16 - Oui.
11:18 - La mixité sociale, si vous voulez, en France,
11:20 c'est compliqué, parce que là aussi, il y a de l'hypocrisie.
11:22 Et il y a des paradoxes.
11:24 C'est-à-dire que vous avez des personnes,
11:26 effectivement, quand... Je pense que vous faites
11:28 peut-être allusion à des étrangers quand ils arrivent sur le territoire,
11:30 le premier réflexe qu'ils ont,
11:32 et c'est humain, on peut le comprendre, vous avez aussi
11:34 des Français qui vont à l'étranger, qui fonctionnent comme ça,
11:36 qui vivent entre Français, au Maroc ou ailleurs.
11:38 - Et donc ceux qui arrivent
11:40 ont envie de retrouver des gens qui... - Mais bizarrement, on s'interroge un peu plus
11:42 quand c'est des étrangers qui viennent en France.
11:44 "C'est bizarre, mais pourquoi ils vivent entre eux ?"
11:46 Pourquoi ça vous choque d'un côté...
11:48 - Non, mais c'est pas choquant. - Non, mais pas vous, personnellement.
11:50 Je vous parle de l'hypocrisie française,
11:52 de la mentalité, du fait qu'on les a conditionnés
11:54 à s'interroger sur certaines choses, et puis de l'autre côté,
11:56 à fermer les yeux.
11:58 Oui, vous avez des étrangers qui viennent et qui préfèrent
12:00 vivre entre eux, parce que ça leur permet, à quelque part,
12:02 pour certains d'entre eux, de pouvoir mieux
12:04 s'intégrer, en vivant d'abord
12:06 avec des gens similaires à leur culture,
12:08 pour pouvoir avoir les codes,
12:10 pour pouvoir vivre bien en France.
12:12 Ça, c'est la première chose. Et puis, vous avez paradoxalement
12:14 des villes où
12:16 on fait en sorte, et on l'a vu,
12:18 je crois qu'il y a eu des scandales là-dessus,
12:20 de mettre des personnes entre eux
12:22 volontairement. Vous savez, le fait de dire,
12:24 notamment dans les HLM,
12:26 de dire "ben voilà, moi dans cette barre d'immeubles, je préfère avoir que des Arabes,
12:28 de ce côté que des Noirs".
12:30 Vous avez des maires et des HLM, des offices... - Qui disent ça !
12:32 - Non, qui ne disent pas qu'ils fonctionnent comme ça,
12:34 parce qu'on ne dit pas les choses en politique.
12:36 Ou alors on le dit dans des cercles restreints.
12:38 Mais la réalité, elle est comme ça.
12:40 Moi, j'ai vécu dans le 9-2, et je suis souvent
12:42 dans le 9-2 et le 9-3,
12:44 qui sont... Pourtant, je suis à Gennevilliers,
12:46 la limite, c'est le 9-3.
12:48 Et quand je traverse la 86,
12:50 ou le pont, ou les différents ponts de la Seine,
12:52 je m'aperçois que déjà, entre
12:54 ces deux départements, il y a des différences
12:56 extraordinaires. - Par exemple ?
12:58 Expliquez concrètement. - Des communautés sur des communautés.
13:00 Moi, je suis à Gennevilliers, vous avez une certaine mixité.
13:02 Qui n'est pas totale, qui n'est pas parfaite,
13:04 mais elle est quand même plus importante que celle
13:06 que j'ai connue du côté de la Courneuve, ou du côté de Bobigny,
13:08 ou du côté du Bourget, où là,
13:10 on fait en sorte de ramener de l'immigration
13:12 sur l'immigration.
13:14 Et ça change le visage
13:16 d'une ville, mais c'est aussi la volonté
13:18 de certaines politiques, et ça, il faut le dire.
13:20 C'est pas simplement le fait que des
13:22 Arméniens ou des
13:24 Africains
13:26 voudraient simplement...
13:28 Parce qu'il y a aussi une logique sociale.
13:30 Ces gens-là, je pense que s'ils avaient la possibilité d'aller à Neuilly
13:32 ou à Boulogne, ils le feraient, mais ils peuvent pas,
13:34 parce qu'ils ont pas les moyens, parce qu'on veut pas d'eux.
13:36 - Oui, mais comment, alors, justement,
13:38 vous dites ça, et on comprend ça,
13:40 je veux dire, c'est pas une question de
13:42 jugement, mais comment vous dites, d'un autre côté,
13:44 ils cherchent à s'intégrer, mais c'est très compliqué,
13:46 comment on peut, et justement, c'est peut-être
13:48 le rôle des politiques aussi, qui n'ont pas fait leur
13:50 boulot, comment on peut chercher l'intégration,
13:52 et en même temps,
13:54 condamner les gens, en disant "là, c'est pour les Arabes,
13:56 là, c'est pour les Africains subsahariens, là, c'est pour ceux-ci".
13:58 Comment peut-on s'intégrer
14:00 quand on vit dans l'entre-soi ?
14:02 C'est un vrai problème. - C'est ce que je vous dis,
14:04 c'est le phénomène du paradoxe et de la nature humaine.
14:06 On est tous dans le paradoxe, moi le premier,
14:08 je pense que vous l'êtes tous un peu, quelque part,
14:10 parce que des fois, on tient des propos, et on fait le contraire.
14:12 Volontairement ou pas.
14:14 Intellectuellement ou naïvement.
14:16 Mais on le fait, c'est le propre de l'être humain.
14:18 - Mais la malhonnêteté intellectuelle, moi, je trouve, pour ceux qui font ça.
14:20 - Pour des gens qui ont des responsabilités, comme les hommes politiques, oui.
14:22 Moi, je l'ai souvent dit, comme je vous l'ai dit,
14:24 j'interpelle les médias et les politiques depuis longtemps sur certaines situations.
14:26 Après, je suis très critique sur les politiques
14:28 et les médias, mais je le suis encore plus sur les banlieusards
14:30 et encore plus sur les musulmans,
14:32 parce que je suis aussi musulman. C'est peut-être pour ça qu'on va peut-être
14:34 aborder des choses, et vous allez peut-être comprendre ce que je peux dire
14:36 très librement,
14:38 sur les uns comme sur les autres.
14:40 - Vous dites que les responsabilités, en fait, sont partagées.
14:42 - Je le dis souvent,
14:44 les responsabilités sont globalement
14:46 et souvent partagées. Après, chacun doit prendre
14:48 sa part de responsabilité. - Bien sûr.
14:50 - Et c'est là que ça devient compliqué. Parce qu'il y a des gens qui vont prendre leur part de responsabilité,
14:52 et d'autres qui ne voudront pas.
14:54 Mais le problème, c'est qu'il y a des gens qui sont élus par les Français,
14:56 et là, en termes de responsabilité,
14:58 ce n'est pas la même responsabilité qu'on peut demander à un simple citoyen,
15:00 même s'il a des droits et des devoirs. - Bien sûr.
