Christine Kelly et Marc Menant reviennent sur les personnages célèbres qui ont fait l’histoire dans #LesGrandsDestins
Célèbre auteur des Trois mousquetaires du Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas (1802-1870) est un des écrivains français les plus traduits dans le monde.
Célèbre auteur des Trois mousquetaires du Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas (1802-1870) est un des écrivains français les plus traduits dans le monde.
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00:00 - Bonjour à tous, ravie de vous accueillir dans cette émission
00:03 "Les grands destins".
00:04 Vous le savez, cette émission qui revient
00:06 sur ceux qui ont fait l'histoire.
00:08 Et aujourd'hui, avec Marc Menand, nous vous racontons
00:11 le grand destin d'Alexandre Dumas,
00:14 l'auteur le plus prolifique.
00:17 Plus de 300 romans et pièces d'étroits mosquetaires,
00:20 en passant par "La Reine Margot" et "Le Comte de Monte-Cristo",
00:24 l'auteur à l'origine du développement
00:26 d'un nouveau genre littéraire, le roman feuilleton.
00:29 Alors aujourd'hui, nous allons vous raconter
00:32 le grand destin d'un monument de la littérature.
00:35 Bonjour, Marc. Pourquoi Alexandre Dumas ?
00:39 - Bien, si j'avais envie de m'adresser à mon petit-fils,
00:43 je lui dirais "Ne te plains pas.
00:45 "Dans la vie, si tu le veux, tu peux réussir,
00:48 "mais simplement, cultive l'enthousiasme,
00:52 "la passion, le désir de vivre grand."
00:55 Alexandre Dumas, c'est ça.
00:57 Petit bonhomme qui n'est mulâtre, il n'a rien.
01:00 Et pour autant, jamais le moindre obstacle pour lui
01:03 sera infranchissable.
01:06 Il passera tous les éléments de contrariété
01:10 que le destin vachat lui place dans l'existence.
01:14 Et puis, c'est donc l'ogre de la vie,
01:17 mais aussi de l'amitié, de la fidélité.
01:20 À partir de là, personnage emblématique
01:24 que l'on a envie de tenir dans ses bras
01:27 et de lui dire "Cheminons ensemble".
01:29 - On va cheminer dans cette émission
01:31 avec Alexandre Dumas et vous.
01:33 On commence toujours par une anecdote pour planter le décor.
01:36 Musique de tension
01:38 ...
01:41 Adoubé poète par le grand comédien du temps,
01:44 Thalma, quelle est l'anecdote pour planter le décor ?
01:47 - On le saisit lorsqu'il a 20 ans.
01:52 Oh, quel gaillard !
01:53 1,80 m !
01:56 Et pour autant, un métier bien chiche.
01:59 Il est sautruisseau, ça vous dit quelque chose ?
02:02 - Pas du tout.
02:03 - C'est-à-dire qu'il est aux écritures
02:05 chez le petit notaire de Villers-Cotterêts,
02:08 où il est né.
02:09 C'est véritablement une punition.
02:12 Lui, qui ne rêve que d'une chose,
02:14 un jour, écrire des pièces de théâtre,
02:16 à le théâtre.
02:18 Il l'a découvert en assistant
02:21 une représentation d'Hamlet,
02:23 qui était une représentation menée
02:26 par une troupe de théâtre amateur.
02:28 Il a le coup de foudre, il crée sa propre troupe.
02:31 Les émois lui font connaître
02:34 les grandes sensations du coeur et des sens,
02:36 avec Aglaé.
02:38 Tout ça l'embrase, mais bon, ce quotidien pénible.
02:42 Il a eu aussi une rencontre,
02:44 un garçon qui s'appelle Adolphe Levenne.
02:47 Lui, il a gagné la capitale.
02:49 Il lui écrit, "Faut que tu viennes,
02:51 "le théâtre, le théâtre, ensemble."
02:53 Ils y ont songé, mais il n'a pas d'argent.
02:56 Ca fait rien.
02:57 C'est un excellent chasseur.
02:59 Il prend son fusil,
03:01 il descend trois perderies, deux lièvres,
03:03 et hop, il chemine jusqu'à Paris
03:06 et il se présente à l'hôtel des grands Augustins.
03:10 Petit hôtel.
03:12 Et il dit au tavernier, voilà,
03:15 "je n'ai pas d'argent, mais j'ai mon gibier.
03:19 "Avec cela, vous me proposez combien de nuits ?
03:21 "Deux nuits !
03:22 "C'est formidable."
03:24 Il appelle Levenne.
03:26 Il faut aller à la comédie française, forcément.
03:29 Et que joue-t-on à la comédie française
03:32 s'il a avec Thalma ?
03:33 Thalma, qui a formé Napoléon à l'éloquence.
03:37 Il lui a donné des leçons,
03:39 ce maître des planches.
03:42 Et les voilà, grâce à deux billets de faveur,
03:45 qui assistent à la représentation.
03:47 Poustouflant, il n'en revient pas.
03:51 De temps en temps, quelques coups d'œil
03:53 lui sont adressés.
03:54 C'est...
03:56 Il étonne.
03:58 Il est mulâtre.
04:00 On ne voit pas ça tous les jours.
04:02 Il oublie, il ne pense qu'à Thalma.
04:04 Levenne lui dit, "il nous faut gagner la loge."
04:07 Une fois que le rideau est tombé,
04:09 ils se mettent là, juste à l'entrée,
04:12 les uns et les autres.
04:13 Vous connaissez ce genre de situation.
04:15 Les coulisses.
04:16 Voilà.
04:17 Et on se précipite, c'est à qui connaît Thalma.
04:20 Il aperçoit ce grand bonhomme.
04:23 Il lui dit, "approchez-vous.
04:25 "Comment vous appelez ?"
04:26 "Alexandre Dumas."
04:27 "Que faites-vous là ?"
04:29 "Maitre, moi, je voudrais un jour
04:31 "écrire des pièces de théâtre."
04:33 "C'est très bien."
04:34 Alors il se lève, théâtrale, forcément.
04:37 Rires
04:38 Et là, il lui dit,
04:40 "Alexandre Dumas,
04:42 "je te baptise au nom de Corneille,
04:47 "Schiller,
04:49 "je te baptise poète.
04:52 "Regagne ta province.
