Alexandre Dumas, né en 1802 et décédé en 1870, était un écrivain français prolifique et polyvalent, considéré comme l'un des auteurs les plus populaires de tous les temps. Son œuvre immense et variée lui a valu le surnom de "Génie aux mille et un visages", reflétant la multitude de genres et de styles qu'il a explorés au cours de sa carrière littéraire.
Un maître du roman d'aventure
Dumas est surtout connu pour ses romans d'aventure captivants, tels que Les Trois Mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo et Vingt Ans Après. Ces récits palpitants, peuplés de héros intrépides, de méchants machiavéliques et de trésors cachés, ont transporté des lecteurs du monde entier dans des mondes fictifs pleins d'action et d'intrigue.
Un dramaturge accompli
Outre ses romans, Dumas était également un dramaturge accompli, ayant écrit plus de quarante pièces de théâtre. Ses œuvres dramatiques, souvent adaptées de ses propres romans, ont connu un immense succès sur les scènes françaises et internationales. Parmi ses pièces les plus célèbres figurent Kean, La Tour de Nesle et Madame de La Pompadour.
Un journaliste engagé
Dumas était également un journaliste engagé, ayant fondé plusieurs journaux et magazines au cours de sa vie. Ses écrits journalistiques abordaient des sujets d'actualité politique et sociale, souvent avec une perspective progressiste et critique. Il a utilisé sa plume pour défendre les causes qu'il jugeait importantes et pour dénoncer les injustices de son époque.
Un historien passionné
Dumas était également un historien passionné, ayant écrit plusieurs ouvrages historiques et biographiques. Ses travaux historiques, bien que parfois romancés, offraient un aperçu captivant de l'histoire française et européenne, mêlant faits réels et personnages fictifs pour créer des récits captivants.
Un voyageur infatigable
Dumas était un voyageur infatigable, ayant parcouru l'Europe, l'Afrique et l'Asie. Ses voyages ont inspiré de nombreux récits de voyage et d'articles journalistiques, dans lesquels il partageait ses observations et ses réflexions sur les différentes cultures et sociétés qu'il rencontrait.
Un héritage durable
L'œuvre d'Alexandre Dumas continue d'inspirer et de divertir des lecteurs et des spectateurs du monde entier. Ses romans ont été traduits dans de nombreuses langues et adaptés à d'innombrables films, séries télévisées et pièces de théâtre. Son influence sur la littérature populaire est indéniable, et son nom reste synonyme d'aventure, de romance et d'imagination débordante.
Un maître du roman d'aventure
Dumas est surtout connu pour ses romans d'aventure captivants, tels que Les Trois Mousquetaires, Le Comte de Monte-Cristo et Vingt Ans Après. Ces récits palpitants, peuplés de héros intrépides, de méchants machiavéliques et de trésors cachés, ont transporté des lecteurs du monde entier dans des mondes fictifs pleins d'action et d'intrigue.
Un dramaturge accompli
Outre ses romans, Dumas était également un dramaturge accompli, ayant écrit plus de quarante pièces de théâtre. Ses œuvres dramatiques, souvent adaptées de ses propres romans, ont connu un immense succès sur les scènes françaises et internationales. Parmi ses pièces les plus célèbres figurent Kean, La Tour de Nesle et Madame de La Pompadour.
Un journaliste engagé
Dumas était également un journaliste engagé, ayant fondé plusieurs journaux et magazines au cours de sa vie. Ses écrits journalistiques abordaient des sujets d'actualité politique et sociale, souvent avec une perspective progressiste et critique. Il a utilisé sa plume pour défendre les causes qu'il jugeait importantes et pour dénoncer les injustices de son époque.
Un historien passionné
Dumas était également un historien passionné, ayant écrit plusieurs ouvrages historiques et biographiques. Ses travaux historiques, bien que parfois romancés, offraient un aperçu captivant de l'histoire française et européenne, mêlant faits réels et personnages fictifs pour créer des récits captivants.
Un voyageur infatigable
Dumas était un voyageur infatigable, ayant parcouru l'Europe, l'Afrique et l'Asie. Ses voyages ont inspiré de nombreux récits de voyage et d'articles journalistiques, dans lesquels il partageait ses observations et ses réflexions sur les différentes cultures et sociétés qu'il rencontrait.
Un héritage durable
L'œuvre d'Alexandre Dumas continue d'inspirer et de divertir des lecteurs et des spectateurs du monde entier. Ses romans ont été traduits dans de nombreuses langues et adaptés à d'innombrables films, séries télévisées et pièces de théâtre. Son influence sur la littérature populaire est indéniable, et son nom reste synonyme d'aventure, de romance et d'imagination débordante.
Category
📺
TVTranscription
00:00Musique douce
00:02...
00:04...
00:06...
00:08...
00:10...
00:12...
00:14...
00:16...
00:18...
00:20...
00:22...
00:24...
00:26...
00:28...
00:30...
00:32...
00:34...
00:36...
00:38...
00:40...
00:42...
00:44...
00:46...
00:48...
00:50...
00:52...
00:54...
00:56...
00:58...
01:00...
01:02...
01:04...
01:06...
01:08...
01:10...
01:12...
01:14...
01:16...
01:18...
01:20...
01:22...
01:24...
01:26...
01:28...
01:30...
01:32...
01:34...
01:36...
01:38...
01:40...
01:42...
01:44...
01:46...
01:48...
01:50...
01:52Vous savez qu'au XIXe siècle, la photographie n'est pas forcément reconnue comme un art.
01:59Les gens qui se voyaient en photo ne se reconnaissaient pas, étaient effarés parfois.
02:02Et bien Alexandre Dumas, lui, trouvait que cette photo, c'était lui.
02:05Lorsqu'il se fait photographier par le grès sur ce portrait, Dumas est revenu de Russie.
02:13Il n'est plus tout jeune.
02:14Et pour moi, c'est vraiment Alexandre Dumas père.
02:18Ce n'est plus le jeune homme aux jambes élancées et aux yeux saphirs qui faisait la première conquête de Paris.
02:24C'est un écrivain qui est arrivé.
02:27Il sait ce qu'il a derrière lui.
02:28Mais je crois qu'il est aussi conscient que cette popularité est quand même déclinante.
02:36Je suis né à Villers-Cotterêts, petite ville du département de l'Aisne, sur la route de Paris à Lens,
02:42à deux lieux, de la Ferté-Milon, où n'a qu'une racine, et à sept lieux de Château-Thierry, où n'a qu'une fontaine.
02:48J'y suis né le 24 juillet 1802, rue de l'Ormet, d'une ascendance aristocratique par mon père et populaire par ma mère.
02:58Sa naissance, en fait, est le fruit d'une rencontre assez incroyable entre un père mulâtre,
03:03Thomas Alexandre David Lapayétrie, mieux connu sous le nom du général Dumas,
03:08et de Marie-Louise Labouré, la fille d'un aubergiste local.
