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Maya Lauqué reçoit Stéphane Braconnier, président de l'université Panthéon-Assas pour aborder le sujet des manifestations organisées dans les universités contre la guerre à Gaza. Il évoque la reconduction des manifestations mais rappelle que la majorité des universités ne sont pas touchées. Il revient sur la crainte de débordements et la spécificité de ce mouvement qui n'est pas lié à la vie étudiante comme le mouvement anti CPE de 2006. 

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Transcription
00:00 Bonjour Stéphane Réconier.
00:01 Bonjour Maïa Loquet.
00:02 Merci d'être avec nous ce matin.
00:03 Ça fait maintenant une semaine que certaines écoles et universités françaises
00:06 sont le théâtre d'action d'étudiants contre la guerre à Gaza.
00:09 L'occupation de Sciences Po a été votée hier soir,
00:12 l'école sera fermée aujourd'hui,
00:14 l'Institut de journalisme de Lille est bloqué,
00:16 d'autres écoles et universités connaissent des blocages.
00:19 Est-ce que votre université est concernée ?
00:21 Non, notre université n'est pas concernée
00:23 et je dirais que pour prendre l'exacte mesure des choses,
00:27 la situation aujourd'hui c'est effectivement la reconduite du mouvement à Sciences Po
00:32 qui dure depuis quelques jours dans des antennes en région également de Sciences Po,
00:37 des actions de blocages dans quelques écoles et instituts d'études politiques en province
00:42 mais la très grande majorité des universités ne sont pas touchées
00:45 en dépit de quelques rassemblements ici ou là.
00:48 Des blocages à Grenoble qui sont prévus cet après-midi, il y a eu Montpellier hier.
00:52 Voilà, mais des blocages ou des rassemblements qui ne conduisent pas nécessairement à des blocages,
00:56 qui sont des actions de présence, on va dire, ou de témoignage
01:01 mais qui ne conduisent pas nécessairement à des blocages, je crois qu'il faut s'en réjouir
01:04 parce que ce type d'action, comme toujours, la question qui se pose,
01:08 c'est de savoir quelle est la part d'une minorité d'étudiants, très faible parfois,
01:15 qui en définitive empêche l'immense majorité des étudiants de travailler, d'étudier, etc.
01:23 Et donc on a toujours, mais ce n'est pas un débat qui est très nouveau,
01:26 cette opposition entre une minorité qui bloque et une immense majorité qui souhaite continuer.
01:34 Et avec peut-être aussi la crainte que ce mouvement devienne incontrôlable.
01:37 Il y a six étudiants aujourd'hui qui ont annoncé entamer une grève de la faim.
01:41 Il y aura un rassemblement à 14h au Panthéon qui va permettre peut-être aussi
01:45 de mesurer l'ampleur du mouvement.
01:47 Est-ce qu'il y a cette crainte qu'ici et là, ce mouvement devienne incontrôlable ?
01:51 C'est toujours le problème de ces mouvements.
01:53 Et ce mouvement-là a une spécificité par rapport au mouvement étudiant traditionnel,
01:59 si je puis dire.
02:00 C'est que ce mouvement n'est pas lié à une revendication étudiante,
02:06 à une question liée à la cause étudiante, à la vie étudiante, aux études,
02:11 ou à la vie professionnelle des étudiants.
02:14 On se souvient du mouvement anti-CPE en 2006.
02:17 Là, nous avons un mouvement qui est étranger à la vie d'un étudiant
02:22 et à la condition étudiante, ce qui le rend tout à fait spécifique
02:26 et ce qui peut-être fait courir et peser un risque particulier
02:30 sur les conditions dans lesquelles il se déroule.
02:32 Qui inquiète en tout cas la ministre de l'Enseignement supérieur.
02:34 Elle vous a convié à une visio hier, vous, tous les responsables d'université.
02:38 Elle vous demande, Jessie, d'utiliser l'étendue la plus complète des pouvoirs
02:41 que vous confère le Code de l'éducation.
02:43 Ça veut dire quoi ?
02:45 Les présidents d'universités, ils ont la charge et même, je dirais, l'obligation,
02:50 parce que c'est notre mission d'organiser et de favoriser le débat
02:54 et le débat contradictoire au sein des établissements.
02:57 Les universités sont un lieu de débat et doivent rester un lieu de débat.
03:02 C'est fondamental.
03:03 Elles ne doivent pas, surtout, être les premiers instruments
03:06 de la régression de la liberté d'expression.
03:08 Et ça, j'y insiste beaucoup parce qu'on perd de vue cet élément-là.
03:12 Il ne faut pas que les universités deviennent des instruments
03:15 de régression de la liberté d'expression.
03:17 Mais donc, du coup, ça veut dire quoi ?
03:18 Ça veut dire qu'on est prêt à faire entrer les forces de l'ordre en cas de blocage ?
03:22 Il faut que nous organisions le débat, que nous favorisions le débat,
03:25 mais avec deux limites.
03:27 D'abord, faire en sorte que ne soient pas tenus dans le cadre de ces débats
03:31 des propos qui tombent sous le coup de la loi.
03:34 Et lorsque les propos tombent sur le coup de la loi,
03:36 nous avons un arsenal de moyens qui nous permettent
03:39 de les signaler au procureur de la République,
03:42 d'engager des poursuites disciplinaires,
03:44 de signaler également un certain nombre de faits
03:47 au ministère de l'Enseignement supérieur.
03:49 Et les présidents, dans ces cas-là, n'ont pas la main qui tremble.
03:52 Je dirais que nous n'avons pas attendu que la ministre nous le demande
03:55 pour mettre en œuvre ces moyens-là,
03:58 même si naturellement la ministre a eu raison
04:00 de rappeler l'importance des moyens dont nous disposons.