04:54 "Et si véritablement tu as la vocation,
04:58 "eh bien le lutin du théâtre
05:00 "ira t'accueillir
05:02 "et tu connaîtras le succès."
05:05 Incroyable.
05:07 Alors forcément, il regagne
05:08 avec des étoiles dans les yeux.
05:10 Villers-Cotterêts ne pense qu'à une chose,
05:13 retourner connaître le succès promis par Thalma.
05:17 Il n'attendra pas le lutin du théâtre,
05:19 c'est lui qui prend la décision.
05:21 On l'a dit tout à l'heure, un enthousiaste,
05:23 rien ne peut lui résister.
05:25 -Très intéressant de voir un petit peu
05:27 le parcours d'Alexandre Dumas.
05:29 On voit déjà son envie irrésistible
05:32 de devenir justement un héros du théâtre.
05:35 On va voir comment tout commence pour lui.
05:37 Musique de tension
05:39 ...
05:42 Alors, le fils d'un héros oublié par Bonaparte,
05:45 c'est vrai qu'avant même d'être né,
05:47 le petit Alexandre appartient déjà à un roman,
05:49 celui d'un mulâtre, on va dire, un noir métisse,
05:52 mais un noir devenu général, le père Alexandre Dumas.
05:56 -Le grand-père était marquis de la pailletterie,
06:02 ou cela, à Saint-Domingue,
06:04 qui est le lieu de la fortune du royaume.
06:07 Le sucre vient de là-bas.
06:09 On s'enrichit, comme il n'est pas permis,
06:12 en faisant travailler les esclaves.
06:14 Et parmi ceux-ci, il y a une jeune fille,
06:17 elle s'appelle Marie, elle plaît aux marquis.
06:20 Il aura plusieurs enfants avec elle,
06:22 dont le général.
06:24 Il vend les enfants.
06:26 Pourquoi pas ? On fait considération du mulâtre.
06:30 Et pour autant, après, il les rachètera,
06:32 gagnera le continent,
06:34 et l'enfant s'engagera à l'adolescence.
06:37 Il franchit tous les grades, jusqu'à général de brigade.
06:42 On le retrouve avec Bonaparte en Égypte.
06:45 Vous imaginez ?
06:46 Et puis, en 1802,
06:49 il y a eu la révolte qui a commencé
06:52 à Saint-Domingue, en 1800,
06:55 et il faut essayer de les mater,
06:57 ces rebelles qui sont en train de faire chavirer l'ordre
07:02 des esclaves qui voudraient avoir le pouvoir.
07:05 Il lui faut aller les mater.
07:07 Il refuse, il est radié.
07:08 C'est la veille de la naissance de son fils.
07:11 -24 juillet 1802.
07:13 -Alors, on continue, dans un premier temps,
07:15 à vivre allègrement.
07:16 Il était général, il avait quand même de sacrées ressources,
07:19 mais il est privé de tout.
07:20 Alors, on ne peut plus payer les domestiques,
07:23 on quitte le château, on se réfugie à l'hôtel des Fossés,
07:28 et le général, qui ne cesse de harceler pistolèrement Bonaparte,
07:33 pour obtenir une réhabilitation.
07:35 On ne lui répond jamais.
07:38 C'est plus qu'une humiliation.
07:40 Les blessures font également leur travail de profondeur,
07:44 et il s'éteint quand le bonhomme n'a que quatre ans.
07:47 Mais ce qui est le plus étonnant,
07:49 c'est qu'il n'est pas dans la pièce où le papa disparaît.
07:53 Il est, lui, dans sa chambre.
07:56 Il dit "Papa vient de nous dire adieu".
07:59 Il a perçu la disparition de cet homme qu'il aimait énormément
08:04 et qui le bichonnait maintenant.
08:07 Eh bien, que faire ? Déjà, la colère.
08:09 Il faut tuer Dieu, on n'arrête pas de lui parler du Seigneur,
08:12 du Puissant, celui qui aime les uns et les autres.
08:15 Il a tué son père, il prend le sabre.
08:17 On lui dit "Je vais au ciel, je vais tuer le bon Dieu."
08:20 C'est extraordinaire.
08:21 Cette petite anecdote, elle est intéressante.
08:24 Elle montre le caractère.
08:26 C'est un garçon qui ne veut pas être manipulé,
08:29 il ne veut pas être mené.
08:31 Bon, il est pour autant à l'abandon, court, à la campagne.
08:36 Quand il a huit ans, le petit collège s'ouvre,
08:38 c'est l'abbé Grégoire.
08:41 Il fait son entrée, maman découpe dans les habits de général.
08:49 Elle découpe les éteufs pour lui constituer un petit costume
08:54 et il se présente, fierot, mais bon, il n'a pas très envie.
08:58 Il franchit la grille et là, alors qu'on est en plein soleil,
09:02 vous avez des jets qui lui tombent sur la tête.
09:06 Ce sont les sales garnements qui se sont campés sur le muret
09:10 et qui sont en train de l'humilier avec une élimination naturelle.
09:14 Ça, ça le met dans une orage.
09:16 Il provoque le fils de l'épicier qui semble être le meneur.
09:20 Il lui dit "Viens là, toi." Il a un peu peur, mais costaud.
09:24 Il met la roustre au fils de l'épicier
09:28 et dorénavant, c'est lui qui règne.
09:30 Ah ben ça, d'accord, il règne sur la cour de récréation.
09:33 Dans les cours de sport aussi, lancé de pierre, il est brillant.
09:36 L'équitation, il est étonnant.
09:39 Et puis, il y a le tir à l'arc où il époustouffe.
09:41 En revanche, le latin, il besogne.
09:44 - Mauvais élève. - Mauvais élève.
09:47 L'enseignement ne dure que trois ans.
09:49 L'abbé n'a pas assez de clients et on ferme l'établissement.
09:52 Et là, on a l'impression que le destin se fait souriant.
09:57 On apprend la mort d'un abbé, l'abbé Conseil,
10:02 qui est un nom qu'on ne connaît pas, on n'est pas dans les pleurs.
10:05 En revanche, il avait une belle fortune.
10:08 Il y a un héritage.
10:09 "On va pouvoir à nouveau bien vivre", se dit la maman.