03:12Voilà, donc Alexandre Dumas est le produit de cette rencontre.
03:17Il est lui-même carteron, c'est-à-dire métis mais d'un quart.
03:22Le père de Dumas, c'est lui le vrai héros.
03:28Parce que le père de Dumas, David Dumas, qui lui est né à Saint-Domingue,
03:33ce qu'on appelle Saint-Domingue aujourd'hui, qui est à Haiti d'aujourd'hui,
03:36lui, il est né là, mais il devient général.
03:39C'est-à-dire que du temps de Napoléon, couleur ou pas couleur, si on était un brave, on pouvait devenir général.
03:45L'image que Dumas conserve de son père durant toute sa vie, c'est l'image d'un héros, d'un grand héros,
03:52puisqu'il a été général du commandement des Alpes, il a fait les guerres de Vendée, il a fait la campagne d'Égypte.
04:00Donc c'est vraiment un héros militaire, mais un héros blessé par le laminoir de l'histoire
04:06et par les décisions politiques de l'empereur.
04:08Il sera véritablement rayé des livres d'histoire par l'administration napoléonienne,
04:14qui refusera toutes les demandes faites par Marie-Louise d'indemnisation, de reconnaissance,
04:21d'aide pour l'éducation de ses enfants.
04:24Lorsque le général Dumas revient à Villers-Cotterêts après de longues années de captivité,
04:29il n'a plus beaucoup de temps à vivre et il meurt quand Dumas a à peine 4 ans.
04:37J'imagine ce garçon reconstituant l'histoire de son père, entendant parler de ses exploits,
04:44ayant même des vieux greniards à porter, des mains pour lui raconter ce qu'était son père,
04:48les charges de son père en Égypte ou ailleurs.
04:51À partir de là, quand vous êtes nourri de ça, à la limite, qu'est-ce que vous pouvez faire ?
04:56Devenir général ? Non, vous ne serez pas à la hauteur.
04:59Donc devenir celui qui raconte des histoires ? Oui, ça c'est possible.
05:03On appelait ce petit château les fossés, sans doute parce qu'il était entouré de fossés remplis d'eau.
05:12Je ne l'ai pas revu depuis 1805 et cependant je puis dire que l'on descendait dans cette cuisine par une marche,
05:20qu'un gros bloc était en face de la porte, que la table de la cuisine venait immédiatement après lui,
05:28qu'en face de cette table de cuisine à gauche, était la cheminée.
05:32Une cheminée immense, à l'intérieur de laquelle était presque toujours le fusil favori de mon père,
05:40monté en argent avec un coussinet de marocain vert à la crosse.
05:44Fusil que l'on me défendait de toucher et auquel je touchais éternellement.
05:51Le jeune Alexandre Dumas, le plus jeune de sa famille,
05:54Le jeune Alexandre Dumas n'est pas du tout un élève scolaire, premier de la classe.
06:00Sa maman tente de lui inculquer une bonne éducation,
06:04mais Alexandre Dumas ne pense qu'à courir les champs, qu'à chasser, il manie les armes.
06:09C'est un enfant des bois, c'est un enfant des forêts.
06:12Son imagination, il va la développer dans un premier temps au contact de la nature.
06:24Christophe Colomb de 8 ou 10 ans, je faisais 3,5 lieues en allant,
06:283,5 lieues en revenant, pour aller jouer une heure dans les ruines du château de Pierrefonds.
06:37C'est à l'âge de 17 ans, en 1819, qu'Alexandre Dumas va rencontrer une femme.
06:43C'est une jeune fille de 17 ans.
06:45C'est une jeune fille de 17 ans qui va rencontrer Alexandre Dumas.
06:50C'est à l'âge de 17 ans, en 1819, qu'Alexandre Dumas va rencontrer Adolphe Ribing de Leuven,
06:56qui est donc un fils d'un noble suédois, en exil en France pour cause de régicide,
07:04et qui loge au château de Villers-les-Longs.
07:07Adolphe, finalement, lui reflète un petit peu ce qu'Alexandre aurait dû être,
07:13un noble, avec une bonne éducation.
07:17Et donc, ils se lient d'amitié. C'est une amitié vraiment indéfectible.
07:21Ils vont ensemble s'amuser à écrire des voix de ville,
07:24et va naître cette ambition d'écriture, une ambition théâtrale.
07:30Dumas, avant tout, c'est le théâtre, avant d'écrire des romans.
07:33Quittant à 20 ans l'étude de notaire où je suis troisième clair,
07:38je pars à Paris avec mon ami Paillet, retrouver Adolphe Leuven, à qui j'ai confié quelques pièces.
07:45Tous les trois partageons une véritable passion pour le théâtre.
07:50Nous filons, avec un cheval pour deux,
07:53et j'ai pris mon fusil pour, en chemin, tuer quelques lièvres.
08:02Quand Alexandre Dumas arrive à Paris en 1823, c'est un jeune provincial mal dégrossi.
08:08Il a été tabellion chez un notaire de Villers-les-Cotterêts,
08:13Alexandre Dumas a très vite compris qu'il ne voudrait jamais finir notaire de province,
08:18que pour lui c'était peut-être le pire des destins.
08:24Il essaie d'aller voir d'anciennes relations de son père,
08:29qui pour certaines ne peuvent rien pour lui,
08:32et c'est finalement chez le général Foy qu'il arrive,
08:34et qu'il passe une espèce de bilan de compétences assez désastreux pour lui,
08:38puisqu'il ne sait rien faire.
08:41Heureusement, il a une belle écriture,
08:43et grâce à ça, le général Foy parvient à le faire engager dans les bureaux du duc d'Orléans
08:48comme copiste au départ,
08:50et c'est de là qu'il va pouvoir faire sa conquête de Paris.
08:53Alexandre déclame qu'il souhaite devenir le plus grand dramaturge de son temps.
08:59On est au début des années 1820,
09:01on est en pleine effervescence intellectuelle,
09:03Alphonse de Lamartine vient de publier
09:05des méditations poétiques qui ont eu un retentissement considérable,
09:09et on commence aussi, c'est très important,
09:12à découvrir la littérature étrangère, par la traduction,
09:15et notamment Shakespeare, Shakespeare, Schiller,
09:19Schiller, Schiller, Schiller,
09:22Schiller, Schiller, Schiller,
09:25Schiller, Schiller,
09:28Schiller, Goethe, le Werther de Goethe,
09:31qui est un des modèles de la jeunesse romantique.
09:34Voyez comme les événements qui doivent influer sur la vie d'un homme
09:38s'enchaînent les uns aux autres.
09:40Le 10, les acteurs anglais clôturèrent la série de leurs représentations,
09:45me laissant le cœur tout haletant d'impressions inconnues,
09:48l'esprit illuminé de lueurs nouvelles.