15:02 - Voilà. - Mais souvent, on oublie les devoirs
15:04 pour ne penser qu'aux droits. Vous le savez,
15:06 de part et d'autre. - Oui, mais c'est ça.
15:08 - On l'a vu aussi en politique. - Bien sûr.
15:10 - Là, j'ai le souvenir de certaines affaires politiques,
15:12 parce que, pour revenir à un terme
15:14 que M. Sarkozy a employé en parlant de "racaille",
15:16 là, hier, j'ai tweeté,
15:18 j'ai fait un petit tweet très simple,
15:20 en rappelant qu'il y avait aussi des racailles tout en haut de la pyramide,
15:22 à travers les condamnations qu'ils ont pu avoir.
15:24 - Vous savez, il y a racaille d'en haut et racaille d'en bas.
15:26 - Oui, mais on a souvent... - Et l'un n'excuse pas l'autre.
15:28 - Oui, mais on fait croire aux Français qu'il n'y a que des racailles en bas.
15:30 - Non, mais il le savent. - Et c'est bien de rappeler que des racailles,
15:32 il y en a partout, quoi. Partout, c'est-à-dire des individus qui sont...
15:34 - C'est vrai, il a dit "il le savent". - ...qui peuvent être malhonnêtes ou injustes.
15:36 - Mais comment faire,
15:38 aujourd'hui, vous savez très bien, on n'est pas...
15:40 Et justement, on est, entre autres, dans la franchise,
15:42 et j'espère, dans l'honnêteté intellectuelle, en tout cas,
15:46 comment faire pour empêcher les intérrices ?
15:50 Je dis bien les intérrices,
15:52 il n'y a pas pour moi un intérrice d'un côté, un intérice de l'autre,
15:54 il y a des intérrices, il y a des positions
15:56 qui se ossifient,
15:58 qui se durcissent, vous savez,
16:00 comme une arthrose, etc.
16:02 Et on commence à avoir
16:04 une espèce d'arthrose nationale,
16:06 où on dit, voilà,
16:08 c'est la cageophobe,
16:10 c'est l'islamophobe, toi tu es géodéophobe,
16:12 toi tu es christianophobe,
16:14 sans parler des homophobes, etc.
16:16 - Oui, ou antisémite, moi on m'a traité d'antisémite,
16:18 islamiste, homophobe,
16:20 pour avoir fait peu de médias,
16:22 j'ai souvent été qualifié comme ça, par rapport à des discours
16:24 qui ne plaisaient pas à certains. Mais de l'autre côté,
16:26 si on va parler des banlieues,
16:28 je sais qu'en banlieue, il y a des personnes qui vont me tweeter,
16:30 qui vont me dire "voilà, tu fais des médias,
16:32 t'es un vendu,
16:34 les termes qu'on peut entendre, comme vous dites, à droite ou à gauche,
16:36 ou le fait qu'on vous classifie
16:38 dans un endroit ou dans l'autre, en fonction de votre prisme à vous.
16:40 C'est ce qui pose problème,
16:42 parce que c'est la France d'aujourd'hui, malheureusement.
16:44 Et pour changer tout ça,
16:46 moi je vais vous parler de plusieurs choses,
16:48 il faut de la sincérité, du courage,
16:50 et comprendre que la seule façon de régler les problèmes
16:52 pour les gens qui souhaitent les régler,
16:54 c'est d'avoir le courage de faire tout ça.
16:56 C'est-à-dire oser, oser dire les choses.
16:58 Il faut dénoncer les choses, il n'y a pas de honte à dénoncer ce qui ne va pas
17:00 chez les autres, mais encore plus
17:02 chez soi-même. - Voilà, les deux côtés.
17:04 - Et avoir des gens comme ça, en face de vous,
17:06 on a un discours franc, je pense que
17:08 parce qu'à travers mon parcours associatif,
17:10 j'ai croisé beaucoup de personnes dans le milieu politique,
17:12 sportif,
17:14 médiatique, et c'est souvent
17:16 en discutant avec les gens, surtout
17:18 les gens qui ne sont pas comme vous, qui ne viennent pas
17:20 des mêmes horizons, qui ne pensent pas comme vous,
17:22 ou qui ont des pensées différentes,
17:24 ou des opinions différentes, pardon, sur des sujets,
17:26 qu'on s'enrichit,
17:28 et qu'on arrive à comprendre que parfois, nous-mêmes, on est dans des excès.
17:30 - Tout à fait, et puis si on discute
17:32 qu'avec des gens qui sont d'accord avec vous,
17:34 c'est rien, enfin, on arrive à rien. - C'est du clonage
17:36 physique et intellectuel, ça n'apporte rien.
17:38 - Nadir Kaya, on continue cette conversation
17:40 qui me paraît vraiment très intéressante,
17:42 après cette petite pause. - Et puis vous aurez la parole
17:44 évidemment, pour poser toutes vos questions à Nadir Kaya
17:46 qui est avec nous, jusqu'à 14h,
17:48 chers auditeurs, à tout de suite sur Sud Radio, 0826-3...
17:50 - Sud Radio.
17:52 Ici Sud Radio.
17:54 Les Français
17:58 parlent au français.
18:00 Les carottes sont cuites.
18:02 Les carottes sont cuites.
18:04 Sud Radio Bercov,
18:06 dans tous ses états.
18:08 - Alors, effectivement, Nadir Kaya,
18:10 on a parlé du rôle,
18:12 la France est le pays qui compte
18:14 le plus d'associations en Europe, et peut-être dans le monde,
18:16 mais je voudrais qu'on parle précisément
18:18 de votre association,
18:20 "Ban le plus et les quartiers", qu'est-ce que concrètement
18:22 vous faites ? Quel est votre travail ? Consiste en quoi ?
18:24 - Alors, je vais essayer d'être rapide, parce qu'il y a
18:26 beaucoup de choses à dire. J'ai créé l'association avec des amis
18:28 d'enfance, parce que... - Comme ça ?
18:30 - Il y a plus de 12 ans.
18:32 - D'accord.
18:34 - J'avais... Bon, les associations, c'est aussi
18:36 dans l'ADN de beaucoup de personnes en banlieue.
18:38 Ma première association, j'avais 16 ans, j'avais
18:40 envie de sortir des jeunes
18:42 qui étaient plus jeunes que moi ou qui avaient
18:44 mon âge, pour sortir de notre quartier
18:46 et... - Vous étiez à Gennevilliers ?
18:48 - À Gennevilliers, oui. Quartier qui s'appelle
18:50 le Lut, qui a beaucoup changé,
18:52 comme beaucoup de quartiers. Mais des choses
18:54 qui n'ont pas changé malheureusement. Et j'avais créé une petite
18:56 association qui s'appelait Lumène, avec deux amis
18:58 aussi d'enfance à l'époque, et on voulait sortir les jeunes.