10:13 En revanche, il a laissé une partie d'héritage
10:16 pour le petit Alexandre, à une condition,
10:19 c'est qu'il soit au séminaire.
10:21 Il n'a pas envie du tout. Il est fâché avec le bon Dieu.
10:24 - Avec le bon Dieu.
10:25 - Sa petite cousine lui dit
10:29 "Comme ça, tu pourras prier pour moi."
10:31 Ça, ça le met en rage et le voilà qui fugue.
10:34 Il se trouve que dans les bois, aux alentours de Villers-Cotterêts,
10:38 il y a Baudou, une mauvaise réputation,
10:41 un homme, un braconnier qui vit dans sa petite caoutchouc,
10:44 et il l'héberge pendant trois jours.
10:46 Ça lui permettra de mieux affiner sa capacité à la chasse
10:51 et qu'il lui faudra de chasser le gibier quand c'est nécessaire.
10:55 Et voilà comment notre gamin
10:59 finit par retourner voir sa maman,
11:02 et on l'engage où ?
11:03 Eh bien, chez le notaire, comme sautruisseau.
11:07 Grâce à quoi ? Grâce à son écriture.
11:09 C'est son seul talent.
11:10 La caligraphie.
11:13 C'est de cette manière qu'il a le petit emploi.
11:16 Le théâtre, je vous ai raconté comment ça lui arrivait
11:19 avec une pièce de Hamlet.
11:22 Il y a les émois avec Aglaé.
11:24 Aglaé, elle est plus vieille que lui.
11:26 La montée à Paris, et quand il revient,
11:29 voilà, il lui faut à tout prix penser à regagner la capitale.
11:34 Il y a toujours le problème de l'argent.
11:36 Il y a aussi comment entrer en relation,
11:39 avoir un point d'ancrage.
11:41 Et ce point d'ancrage, il lui sera donné
11:44 par le général Foy, qui a connu son père
11:47 et qui le fera engager comme secrétaire
11:51 du duc d'Orient futur Louis-Philippe.
11:53 Mais comment gagner de l'argent ?
11:55 Il vend son chien, il vend des gravures.
11:58 Avec ça, il se rend chez le tavernier,
12:00 c'est-à-dire le café.
12:02 Il y a un grand billard, il parie sur ses coups.
12:04 Ça lui fait un petit pécule.
12:06 Il y a aussi la conscription.
12:08 Il doit s'y présenter, il tire le numéro 9.
12:10 De toute façon, comme sa maman est veuve,
12:13 il n'aurait pas eu à partir.
12:14 Mais alors, le numéro 9, c'est théoriquement
12:16 le numéro qui condamne à être sous les drapeaux.
12:19 Il y a un copain qui lui dit "Tu te rends compte de ta chance ?"
12:21 Il parie la somme, et avec ça, ça lui fait un petit pécule
12:25 qui lui vaut de monter à Paris.
12:27 -Oh, qu'une ambition, on l'a vu, déjà, dans l'anecdote.
12:31 Paris, Paris, Paris, qu'une ambition.
12:33 Conquérir Paris.
12:35 Grâce au général, ancien ami de son père,
12:43 il entre au service du duc d'Orléans futur Louis-Philippe.
12:46 Comment ça se passe ?
12:47 -Déjà, quand le général a essayé de voir...
12:52 "Qu'est-ce qui t'intéresse dans la vie ?
12:54 "Le latin, l'histoire, les mathématiques ?"
12:57 Il est là comme un beunet.
12:59 Alors, le général sent un devoir de fidélité
13:02 par rapport à son ancien camarade,
13:04 mais bon, il lui dit "Tu peux m'écrire ?"
13:06 Et là, il s'émerveille à cette écriture d'Essau.
13:10 -La calligraphie. -La calligraphie.
13:12 Il dit "Voilà, je vais pouvoir parler de toi
13:15 "au duc d'Orléans, je vous dis, le futur Louis-Philippe."
13:19 Et le voilà en surnuméraire,
13:23 il va faire toutes les tâches que les autres ne veulent point tenir.
13:27 Ca le prend du matin, 9h,
13:29 au soir, 5h,
13:31 et il y a également...
13:33 Le côté commissionnaire a effectué passer les 5h.
13:38 Ca lui laisse pas beaucoup de temps. Il ne pense qu'au théâtre.
13:41 -Est-ce qu'il était heureux ?
13:43 -Non, non, non.
13:44 Ca lui permet d'avoir un ancrage.
13:48 Il achète, quand je disais, il loue un petit galeta,
13:52 et là, c'est extraordinaire, parce que vous savez,
13:54 les immeubles, on les connaît,
13:56 vous avez les plus riches qui sont au premier étage,
13:59 au fur et à mesure que vous montez, vous êtes de plus en plus pauvre,
14:03 et vous avez la poulaille, les domestiques,
14:05 qui sont dans les galetas.
14:07 Il est loin de ses chambres de bonne.
14:10 Et à côté, il y a une jeune fille,
14:13 elle est belle comme tout.
14:15 -Il était intéressé par le théâtre.
14:17 -Pas que.
14:18 -Pas que. L'or, la brèe, ils se mettent ensemble.
14:21 Ca fait un espace un tout petit peu plus grand.
14:24 Et puis, avec l'un des secrétaires,
14:27 qui s'appelle Lagrange,
14:28 il dit, si on tentait d'écrire une pièce de théâtre...
14:33 Alors, oui, on fait appel aussi à Vulquin, un autre,
14:37 et on écrit "La noce et l'enterrement".
14:40 Ce qui est extraordinaire, c'est qu'ils arrivent,
14:43 ils sont fouineurs, ils sont débrouillards,
14:45 ils arrivent à proposer cela à un théâtre,
14:48 le théâtre d'Orléans-les-Bégues, c'est joué,
14:51 c'est un petit succès.
14:52 Et là, revenons à Leven, Adolphe,
14:56 qui est émerveillé, et qui lui dit,
14:58 "Ensemble, on pourrait tenter de taquiner la plume."
15:02 -Ils ont le même âge, tous les deux.
15:04 -Oui. Il le reçoit dans les salons.
15:07 C'est un garçon qui a beaucoup de moyens.
15:10 Il est le fils d'un régicide
15:12 qui a tué le roi de Suède.
