Déjà détenteurs de plusieurs records en haute altitude, l'alpiniste Benjamin Védrines va tenter de gravir à la journée et sans oxygène les 8611 mètres du K2, la montagne la plus difficile du monde. Un défi hors du commun qu'il prépare depuis des mois en enchaînant les exploits dans les Alpes. Avant de décoller pour le Pakistan, il est l'invité de Grand Air au côté de Jérémy Bigé. Avec un sac à dos minimaliste d'à peine 5 kilos, ce trekkeur isérois a pris l'habitude de partir à l'aventure à pied dans des montagnes sauvages et inconnues. Son dernier périple a duré 90 jours et 2000 km entre le Kirghizistan et le Tadjikistan. Focus également dans cette émission sur l'autobiographie de Serge Coupé, un des pionniers de l'escalade et de l'alpinisme d'après-guerre des années 50.
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00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:24Bonjour à tous. Vous pouvez respirer à fond.
00:00:26C'est Grand'Air, le magazine de la montagne et des sports de pleine nature de Télégrenoble.
00:00:32J'ai à mes côtés aujourd'hui un aventurier un peu atypique à notre époque au XXIe siècle.
00:00:37Jérémy Biget, bonjour.
00:00:38Bonjour, Thibaut.
00:00:39Bienvenue, Jérémy, à votre credo.
00:00:40C'est le trek en mode solo et ultra léger
00:00:44pendant des semaines à la découverte de montagnes sauvages,
00:00:47des aventures que vous racontez dans des films
00:00:49qui rencontrent un certain succès dans les festivals, il faut bien le dire.
00:00:53Ça vous fait un point commun avec notre deuxième invité, Benjamin Védrine.
00:00:57Bonjour, Benjamin.
00:00:58Bonjour.
00:00:59Bienvenue. Habitué des festivals de montagne et de l'émission Grand'Air, d'ailleurs,
00:01:05vous avez été élu meilleur alpiniste de l'année
00:01:08par nos confrères de Montagne Magazine.
00:01:10Vous collectionnez les records et les défis.
00:01:13Le prochain est en préparation et consistera à sprinter le cadeau à la journée.
00:01:19Et vous aussi, comme Jérémy, vous aimez mettre en image vos aventures.
00:01:23On a un point commun là-dessus.
00:01:24Oui. Je crois que vous vous êtes rencontré récemment dans un festival.
00:01:28Au festival de Val d'Isère, oui.
00:01:30J'étais à l'écran, il était devant l'écran.
00:01:32Dans le jury, dans le rôle inverse cette fois.
00:01:36Et alors, qu'est-ce que vous avez pensé du film de Jérémy ?
00:01:38Moi, j'ai adoré, je me suis retrouvé, j'étais dedans.
00:01:40Vous avez mis une bonne note, alors.
00:01:42J'ai mis une bonne note, il ne faut pas le dire.
00:01:43C'est toujours stressant d'être jugé par des professionnels.
00:01:46C'est sûr, c'est stressant et puis c'est aussi une fierté
00:01:50de montrer son projet à des gens comme Benjamin
00:01:53parce qu'il y a une inspiration derrière et la légèreté, la montagne.
00:01:56C'est un juste retour des choses.
00:01:58Et j'ai pris vraiment plaisir à montrer mon film à Benjamin à Val d'Isère.
00:02:02On en verra des images de ce film qui s'appelle Le fils du vent,
00:02:05qui a cartonné aussi aux rencontres cinémontagne,
00:02:08comme le film de Benjamin l'an dernier sur le brode-pique et le cadeau.
00:02:13Dernière invitée de cette émission, Denis Coupé.
00:02:15Bonjour, Denis.
00:02:16Bonjour, Thibault.
00:02:16Alors, vous êtes le fils de Serge Coupé,
00:02:19qui a disparu en 2020 à l'âge de 95 ans.
00:02:23Votre père fut un pionnier de l'escalade,
00:02:25notamment dans nos montagnes, ici en Isère,
00:02:27en Chartreuse, dans le Vercors et puis surtout en Noisans.
00:02:30Et puis, il a participé également dans les années 50
00:02:33à la fameuse conquête des 8000,
00:02:35les 14 plus hauts sommets de la planète qui étaient vierges pour la plupart.
00:02:41Enfin, les 14 étaient vierges au début avant d'être conquis.
00:02:44Il a participé à la première ascension du Macalou,
00:02:46cinquième sommet de la planète.