04:02 Donc ça veut dire que là, si on vous sollicite pour organiser un débat
04:06 dans votre université, vous êtes tout à fait prêt à l'organiser ?
04:11 Dès lors que ce débat se déroule dans des conditions sereines
04:14 et qu'aucun propos qui tombe sous le coup de la loi n'est tenu,
04:17 naturellement il faut que ce débat ait lieu.
04:18 Parce qu'il y a une deuxième limite que vous signalez à juste titre,
04:21 c'est qu'il faut que ce débat et ces débats
04:24 puissent se dérouler dans des conditions de sérénité suffisantes.
04:28 Le débat oui, le...
04:34 Enfin comment dire, un débat violent, la violence pardon, la violence non.
04:38 Donc il faut impérativement que nous, présidents de l'université,
04:42 nous mettions en œuvre les moyens qui permettent à ces débats
04:45 de se tenir dans des conditions de sécurité et de sérénité satisfaisantes.
04:49 Et si ce n'est pas le cas, et si nous avons des craintes suffisantes,
04:53 nous laissant croire que ce débat ou ces débats vont se dérouler
04:56 dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes,
04:58 nous avons la possibilité effectivement d'interdire,
05:00 c'est un autre des moyens dont nous disposons,
05:02 d'interdire ces rassemblements ou ces débats.
05:06 Deux questions rapides, certains étudiants, Sciences Po par exemple,
05:09 demandent à l'institution de revoir ses partenariats avec les universités israéliennes,
05:14 ce qu'elle refuse.
05:15 Est-ce qu'elle a raison la direction de refuser de revoir ses partenariats ?
05:19 Je laisse la direction de Sciences Po évidemment prendre position
05:23 pour ce qui concerne l'école, mais de manière générale,
05:26 je dirais que la situation actuelle ne doit pas conduire les universités
05:32 à réviser de manière générale leur position vis-à-vis de leur partenariat avec Israël.
05:39 C'est très clair, nous avons un sujet qui est différent
05:41 et donc il faut maintenir le contact.
05:43 Je dirais que la rupture de ces partenariats universitaires,
05:46 c'est la dernière, dernière option lorsque la situation dégénère vraiment.
05:50 Ce que pose comme question cette situation,
05:52 c'est aussi est-ce qu'une université doit se positionner
05:54 sur les conflits et sur les enjeux politiques ?
05:57 Non, une université ne doit pas se positionner sur les conflits et les enjeux politiques
06:01 parce qu'il y a un principe très fort qui est le principe de neutralité du service public.
06:07 Ce principe de neutralité du service public qui est constitutionnellement protégé
06:12 et qui empêche l'institution en tant que telle de prendre une position politique,
06:18 religieuse ou autre.
06:19 Donc il faut maintenir ce principe de neutralité.
06:22 Nous avons la nécessité de préserver la liberté d'expression,
06:24 je l'ai dit, qui est une des libertés les plus importantes dans une démocratie libérale,
06:29 mais cette liberté d'expression ne doit pas conduire l'institution en elle-même
06:33 à adopter une position politique ou autre.
06:36 Ce matin sur France Info, la ministre de l'Enseignement supérieur
06:38 parle d'une minorité d'étudiants qui sont électrisés par la France insoumise,
06:41 qui utilise ça à des fins électoralistes.
06:43 Ça c'est un autre sujet et je voudrais aussi insister sur ce point qui est très important,
06:48 c'est l'instrumentalisation des universités.
06:51 Il y a plusieurs manières d'instrumentaliser les universités
06:53 et le débat actuel et la situation actuelle
06:57 aussi traduit une forme de ras-le-bol des présidents d'universités
07:00 à l'égard d'un personnel politique qui parfois méprise les universités
07:04 ou piétine les universités.
07:06 Toute la classe politique est concernée ?
07:07 Non, je ne dis pas toute la classe politique, mais certains hommes politiques.
07:09 Lorsque j'entends un homme politique, Bruno Retailleau par exemple,
07:13 dire que les présidents d'universités font preuve de complaisance
07:16 à l'égard des propos antisémites,
07:18 c'est une forme d'instrumentalisation de l'université.
07:20 Les présidents d'universités n'ont pas la main qui tremble
07:22 à l'égard des propos antisémites.
07:24 Lorsque Jean-Luc Mélenchon compare un président d'université
07:29 à un dignitaire du 3e Reich parce qu'une conférence a été annulée
07:34 à l'université de Lille, c'est une instrumentalisation,
07:36 une forme de mépris des universités.
07:38 Lorsque des élus de la ville de Paris me demandent,
07:41 par voix de presse interposées et par Twitter interposées,
07:44 d'interdire une conférence sans prendre contact avec l'université
07:47 et avec son président, c'est une forme de mépris de l'université.
07:50 Conférence qui aura lieu lundi avec les autrices du livre
07:52 "Transmania" d'Orabuto Margerichstein,
07:54 livre accusé d'être transphobe.
07:56 Donc vous maintenez cette conférence ?
07:58 La conférence sera maintenue au titre de la liberté d'expression,
08:00 avec les limites que j'ai fixées, c'est-à-dire pas de propos transphobes.
08:03 Et s'il y en a, ils seront poursuivis.
08:05 Ça, je n'aurai pas la main qui tremble là-dessus.
08:07 Je serai intransigeant.
08:08 Et nous avons fait en sorte également que la conférence se déroule
08:10 dans des conditions de sécurité et de sérénité suffisantes, bien sûr.
08:13 Merci Stéphane Bréconnier.

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