15:15 Il est donc en exil, mais reste que la prospérité de la famille,
15:19 elle est notable, et ils sont très bien reçus
15:21 partout dans les salons.
15:23 Ils écrivent "La chasse et l'amour".
15:26 Ca correspond bien à notre personnage.
15:28 Et là encore, c'est un petit succès.
15:32 Mais c'est rien, c'est du vaudeville.
15:36 Que faire ? Il écrit une autre pièce
15:39 qui s'appelle "Christine".
15:41 -Enfin, quelqu'un !
15:44 -Enfin, quelqu'un !
15:45 Déjà, vous reconnaissez, avant même votre vie.
15:48 -C'est le 24 juillet, jour de la Sainte Christine.
15:50 -Mais là, il s'agissait de Christine de Suède.
15:53 -Christine de Suède.
15:55 Il y a aussi,
15:57 fruit de cet amour avec Laure,
15:59 un petit Alexandre qui naît.
16:01 Mais il n'est pas question de mener une vie de père de famille.
16:07 D'autant que maintenant, quand on est dans le théâtre,
16:10 il y a toutes les jeunes comédiennes
16:13 qui sont un peu gourgandines,
16:15 qui ont les sens plutôt libertins,
16:18 et avec cela, se fixer sur une personne
16:21 et avoir une vie de domesticité familiale,
16:24 ça ne lui correspond pas.
16:26 Et 1825, que se passe-t-il en 1825 ?
16:30 Eh bien, le roi Louis XVIII meurt.
16:33 Qui prend le trône ? Charles X.
16:36 Et Charles X fait de son cousin...
16:38 Eh bien, il en fait quoi ?
16:40 Il le fait noble duc,
16:43 altesse royale.
16:44 Quand je dis noble, ça va de soi.
16:47 Duc, altesse royale.
16:49 Il devra remplir, déchiffrer
16:52 les souvenirs du duc d'Orléans.
16:57 Ceux de sa mépouse, aussi,
16:59 on le nomme bibliothécaire,
17:01 donc il est dans une prospérité.
17:02 N'oubliez pas le théâtre, toujours.
17:04 Forcément, ça, c'est la servitude.
17:06 Il tombe sur un ouvrage,
17:09 c'est "L'Histoire de France" d'un personnage qui s'appelle Anctil.
17:13 Et là, ça lui donne une idée.
17:15 Écrire Henri III et sa cour.
17:18 Et il n'est pas question
17:22 de se laisser aller à une aventure
17:26 avec une collaboration.
17:27 C'est tout seul qui rééligieuse.
17:30 Et le voilà, donc, qui va jouer Henri III.
17:33 Capital, ce chapitre sur Henri III.
17:38 Et on va voir pourquoi et comment.
17:41 Musique de tension
17:43 ...
17:46 -Une nouvelle pièce, soit,
17:48 mais impérativement, il faut que ce soit un succès.
17:51 Il se démène pour que le tout Paris soit présent dans la salle.
17:55 Elle est passionnante, cette partie de sa vie.
17:58 -Il y a Hugo, déjà, qui est connu. -Victor Hugo.
18:00 -Oui ! Il y a Alfred Devigny. -Dans la salle.
18:03 -Il faut qu'il soit là.
18:05 Il envoie des billets, s'il vous plaît,
18:07 faites-moi l'honneur d'être présent.
18:10 -Et il multiplie ce type de relations épistolaires.
18:13 Et la veille, malheureusement,
18:16 de l'événement de la première,
18:18 sa maman est victime d'une attaque d'apoplexie.
18:21 Il a peur de la perdre.
18:23 Il dit "c'est pas possible".
18:25 Elle, qui redoutait que n'étant douée que par l'écriture,
18:30 je ne puisse jamais m'imposer,
18:33 si elle s'en va,
18:36 il faut qu'elle sache que son fils a réussi.
18:38 Alors il court chez le duc d'Orléans.
18:42 Il ose oublier son rôle de petit porte-plume
18:46 et il lui dit "mon seigneur,
18:48 "venez à ma représentation demain,
18:51 "c'est ma première pièce de théâtre véritable."
18:54 Et le duc lui dit "mais je ne peux pas,
18:57 "j'ai un dîner, eh bien, vous venez avec vos invités."
19:00 Il est tellement convaincant, touchant, poignant
19:04 que le duc avance le dîner,
19:07 et voilà tous ceux qui étaient conviés à la table
19:10 qui se présentent au théâtre.
19:13 Il est avec une de ses maîtresses, Mélanie.
19:16 Il se cache au fond de la loge.
19:19 Il voit tout ce monde qui est là.
19:22 Le théâtre, le rideau se lève.
19:26 Premier acte, deuxième acte,
19:30 on n'a pas l'impression que le public frissonne véritablement,
19:35 mais c'est au troisième acte.
19:37 Au troisième acte, tout doit se jouer.
19:40 L'entracte, il court voir sa maman,
19:42 qu'il avait fait placer dans un hôtel pas très loin du théâtre.
19:46 Il lui raconte, il dit "si, je te promets,
19:49 "j'ai l'impression qu'ils y croient,
19:52 "je reviendrai tout à l'heure."
19:54 Et hop, il se remet dans la loge.
19:56 Et au troisième acte,
19:58 soudain, tout le théâtre est debout, on applaudit,
20:02 oui, c'est le triomphe, quatrième, cinquième acte,
20:05 le public est dans l'enthousiasme le plus total.
20:09 En quatre heures, il passe de l'anonymat au sacre,
20:13 d'autant plus au sacre
20:15 que quand on annonce le texte de M. Alexandre Dumas,
20:20 on voit le duc d'Orléans qui se lève et qui baisse son chapeau.
20:25 -La grande classe. -Oui, c'est extraordinaire.
20:29 Du jour au lendemain, il peut payer toutes ses dettes,
20:33 autant qu'il y a une deuxième représentation
20:36 où le duc d'Orléans vient de nouveau.
20:38 On ne parle que de lui dans les journaux,
20:41 mais l'histoire va contraverser son destin.
20:46 -Oui, on va voir dans la deuxième partie,
20:48 Marc Menand, un auteur consacré, le voilà enfin consacré,
20:52 mais confronté à la grande histoire,
20:54 c'est la Révolution, juillet 1830,
20:56 et comme on va le voir, il deviendra lui-même
20:59 l'un des agitateurs.