09:51Pour la première fois, je voyais au théâtre des passions réelles,
09:55animant des hommes et des femmes en chair et en os.
10:00À partir de cette heure, seulement, j'avais une idée du théâtre.
10:09Il s'imprègne de l'ère du temps,
10:12il s'imprègne de ce romantisme qui est en train de gagner les esprits,
10:15et notamment l'intelligentsia littéraire de la capitale,
10:18il s'imprègne de tout ce mouvement, de toute cette émulation.
10:25Alexandre Dumas a le sens du contact,
10:27a le sens de l'altérité.
10:29Il inspire, d'une certaine façon,
10:31confiance par sa naïveté généreuse.
10:33Donc, il est joué en 1825,
10:35un premier vaudville qui s'appelle La chasse et l'amour,
10:38c'est déjà tout un programme, c'est toute sa vie au fond.
10:41Donc, grâce à ses premières pièces,
10:44il va progressivement rencontrer d'autres expériences,
10:48d'autres expériences,
10:50d'autres expériences,
10:53il va progressivement rencontrer d'autres écrivains.
10:56Puis, il va intégrer le salon de Villeneuve,
11:00il va tomber amoureux de sa fille, Mélanie Valdor.
11:05C'est un coup de foudre mutuel en 1827,
11:08alors que Dumas avait déjà commencé
11:11à écrire des pièces de théâtre qu'il jouait,
11:14des vaudevilles, des petits drames qu'il jouait
11:17dans les petits théâtres parisiens,
11:20comme La Porte Saint-Martin, mais sans grand succès.
11:23C'est vraiment Mélanie Valdor qui va le pousser
11:26à être un peu plus ambitieux.
11:28La révolution poétique était alors à peu près faite
11:31par Hugo et Lamartine,
11:33mais au théâtre, la révolution dramatique
11:36restait encore toute entière à faire.
11:43La comédie française, c'est l'institution théâtrale par excellence.
11:48C'est là, c'est le théâtre d'élite,
11:51c'est là où sont joués les grands auteurs,
11:54les classiques, Racine, Corneille, Molière,
11:57et les classiques du XVIIIe siècle aussi,
12:00et les néoclassiques.
12:02Jusque dans les années 1830,
12:05le canon littéraire et théâtral,
12:08c'est la pièce en cinq actes et en vers,
12:11la tragédie classique.
12:13Être joué à Paris, et notamment à la comédie française,
12:16c'est vraiment la marque du succès,
12:19le signe d'une réussite en tant qu'auteur.
12:26Les raisons du succès d'Henri III et sa cour
12:29et du théâtre d'Alexandre Dumas dans les années 1830
12:32tiennent à plusieurs éléments.
12:34Tout d'abord, il a le sens de la couleur, du décor.
12:37Henri III et sa cour commencent par une scène fantastique
12:40dans le cabinet d'un astrologue, du nécromancien de Catherine de Médicis.
12:43Il a le sens du visuel, du spectacle,
12:46et du rythme.
12:48Il a aussi un don qu'on retrouvera
12:51dans les romans feuilletons des années 1840,
12:54qui est le don du suspens dramatique.
12:57On appellerait ça aujourd'hui des cliffhangers.
13:00À la fin des actes, on est tenu.
13:03Le rideau tombe, le public est en attente de la suite.
13:06Ce qui emporte l'adhésion du public,
13:09c'est ce suspens palpitant,
13:13parce qu'il n'y a pas de meurtre qui est directement représenté,
13:16mais le meurtre de Saint-Mégrin,
13:19qui est l'amant de la femme du duc de Guise,
13:22se passe dans la rue,
13:25mais le public assiste aux réactions horrifiées de la duchesse de Guise,
13:28qui voit son amant se faire tuer sous ses yeux.
13:31Raffinement de cruauté, le duc de Guise
13:34jette le mouchoir de la duchesse et dit
13:37« étranglez-le avec le mouchoir de la duchesse,
13:40et l'enthousiasme de la foule est porté jusqu'au délire.
13:49À partir du troisième acte jusqu'à la fin,
13:52ce ne fut plus un succès, ce fut un délire croissant.
13:55Toutes les mains applaudissaient, même celles des femmes.
13:58Madame Malibran, penchée tout entière en dehors de sa loge,
14:01se cramponnait à une colonne pour ne pas tomber.
14:05Complètement inconnu le soir,
14:08le lendemain, en bien ou en mal,
14:11je faisais l'occupation de tout Paris.
14:19Après le triomphe d'Henri III et sa cour,
14:22il intègre l'arsenal de Charles Naudier
14:25et le sénacle de Victor Hugo,
14:28qui va devenir un ami très proche.
14:31Ceux qui font la révolution au théâtre,
14:34c'est d'abord et surtout Dumas et Hugo.
14:37Ce sont eux qui mènent et qui remportent cette bataille romantique
14:40avec des drames comme Henri III et sa cour pour Dumas en 1829,
14:43Hernani pour Hugo en 1830,
14:46Anthony de nouveau pour Dumas en 1831.
15:01Ça s'inspire des souffrances
15:04et des tourments qu'il a ressentis
15:07pendant sa liaison avec Mélanie Valdor entre 1827 et 1830.
15:10Et en fait, il écrit Anthony à la fin de leur liaison.
15:25Anthony, c'est un personnage de révolté,
15:28révolte contre la société,
15:31contre les valeurs bourgeoises ou aristocratiques.
15:34C'est effectivement une pièce
15:37qui reflète les aspirations frustrées
15:40de cette jeunesse de 1830
15:43qui a le sentiment d'être arrivée après les grandes pages d'histoire
15:46et d'être coincée dans un présent trop étriqué pour elle,
15:49qui ne lui laisse pas de capacité d'action,
15:52qui l'entrave dans ses aspirations
15:55et qui est une société encore profondément injuste et inégalitaire.
15:58Charles X est très impopulaire.
16:01Il est en fin de règne.
16:04Tout le monde sent bien qu'il va se passer quelque chose.
16:07En tout cas, tous ceux qui s'intéressent de près à la politique
16:10sentent qu'il va se passer quelque chose.
16:16Quand la Révolution éclate en juillet 1830,
16:19Alexandre Dumas veut en être,
16:22parce qu'il est le fils de son père, général républicain,
16:25et parce que, comme cette jeunesse romantique
16:28dont il fait partie,
16:31il veut participer à l'histoire.
16:53J'échangeais des poignées de main avec des ouvriers nocturnes
16:56et je gagnais le carousel.
16:59Rentré chez moi,
17:02j'ouvrais ma fenêtre et j'écoutais.
17:05Paris semblait solitaire et silencieux,
17:08mais cette tranquillité n'avait rien de réel.
17:11Cette solitude était habitée
17:14et ce silence était vivant.
17:17J'échangeais des poignées de main
17:20et ce silence était vivant.
17:23C'est un homme engagé, il est républicain,
17:26il voit dans la chute des Bourbons un grand espoir politique.