19:00 Donc on allait chercher des subventions, on était partis au cinéma,
19:02 à la patinoire, faire des choses qu'on n'avait pas
19:04 l'habitude de faire. Nous sortir du quartier. Et ça,
19:06 beaucoup l'ont fait, et beaucoup continuent à le faire. - C'était une idée de sortir du quartier ?
19:08 - Sortir du quartier, parce que voilà,
19:10 le quartier, c'est le quartier, mais ça reste une zone
19:12 fermée, on en parlera peut-être sur les solutions
19:14 concernant les banlieues. Et moi, j'en ai
19:16 une très radicale, mais bon, il faudrait avoir du courage politique
19:18 pour le faire. Donc après,
19:20 j'ai créé l'association quelques années après.
19:22 J'ai des enfants,
19:24 j'ai une famille, j'ai un travail. Donc je me suis dit, tiens,
19:26 on est, je crois, début des années
19:28 2010. Je me dis, c'est pas
19:30 possible, on va pas continuer comme ça, avec ces préjugés, ces
19:32 clichés, en regardant les médias et la télé.
19:34 Je m'aperçois que les années s'écoulent
19:36 et c'est toujours les mêmes problématiques
19:38 qui reviennent dans les médias
19:40 ou dans la bouche de certains politiciens.
19:42 Donc je me suis dit, voilà, pour connaître pas mal de personnes
19:44 en banlieue, on va créer une association qui va avoir la
19:46 prétention, à l'époque, de casser
19:48 les clichés, les préjugés.
19:50 Donc j'ai réuni des personnes qui avaient des compétences
19:52 diverses et on s'est dit,
19:54 ben voilà, on va essayer de faire quelque chose qui ne s'est jamais
19:56 fait en France, c'est créer un lobby des quartiers.
19:58 Voilà, créer un vrai report de
20:00 force avec les politiciens localement
20:02 mais aussi au niveau national et en même temps donner
20:04 une image et faire comprendre aux Français qu'on est Français.
20:06 Même si on a des origines diverses,
20:08 ou parfois qu'on peut partager avec des Français,
20:10 mais qu'il y a surtout des compétences dans les quartiers. Et qu'à travers
20:12 ça on peut changer les choses. - Des compétences
20:14 professionnelles d'où ?
20:16 - Multiples, diverses, voilà. - D'accord.
20:18 - Il y a 30 ans c'était plus compliqué. Depuis 20 ans,
20:20 aujourd'hui en banlieue, il y a toutes les compétences possibles et
20:22 inimaginables. Et moi c'est ce qui me frustre aujourd'hui,
20:24 et c'est ce qui me donne l'agnac aussi pour aller voir un peu
20:26 tout le monde et leur dire "c'est bon maintenant,
20:28 on n'est plus... - On va travailler un peu quoi.
20:30 - On n'est plus éclémittérant, la marche des beurres,
20:32 ou la main jaune,
20:34 c'est bon maintenant, on est des citoyens, - SOS fascisme.
20:36 - Voilà, SOS fascisme et toute la clique et tout ce qu'ils
20:38 ont pu faire, là aussi j'ai des choses à dire sur la politique
20:40 de gauche. Et donc cette association,
20:42 on a commencé très simplement
20:44 à faire des rencontres-débats,
20:46 différents thèmes qui nous touchaient.
20:48 Que ça soit la justice, le rapport avec les jeunes et la police,
20:50 pas que les jeunes, parce qu'on a souvent cette image de la banlieue
20:52 et les jeunes. La banlieue c'est comme la France,
20:54 vous avez des vieux, des jeunes, des grands, des petits, des gros,
20:56 à casquette, capuche, en costume,
20:58 on a vraiment de tout, c'est la France.
21:00 Mais on a cette image là. Donc on a fait
21:02 ça pendant 7-8 ans,
21:04 on a invité tout un ensemble de politiciens
21:06 et puis ce coup... - Des débats, des rencontres ?
21:08 - Voilà, à Gennevilliers principalement,
21:10 on a fait à la Courneuve sur les européennes avec monsieur Asselineau,
21:12 on a reçu monsieur Bayrou
21:14 à Gennevilliers, madame Taubira,
21:16 moi j'ai été reçu
21:18 par certaines personnalités,
21:20 et puis avec le temps on s'aperçoit qu'il n'y a pas
21:22 grand chose qui bouge en fin de compte, parce que politiquement
21:24 il n'y a pas de volonté. Mais donc l'association,
21:26 on a fait aussi un pôle
21:28 solidarité qui jusqu'à aujourd'hui, depuis
21:30 12 ans, fait des maraudes.
21:32 On a un partenariat avec la mairie du Blanc-Ménil qui nous met
21:34 à disposition un local, parce que ça c'est très compliqué
21:36 dans le jeu du clientélisme et de tout ce qui va avec,
21:38 d'avoir un local, si vous n'êtes pas
21:40 affilié à un parti ou si vous n'êtes pas
21:42 soumis à un silence total,
21:44 vous n'aurez rien, pas de subvention.
21:46 Nous heureusement, on a compris qu'on n'avait pas besoin de subvention
21:48 pour vivre, juste de la compétence, du culot
21:50 et des idées.
21:52 Et ça fonctionne, donc depuis 12 ans on a distribué
21:54 des milliers de repas. - Ah oui, des sans-abri,
21:56 ou pour les pauvres... - Voilà, on prépare les repas au Blanc-Ménil,
21:58 pour les gens qui le souhaitent, je fais un peu de pub,
22:00 on prépare les repas, les paniers
22:02 repas et des vêtements, que beaucoup de gens nous envoient,
22:04 il y a aussi des kits d'hygiène,
22:06 et tous les dimanches, il y a à peu près,
22:08 ça peut aller de 10 à 40 bénévoles, qui viennent
22:10 de toute la région parisienne, depuis 12 ans,
22:12 on prépare les repas et des vêtements, et on va les distribuer,
22:14 on fait une maraude, donc on va
22:16 sur le terrain, et notamment... - Toutes les semaines, pratiquement.
22:18 - Tous les dimanches. - Tous les dimanches. - Ou un dimanche sur deux,
22:20 ça dépend après des bénévoles et de l'organisation.
22:22 - C'est sûr. - Et ça, à l'époque,
22:24 on avait commencé, c'était avec les SDF, parce qu'à l'époque,
22:26 on disait SDF, et depuis maintenant 10 ans,
22:28 il n'y a pas que des SDF, il y a aussi des migrants, c'est aussi ça
22:30 la réalité de la France, et notamment
22:32 certaines grandes villes comme Paris.
22:34 Donc on va distribuer ces repas, mais ce qui nous intéresse au-delà
22:36 de distribuer des repas, parce qu'en France, on ne meurt pas de faim,
22:38 heureusement, les personnes à la rue, malheureusement,
22:40 ne meurent pas de faim,
22:42 ils meurent de froid ou de conditions dans lesquelles
22:44 ils sont, c'est aussi une réalité.