21:00 A tout de suite.
21:02 -Retour dans l'émission "Les grands destins".
21:04 Aujourd'hui, le grand destin d'Alexandre Dumas,
21:08 l'auteur le plus prolifique.
21:10 On va voir dans cette deuxième partie
21:12 comment il a écrit "Les trois mosquetaires",
21:15 comment ça lui est venu.
21:16 On va voir aussi son soutien à Garibaldi,
21:18 sa disparition à l'âge de 68 ans.
21:20 On va commencer, Marc, par cette partie,
21:23 puisque c'est l'homme de toutes les révolutions.
21:31 -Marc Menand, on a vu qu'après sa jeunesse à Avilère Cotteres,
21:34 sa percée à Paris comme secrétaire du duc d'Orléans
21:37 et surtout son triomphe,
21:38 on l'avait expliqué tout à l'heure au théâtre,
21:41 "Les trois glorieuses" de 1830,
21:43 le projet de la Révolution est le plus incroyable.
21:46 C'est qu'il est du côté des émeutiers.
21:49 C'est là où c'est surprenant.
21:51 -Oui, parce que comme il est proche du duc d'Orléans,
21:54 on pourrait se dire qu'il est effondré.
21:56 Eh bien, non, pas du tout.
21:58 Déjà parce que Louis-Philippe, très rapidement,
22:01 il ne peut pas le deviner,
22:03 au moment où la Révolution éclate,
22:05 Louis-Philippe sera le roi des Français.
22:07 Mais il y a trois jours, alors que se passe-t-il ?
22:10 Quelle est cette ordonnance qui met en fureur tout le monde ?
22:14 Eh bien, c'est l'interdiction de la presse,
22:17 c'est la censure, c'est quelque chose d'intolérable.
22:20 Il y a 45 journalistes qui sont là,
22:23 qui interpellent le pouvoir
22:24 et qui décrètent une sorte d'insurrection par la plume.
22:28 Alors, lui, le premier jour, il est là.
22:32 Il sent qu'il se passe quelque chose.
22:35 Il a envie de s'engager, mais s'engager où ?
22:38 Il traîne du côté du café du roi, son air royaliste,
22:43 et là, le 26, le roi a dit "je maintiendrai mes ordonnances".
22:47 Ils sont tous déterminés, ça le gêne un peu.
22:51 Il rencontre le frère d'Arago, l'astronome,
22:54 ensemble, ils cheminent,
22:57 et le soir,
22:58 il y a des débrouillements, vous voyez ?
23:03 Mais on n'est pas encore véritablement dans les barricades.
23:06 Il dîne au Grand Véfour,
23:08 va dormir dans son appartement.
23:12 Alors, sa vie, je passe les détails,
23:14 parce qu'entre les maîtresses, il y a Belle, il y a Mélanie,
23:18 il y a sa femme, parce qu'il s'est marié,
23:20 il arrive à gérer tout ça.
23:22 -On peut pas tout raconter.
23:24 -On peut pas tout raconter.
23:27 Toujours est-il que le lendemain,
23:29 il quitte son appartement de l'université,
23:31 il est fûreteur.
23:33 Où ? Cheminer, où trouver l'événement ?
23:36 Soudain, il jaillit à un point
23:40 où on crie "les baïonnettes, les baïonnettes !"
23:44 Il voit le 15e léger qui est dressé devant la foule,
23:49 et les gens qui disent "ne tirez pas sur le peuple,
23:52 "ne tirez pas sur le peuple,
23:54 "une femme est abattue, puis deux morts plus tard."
23:57 Et là, ça y est, ça commence.
23:59 Il suit une petite troupe
24:02 et regagne son domicile,
24:06 demande à Joseph, son domestique,
24:08 "mon costume de chasseur !"
24:11 Et hop ! Le costume de chasseur, le fusil,
24:14 il prend le petit pot de poudre,
24:17 les balles, et oui, maintenant, il est dans la rue.
24:21 Et quand il descend, il appelle à la rescousse
24:24 quelques étudiants, quelques ouvriers,
24:27 il dit "dépavons, dépavons, il nous faut monter des barricades !"
24:30 Et le voilà en véritable agitateur.
24:34 -Alexandre Dumas. -Alexandre Dumas.
24:37 Une fois que la barricade est dressée,
24:39 il se projette ailleurs et aperçoit,
24:42 sur Nottendam, le drapeau tricolore.
24:46 Ça le fait pleurer.
24:48 Le drapeau tricolore, c'est quoi ?
24:51 Ça veut dire la République.
24:52 Il y aurait la République !
24:54 Il n'en revient plein, il s'accroche au parapet,
24:58 tellement il est ému.
25:00 Et puis, repris par les événements,
25:03 de nouveau un bataillon devant lui,
25:06 il se cache alors que les salves au canon
25:09 abattent ceux qui sont en agitation à ses côtés.
25:14 Il échappe à ce tir
25:16 qui vaut des centaines de morts.
25:20 Il apprend qu'à l'hôtel de ville,
25:25 il y a Lafayette.
25:27 Il faut savoir ce que le héros du Nouveau Monde
25:31 propose dans cette agitation.
25:33 Et Lafayette qui accepte d'être plutôt du côté des agitateurs.
25:37 Et on a peur.
25:40 Le roi Charles X a fui à Rambouillet,
25:44 mais sans doute qu'il va revenir avec des hommes
25:47 et avec des munitions.
25:50 Et Lafayette dit "Si le roi revient,
25:53 on pourra tirer dix coups de fusil après,
25:56 il n'y aura plus rien."
25:58 Dumas dit "Mais moi je sais où trouver les munitions.
26:02 À Squasson, mais il faut y aller.
26:04 Faites-moi un ordre de mission."
26:07 Et hop, il saute.
26:09 Au lieu de poste,
26:12 demande au cocher de partir, de l'emmener.
26:16 Faites cocher, mais le cocher est un peu rebelle,
26:19 il sort ses pistolets, il le menace.
26:22 Il rigole pas.
26:23 On traverse Villers-Cotterêts, son village de naissance,
26:28 et on se rend à Squasson.
26:29 Squasson, c'est une ville royale.
26:32 Il y a la garnison, il y a le commandant.