00:02:48Est-ce qu'on peut dire que Serge Coupé,
00:02:50c'était un peu le Benjamin Védrine de l'époque ?
00:02:53Je ne sais pas si c'était le Benjamin Védrine de l'époque,
00:02:56mais j'ai beaucoup de respect pour ce que Benjamin fait aujourd'hui.
00:03:00Mais ils étaient assez atypiques dans leur pratique de la montagne.
00:03:05Papa a toujours été un peu disruptif
00:03:08à faire les choses que les autres ne faisaient pas.
00:03:10Donc, ça n'a pas toujours plu, d'ailleurs.
00:03:12Et il l'exprime un peu dans son livre.
00:03:15Donc, en tout cas, ils allaient vite.
00:03:18Et papa allait très vite.
00:03:20Il allait très vite et il ne se préoccupait pas trop
00:03:23de la corde et du second,
00:03:26parce que ça lui permettait aussi d'aller plus vite.
00:03:28Je suis un peu Benjamin Védrine.
00:03:30Je suis dans ce mode-là aussi.
00:03:33Benjamin allait vite aussi.
00:03:35Benjamin allait vite.
00:03:36Et vous avez le même terrain de jeu que Serge Coupé,
00:03:37Loisan, qui est votre maison aussi,
00:03:40puisque vous habitez de l'autre côté, côté Hautes-Alpes, de ce massif.
00:03:43Oui, puis moi, je pense aussi notamment à l'endroit d'où je viens,
00:03:47donc le Diwa aussi, la Drôme.
00:03:48Il fait le topo du Diwa.
00:03:50Je l'ai toujours, d'ailleurs.
00:03:52Donc, Archiane, Glenda, c'est tous les tracés qu'il avait faits lui.
00:03:55Donc, ça me parle énormément.
00:03:57Et évidemment, Loisan, vu que j'habite à Serge Chevalier,
00:04:00eh bien, c'est mon terrain de jeu actuel, effectivement.
00:04:02Alors, si on parle de Serge Coupé,
00:04:04c'est que son autobiographie vient de sortir.
00:04:06Ça s'appelle « Ma voix »,
00:04:08justement, de la résistance au grand alpinisme.
00:04:11C'est sorti aux éditions du Mont Blanc de Catherine Destivelle.
00:04:16Quatre ans après sa disparition, pourquoi si tard, j'ai envie de dire ?
00:04:21Il avait écrit pour laisser quelque chose derrière lui,
00:04:24pour les enfants, nos enfants.
00:04:26Et on nous a appelés un jour...
00:04:30Un ami de papa nous a appelés en disant
00:04:33qu'il m'avait laissé le manuscrit.
00:04:35On ne peut pas laisser ça non publié.
00:04:38Il faut en faire quelque chose.
00:04:40On n'avait pas forcément prévu de le faire à court terme,
00:04:43mais du coup, on a contacté Jacques Perret et Gilles Maudicat,
00:04:47qui sont quand même des grands de l'édition de Montagne.
00:04:49Et puis, on a travaillé avec eux.
00:04:51Catherine Destivelle a supporté le projet.
00:04:55Et ça vient de paraître, après quelques coupes.
00:05:00Il avait beaucoup, beaucoup écrit.
00:05:03Ce qui est amusant, c'est que son livre est émaillé.
00:05:06C'est une longue histoire de chutes successives, en fait,
00:05:09parce que ça commence des chutes de vélo
00:05:11sur le porte-bagages de sa mère, quand il était petit,
00:05:14mais à des chutes en montagne.
00:05:16Mais surtout, il l'a écrit après une chute bête,
00:05:20mais une chute du toit de la maison à Chambéry,
00:05:23où il était coincé à Saint-Hilaire-du-Touvet en éducation.
00:05:28Et il a commencé à écrire à ce moment-là,
00:05:30en se disant peut-être qu'il n'était pas passé loin,
00:05:32mais qu'il voulait laisser quelque chose, il fallait l'écrire.
00:05:35La trace, elle est là.
00:05:36On se plongera dans l'histoire de l'alpinisme des années 50 tout à l'heure,
00:05:40avec des images, d'ailleurs, de cette expédition,
00:05:41cette première française au Macalus.
00:05:44Et puis, tous ceux qui aiment l'histoire de la montagne et de l'alpinisme,
00:05:48forcément, trouveront beaucoup de plaisir à lire ce livre.