22:46 Et donc, nous, ce qui nous intéresse, c'est de rencontrer ces gens,
22:48 et d'avoir de l'humain, de discuter avec eux,
22:50 et de parler avec eux, donc ça, c'est un pilier de l'association,
22:52 et puis moi, depuis quelques années,
22:54 comme je vous ai dit, je fais du lobbying, c'est-à-dire
22:56 je pousse les médias à ouvrir leurs portes
22:58 pour qu'on puisse aussi s'exprimer,
23:00 et faire comprendre qu'on est des individus comme les autres,
23:02 et qu'on peut tous travailler ensemble, à condition
23:04 de le vouloir, et d'avoir le courage de le faire.
23:06 Donc voilà, et puis je fais du réseau,
23:08 c'est-à-dire que je me branche avec pas mal
23:10 de personnes qui sont un peu partout en France,
23:12 et notamment en région parisienne, dans le milieu associatif,
23:14 et puis on essaie de faire des actions ensemble,
23:16 des manifestations parfois, on a fait des marches
23:18 contre l'islamophobie,
23:20 on a fait des rassemblements pour soutenir des personnes
23:22 qui s'engagent politiquement, bon moi je suis ni de droite
23:24 ni de gauche, je ne fais pas de politique,
23:26 au sens propre, mais je fais du réseau
23:28 dans les quartiers, en banlieue.
23:30 - Juste, juste, c'est intéressant,
23:32 vous avez participé à une marche
23:34 contre l'islamophobie, juste parler,
23:36 quand vous avez par exemple,
23:38 et vous savez que ça existe,
23:40 l'intégrisme est partout, quand vous avez par exemple
23:42 des, je dirais,
23:44 des islamistes intégristes qui
23:46 donnent des choses assez fortes,
23:48 vous savez, même extrémistes,
23:50 que ce soit, vous savez, l'autre fois
23:54 j'ai vu un truc, ni blanc, ni polis,
23:56 etc, etc.
23:58 Est-ce que c'est quelque chose
24:00 qui vous fait réagir en disant, attendez,
24:02 il faut être extrémiste, ni d'un côté,
24:04 ni du côté des,
24:06 des pro,
24:08 effectivement, que ce soit,
24:10 je veux dire,
24:12 des sionistes fanatiques ou autres,
24:14 ni de l'autre côté, est-ce que vous,
24:16 est-ce que par exemple, quand c'est de côté,
24:18 est-ce que c'est quelque chose qui vous fait réagir,
24:20 ou pas ? - Alors oui, pour plusieurs raisons,
24:22 plusieurs raisons,
24:24 pardon, la première c'est que je suis un citoyen
24:26 assez équilibré, je pense, qui a une expérience
24:28 de banlieue, mais qui reste un citoyen.
24:30 Et l'autre partie, c'est que je suis un citoyen
24:32 de confession musulmane, donc j'assume
24:34 le fait d'être un musulman, et en tant
24:36 que musulman, et en connaissant un petit peu ma religion,
24:38 je réfute
24:40 l'extrémisme, c'est-à-dire la radicalité
24:42 de certains, et j'ai pas attendu
24:44 d'être ici présent, pour
24:46 combattre ça, je l'ai vu
24:48 arriver, et voir une certaine vision
24:50 de l'islam, que je ne partage pas,
24:52 avec certains,
24:54 parce que moi je suis aussi quelque part, comme certaines
24:56 personnes, c'est-à-dire que j'ai connu les banlieues avec la mixité,
24:58 dans les années 70 et
25:00 80, j'ai vu l'arrivée de la drogue
25:02 fin 70, début 80,
25:04 j'ai vu l'arrivée d'un nouvel islam
25:06 dans les années 90,
25:08 et aujourd'hui je vois la France dans l'état dans
25:10 lequel elle est, donc je peux me permettre
25:12 d'avoir un avis sur ces différentes périodes.
25:14 Et comme je vous disais, en tant
25:16 que citoyen engagé, et musulman,
25:18 moi je réfute les postures
25:20 extrêmes, c'est-à-dire que même moi je
25:22 pouvais avoir des postures extrêmes à un certain âge,
25:24 mais aujourd'hui, avec l'âge que j'ai, l'expérience que j'ai,
25:26 j'ai compris,
25:28 il y a quelques années, qu'on ne peut pas avancer
25:30 comme ça, même impersonnellement,
25:32 de croire que les autres ont tort,
25:34 et de croire que soi-même on avait
25:36 la vérité absolue. - Quand la vérité d'un côté,
25:38 le corps du mensonge de l'autre. - Voilà, donc
25:40 mon profil aujourd'hui, c'est un profil qui cherche
25:42 l'équilibre partout. Après c'est
25:44 compliqué, parce que comme je vous ai dit, on a le phénomène du paradoxe
25:46 qui nous pousse à chaque fois, on veut
25:48 souvent, c'est la nature humaine,
25:50 mettre en avant ce qu'on sait,
25:52 ce qu'on pense savoir,
25:54 à la face des gens. Et je me suis aperçu
25:56 que c'est pas comme ça qu'on fonctionnait.
25:58 La richesse, comme je vous ai dit, c'est de construire et de
26:00 conjuguer avec les autres. Mais aujourd'hui,
26:02 c'est compliqué parce qu'on vit dans une société, dans un monde
26:04 qui va très vite, et qui fait pas
26:06 trop, qui laisse pas trop le temps à la réflexion.
26:08 On est surtout dans l'émotion. - C'est ça.
26:10 - Et plus le temps
26:12 passe, - C'est le gros problème ça, le paradoxe.
26:14 - Et plus on va avoir du mal à résoudre des problèmes,
26:16 parce que le temps passe, et parce que
26:18 les gens se radicalisent d'un côté comme de l'autre.
26:20 - Alors justement, Nadia Erkaya,
26:22 c'est très intéressant, on va parler,
26:24 on va parler effectivement, parce que vous m'avez dit
26:26 à un moment donné, j'ai un plan qui va me pas
26:28 boire l'eau à l'eau, pour sortir
26:30 justement de cela,
26:32 par rapport aux banlieues, etc. - Aux banlieues, ouais.
26:34 - On va en parler, mais je crois que nous avons
26:36 Estéban, nous avons quelqu'un. - Oui, nous avons une auditrice, c'est Lila
26:38 qui nous appelle depuis Lyon. Bonjour Lila.
26:40 - Oui, bonjour M. Bercoff.
26:42 Je vous remercie d'abord de
26:44 permettre à des tas de gens de s'exprimer,
26:46 et de leur laisser surtout le temps
26:48 de développer leur
26:50 discours. Je voulais, je suis
26:52 tout à fait d'accord avec votre invitée.
26:54 C'est le
26:56 fait qu'il y ait beaucoup de...