26:35 Il interpelle, il dit "Il nous faut la poudre,
26:38 il nous faut les armes, il nous faut les munitions."
26:41 Il se dresse devant lui, le commandant,
26:43 il n'en est pas question, je vous fais arrêter.
26:46 Et là, il y a la femme de cet homme qui se précipite
26:50 et qui lui dit "Cède, cède, cède."
26:52 Il se trouve que sa famille était à Saint-Domingue
26:56 lors de la révolte,
26:58 et que cette famille a été exécutée.
27:01 Et quand elle le voit, Dumas, elle dit
27:03 "C'est une nouvelle révolte des nègres.
27:06 Ne tiens pas tête, sinon tu vas mourir."
27:10 Et il revient à Paris avec les munitions.
27:15 Mais le temps de tout le trajet,
27:16 la révolution allait déjà gagner.
27:20 Et Louis-Philippe est devenu le roi des Français.
27:24 Il y aura une grande réception aux Tuileries le 10 août.
27:30 Il est invité, mais là il est déçu,
27:32 car on lui remet simplement une croix de guerre.
27:34 Il espérait beaucoup mieux que cela.
27:38 Voilà Dumas dans une première phase révolutionnaire.
27:41 -Oui, parce que l'histoire se répétera.
27:44 Faisons une infraction à la narration chronologique.
27:47 Comme l'histoire se répète, en 1848,
27:49 nouvelle révolution et il sera là aussi téméraire,
27:52 toujours le d'Artagnan.
27:54 -Oui, alors...
27:56 Il a connu la réussite, on va l'évoquer après.
28:00 Il a fait construire une magnifique villa à Port-Marly.
28:04 Le Montécristo.
28:06 Il a été nommé commandant de la garde nationale.
28:10 Il est fier, hein ?
28:12 Et les événements se précipitant,
28:14 il décide d'épouser ce mouvement,
28:18 de sortir un peuplier du parc de cette villa
28:23 pour aller le dresser.
28:24 Ce sera un des arbres de la liberté
28:27 qui rappelleront ce grand jour de la chute de Louis-Philippe.
28:32 Louis-Philippe, dont il a été le secrétaire.
28:36 Mais il est emporté.
28:37 Il dit qu'il n'y a rien de plus beau que ce jour,
28:40 que cette République,
28:42 cette République qui est consacrée par Lamartine.
28:45 Malheureusement, Napoléon arrivera derrière.
28:48 Mais il y a les élections.
28:50 Il espère être élu, mais il est partout, partout battu.
28:54 Il est dépité,
28:56 s'exile au moment où Napoléon
28:59 emporte les élections qu'il est sacré prince président.
29:03 Il s'exile à Bruxelles,
29:06 où, quelques temps plus tard,
29:08 quand Napoléon III fera son coup d'État
29:10 pour devenir empereur,
29:12 il accueillera qui ?
29:13 Eh bien Victor Hugo.
29:15 Oui, il l'accueille, Hugo.
29:17 Il prend soin de lui, il l'accompagne ensuite,
29:19 parce que Hugo ne peut pas rester à Bruxelles,
29:22 où il est menacé.
29:23 Il s'exile à Guernesay,
29:25 et sur le quai, il l'accompagne et il lui dit adieu.
29:29 Il lui rendra visite deux ans plus tard,
29:32 restera deux jours sur l'île,
29:34 où on peut supposer qu'ensemble, ils font tourner les tables,
29:37 car ils ont ce côté, c'est l'une des grandes modes de l'époque,
29:41 le spiritisme.
29:42 -Donnez-nous une phrase de Victor Hugo pendant qu'on y est.
29:45 Il a dit tellement de...
29:47 Il a été peut-être celui qui a le mieux décrit
29:50 Alexandre Dumas, et Victor Hugo, c'est une référence.
29:54 -C'est une référence.
29:55 Il dit "Rien ne lui a manqué,
29:58 "ni le combat, qui est le devoir,
30:01 "ni la victoire, qui est le bonheur."
30:04 -Formidable admiration de Victor Hugo
30:06 pour Alexandre Dumas.
30:08 Justement, retournons à l'écriture.
30:10 La naissance des trois mousquetaires,
30:18 on l'a vu auteur de théâtre,
30:20 mais comment devient-il romancier ?
30:22 -Il devient romancier parce que le théâtre, oui,
30:25 c'est accompli.
30:27 Reste qu'il y a une mode qui s'est lancée
30:31 en 1842 avec Eugène Su.
30:35 Eugène Su a rédigé
30:38 les mystères de Paris
30:40 dans un journal,
30:42 et ça, ça a fait un succès incroyable.
30:45 C'est Gérardin qui en a eu l'idée, un patron de presse.
30:49 Pour relancer les journaux, il fallait quelque chose,
30:52 accrocher le public.
30:54 Et là, Eugène Su a réussi cela.
30:56 Alors, notre Alexandre Dumas
30:59 a noté l'événement, il voyage beaucoup,
31:02 se rend à Marseille, où un de ses amis l'attend.
31:04 "À Marseille ? Oh, Marseille, formidable !
31:07 "La ville de toutes les exubérances,
31:09 "la ville qui est celle de tous les possibles.
31:13 "Les aventures sont là."
31:15 Il suffit de monter à bord d'un bateau.
31:18 Mais il se rend à la bibliothèque,
31:21 et il trouve quoi ?
31:22 Eh bien, il trouve les mémoires de M. d'Artagnan,
31:26 de Courtils, de Sandrars.
31:29 On l'a évoqué, ici, dans cette émission.
31:32 Et alors, eh bien, il prend
31:34 ces mémoires apocryphes,
31:37 les garde pour lui, monte à Paris.
31:40 Il est émerveillé, il dit, il y a quelque chose, là.
31:43 Il le fait lire à un garçon qu'il connaît depuis quelques années,
31:46 avec lequel ils ont eu quelques tentatives d'écriture,
31:49 et qui s'appelle Auguste Maquet.
31:52 Maquet lit,
31:56 il lui renvoie, il dit, "mais c'est époustouflant",
31:59 et il lui fait un premier plan de travail.
32:01 Lui reprend ce plan de travail.
32:03 C'est là, vous savez, souvent, on conteste, on dit,
32:06 "ah oui, il avait des nègres."