00:05:53Avant ça, on va se plonger, ou suivre les traces plutôt, de Jérémy,
00:05:57parce qu'il n'est pas très aquatique, Jérémy Biget.
00:06:00Quand vous n'êtes pas en vadrouille aux quatre coins de la planète,
00:06:03Jérémy, vous vivez ici, dans l'agglomération Grenoble,
00:06:06à Saint-Paul-de-Vars, je crois, c'est ça ?
00:06:07Oui, c'est ça.
00:06:08Mes parents sont de Saint-Paul-de-Vars,
00:06:09donc c'est vrai que j'ai beaucoup crapahuté dans le Vercors.
00:06:13En fait, Saint-Paul, pour ceux qui connaissent,
00:06:15c'est à 20 kilomètres au sud de Grenoble,
00:06:16et ce n'est pas vraiment sur le plateau,
00:06:18c'est au pied des contreforts du Vercors.
00:06:19Donc, on est surplombé par les montagnes du Vercors
00:06:22et j'avais toujours envie d'aller de l'autre côté.
00:06:25Sauf que de l'autre côté, il y a encore des montagnes.
00:06:27Et je pense que c'est ce qui a créé aussi,
00:06:28c'est cet environnement qui a bien créé ma curiosité à l'égard des montagnes
00:06:32et l'envie d'aller à l'autre bout.
00:06:34On les appelle comment, les habitants de Saint-Paul-de-Vars ?
00:06:36Les Vertaco-micoriens.
00:06:38Les Vertaco, pour simplifier.
00:06:41Bon, autant Benjamin Védrine aime aller vite,
00:06:44comme Serge Coupé à son époque,
00:06:45autant vous, en montagne, vous aimez prendre le temps.
00:06:48Oui, prendre le temps. En fait, j'aime prendre une carte déjà.
00:06:52Tout commence par une carte
00:06:53et je vais essayer de repérer sur une carte les massifs de montagne.
00:06:57Alors, il y en a qui sont mythiques, Himalaya, Pyrénées, Alpes,
00:07:00et il y en a qui sont moins mythiques,
00:07:01les Balkans, les monts Célestes en Asie centrale,
00:07:03on en parlera juste après.
00:07:05Mais souvent, ça fait une ligne.
00:07:06Et une ligne assez longue, de plusieurs centaines de kilomètres.
00:07:10Et j'aime partir, me lancer le défi
00:07:13de partir d'une extrémité pour aller jusqu'à l'autre
00:07:15en suivant la logique géologique.
00:07:18Et souvent, ça prend du temps.
00:07:19Alors, des fois, ça ne prend que quelques semaines,
00:07:22des fois, ça prend plusieurs mois.
00:07:23Et oui, j'aime ralentir le temps par la marche.
00:07:28Vous avez traversé le Népage en 2018, les Pyrénées en 2020,
00:07:31donc par ces lignes que vous évoquez.
00:07:33Les Balkans, l'année suivante, 39 jours de marche,
00:07:361300 kilomètres en solitaire, avec un sac de 4 kilos.
00:07:39Et quelques rencontres inattendues, quand même, à la clé.
00:07:43J'ai ressorti ces images.
00:07:45Les images d'archives.
00:07:47C'est l'une de mes nombreuses rencontres avec les ours.
00:07:50C'est vrai que maintenant, j'ai l'impression que je les attire
00:07:53et que j'ai créé des relations d'amitié avec eux.
00:07:55Au début, j'en avais peur.
00:07:56Et maintenant, c'est vrai que déjà, c'est plus eux qui ont peur du marcheur.
00:08:00Mais surtout, je les recherche et je prends conscience de la chance
00:08:04que j'ai d'aller dans des endroits aussi isolés, aussi sauvages,
00:08:07qui permettent ce genre de rencontres.
00:08:09Qu'est-ce qui vous plaît dans ce type de trek XXL ?
00:08:13C'est le sentiment de liberté.
00:08:15En fait, vous le disiez tout à l'heure, je pars longtemps
00:08:19et je pars aussi avec très peu de moyens et un tout petit sac à dos.
00:08:22Et c'est le fait de simplifier mon rapport à l'objet,
00:08:25de simplifier mon rapport au temps, au monde,
00:08:28en le parcourant de la plus simple des manières,
00:08:31puisque c'est vraiment accessible d'y aller par la marche.
00:08:33Et de me dire que je pars pendant plusieurs mois avec mon sac à dos
00:08:38qui comprend tout ce dont j'ai besoin, tout ce dont je dépends.