26:58 On va dire d'étrangers,
27:00 mais c'est pas des étrangers,
27:02 de personnes d'une certaine
27:04 communauté ensemble, tout ça s'évolue.
27:06 Moi je le vois dans les HLM, tout cela
27:08 est fait. Lorsque moi, nous, nous sommes
27:10 actuellement en pleine rénovation, et il y a des
27:12 changements qui se sont libérés, et bien
27:14 une personne avec des
27:16 origines maghrébines a été remplacée
27:18 par une personne. Et moi, il y a quelques
27:20 années quand j'ai habité, il y avait de tout.
27:22 Il y avait des étudiants, il y avait...
27:24 Bon bref, ça s'est fait. Je voulais aussi dire
27:26 à ce monsieur, merci de ce qu'il fait,
27:28 mais il y a une chose qu'il faut comprendre.
27:30 Est-ce qu'il y aurait une chose aussi à faire
27:32 pour les gens ? Il faut sauver les petits.
27:34 Les petits maintenant, parce que ceux qui
27:36 ont passé un certain âge, c'est pas possible.
27:38 Il faut sauver les tout-petits.
27:40 Et il faut travailler avec les
27:42 parents. Vous voyez ce que je veux dire ? Avec les
27:44 mamans, surtout. C'est très, très
27:46 important. Et puis surtout,
27:48 ce monsieur, ce serait sympa
27:50 s'il peut amener les enfants, par exemple,
27:52 les sortir, mais
27:54 vous savez, pour passer une semaine quelque part
27:56 pour qu'ils voient autre chose, les animaux,
27:58 les agriculteurs.
28:00 - Ça, ça demande des moyens, et ça demande des moyens,
28:02 que, en fait, les autorités, qu'elles soient
28:04 au niveau municipal, départemental, régional,
28:06 devraient faire à de toute
28:08 urgence. Mais malheureusement,
28:10 alors Nadir Kayyaz, par rapport à ce que dit Lila.
28:12 - Déjà, merci beaucoup.
28:14 Bonjour madame, et merci pour...
28:16 - Si vous saviez le nombre d'idées que j'ai, monsieur,
28:18 je ne suis pas informatisé,
28:20 tout ça, mais si j'avais...
28:22 - Vous allez échanger hors antenne.
28:24 On vous donnera
28:26 Manu à votre
28:28 numéro de téléphone, et ou un. Nadir Kayyaz,
28:30 vous êtes d'accord ? - Oui, oui, j'ai des cartes de visite, je vous les donnerai,
28:32 vous pourrez les transmettre, il n'y a pas de souci.
28:34 - Alors, oui, qu'est-ce que vous pensez par rapport
28:36 à ce que dit Lila ?
28:38 - Euh... - Par rapport à dire
28:40 effectivement, la mixité,
28:42 là, j'ai dit que...
28:44 - Une famille maghrébine a été
28:46 remplacée, mais j'ai pas entendu par "quelle autre famille",
28:48 est-ce que c'est par "notre famille maghrébine" ?
28:50 - Qui a remplacé la famille maghrébine
28:52 par rapport aux HLM
28:54 où vous habitez ?
28:56 Lila ? - Oui,
28:58 écoutez, c'est les HLM qui décident,
29:00 moi-même, je n'ai jamais demandé
29:02 à habiter un certain
29:04 quartier avec un IBEB d'une certaine façon,
29:06 on vous dit "mettez tout ce que vous souhaitez"
29:08 et finalement, quand on
29:10 vous dit "ah, il n'y a que ça pour vous"
29:12 ou "vous n'avez pas le choix", ils vous disent
29:14 "mais ça ne correspond pas à mes demandes
29:16 que je vais tout noter", bon, bref.
29:18 Et non, non, c'est comme ça, et
29:20 je vois surtout en ce moment, je vous dis, c'est l'opportunité
29:22 pour faire un peu
29:24 une mixité, eh ben non,
29:26 tu es un Comorien, tu t'en bats,
29:28 on remet... c'est ça que je voulais dire,
29:30 c'est pas que des Maghrébins... - Tu remets un Comorien,
29:32 tu remets... - Non, non, j'ai compris.
29:34 - C'est compliqué parce que cette question,
29:36 cette remarque de Madame, amène à
29:38 beaucoup de sujets, l'immigration,
29:40 la mixité sociale,
29:42 moi je vous ai dit par rapport au banlieue,
29:44 une des solutions que je peux avoir, elle n'est pas extraordinaire,
29:46 il n'y a rien d'extraordinaire, il n'y a pas de solution magique
29:48 de toute façon, si on veut régler certains problèmes. Comme je vous ai dit,
29:50 il faut du courage, de l'ambition politique pour certains,
29:52 du courage politique, pas de l'ambition politique,
29:54 du courage politique, et puis surtout que les citoyens français
29:56 comprennent qu'ils ont aussi leur part de responsabilité
29:58 et ils doivent aussi s'engager, ne pas tout attendre des politiciens,
30:00 ça c'est un vrai fléau en France,
30:02 parce que beaucoup de français attendent tous des politiciens,
30:04 et puis les années passent et puis on s'aperçoit que rien n'est fait.
30:06 Et puis après on va être dans la critique facile,
30:08 "Oui mais ils n'ont pas bien fait, ils n'ont pas fait mieux",
30:10 "Oui mais toi, qu'est-ce que tu es capable d'apporter ?"
30:12 - A quel niveau ? - Vous allez vous apercevoir que la majorité
30:14 des français, ils n'apportent pas grand-chose.
30:16 Et c'est toujours la minorité qui fait évoluer la majorité.
30:18 Et quel que soit le contexte, ou l'histoire,
30:20 ou le pays, ça fonctionne comme ça, c'est aussi la nature humaine.
30:22 Donc à un moment donné, il faut que les gens se disent,
30:24 "Moi j'aimerais faire partie du côté des personnes",
30:26 et comme la dame vient de le dire,
30:28 elle a des idées, qui apportent des idées, mais les idées,
30:30 il faut les porter, mais il faut aussi y aller jusqu'au bout.
30:32 Et ça c'est très compliqué en France.
30:34 Après pour revenir à ces problématiques des banlieues,
30:36 moi j'ai une solution qui est assez simple,
30:38 - Vous le disiez même radical !
30:40 - Oui, c'est un plan banlieue Marshall,
30:42 un plan Marshall pour les banlieues.
30:44 Et une autre philosophie, il faut raser ces banlieues,
30:46 c'est des banlieues, je rappelle,
30:48 qui sont les héritières
30:50 de ce qu'on appelait les bidonvilles,
30:52 à l'époque.
30:54 Et donc on a fait des banlieues rapidement,
30:56 parce que la situation économique était favorable,
30:58 donc il fallait construire rapidement,
31:00 loger un maximum d'immigrés,
31:02 pour pouvoir travailler, construire et développer la France.