32:08 Non, il était dans l'embellissement.
32:11 Quand il avait un texte de base,
32:16 il était capable... -De le transformer.
32:18 -De le transformer, de trouver les liens,
32:21 de faire en sorte qu'il ait de l'étoffe,
32:23 les petits détails, ce qui donne la vie,
32:25 ce qui vous prend les tripes. -Le suspense.
32:28 -Le suspense. Et c'est ainsi
32:30 que naissent, inspirés par notre courtise de Sandrars,
32:36 que naissent les trois Mousquetaires.
32:38 Mais au départ, ce sont leurs noms qui apparaissent comme titre.
32:43 Et là, l'éditeur, donc le patron du journal,
32:47 lui, "non, c'est Artho, c'est Aramis..."
32:52 Si on appelait ça "Les trois Mousquetaires",
32:54 alors ça ne fait rien, parce qu'ils sont quatre.
32:57 Et ça devient "Les trois Mousquetaires",
32:59 et tout de suite, le public est captivé.
33:03 On ne parle plus que de ça dans tous les salons.
33:05 C'était quelque chose d'invraisemblable.
33:09 Forcément, il sera ensuite toujours sollicité,
33:14 il écrira le conte de Montécristo,
33:17 c'est la gloire et c'est surtout la richesse absolue,
33:21 même s'il dépense sans compter,
33:23 mais avec toutes les maîtresses qui sont les siennes,
33:26 et surtout, le plaisir de la table.
33:29 -Il y a une question que je voulais vous poser
33:31 par rapport à Alexandre Dumas,
33:33 parce que c'est un noir, un métis.
33:35 Comment il a vécu sa couleur de peau à cette époque ?
33:39 -Ce qui est très intéressant... -C'est rare, quand même.
33:42 -Bien sûr, vous avez raison.
33:44 Mais ce qui est extraordinaire, c'est qu'il est avec Hugo,
33:47 il est avec Vimy, il est avec toute cette élite,
33:50 ces porteurs du nouveau roman.
33:54 Et ces gens-là ne s'encombrent pas
33:58 dans ces histoires de nègres.
34:01 Au contraire, n'oubliez pas aussi qu'il y a la fin de l'esclavage.
34:05 C'est-à-dire que pour ces gens-là,
34:07 il est véritablement presque un exemple de par sa réussite.
34:13 Il y a quand même ceux qui se laissent aller.
34:16 -Toujours. -Forcément.
34:17 Un soir, comme ça, on est dans un de ces salons
34:21 où un énergumène qui se veut fort beau, noble,
34:25 et qui le toise, et qui lui dit
34:27 "Mais au fait, mon cher maître,
34:29 "vous devez vous y connaître en nègre,
34:32 "avec tout ce sang noir qui coule dans vos veines."
34:35 -Sympa. -Grand silence, vous imaginez.
34:38 Les convives autour.
34:41 Dumas, dans sa prestance, il est là, il le regarde, il le toise.
34:45 Il lui dit "Mais très certainement, monsieur,
34:48 "mon père était mulâtre,
34:51 "mon grand-père était un nègre,
34:55 "et mon arrière-grand-père était un singe.
34:59 "Vous voyez, monsieur, ma famille commence
35:02 "là où la vôtre finit."
35:05 Rires
35:06 -Le sens de la réalité et l'autodérision.
35:10 -Voilà, c'est ça qui doit toujours nous porter.
35:12 C'est un exemple dans tout ce qu'il fait.
35:16 -Non seulement il écrit, mais lui aussi,
35:18 il fait l'histoire à sa façon,
35:20 parce qu'il y a les grands bouleversements
35:23 avec Garibaldi.
35:24 Dès lors que la liberté est en cause,
35:30 il ne peut pas rester étranger à ce qui se passe,
35:33 comment il rencontre Garibaldi ?
35:35 -A ce moment-là,
35:37 je vous avais parlé de Marseille,
35:39 il va de temps en temps à Marseille,
35:41 parce qu'à Marseille, il est choyé.
35:43 Forcément, le conte de Montécristo
35:46 lui vaut une popularité encore plus exaltante qu'ailleurs.
35:50 Et puis, il rêve d'un grand voyage,
35:52 presque sur les traces de son grand-père.
35:54 Pourquoi pas aller en Égypte ?
35:56 Il a acheté un bateau, le Montécristo.
35:59 Le temps que ce bateau soit restauré,
36:03 il entend parler de l'épopée de Garibaldi.
36:07 Alors, il prend le train. Allons voir Garibaldi.
36:09 Et le voilà !
36:10 Rires
36:12 Qui se présente à Turin.
36:14 Il neige, il fait un temps épouvantable.
36:17 Il demande où est Garibaldi.
36:19 Et on lui donne l'hôtel où le dictateur,
36:24 parce qu'il s'appelle en tant que tel,
36:26 mais c'est pas "dictateur" au sens littéral du terme,
36:29 c'est "dictateur" au sens romain du terme,
36:31 est en repos.
36:34 Et là, il sympathise.
36:36 Il est déterminé qu'il deviendra l'écrivain,
36:41 biographe de Garibaldi.
36:44 Il retourne à Marseille,
36:48 là, achète une goélette,
36:51 et il a promis à Garibaldi de le rejoindre
36:55 afin de l'aider avec de nouvelles armes.
36:59 Il investit son propre argent pour aider Garibaldi.
37:03 Et où le trouver ? On ne sait pas trop.
37:06 Néanmoins, il y a des échos.
37:08 Il se présente à Palerme.
37:10 Et à Palerme, Garibaldi vient de prendre la place.
37:14 C'est son fils, le fils de Garibaldi,
37:16 qui l'accueille et qui ensuite le dirige vers la cathédrale
37:20 où notre héros vient de gagner.
37:23 Il lui dit "Ah, vous voilà, Dumas !"
37:25 Il le félicite.
37:27 Il dit "Non, ne me félicitez pas.
37:29 "Ce sont eux, ce sont ces gaillards-là
37:32 "qui nous ont permis de gagner."
37:33 Les gaillards, ce sont les fameuses chemises rouges,
37:37 ceux qui mènent la grande épopée avec Garibaldi.
37:41 Il dort chez le gouverneur
37:44 et ensuite, ils se retrouveront à Naples.
