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00:00 - Situation toujours chaotique à Port-au-Prince et en Haïti plus généralement, Gauthier Ribinski.
00:04 Le nouveau président, par transition, se dit déterminé à chercher le consensus au maximum.
00:09 Est-ce que vous y voyez une main tendue aux gangs ?
00:11 - Alors, oui, bonne question, parce qu'on sait qu'à Haïti, un certain nombre de dirigeants,
00:18 qu'ils étaient présidents ou premiers ministres, au fond, ont favorisé ce contre quoi aujourd'hui ils se dressent,
00:25 ou ils se sont toujours dressés d'ailleurs, en disant "les gangs sont absolument délétères pour la société haïtienne"
00:32 et on le voit à travers les tueries, à travers les rançons qui sont demandées par les gangs,
00:38 pour des enlèvements de personnes qui appartiennent à des familles plutôt pauvres,
00:43 enfin, il y a une mise en coupe réglée de la société haïtienne par les gangs.
00:47 Seulement, justement, vous avez cette pratique du pouvoir, par certains premiers ministres ou certains présidents,
00:54 qui consiste à s'allier avec certains gangs pour, au fond, avoir une garde prétorienne,
01:00 c'est-à-dire être protégé en cas de coup d'État, et surtout pouvoir se remplir les poches
01:07 avec ce qu'avait ou se casse encore le pays de richesses.
01:11 Et donc, c'est cette habitude qui fait que vous pouvez poser la question légitimement aujourd'hui
01:16 sur ce que compte faire Edgar Le Blanc, fils.
01:19 Deuxième remarque, quand vous avez une situation comme celle-ci à Haïti,
01:23 c'est très bien de parler d'élection, mais dans la pratique,
01:26 comment voulez-vous que des citoyens haïtiens, qui sont terrorisés par la situation,
01:32 aillent ne serait-ce qu'à un bureau de vote qui est à 500 mètres de chez eux ?
01:36 Certaines personnes à Haïti marchent avec les mains, les bras levés,
01:41 histoire de dire "je n'ai pas d'armes".
01:43 Vous voyez des gens aller voter, d'autant qu'en plus,
01:46 il y a évidemment une grande défiance vis-à-vis de la classe politique,
01:50 et donc vis-à-vis aussi forcément d'Edgar Le Blanc, fils,
01:54 quoi qu'il fasse, puisqu'il a été président du Sénat,
01:58 et que cette classe est suspectée au fond d'être une partie,
02:02 cette classe politique, d'être une partie du problème.
02:04 Mais est-ce que les gangs n'ont pas dépassé cette classe politique
02:07 qui avait mis les gangs un petit peu sous coupe,
02:10 et parfois avec ces liens que vous évoquiez tout à l'heure ?
02:13 Oui, tout à fait, parce que c'est aussi ce qui est arrivé au précédent Premier ministre,
02:18 Marie-Hélène Henry, qui, sous couvert d'une déclaration qu'il avait faite
02:22 au chef d'État bahaméen à propos d'élection,
02:25 justement, s'est entraîné à susciter une volée de bois vert contre sa personne
02:29 au point qu'il a démissionné.
02:31 C'est pas qu'il a été acculé politiquement, c'est tout simplement qu'on lui a fait comprendre
02:34 que s'il ne démissionnait pas, il repartirait les pieds devant, comme on disait.
02:37 Donc, vous voyez, la question de la politique,
02:40 elle est "comment faire de la politique dans un État qui est en plein délitement ?"
02:45 Et cela a des racines. On pourrait, bien sûr, si on avait le temps,
02:49 remonter à l'époque des Duvaliers, où une forme de despotisme absolu
02:53 a en quelque sorte, comment dirais-je, ancré des pratiques politiques
02:58 qui se retrouvent encore aujourd'hui à la fois dans la peur des citoyens
03:02 et dans la tentation de la part de certains politiques,
03:06 au fond de, comme on dit vulgairement, d'en croquer,
03:09 c'est-à-dire de profiter, d'accaparer les richesses.
03:11 Vous parlez de l'ancien Premier ministre Arél Henry,
03:14 qui a dû démissionner sous la pression des gangs,
03:16 de la classe politique haïtienne, mais aussi des États-Unis.
03:19 Est-ce que ce n'est pas un peu gênant ?
03:21 Écoutez, le problème des États-Unis, soyons clairs,
03:24 c'est que c'est eux qui ont favorisé au départ la dictature des Duvaliers.
03:28 Et c'était pour quoi faire ? C'était pour contrer la menace communiste
03:32 dans la région Caraïbe et sud des États-Unis.
03:35 Et là, effectivement, il y a une responsabilité colossale des États-Unis.
03:39 Par la suite, est-ce qu'on peut dire raisonnablement
03:41 que les États-Unis se sont impliqués dans l'affaire,
03:44 compte tenu du peu, finalement, de bénéfices qu'ils pouvaient en tirer ?
03:48 On pourrait en discuter, mais c'est vrai qu'au départ, les États-Unis...
03:51 Ils ont réglé une urgence, en quelque sorte.
03:53 Oui, réglé une urgence. Comme d'habitude, ce n'est pas la bonne solution.
03:57 Parce que, de fait, on a perdu, ils ont perdu le contact
04:01 avec des acteurs intéressants de la vie haïtienne.
04:04 Des acteurs qui pourraient être, justement, allés à contre-courant de cette tradition.
04:09 Sauf que, dans l'urgence, effectivement,
04:11 et dans l'idée qu'ils ont autre chose à faire dans le monde,
04:14 on s'est peu préoccupés d'Haïti.