31:04 Mais ça a duré,
31:06 c'est les années 60, ça a commencé en 70,
31:08 pour exactement les grands ensembles.
31:10 Ça fait 50 ans. Donc maintenant c'est obsolète.
31:12 On voit les problématiques qui existent,
31:14 donc à un moment donné, au niveau de l'urbanisme,
31:16 il faut repenser la France, il faut arrêter de construire à la verticale,
31:18 peut-être à l'horizontale,
31:20 ça va éviter la désertification,
31:22 ou les campagnes comme ça,
31:24 qui tombent dans un isolement total.
31:26 Donc maintenant, je pense qu'il faut
31:28 une vraie réflexion sur 30 ou 40 ans,
31:30 mais comme je vous ai dit, il n'y a pas de courage.
31:32 On met des pansements sur la situation des banlieues,
31:34 donc on va vous dire "oui, on va vous raser".
31:36 Moi, je sais de quoi je parle,
31:38 on a rasé, suite à la politique de M. Borlau,
31:40 on a rasé l'un des premiers
31:42 immeubles dans les banlieues, c'est le mien.
31:44 Voilà. Mais le quartier...
31:46 - Et ça a changé quelque chose ?
31:48 - Au niveau de l'urbanisme et de la visibilité, si vous voulez.
31:50 Mais bon, ça va empêcher à côté, du côté d'Anières,
31:52 de construire encore des bars et des bars.
31:54 Donc je vous ai dit, c'est pour ça qu'il faut une vraie politique ambitieuse,
31:56 il faut repenser la France dans ses villes
31:58 et dans sa conception des villes.
32:00 Et tant qu'il n'y a pas ça, on va continuer à parler des banlieues,
32:02 dire "oui, mais écoutez, regardez ces gens qui sont entassés,
32:04 quand même, ils ne sont pas sympas, il y a de la drogue, il y a de la violence".
32:06 Oui, même pour la drogue et la violence.
32:08 Le fait de repenser nos villes,
32:10 ça va permettre à certaines personnes de ne plus vivre ensemble
32:12 et de ne pas être aussi, quelque part, les héritiers d'une certaine violence.
32:14 - Oui, mais alors, d'ailleurs, moi je vais être très pas cynique,
32:18 je vais me faire le propos.
32:20 Le problème, et c'est la nature humaine, on revient à ça,
32:22 le trafic de drogue, vous le savez,
32:24 c'est 3 milliards, rien que pour en France,
32:26 3 milliards d'euros par an.
32:28 Il y a des familles, des quartiers, etc.
32:30 qui vivent de cette urbaine.
32:32 - Qui vivent de ça, oui, tout à fait.
32:34 - Et qu'est-ce qu'on fait ?
32:36 Parce que si on veut être, et là, on est brut de décoffrage,
32:38 mais si on enlève ça,
32:40 comment vous allez les faire vivre
32:42 dans la situation actuelle ?
32:44 Je ne suis pas pour le trafic de drogue,
32:46 vous avez bien compris,
32:48 mais je veux dire, on l'a laissé s'instaurer
32:50 depuis des années et des décennies,
32:52 une économie parallèle.
32:54 - Moi je l'ai vu arriver fin 70 dans les quartiers.
32:56 - Ça fait plus de 40 ans.
32:58 Mais comment, par exemple, rien que ça,
33:00 ce problème de la drogue, dont on sait qu'il est extrêmement,
33:02 plus qu'important,
33:04 comment on fait pour le...
33:06 - Alors c'est extrêmement compliqué,
33:08 parce qu'il y a des choses qui se conjuguent là-dessus.
33:10 Même moi, en termes de réflexion,
33:12 parce que, comme je vous ai dit,
33:14 on va faire croire aux français,
33:16 on va mettre plus de policiers, on va taper plus fort,
33:18 plus de prisons, ça va régler le problème.
33:20 Non, non, non, c'est un problème qui est ancré en France depuis toujours.
33:22 La drogue, ça concerne tous les pays du monde.
33:24 Ce que fait M. Darmanin avec son plan XXL,
33:26 les gens, bon, critiquent, oui, je trouve que c'est déjà pas mal de faire ça.
33:28 C'est courageux. Après, le problème, c'est qu'il faut aller dans le temps.
33:30 Pas dans l'action instantanée.
33:32 - L'instant de la communication.
33:34 - Parce qu'à un moment donné, il faut taper partout à la fois.
33:36 Taper sur les plus faibles, ou sur les revendeurs,
33:38 ou ceux qui font le guet,
33:40 c'est pas suffisant.
33:42 Il faut aller à la source aussi. La source, c'est quoi ?
33:44 C'est les pays qui fabriquent cette drogue.
33:46 Mais là, par contre, ça pose un problème au niveau international.
33:48 - Et on connaît très bien les pays qui les fabriquent.
33:50 - Les pays qui fournissent, que ce soit le Maroc,
33:52 l'Afghanistan, d'autres pays.
33:54 Et là, par contre, politiquement,
33:56 ils ont moins de courage, les politiciens,
33:58 pour aller parler avec eux.
34:00 Donc c'est bien de faire croire aux français
34:02 qui sont les plus rappants,
34:04 en banlieue, et notamment ceux qui trafiquent, on va régler le problème.
34:06 Non, non, c'est plus profond.
34:08 Moi, j'ai connu des familles, et je voudrais juste passer un message en profit,
34:10 à tous ces jeunes, et c'est moins jeunes,
34:12 parce que là aussi, il y a le cliché du jeune qui deal.
34:14 Non, il y a aussi des gens qui ne sont pas jeunes, qui deal,
34:16 et qui font du business, et ça leur rapporte.
34:18 Moi, je dis à ces gens-là, il n'y a pas d'avenir dans le trafic de drogue.
34:20 Dans la violence, il n'y a pas d'avenir.
34:22 Je ne connais aucune personne
34:24 avec qui j'ai grandi, que je connais,
34:26 partout en banlieue, parce que c'est la même chose dans toutes les banlieues.
34:28 Je ne connais aucune personne qui a réussi sa vie.
34:30 Aucune personne.
34:32 - Qui était dans ce trafic-là, etc.
34:34 - On croit qu'il y a... - Ils s'enrigissent quand même.
34:36 - Ils s'enrigissent, mais ça ne dure qu'un temps.
34:38 Mais le pire là-dedans, c'est que ça dure un temps,
34:40 ils se détruisent, et encore pire là-dedans,
34:42 ils détruisent leur famille, leur environnement.
34:44 Et ça n'apporte rien,
34:46 si ce n'est pas que la misère et la violence.
34:48 Donc à un moment donné,
34:50 je veux bien croire que certains n'ont rien à faire,
34:52 entendre ça, mais je n'y crois pas,
34:54 parce que ces gens-là, pour la plupart d'entre eux,
34:56 des familles... - Vous avez connu, vous, des gens
34:58 qui ont blessé là-dedans ? - Ah oui, j'ai tellement d'exemples.