37:47 À Naples, où là encore,
37:50 il arrive au moment où Garibaldi vient de reprendre la place.
37:54 Il se repose, il est épuisé sur le parvis de l'église.
37:59 Il se congratule.
38:01 La grande histoire, malheureusement,
38:04 est parfois contrariante pour les héros,
38:07 car la nécessité, c'est de s'allier à Napoléon III.
38:10 Napoléon III, il n'est pas question de le prendre en considération.
38:15 Et il se carapate, si je puis dire, il regagne Paris,
38:19 en ayant peur de ne plus être capable d'écrire.
38:22 -Décidé à reconquérir Paris avec sa plume.
38:26 On va passer au dernier chapitre.
38:29 Musique de tension
38:31 ...
38:34 -Paris, mais aussi des voyages, partant en Europe,
38:37 car c'est un grand voyageur, des conférences,
38:40 de nouveaux romans avec Auguste Maquet,
38:42 qui n'est plus là, et puis une santé qui décline.
38:45 -Oui, alors, les voyages, c'est quelque chose qui l'a pris.
38:49 On n'a pas eu le temps d'évoquer tout cela.
38:51 Durant la période de 1830, on le voit même aller en Russie.
38:55 Il reste pratiquement un an sur place.
38:57 Il revient avec un serviteur qui s'appelle Vassily,
39:00 qui sera d'une fidélité et qui l'accompagnera
39:03 jusqu'à son dernier souffle.
39:05 Là, quand il regagne Paris, il y a son fils qui est avec lui,
39:09 il y a sa fille Marie, j'ai pas eu le temps de parler de sa 2e naissance,
39:13 et puis il y a même une 3e petite fille
39:16 qui est née durant l'épopée de Garibaldi,
39:18 c'est la fille d'Émilie.
39:20 Il l'avait présentée comme Émile, au départ, pour l'accompagner.
39:24 Et puis Émile a eu une petite fille qui est mignonnette comme tout
39:29 et qui accompagne son papa, un papa qui est un vieux papa, maintenant.
39:33 Et le fils, Alexandre, qui a connu sa propre gloire,
39:37 qui veille sur son père... -Alexandre Fiss.
39:40 -Alexandre Fiss.
39:42 Quand il parle jusqu'à 4h du matin, il dit "je me retire maintenant,
39:46 "demande une lampe, que vas-tu faire ?" "Je vais écrire."
39:49 "Je vais écrire." Et puis il a ses conférences
39:52 qui lui permettent de se donner l'impression
39:55 d'être toujours aussi populaire, car partout, on se précipite
39:59 pour écouter quoi ? Eh bien, Dumas racontant sa vie.
40:03 Et il commence à écrire aussi un dictionnaire de cuisine,
40:07 avec Marie, une cuisinière,
40:10 qui fait les recettes telles qu'il les décrit.
40:13 Il est un grand ami de Rossini.
40:15 Rossini, ensemble, ils étaient là, deux gargantois,
40:19 mais il faut dire que les deux sont devenus
40:22 de véritables monstres de chair.
40:25 Et Vassili, qui fait toujours attention à lui,
40:30 mais bon, la guerre de 1870 va le saisir.
40:36 Il cherche à échapper aux événements,
40:40 il n'a plus la force pour y participer.
40:42 Et son fils le conduit, ou le conduit à Puy,
40:47 à côté de Dieppe.
40:49 Et sa fille Marie l'accompagne aussi.
40:52 Chaque jour devient plus difficile au lever
40:56 et Marie, un jour, comprend qu'il est temps d'appeler
41:00 un curé pour le dernier sacrement.
41:04 Le curé se présente, se met à genoux,
41:07 commence à réciter la prière.
41:10 Il s'aperçoit qu'il s'en est allé.
41:13 Et là, je trouve que c'est merveilleux
41:16 parce que c'est la manière
41:18 dont Georges Sand commente l'événement.
41:22 Elle dit "Il était le génie de la vie,
41:26 "il n'a pas senti la mort."
41:28 Vous voyez, il s'est effacé,
41:31 il s'est retiré, mais il n'est pas mort.
41:34 Il reste à tout jamais,
41:36 ce prince d'une existence dans l'exubérance.
41:39 Voilà qu'elle était Alexandre Dumas.
41:44 -Je vais terminer avec une citation de Victor Hugo.
41:48 -Copieuse !
41:49 -Je copie aussi sur vous, effectivement.
41:52 Il disait "Aucune popularité en ce siècle
41:55 "n'a dépassé celle d'Alexandre Dumas.
41:57 "Ses succès sont mieux que des succès,
42:00 "ce sont des triomphes, ils ont l'éclat de la fanfare."
42:03 Victor Hugo. -Formidable.
42:05 -Ce qu'il faut retenir pour résumer l'émission,
42:08 fils d'un général mulâtre, il sera un éternel combattant,
42:12 une enfance avilée à Cotterey, où son éducation est limitée.
42:16 Agé de 20 ans, simple garçon d'écriture
42:19 auprès du futur Louis-Philippe,
42:21 son premier triomphe à 27 ans,
42:22 une pièce de théâtre, Henri III et sa cour.
42:25 Mais la gloire, il l'obtient grâce aux trois mousquetaires
42:28 et au Comte de Monte-Cristo, républicain dans l'âme.
42:31 Il participe aux Trois Gorlieuses et à la chute de Louis-Philippe,
42:35 et puis il s'éteint à Dieppe, dans la maison de son fils.
42:38 Deux livres.
42:40 Il y a le "Henri Troya".
42:42 Troya, il a quand même une pub.
42:44 Il y a quelque chose.
42:45 Ils sont nombreux à avoir écrit, mais là, ça danse.
42:49 C'est digne de Dumas.
42:50 Et puis, il y en a un autre.
42:52 C'est vous qui m'en avez parlé, je l'avais lu.
42:55 -Oui, c'est l'autre.
42:56 Si on veut en savoir plus, c'est son père,
42:59 qui était le premier général noir en France,
43:01 écrit par Claude Rimes.
43:03 C'est intéressant, Dumas, de père en fils.
43:06 -Merci infiniment, Marc Menand, pour cette émission.
43:09 Merci à tous.
43:10 Ainsi va le grand destin d'Alexandre Dumas.