17:29Il fonde dans cette chute un espoir politique
17:32qui sera vite déçu, bien sûr,
17:35mais enfin, il combat auprès des révolutionnaires
17:38sur les barricades de juillet 1830.
17:41Il est à la tête d'une troupe de 50 hommes,
17:44à un moment donné, il y a des coups de feu qui sont échangés,
17:47et puis il y a cet épisode assez rocambolesque
17:50où il se porte volontaire pour aller chercher de la poudre
17:53parce que les émeutiers manquent de munitions.
17:56Il va à Soissons et il menace le responsable de l'armurerie
17:59pour qu'il lui cède sa cargaison de poudre.
18:02Le commandant ne veut pas céder,
18:05la scène menace de mal se terminer,
18:08et là, il y a la femme du commandant qui arrive, échevelée,
18:11en délire, et lui dit « Cède, mon ami, cède,
18:14c'est Dumas qui raconte. »
18:17« Souviens-toi, dit-elle, de mon père et ma mère massacrées à Saint-Domingue.
18:20À mes cheveux crépus,
18:23à mon teint bruni par trois jours de soleil,
18:26elle m'avait pris pour un nègre
18:29et s'était laissée aller à une indécible terreur. »
18:45Ce que je viens de voir est si beau
18:48de poésie, de dramatique,
18:51qu'il y a des moments où je crois avoir renoncé à écrire un seul mot.
18:54Que faire après ce qui a été fait ?
18:57Quel drame de théâtre vaudra celui de la rue ?
19:00Quel héros du Moyen-Âge égale
19:03le dernier citoyen de nos faubourgs ?
19:15Il y a plusieurs éléments qui expliquent
19:18que Dumas, du théâtre,
19:21se tourne progressivement vers le roman.
19:24Je dirais que la première chose, c'est qu'il a,
19:27dès 1833 au moins,
19:30qui est la date de son essai « Gaule et France »,
19:33l'idée de représenter l'histoire de France.
19:36Et qu'il faut la représenter dans sa totalité,
19:39c'est-à-dire pas uniquement s'en tenir compte,
19:42à la chronique des hauts faits des personnages illustres,
19:45mais vraiment de faire l'histoire de la nation française.
19:48Il y a une formule qu'on utilise très souvent
19:51pour comprendre cette passion des romantiques pour l'histoire,
19:54parce qu'il n'est pas le seul,
19:57c'est « penser le présent grâce au passé ».
20:00Dumas a très vite conscience qu'on ne peut pas se contenter
20:03de théoriser l'histoire ou de raconter des suites de dates,
20:06et qu'il faut que l'histoire prenne vie,
20:09qu'il faut qu'elle ait une saveur,
20:12qu'on la voie défiler sous nos yeux de manière animée.
20:31Dumas devient assez vite un auteur
20:34que les directeurs de journaux se disputent.
20:37C'est un journaliste qui va trouver une formule
20:40qui révolutionne la presse de son époque,
20:43en imaginant de diviser le prix de l'abonnement au journal par deux,
20:46il le divise de 80 à 40 francs,
20:49et en inaugurant deux choses,
20:52que sont d'une part la publicité qu'il introduit dans les journaux,
20:55d'autre part un formidable produit d'appel qui est le feuilleton,
20:58c'est-à-dire une fiction narrative
21:01que les lecteurs, en s'abonnant, pourront suivre au jour le jour,
21:04et dont ils pourront lire la suite le lendemain.
21:07Pour ça, il faut des auteurs qui soient capables d'écrire beaucoup,
21:10et qui soient capables d'écrire régulièrement, de fournir de la copie.
21:13Quand on écrit un journal à cette époque-là,
21:16c'est le début de la presse, un grand tirage,
21:19et donc on a besoin
21:22de capter des lecteurs,
21:25des lecteurs le plus nombreux possible.
21:28Le feuilleton s'est avéré être un moyen de fidélisation,
21:31et ça l'a été même au XXe siècle,
21:34avec les strips de bandes comme ça,
21:37où j'allais voir un Snoopy quand je lisais Le Monde,
21:40j'attendais le dessin du lendemain presque plus que le journal.
21:43Au début des années 1840, Alexandre Dumas constate
21:46le succès incroyable de Gensu dans le genre du roman feuilleton.
21:49Et il se dit, pourquoi pas,
21:52pourquoi moi aussi je n'écrirais pas des romans.
21:55Il avait déjà écrit des romans à la fin des années 1830,
21:58et puis il a l'idée
22:01de mettre au service du feuilleton romanesque
22:04son imaginaire historique.
22:10L'un des privilèges de l'historien,
22:13ce roi du passé,
22:16c'est de n'avoir, lorsqu'il parcourt son empire,
22:19qu'à toucher de sa plume les ruines et les cadavres
22:22pour bâtir des palais et ressusciter les hommes.
22:25J'adore cette citation.
22:28Dumas avait tendance à dire que l'histoire
22:31était un clou auquel il accrochait ses romans.
22:34Et c'est vrai qu'il bâtissait,
22:37il prenait comme base l'histoire réelle
22:40et puis après il brodait tout autour.
22:43Donc c'est vrai qu'il pouvait bâtir tout un monde.
22:46Pourquoi pas, en tant qu'écrivain,
22:49on peut avoir quelques libertés avec l'histoire.
22:55L'histoire de Dumas
23:21On lui recommande la lecture des mémoires de D'Artagnan
23:24et lorsque Dumas trouve ces mémoires de D'Artagnan,
23:27il se dit qu'il y a la matière à faire quelque chose
23:30parce qu'il trouve dans ces mémoires une matière déjà prémâchée,
23:33déjà préconstituée avec des anecdotes
23:36qui sont justement ce qui fait le petit fait vrai,
23:39ce qui fait le sel, la couleur locale,
23:42l'atmosphère d'époque.
23:45Et donc il trouve tout un tas de petites histoires,
23:48de petits détails dont il va se servir et qui vont nourrir ses intrigues romanesques.
23:51L'histoire, c'est le rapport d'un séducteur.
23:54Il a séduit l'histoire, c'est-à-dire qu'il s'en sert.
23:57La fameuse formule, on peut tromper l'histoire
24:00du moment qu'on lui fait de beaux-enfants.
24:03Lui, il a passé sa vie à faire des beaux-enfants.
24:06Soyons clairs, l'art du roman ne réside pas dans la vérité,
24:09mais dans un savant dosage
24:12de vraisemblance et de romanesque.
24:16En mars 1844, débute la publication des Trois Mousquetaires.
24:19Et ça va être le début d'une production
24:22incroyablement riche,
24:25incroyablement réussie.
24:28Les Trois Mousquetaires, La Reine Margot,
24:31Le Comte de Monte-Cristo, La Dame de Montsoro,
24:34Le Vicomte de Brajlon, 20 ans après,
24:37tous les grands cycles romanesques vont être publiés
24:40sur une dizaine d'années de manière intensive.