35:00 Moi, j'avais envoyé un truc,
35:02 et j'avais donné des exemples.
35:04 Moi, tous les gens qui étaient rentrés là-dedans,
35:06 parce qu'après, il faut faire le distinguo.
35:08 Il y a des vrais méchants dans les quartiers,
35:10 ceux-là, c'est compliqué à vouloir régler leur situation,
35:12 et puis la grande majorité, c'est des gens qui suivent.
35:14 On les appelle des "suiveurs".
35:16 Et ceux-là, ils me font plus de peine, parce que c'est des gens qui sont...
35:18 qui sont dans une situation...
35:20 - Enfin, il y a les vrais voyous...
35:22 - Et moi, c'est ces gens-là qui m'intéressent, parce que les vrais voyous,
35:24 c'est plus compliqué. Et là, c'est du ressort de la police et de la justice.
35:26 Mais par rapport à la majorité de ces "gayteurs",
35:28 même des gens qui dealent, vous savez, des gens qui ne sont pas méchants,
35:30 mais qui suivent, ou alors qui veulent faire de l'argent,
35:32 qui se donnent une image. C'est ce que je vous parlais tout à l'heure
35:34 de la culture de la violence dans les quartiers.
35:36 On a banalisé ça,
35:38 on a normalisé ça, on fait croire à certains
35:40 que tu vas être un homme ou un bonhomme
35:42 du fait de trafiquer, ou d'avoir des liens
35:44 avec ces gens-là. Et puis, on s'aperçoit avec le temps
35:46 qu'en fin de compte, tu ne fais que perdre.
35:48 Tu peux perdre ton temps, et tu peux perdre même la vie,
35:50 ou des années. Et puis surtout, tu peux avoir
35:52 des conséquences, ou avoir des conséquences pour ta famille.
35:54 - On va continuer à en parler
35:56 des banlieues, de la manière effectivement
35:58 dont Nadir Kaya en parle, et je trouve qu'elle est très
36:00 raisonnée, en tout cas, dans ce que j'ai entendu.
36:02 Et...
36:04 vous allez avoir aussi la parole.
36:06 - Oui, évidemment. 0 826 300 300.
36:08 Et vous êtes beaucoup à commenter, évidemment, sur le Facebook Live
36:10 de Sud Radio. A tout de suite.
36:12 - Sud Radio Bercov,
36:14 dans tous ses états. Appelez maintenant
36:16 pour réagir 0 826
36:18 300 300.
36:20 - Ici Sud Radio.
36:22 Les Français
36:26 parlent au français.
36:28 Je n'aime pas la
36:30 blanquette de veau. Je n'aime pas
36:32 la blanquette de veau.
36:34 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
36:36 - Toujours avec Nadir Kaya,
36:38 qui est notre invité jusqu'à 14h. On a
36:40 beaucoup de questions André sur les réseaux sociaux.
36:42 Je vais essayer d'en schématiser 2 ou 3.
36:44 - Oui, 2 ou 3. Allez-y. - Alors, il y a plusieurs
36:46 questions pour vous, Nadir Kaya. Déjà, que pensez-vous
36:48 de la police de proximité qui a
36:50 été enlevée dans les banlieues, et quel est le rôle
36:52 des grands frères aujourd'hui dans les quartiers ?
36:54 Peut-être que vous défendez cette position.
36:56 Et après, il y a une deuxième question.
36:58 Tout ce qu'on entend sur les réseaux sociaux, et dans le
37:00 rap des rappeurs qui viennent
37:02 des quartiers, ça véhicule
37:04 ce que vous dénonciez justement, le trafic de drogue,
37:06 la violence, peut-être un peu de...
37:08 - Alors, on va arrêter là pour les questions.
37:10 - Heureusement que le rap ne se résume pas à ça.
37:12 Par rapport à la police de proximité,
37:14 je peux en parler, je l'ai connue.
37:16 Je faisais du foot et de la boxe avec les policiers, les îlotiers.
37:18 Mais ce n'était pas la même époque.
37:20 Le trafic de drogue n'était pas aussi important
37:22 qu'aujourd'hui, et la violence n'était pratiquement pas
37:24 du tout la même. Il y avait une certaine violence, mais rien
37:26 à voir avec ce qu'on vit aujourd'hui. Et entre-temps,
37:28 il y a 20 ou 30 ans qui sont passés.
37:30 Donc, moi, quand j'entends des gens qui disent "oui, il faut
37:32 la police de proximité", je pense que c'est des gens qui sont
37:34 nostalgiques d'une époque, on peut l'être.
37:36 La mettre comme ça, du jour au lendemain, c'est pratiquement impossible.
37:38 - Pourquoi ?
37:40 - Parce que, comme je vous dis, il y a une violence, et puis il y a une fracture
37:42 qui s'est créée dans les quartiers,
37:44 entre les habitants... - Et la police.
37:46 - Et la police. C'est compliqué. Et puis, à ça, on peut rajouter
37:48 les violences policières
37:50 qui font que certains, aujourd'hui, même des jeunes
37:52 qui n'ont pas vécu d'actes violents de la part
37:54 de policiers, ont cette culture
37:56 anti-police, parce qu'on leur a inculqué
37:58 "il faut être contre la police, la police ne nous aide pas, ils sont tous racistes".
38:00 Et ça, ça complique les choses.
38:02 Plus la société, la misère,
38:04 la pauvreté... - Et les grands frères, alors ?
38:06 - Les grands frères, ça aussi,
38:08 c'est un terme qui a été employé par des
38:10 politiciens de gauche.
38:12 Moi, je ne parle pas de grands frères, je parle de citoyens qui étaient déjà
38:14 sensibilisés. J'en fais partie,
38:16 moi, j'ai vu aussi ce qu'on appelait des grands frères à mon époque,
38:18 parce que je fais partie de cette génération qui est
38:20 entre les deux, et ce n'était pas des grands frères,
38:22 c'était simplement des citoyens qui étaient déjà sensibilisés
38:24 sur les situations et qui voulaient apporter leurs
38:26 compétences pour régler des problèmes qui
38:28 déjà émergeaient.
38:30 Donc aujourd'hui, c'est compliqué d'être
38:32 nostalgique et de croire à tous ces retours-là par rapport
38:34 à une situation qui est nouvelle ou qui a changé.
38:36 Certes, il faut de la police,
38:38 il faut une police
38:40 plus nombreuse, plus équipée.
38:42 Moi, je suis pour qu'on unifie la police nationale
38:44 et municipale, qu'on arrête de faire le distinguo
38:46 entre les deux, parce qu'on voit bien qu'ils n'ont pas les mêmes missions
38:48 et surtout les mêmes formations, et surtout les mêmes moyens.
38:50 Donc à un moment donné, je pense qu'il faut additionner les deux
38:52 et faire une police nationale avec des vrais moyens.