00:08:42Et que c'est tout regroupé dans un petit sac de 4 kilos.
00:08:45Et s'il y a quelque chose qui survient,
00:08:47si je dois tourner à droite, à gauche,
00:08:49s'il y a un changement en cours de route, en fait, il n'y a aucun problème.
00:08:52Et ça m'allège l'esprit de partir avec si peu de moyens.
00:08:56Quand on part comme ça à l'aventure,
00:08:57il faut être prêt à affronter toutes les situations.
00:09:00On ne les connaît pas forcément à l'avance.
00:09:02Les situations météo sont souvent les plus compliquées.
00:09:04Alors, on vous voit en train de batailler avec le vent, la grêle.
00:09:07Oui, en fait, pour m'alléger, du coup, je pars sans tente.
00:09:09Je pars avec une petite page de biwak.
00:09:11Mais l'idée, c'est aussi de ne pas partir avec l'idée de me protéger de la nature
00:09:16et plus faire avec la nature.
00:09:18Souvent, on a envie de forcer la nature.
00:09:22Mais en fait, on est là plutôt pour s'y adapter.
00:09:24Elle ne changera pas.
00:09:25Et des fois, ça me remet bien ma place
00:09:27de me prendre des petites tempêtes dans la figure.
00:09:30Faire avec la nature.
00:09:32Alors, on voit la technique de Jérémie
00:09:35pour se protéger de la grêle quand elle est vraiment trop violente.
00:09:38C'est d'aller mettre la tête dans les buissons.
00:09:42C'est ça, souvent, en altitude, en plus, on n'a pas de quoi s'abriter.
00:09:45Donc là, un peu par dépit, j'ai vu le buisson, j'ai sauté dedans.
00:09:50Et ça a pu me protéger quelques temps.
00:09:52On n'a pas trop envie d'être à votre place à ce moment-là, quand même.
00:09:55Au fond de moi, je me dis que je l'ai cherché
00:09:57et que j'ai eu envie d'être là.
00:09:59Donc c'est ça qui me permet aussi d'aller de l'avant,
00:10:01même quand il y a quelque chose de difficile qui survient.
00:10:04Je sais que c'est éphémère.
00:10:06Je sais que suite à un événement difficile,
00:10:09il va y avoir un événement meilleur.
00:10:11Et que c'est cette alternance qui me maintient en vie dans ces traversées.
00:10:14En vie, au sens d'avoir l'envie d'avancer, quoi.
00:10:18Alors, votre dernière expédition, c'est déroulée en Asie centrale,
00:10:22entre le Kirghizistan et le Tadjikistan.
00:10:26Ce ne sont pas des pays très connus,
00:10:27ce ne sont pas des montagnes non plus très fréquentées dans ces zones-là.
00:10:31Oui, c'est en fait une chaîne de montagnes
00:10:33qui traverse tous ces pays d'ex-URSS, qui s'appellent les Monts Célestes.
00:10:37Alors, rien que le nom, déjà, il attire la curiosité.
00:10:41C'est une zone de la planète
00:10:42où il y a eu énormément d'explorations au 19e siècle,
00:10:45puisque les Soviétiques, les Britanniques
00:10:47envoyaient des missionnaires pour reconnaître ce territoire
00:10:50qui était inconquis et sous aucune colonie.
00:10:53Donc, il y a eu plein de récits,
00:10:55plein de récits d'explorateurs, géologues, d'orpailleurs
00:10:58qui sont partis dans ces contrées.
00:10:59Et moi, je me suis inspiré un peu de tout ça.
00:11:01Ça a développé ma curiosité pour cette région du monde.
00:11:04Et je me suis dit, c'était à mon tour d'aller marcher dans leurs traces
00:11:08en créant un itinéraire et de jouer à l'explorateur.
00:11:12Alors, on a vu la carte de ces deux pays,
00:11:1490 jours de marche, 2000 kilomètres,
00:11:17et parfois, d'ailleurs, des jours et des jours
00:11:19sans croiser âme qui vive dans ces régions.
00:11:21Oui, ça apprend les grandes steppes.
00:11:25Donc, il y a des steppes qui sont plus ou moins habitées.
00:11:27Ça dépend des conditions.
00:11:27Il y a des steppes au Kyrgyzstan qui ne sont pas du tout habitées
00:11:29du fait du vent, du fait des intempéries de l'altitude.