24:43Comparément à d'autres auteurs qui se plaignent
24:46de devoir fournir de la copie et de la tyrannie des directeurs de journaux,
24:49Dumas est un de ceux dont on peut dire qu'il le vit assez bien.
24:52On a des manuscrits de lui qui sont assez peu raturés
24:55et qui montrent une certaine facilité à l'écriture.
24:58Alexandre Dumas n'écrit pas seul.
25:01Il va s'adjoindre, à partir des Trois Mousquetaires,
25:04la collaboration d'Auguste Maquet.
25:07Auguste Maquet est un écrivain
25:10qui est né en 1813.
25:13Il a 11 ans de moins qu'Alexandre Dumas,
25:16mais c'est un jeune homme brillant.
25:19Dans les années 1830, Auguste Maquet fait partie du petit cénacle,
25:22ce qu'on a appelé les petits romantiques,
25:25qui se fait appeler Augustus Maquit.
25:28Il transforme son nom pour lui donner une connotation à la fois latine et écossaise.
25:31C'est à la mode et c'est un garçon plein de ressources et très intelligent.
25:34Comme on dit en plaisantant, Dumas, c'est le seul nègre qui a eu un nègre.
25:37Il y a une anecdote qu'on raconte souvent,
25:40où Dumas a fait travailler un nègre.
25:46Il est parti à la campagne, dans les hauteurs,
25:49comme ça il se repose.
25:52Le feuilleton est écrit par ce nègre
25:55et il apprend que le nègre est mort.
25:58Dumas est paniqué, paralysé.
26:01Il court voir, là où il achète le journal d'habitude,
26:04pour voir ce qui s'est passé, comment ils se sont débrouillés.
26:07Et le feuilleton continue.
26:10Comme on dit, le nègre avait un nègre.
26:13Les collaborateurs ne poussent pas en avant, ils tirent en arrière.
26:16Les collaborateurs vous attribuent généreusement les fautes
26:19et se réservent modestement les beautés.
26:22Tout en partageant le succès et l'argent,
26:25ils gardent l'attitude de victime et d'opprimé.
26:28Enfin, entre deux collaborateurs,
26:31il y a presque toujours une dupe.
26:34Et cette dupe, c'est l'homme de talent.
26:37Car le collaborateur, c'est un passager,
26:40intrépidement embarqué dans le même bâtiment que nous,
26:43qui nous laisse apercevoir petit à petit
26:46qu'il ne sait pas nager, qu'il faut cependant soutenir
26:49au moment du naufrage et qui,
26:52une fois arrivé à terre, va disant partout
26:55que, sans lui, vous étiez un homme perdu.
26:59On l'accuse de travailler avec d'autres auteurs,
27:02mais c'était très en vogue à l'époque.
27:05Il n'était pas le seul à pratiquer cela.
27:08Il y avait une entraide entre les auteurs.
27:11Maquet, on l'a justement relégué au rang de nègre.
27:14C'est-à-dire, simplement,
27:17une espèce de super documentaliste
27:20qui apporte la nourriture à la bête.
27:23On sait aujourd'hui, parce qu'on a étudié les manuscrits,
27:26on a étudié les papiers,
27:29que Maquet a fourni des livres
27:32de A à Z, synopsés, organisés, séquencés.
27:35Il fonctionnait avec Maquet
27:38selon un principe qu'ils ont assez vite fixé,
27:41c'est-à-dire qu'ils se voyaient à deux
27:44pour faire ce qu'ils appelaient des bottes de plan,
27:47donc discuter de la structure générale de l'œuvre.
27:50Ensuite, Maquet faisait quelques recherches
27:53dans les dialogues, rajoutait son sens de dramaturge
27:56et c'est ainsi qu'ils aboutissaient aux livraisons fournies.
27:59Après, c'est la pâte, c'est la plume,
28:02c'est le style qui fait l'histoire.
28:05Maquet était quelqu'un qui était capable de...
28:08Aujourd'hui, Maquet sera adapté en télévision très facilement
28:11parce qu'il sera arrivé avec son synopsis, son découpage,
28:14parce qu'il n'aurait pas eu à écrire,
28:17et Dumas le faisait très bien.
28:24Auguste Maquet souhaite être reconnu,
28:27il veut avoir son nom sur l'affiche
28:30quand une pièce de théâtre a été co-écrite.
28:33Ça paraît un peu normal aussi,
28:36mais il y a aussi des divergences sur le plan financier.
28:39Auguste Maquet souhaiterait récupérer suffisamment d'argent
28:42et comme Dumas est toujours un petit peu tendu à ce niveau-là,
28:45on n'est pas sûr qu'il le payait toujours rubis sur l'ongle.
28:48Donc voilà, les tensions,
28:51sont financières.
29:06Je ne vais pas être très gentille pour Auguste Maquet,
29:09mais si vous lisez un roman d'Auguste Maquet,
29:12vous n'avez pas le même entrain, vous n'avez pas la même vie,
29:15vous n'avez pas la même fougue
29:18que lorsque vous lisez un roman de Dumas.
29:21Les romans de Dumas, c'est la vie.
29:24Il est tout feu, tout flamme lui-même.
29:27Je suppose qu'il devait être un peu difficile à suivre,
29:30comme homme,
29:33parce qu'il partait dans tous les sens,
29:36il était passionné partout et ça se sent dans ses romans.
29:39Vous avez des dialogues qui sont extrêmement vivants,
29:42il y a du panache chez Dumas.
29:45Au lieu de commencer par l'ennui,
29:48commencer par l'action, au lieu de commencer par la préparation,
29:51parler des personnages
29:54après les avoir fait paraître,
29:57au lieu de les faire paraître après avoir parlé d'eux.
30:00Il accroche, il vous accroche, il ne vous lâche pas, c'est tout.
30:03À la fin des articles ou de certains chapitres,
30:06vous entendez le ta-ta-tam, ta-ta-tam.
30:09En fait, on voulait connaître la suite,
30:12il arrêtait le récit à un moment bien précis
30:15et ça permettait de maintenir un suspense important.
30:18Du coup, c'était une manne pour la presse qui publiait les romans
30:21puisque les gens se précipitaient pour acheter le numéro suivant.
30:24Et puis lui, étant payé à la ligne,
30:27c'était aussi très confortable financièrement parlant.
30:30Alexandre Dumas va devenir très vite
30:33le grand romancier des années 1840,
30:36romancier qui publie dans la presse.
30:39Les romans sont publiés dans la presse,
30:42Alexandre Dumas les publie en volume immédiatement.
30:45Donc il fait un double bénéfice, il publie à la fois dans la presse,
30:48il a des contrats qui sont assez juteux,
30:51mais comme il est très, très dépensier, il faut écrire beaucoup,
30:54pour pouvoir s'offrir la vie luxueuse à laquelle il aspire.