38:54 - Faut pas faire une police sous-produit, quoi.
38:56 - Oui, à un moment donné, il faut mettre
38:58 les moyens, il faut unifier les forces
39:00 et les compétences.
39:02 - Oui, c'est Marc qui nous appelle, qui a une question pour Nadir Kaya.
39:04 Bonjour Marc.
39:06 - Oui, bonjour. Je vais essayer de
39:08 me prendre à l'antenne.
39:10 Alors, j'ai écouté
39:12 votre discours depuis tout à l'heure
39:14 et j'ai voulu réagir un petit peu
39:16 sur la mixité dans
39:18 les banlieues.
39:20 Le problème, à mon avis,
39:22 à mon sens,
39:24 il est bien plus profond que ce que
39:26 vous dites, parce que
39:28 quand on observe bien
39:30 quand il y a eu la création
39:32 des cités, des banlieues
39:34 à l'extérieur des villes,
39:36 au départ, il y avait
39:38 de la mixité, c'était très bien, etc.
39:40 Et donc,
39:42 il n'y avait pas de problème
39:44 particulier. - Et après, Marc,
39:46 excusez-moi, je vous demandais de dire court parce que l'arrivée
39:48 est là sans fin d'émission.
39:50 - D'accord. Et alors, le problème,
39:52 c'est que quand les Français
39:54 de souche se sont enrichis
39:56 un petit peu en travaillant, ils ont...
39:58 - Ils ont quitté les quartiers.
40:00 - Ils ont fui les quartiers
40:02 parce qu'ils avaient l'envie
40:04 et la volonté d'acquérir
40:06 des appartements.
40:08 - Des maisons, appartements, j'ai connu ça.
40:10 - Et ils ont laissé
40:12 les migrations toutes seules.
40:14 Et les migrations, c'est une culture
40:16 de colonisation, c'est-à-dire
40:18 qu'ils veulent tout gratuit et pas cher.
40:20 Donc, ils ne font
40:22 pas l'effort, si vous voulez,
40:24 de se payer un appartement.
40:26 - C'est méchant de dire ça,
40:28 si je peux me permettre de vous couper.
40:30 Parce que vous généralisez, là, on ne peut pas dire ça.
40:32 - Non, non, mais j'allais vous dire... - Ils veulent tout gratuit.
40:34 Il ne faut pas être étranger pour tout vouloir gratuit.
40:36 C'est le propre aussi de beaucoup.
40:38 - Parfilissez, mais rapidement, là.
40:40 - Excusez-moi, j'allais vous dire,
40:42 pas tous, bien entendu,
40:44 pas 100%, mais une grande
40:46 majorité qui ne
40:48 veulent pas se donner les moyens
40:50 de se faire, peu importe, mais le résultat
40:52 est le même. Donc après, ils se retrouvent
40:54 entre eux, en communauté,
40:56 de gens qui...
40:58 - Marc, je comprends, ils ne veulent pas,
41:00 ils ne peuvent pas, c'est la même chose, mais...
41:02 - Je peux réagir brièvement. Je vais aller sur le début
41:04 de votre intervention qui me paraissait plus intéressant,
41:06 parce que le reste, après, il y a débat, c'est votre point de vue,
41:08 sur le fait que vous disiez que ce n'était pas
41:10 simplement le propre de la mixité sociale,
41:12 le problème. Oui, moi, je sais qu'il y a aussi un problème
41:14 qui est lié à l'histoire de la France, à la colonisation,
41:16 à la perception que certains ont de la France,
41:18 et le fait qu'on mélange la France
41:20 du passé et la France d'aujourd'hui.
41:22 Je crois que c'est un psychanalyste
41:24 qui avait fait un livre sur l'héritage
41:26 des enfants de colonisés, des enfants
41:28 de victimes de la colonisation,
41:30 et qui disait qu'aujourd'hui, ces enfants
41:32 reproduisent les mêmes postures...
41:34 - Oui, mais est-ce qu'on va rester
41:36 100 ans dans le schéma de la colonisation, justement ?
41:38 - Là aussi, je vais peut-être pouvoir étonner,
41:40 moi, en tant que Français et Algérien,
41:42 parce que j'ai la double nationalité,
41:44 moi, je suis pour qu'on tourne la page.
41:46 Parce qu'on ne peut pas reprocher
41:48 au gouvernement d'aujourd'hui et aux Français d'aujourd'hui
41:50 d'avoir fait ce qui s'est passé à une époque
41:52 par d'autres Français et d'autres gouvernements.
41:54 Mais le problème, c'est qu'il n'y a pas
41:56 de table ronde là-dessus. Vous avez d'un côté
41:58 des gens qui vous disent "oui, mais la France, elle est raciste,
42:00 elle a colonisé", et puis de l'autre côté, vous avez dit "oui, mais bon,
42:02 on ne va pas s'excuser du passé".
42:04 Pourquoi on ne se met pas autour de notre table ?
42:06 Et on trouve un consensus là-dessus pour tourner la page
42:08 définitivement ? Tourner la page, ça ne veut pas dire oublier,
42:10 c'est tourner la page et avancer ensemble,
42:12 dire "oui, la France, elle a une histoire, il y a des choses qui étaient bien,
42:14 des choses qui n'étaient pas bien". On se le dit,
42:16 chacun donne son avis, et on essaie de construire une France
42:18 plus riche
42:20 et moins divisée. - Et moins apaisée.
42:22 Merci, Nadir Gaïa, je crois que
42:24 les choses ont été dites, on reparlera de tout cela,
42:26 évidemment, ce n'est pas un... Mais on a
42:28 au moins parlé très franchement, et
42:30 je crois, très honnêtement. - Et je voulais
42:32 juste préciser à Marc,
42:34 quand même, dans les banlieues, il n'y avait pas que des
42:36 gens issus de pays colonisés, parce que
42:38 c'est mon cas. Merci beaucoup d'avoir été
42:40 avec nous. - Juste une seule citation,
42:42 mais rapide. - Oui, parce que j'avais ramené des petites citations,
42:44 c'est toujours intéressant pour s'élever un peu et sortir du
42:46 marasme quotidien. Saint-Exupéry,
42:48 "Dans la vie, il n'y a pas de solution,
42:50 il y a des forces en marche,
42:52 il faut les créer, et les solutions suivent."
42:54 - Très bien. - Ça sera
42:56 le mot de la fin. Merci beaucoup André Bercoff
42:58 d'avoir été avec nous. Vous revenez demain,
43:00 de 13h à 14h, pour "La culture dans tous ses états",
43:02 avec Céline Alonso, et merci Nadir Gaïa
43:04 d'avoir été avec nous. A demain,
43:06 sur Sud Radio, c'est Brigitte Lai.
43:08 Sud Radio Bercoff,
43:10 "Dans tous ses états", midi 14h.
43:12 André Bercoff.