00:11:33Et ça apprend à faire avec soi-même aussi.
00:11:36Moi, j'ai appris à m'entendre avec moi-même
00:11:38grâce à ces moments de solitude.
00:11:40Et les choses font maintenant que je me fais très bien
00:11:44de ce moment de solitude, que je m'en accommode très bien.
00:11:47Alors, certes, il y a des moments difficiles,
00:11:49mais c'est très précieux de se retrouver seul avec soi-même
00:11:54pendant un certain laps de temps.
00:11:56C'est se lever le matin avec une page blanche
00:11:58et toutes les lignes à écrire.
00:12:00Et la journée n'appartient qu'à soi, quoi.
00:12:03Et puis, Jérémie, quand il est seul, il ne se parle pas.
00:12:08Il a une autre technique pour communiquer avec eux.
00:12:10Je ne sais pas qui, regardez.
00:12:12Mort ! Mort !
00:12:16Mort !
00:12:21Cette explication de texte, elle veut vous crier pour quoi ?
00:12:24Crier peut-être pour se sentir exister.
00:12:27Parce que là, ça faisait plusieurs jours
00:12:29que je marchais dans ces conditions hyper venteuses.
00:12:32Le vent, dans les hauteux steppes d'Asie,
00:12:35des fois, on ne se l'imagine pas,
00:12:37mais c'est une lame qui nous plie à chaque rafale.
00:12:40C'est beaucoup de bruit dans les oreilles.
00:12:41Et c'est avec, en plus, l'attitude infinie de la steppe,
00:12:46c'est à en devenir fou.
00:12:48Et là, le fait de crier, c'était pour exprimer
00:12:52ma présence au monde et me rappeler que j'étais là, vivant, quoi.
00:12:57C'est un choix de partir seul
00:12:58ou est-ce que vous ne trouvez personne
00:13:00capable de vous suivre dans des aventures comme celle-là ?
00:13:02C'est un peu les deux.
00:13:04C'est vrai que la façon d'enjoyage, qui prend pas mal de temps,
00:13:08donc il faut arriver à se libérer,
00:13:10c'est pas très confortable.
00:13:11C'est un peu rude, des fois, de dormir sous un rocher,
00:13:15de manger des nouilles chinoises, crues.
00:13:17Mettre la tête dans les buissons.
00:13:18Ouais, d'habiter la route dans son plus simple appareil.
00:13:22Ça, c'est déjà quelque chose qui ne plaît pas forcément.
00:13:24Et puis non, il y a quand même le choix de partir seul
00:13:27parce que la solitude, elle débloque des portes,
00:13:30notamment vis-à-vis des gens qui habitent sur place.
00:13:33Le fait d'arriver seul dans un village,
00:13:36ça fait moins peur aux gens
00:13:39que si on arrivait à un groupe de cinq ou dix.
00:13:41Et inversement, le fait d'être seul la plupart du temps,
00:13:44moi, j'ai envie de ce rapport humain.
00:13:46Donc ça crée un échange naturel
00:13:49entre les gens que je rencontre et moi.
00:13:51Et ça fluidifie tout ça.
00:13:53Et c'est comme ça que j'ai pu apprendre un peu le russe.
00:13:56Si j'étais parti avec d'autres personnes,
00:13:58je pense que je serais resté dans ma zone de confort.
00:14:01On aurait parlé français
00:14:02et j'aurais pas appris un mot de russe à la fin.
00:14:04Et les Kyrgyz, ils parlent russe, c'est ça ?
00:14:06Ils ont pas un dialecte à eux ?
00:14:08Si, ils ont le Kyrgyz, les Tadjiks ont le Tadjik.
00:14:11Deux langues qui n'ont rien à voir, d'ailleurs.
00:14:13Mais du fait de leur passé soviétique,
00:14:15c'est vrai qu'il y a une langue qui est commune à tous ces pays,
00:14:18qui est le russe.
00:14:19On voit là, en train de vous essayer au Kyrgyz et au français.
00:14:23Au Kyrgyz, ouais.
00:14:26Mais c'était pareil, ça créait du lien, en fait,
00:14:28moi, d'essayer de leur transmettre des mots en français.
00:14:30Et inversement, eux, en Kyrgyz,
00:14:33déjà, ça donnait des situations marrantes
00:14:34parce que les prononciations, elles sont pas du tout les mêmes.
00:14:37Et puis, non, c'est un moment d'échange précieux, ouais.