30:57Alexandre Dumas écrit énormément et il a besoin d'un lieu
31:00dans lequel il peut trouver suffisamment de calme pour écrire.
31:03Il tombe littéralement amoureux du paysage
31:06qu'il peut admirer depuis les collines
31:09sur lesquelles nous sommes au Port-Marly.
31:12Et c'est là qu'il a l'idée de se faire construire
31:15une maison de campagne ici.
31:18Le château au départ n'a pas de nom
31:21et Dumas en cherche un.
31:24Et puis un jour, la femme d'un comédien vient le voir.
31:27Elle demande à un cocher de la mener chez M. Dumas.
31:30Le cocher s'interroge, ne sait absolument pas qui est M. Dumas.
31:33Il lui dit, enfin si, le comte de Montecristo, les trois mousquetaires.
31:36Et le cocher s'exclame,
31:39mais vous auriez dû me le dire tout de suite
31:42que vous vouliez aller dans la maison du comte de Montecristo.
31:45Donc Mme Mélingue raconte cette histoire à Dumas.
31:48Ça lui plaît beaucoup et il se dit, très bien,
31:51ma maison va s'appeler le château de Montecristo.
31:57Alexandre Dumas est très populaire.
32:00Il fait une inauguration en 1847.
32:03Ce sont 600 personnes qui se sont pressées ici
32:06pour venir voir le maître des lieux
32:09et les lieux en eux-mêmes.
32:12Quelque part, avoir un château comme celui-ci,
32:15c'est ostentatoire finalement.
32:18Ça lui ressemble beaucoup. Dumas est quand même mégalomane.
32:23Alexandre Dumas a la folie des grandeurs.
32:26On est aujourd'hui au château de Montecristo
32:29qui en est un peu l'illustration.
32:32Et cette folie des grandeurs, il l'a au théâtre.
32:35Donc il rêve de grands spectacles avec des décors somptueux.
32:38Il veut entraîner le public vers un monde onirique.
32:41Son idée, c'est d'ouvrir un théâtre
32:44qui représentera les drames historiques,
32:47certes, mais aussi des chefs-d'oeuvre étrangers
32:50et les oeuvres de ses camarades romantiques,
32:53de ses contemporains.
32:56C'est un théâtre qu'on appelle le théâtre historique.
32:59On a une délicieuse caricature qui montre Dumas
33:02avec un énorme théâtre sous les bras.
33:05Il essaie de le positionner dans Paris.
33:08C'est tellement gros qu'il ne peut pas le placer.
33:11Il faut savoir que c'est un théâtre avec 1200 places,
33:14ce qui est considérable.
33:17Donc il faut payer tous les comédiens, les décorateurs.
33:20Il faut qu'il y ait des entrées dans ce théâtre
33:23parce qu'il a commencé par le théâtre
33:26et il va poursuivre sa carrière sans jamais oublier le théâtre.
33:29Il va même faire des passerelles entre les deux
33:32puisque, par exemple, le Comte de Montecristo,
33:35qui était quand même un roman au démarrage,
33:38est devenu une pièce de théâtre.
33:41Il fallait être assez courageux pour aller voir une pièce du Comte de Montecristo
33:44parce que c'était une pièce qui durait 9 heures.
33:47Il veut entraîner le public vers le passé.
33:50C'est effectivement une frontière très ténue
33:53entre la fiction et la réalité,
33:56entre le rêve et le quotidien.
33:59Et il veut, je crois, inventer au théâtre
34:02un temps à part.
34:14On peut comprendre
34:17l'enfance folle et ses projets complètement pharaoniques
34:20à la lumière de cette enfance pauvre et d'un désir de revanche sociale.
34:23Mais je crois qu'il y a aussi
34:26une générosité inhérente à sa personnalité
34:29et une des mesures qui va avec son romantisme.
34:32Dumas, avec ses succès,
34:35devient une star médiatique.
34:41Il est l'objet des conversations,
34:44et pas seulement au titre de ses œuvres,
34:47mais aussi au titre de sa vie,
34:50notamment de ses frasques amoureuses.
34:53C'est quelqu'un qui a été photographié pour son époque.
34:56C'est quelqu'un dont les coups d'éclat occupent le tout Paris
34:59pendant très longtemps
35:02et qui a pu en retirer peut-être une satisfaction vaniteuse.
35:05Dumas attire des inimitiés.
35:08Par exemple, Eugène de Mircourt publie en 1845
35:11un pamphlet qu'il intitule
35:14« Alexandre Dumas fabrique de romans »
35:17où il tire à bout les rouges
35:20sur les pratiques d'écriture d'Alexandre Dumas.
35:23Très vite, on va accuser Alexandre Dumas
35:26de ne pas être l'auteur de ses romans,
35:29de plagier les autres, etc.
35:32Donc non seulement il est connu pour ses récits,
35:35mais en plus il fait polémique.
35:38Eugène de Mircourt critique de manière très violente
35:41ce qu'il considère comme de la littérature industrielle,
35:44c'est-à-dire pas de la littérature, pas de l'art.
35:47Il dit « vous grattez l'écorce du marquis et vous trouverez le sauvage ».
35:50Dumas a incontestablement été victime de racisme,
35:53de propos racistes.
35:59Je pense qu'il était dans un monde
36:02où on ne jalousait pas forcément ses origines,
36:05mais ce qu'il était devenu.
36:36On voit arriver face à vous des préjugés.
36:39Ça se voit.
36:42Ça clignote.
36:45Et à partir de là, il n'y a rien de tel pour s'en dégager
36:48que d'avoir cette attitude un petit peu outrée
36:51qui en fin de compte ça s'appelle l'humour.
36:56Dumas est aussi très dépensier.
36:59Cette maison lui coûte extrêmement cher.
37:03Il entretient plusieurs maîtresses à la fois,
37:06à qui il offre des cadeaux somptueux.
37:09Il est incapable de rompre avec qui que ce soit,
37:12donc il maintient des relations parfois en même temps.
37:15Ça lui coûte cher.
37:18Les années 1848-49-50 sont très difficiles pour lui sur le plan financier.
37:21Le château de Monte Cristo est vendu aux enchères.
37:24Le théâtre historique ferme pour faillite.
37:28Dumas est un peu triste.
37:31Je sais qu'il a dit à un de ses amis
37:34qu'il ne lui restait plus de ce château que deux prunes
37:37qui venaient d'un prunier du jardin
37:40et que ces deux prunes valaient à elle deux 200 000 francs
37:43puisque c'était ce que lui avait coûté le château.
37:46Je parle de 200 000 francs or.
37:49Dumas avait réalisé son rêve et je pense que c'est ça qui avait compté pour lui.
37:52Après, il est passé à autre chose.
37:58En 1848, la monarchie de Juillet s'essouffle.
38:01Ça aboutit aux événements de février puis de juin 1848
38:04et à la chute de Louis-Philippe.
38:07Oui, ce que nous voyons est beau,
38:10ce que nous voyons est grand,
38:13car nous voyons une république
38:16et jusqu'à aujourd'hui, nous n'avions vu que des révolutions.
38:19C'est ce que nous voyons.
38:22C'est ce que nous voyons.
38:26Comme les autres romantiques,
38:29il est très enthousiasmé par les journées de février 1848.
38:32Il participe à la révolution et il nourrit,
38:35comme d'autres aussi, des aspirations et des ambitions politiques.
38:38Dumas a toujours rêvé d'assumer politiquement
38:41ce rôle de prophète du peuple
38:44qu'assumait par exemple son ami Victor Hugo.
38:47Il estimait qu'il avait vocation
38:50à porter la voix du peuple.
38:53Lorsque cette république est enfin de nouveau proclamée en 1848,
38:56il pense que le moment est venu de jouer ce rôle-là.
38:59Quand il se présente à la députation,
39:02Dumas pense que l'affaire est dans le sac.
39:05Il se présente effectivement comme l'auteur des Trois Mousquetaires.
39:08Quelque part, il a raison de le penser
39:11puisque ça a marché pour Victor Hugo,
39:14ça a marché pour Lamartine et pour lui, ça ne marche pas.
39:17Le public n'a pas forcément reconnu dans le roman de Dumas
39:20les préoccupations que Dumas disait avoir, je ne sais pas.
39:23Toujours est-il qu'il y a cette gifle, il n'y a pas d'autre mot.
39:26Il se prend vraiment une belle claque en 1848
39:29avec cette déconvenue électorale.
39:35Dumas commence à prendre conscience à partir de 1848
39:38qu'il est probablement en train de découvrir
39:41ce deuxième versant de la vie, celui où on va commencer à descendre,
39:44même s'il va essayer chaque fois de faire des retours
39:47et de renouer avec le succès à travers plusieurs tentatives.
39:50Mais clairement, après 1848, le miracle ne se reproduira plus.
40:03Quand il quitte la France après le coup d'État de décembre 1851,
40:06ce n'est pas seulement pour des raisons politiques,
40:09mais c'est surtout, et peut-être aussi pour des raisons financières.
40:12Alexandre Dumas a passé sa vie à voyager
40:16et dès qu'il en avait assez de Paris,
40:19dès que ses problèmes financiers devenaient trop graves,
40:22que les huissiers avec leurs doigts crochus venaient gratter à la porte,
40:25il s'en allait et, comme chez Dumas,
40:28rien ne se perd, tout se transforme,
40:31qu'il a un don de la transfiguration et de la transformation,
40:34ses voyages, il va les transformer en impressions de voyage.
40:37Il va parcourir différents pays,
40:40tel que l'Espagne, l'Italie, dans lesquelles même il va s'installer
40:44pendant un temps. Il est avide de découvertes,
40:47il aime aller découvrir les populations,
40:50leur histoire, leur légende,
40:53leur cuisine qu'il goûte systématiquement,
40:56leur costume qu'il peut endosser.
40:59Il est très curieux et, à chaque fois, il va écrire ses impressions de voyage.
41:02Les récits de voyage d'Alexandre Dumas sont le laboratoire de ses romans.
41:05Les voyages permettent à Dumas de nourrir son imagination.
41:08Par exemple, le Comte de Monte-Cristo,
41:11le titre de l'œuvre vient d'une île,
41:14l'île de Monte-Cristo, qui existe réellement.
41:17Et les paysages traversés par Dumas en Italie,
41:20quand il voyage dans les années 1830-1840,
41:23on les retrouve dans le Comte de Monte-Cristo.
41:26Il écrit ses impressions de voyage qui ont également un grand succès
41:29auprès du public parce que, de la même manière,
41:32ses impressions peuvent être publiées dans la presse.
41:35Voyager, c'est vivre dans toute la plénitude du monde.
41:38C'est oublier le passé pour le présent.
41:41C'est respirer à pleine poitrine,
41:44jouir de tout,
41:47s'emparer de la création comme d'une chose qui est sienne.
41:50C'est chercher dans la terre des lignes d'or que nul n'a fouillées,
41:53dans l'air des merveilles que personne n'a vues.
41:56C'est passer dans la foule et ramasser sous l'herbe
41:59des perles et des diamants qu'elle a prises,
42:02ignorantes et insoucieuses qu'elle est,
42:05pour des flocons de neige ou des gouttes de rosée.
42:08Si j'avais eu la chance de rencontrer Alexandre Dumas,
42:11je lui aurais demandé de m'emmener en voyage avec lui
42:14parce que moi qui n'aime pas beaucoup les voyages,
42:17il m'aurait peut-être appris à les aimer davantage.
42:20Et puis je pense que c'était un homme
42:23avec qui la conversation, au sens le plus français du terme,
42:26la conversation devait être vraiment plaisante.
42:35...
42:50Au début du Second Empire, Dumas a l'idée
42:53de créer ses propres journaux.
42:56Comme ça, il peut s'exprimer librement,
42:59plus ou moins librement, mais c'est une tribune
43:02où il peut diffuser ses idées
43:05et il peut continuer à publier ses mémoires.
43:08Et surtout, grâce à cette presse, à ces différents journaux,
43:11alors ils vont plus ou moins faire faillite les uns après les autres,
43:14mais enfin, ils vont se succéder, le D'Artagnan,
43:17le Montecristo, le Mousquetaire, etc.
43:20Grâce à ces journaux, Alexandre Dumas va diffuser,
43:23continuer à diffuser cette culture générale qu'il aime tant,
43:26cette culture historique.
43:30C'était une manière aussi de pouvoir publier ses romans lui-même.
43:33Un Dumas entrepreneur, je trouve que c'est une attitude moderne
43:36et je trouve qu'on la retrouve aujourd'hui et de plus en plus.
43:39Qu'est-ce que c'est qu'un entrepreneur ?
43:42C'est quelqu'un qui, à un moment, en a assez de demander,
43:45de proposer à des gens.
43:48C'est-à-dire, c'est tous ces intermédiaires
43:51qui ont le pouvoir de vous dire non.
43:54C'est ça, une vie de créateur.
43:57Contre des refus et qui accède
44:00au statut d'entrepreneur
44:03pour accéder à la liberté de faire.
44:09Pourquoi est-ce que je fonde un nouveau journal ?
44:12Je me lasse d'être bien attaqué par mes ennemis
44:15et mal défendu par mes amis dans les journaux des autres.
44:18Ensuite, parce que j'ai encore 40 ou 50 volumes de mes mémoires à publier.
44:21Que ces 40 ou 50 volumes deviennent de plus en plus compromettants
44:25au fur et à mesure qu'ils se rapprochent de notre époque.
44:28Et que j'en désire prendre la responsabilité.
44:31Non seulement comme auteur, mais comme publicateur.
44:41Ces journaux sont aussi des scènes
44:44sur lesquelles il se met lui-même en scène.
44:47Des scènes de théâtre symbolique sur lesquelles il s'invente,
44:50il se réinvente son personnage
44:53et il tente aussi d'exister dans le paysage médiatique.
44:57Certains rebaptisent ma revue politique le moi-moi,
45:00me reprochant une nouvelle fois mon égotisme.
45:03Ce qui les dérange, sans doute,
45:06c'est le statut que je m'octroie.
45:09Le statut de témoin engagé.
45:12C'est plutôt avec des journaux comme Le Mousquetaire
45:15ou Le Monte-Cristo où il se met énormément en scène
45:18à la première personne, où il se raconte,
45:21qu'on peut dire qu'il innove,
45:24qu'il crée un média qui a d'ailleurs été l'objet
45:27de beaucoup de moqueries et de caricatures,
45:30mais qui a aussi consterné ses amis.
45:33Noël Parfait dit que c'est une entreprise
45:36d'égotisme monstrueux, que ce journal n'épouvante personne
45:39et qu'il ne sert qu'à le ruiner.
45:42C'est quand même beaucoup de bruit pour rien
45:45parce qu'il essaie de rameuter le banc et l'arrière-banc,
45:48de se poser en rempart de la République et de plein de choses.
45:51Le problème, c'est qu'il parle quand même beaucoup de lui
45:54et que ça a tendance à se répéter un peu
45:57et à tourner un peu à vide.
46:00C'est un soufflé qui fait un peu flop.
46:06Pourquoi, pendant les 20 premières années
46:09de ma vie littéraire, pourquoi ma vue et mon souvenir
46:12se sont-ils rarement reportés vers la petite ville
46:15où je suis né ?
46:18Vers les bois qui l'environnaient ?
46:21Vers le village qui l'entoure ?
46:24Pourquoi tout ce monde de ma jeunesse
46:27me semblait-il disparu et comme voilé par un nuage,
46:30tandis que l'avenir vers lequel je marchais
46:33m'apparaissait limpide et resplendissant ?
46:37Nous allons dans quelques jours embarquer à Marseille
46:40pour rejoindre l'Orient splendide,
46:43soulever la poussière de deux ou trois civilisations,
46:46retrouver Garibaldi,
46:49et je m'en réjouis.
46:52Il y a quelque chose comme dix ans,
46:55dans un pamphlet, je le proclamais
46:58non seulement l'apôtre de la liberté italienne,
47:01mais c'était aussi l'apôtre de la liberté italienne
47:04mais celui de la liberté universelle.
47:17Là je vois effectivement le Dumas peut-être engagé,
47:20le Dumas qui prépare peut-être sa revanche,
47:23Dumas tourné vers l'Italie.
47:26Mais on ne voit pas forcément l'écrivain,
47:29on voit quelqu'un de plus grand encore,
47:32un conquérant, quelqu'un qui déterminait,
47:35une détermination dans le regard, dans la pose.
47:40C'est l'Italie, sa grande aventure.
47:43En rejoignant Garibaldi et en participant
47:46à cette espèce d'épopée contemporaine,
47:49c'est l'occasion pour lui d'être enfin un des héros de ses romans.
47:56Alexandre Dumas s'intéresse à Garibaldi
47:59parce que c'est un héros républicain
48:02avec des idéaux politiques auxquels il adhère.
48:05Et en 1860, il va être emmené
48:08dans l'épopée garibaldienne,
48:11il va combattre aux côtés de Garibaldi
48:14qui est effectivement prône à l'unification de l'Italie.
48:17Et puis il y a aussi comme idée que Garibaldi
48:20veut se débarrasser des Bourbons
48:23qui règnent aussi encore au royaume de Naples, etc.
48:26Il est beaucoup plus enthousiaste de participer à ce projet-là
48:29qu'il y voit pour le coup une dimension personnelle de vengeance
48:32parce que cette monarchie des Bourbons-Siciles,
48:35le roi qui est au pouvoir est le fils
48:38de celui qui a emprisonné son père.
48:41Et donc là aussi, il a l'impression qu'il est en train de venger son père
48:44et pas seulement en train de faire l'histoire
48:47et de faire aboutir un projet de libération.
48:50L'histoire du général Dumas est en soi un roman
48:53très puissant qui contient en germe
48:56tous les ressorts du drame et de la tragédie
48:59et que Dumas reconstitue.
49:02Les héros, on se les attrape.
49:05On se les attrape d'où qu'ils viennent.
49:08L'important c'est que ça nous ressource en héroïsme,
49:11ça nous ressource en énergie, en envie de faire, en envie de créer.
49:14La plus grande aventure c'est écrire, écrire des histoires.
49:17C'est ça la vraie aventure.
49:21Si on regarde les héros d'Alexandre Dumas,
49:24on peut y projeter évidemment Alexandre Dumas,
49:27ses rêves, ses fantasmes, on peut y projeter aussi
49:30sa blessure d'orphelin, sa blessure d'enfant,
49:33de héros qui n'a pas été reconnu par la postérité.
49:36Ce sont souvent des hommes qui partent de rien.
49:39Pensons par exemple à D'Artagnan
49:42qui est un jeune homme de province, qui monte à Paris,
49:45qui n'est pas connu. Donc en fait, chez Dumas,
49:48il y a quand même le fantasme ou le rêve
49:51que, n'étant rien, on peut devenir tout.
49:54C'est aussi le destin d'Edmond Dantes
49:57qui est un jeune marin au début du Comte de Montecristo
50:00et qui va devenir ce Comte de Montecristo,
50:03personnage extrêmement complexe et passionnant
50:06qui offre une figure de l'héroïsme tout à fait ambivalente,
50:09à la fois faite de grandeur
50:12mais aussi d'une forme de cynisme,
50:15qui s'inscrit dans sa vengeance.
50:21On voit très bien comment les héros d'Alexandre Dumas
50:24ne sont pas seulement des héros du XIXe siècle,
50:27ils s'inscrivent plus largement dans une histoire
50:30de l'héroïsme à la française.
50:33Vous avez des abrégés de la France
50:36qui renvoient au lecteur une image héroïque
50:39extrêmement exaltante.
50:42C'est ça qui fait qu'on lit encore les Trois Mousquetaires.
50:45C'est ce héros à la française, avec son panache,
50:48avec une certaine légèreté aussi,
50:51et avec un sens de l'honneur.
50:54Je crois qu'il y a ces idéaux-là qui résonnent encore très fort dans son œuvre.
51:12Le meilleur de ma vie est déjà dans mes souvenirs.
51:21Lisez mes mémoires.
51:24J'ai tout vu et tout connu.
51:42Lisez mes mémoires.
51:45J'ai tout vu et tout connu.
52:12Sous-titrage ST' 501