00:14:41Visiblement, l'accent est encore à travailler.
00:14:44Jérémy, si on prend les réactions des enfants,
00:14:47ils comprennent, ces gens que vous croisez,
00:14:49ce que vous êtes en train de faire ?
00:14:51Non, non, non, non.
00:14:53Ils me regardent avec les gros yeux,
00:14:56surtout que, du coup, j'arrive avec un tout petit sac à dos.
00:14:59Oui, on a l'impression que vous débarquez du coin d'un côté.
00:15:01Ouais, que je suis en randonnée la journée, quoi.
00:15:02Et que je pars marcher sur plusieurs mois,
00:15:04donc je leur parlais de ma destination finale,
00:15:06qui était d'Oushanbe, au Tadjikistan,
00:15:08qui, pour les Kyrgyz, surtout les Kyrgyz à l'est,
00:15:11c'est une destination qui paraît super loin, quoi.
00:15:14Et que moi, j'étais avec mon petit sac à dos,
00:15:15qu'en plus, je débarquais par des cols
00:15:17qui étaient connus que des bergers locaux,
00:15:20mais qui n'avaient pas l'habitude
00:15:22de voir quelqu'un arriver de ce côté-là,
00:15:24encore moins un touriste.
00:15:26Et non, souvent, ça créait de l'incompréhension,
00:15:28de la curiosité, et ils me demandaient,
00:15:30mais comment j'ai eu connaissance de ce passage,
00:15:33de ce col qui n'est pas documenté, quoi.
00:15:35Bon, ils vous accueillaient quand même de façon ouverte
00:15:39ou il y a un peu de méfiance de l'étranger ?
00:15:42Ah non, non, non, là, c'était...
00:15:43Ils sortaient le bol de l'édument et ils me le tordaient.
00:15:47Et des fois, même, c'était dans la logique, en fait,
00:15:49de ne pas attendre l'invitation pour aller dans la yurte.
00:15:52Il y avait quelqu'un qui attendait devant la yurte
00:15:54et qui me faisait un grand signe de venir
00:15:56et qui rentrait immédiatement dans la yurte
00:15:58parce que la réponse devait être positive.
00:16:00Et je n'avais pas le choix, en fait.
00:16:01Il fallait que je réponde à l'invitation.
00:16:03Et non, c'était chouette.
00:16:05C'était chouette.
00:16:06Après, j'étais un peu la bête de foire aussi
00:16:09parce qu'à chaque fois que je passais un campement,
00:16:11j'étais invité à manger.
00:16:12Des fois, il y avait des campements tous les kilomètres.
00:16:14Et en fait, j'étais invité à manger tous les kilomètres
00:16:16et il fallait que j'explique que la fois d'avant,
00:16:19on m'avait déjà fait goûter tel ou tel aliment et...
00:16:21Vous ne l'oubliez plus, là.
00:16:22Non, je pense que j'ai fini plus gras que maigre à la fin.
00:16:28Alors, je ne sais pas si vous avez déjà goûté
00:16:31un fromage kirghiz de 7 ans d'âge.
00:16:34Benjamin, ça ne vous est pas arrivé, ça, dans votre expérience ?
00:16:36Ça ne m'est jamais arrivé, mais j'aimerais bien.
00:16:38Bon, moi, j'ai eu ce plaisir, je mets des guillemets,
00:16:40un homoplaisir grâce à Jérémy,
00:16:43lors des dernières rencontres Cinémontagnes.
00:16:46J'ai passé, on va dire, un bon moment, quand même.
00:16:48Regardez.
00:16:49Tu vas où, Jérémy ?
00:16:51On y va ensemble ? Allez.
00:16:56C'est costaud.
00:16:57C'est bien parce que c'est vous.
00:16:59C'est vrai.
00:17:00En fait, sur le moment, on m'en donnait vraiment...
00:17:02Il ne fallait pas croquer, c'est ça ?
00:17:03Non, il ne fallait pas croquer.
00:17:04Ah, j'ai fait l'erreur.
00:17:05On m'en donnait vraiment beaucoup, sur le moment,
00:17:07et puis maintenant, je ne peux plus en manger.
00:17:09J'ai été dégoûté par le tout.
00:17:11On va parler la bouche pleine, du coup, par contre, mais...
00:17:13Ça ne s'est pas vu.
00:17:14Il va falloir meubler un peu, là.
00:17:15Vous n'avez pas plus petit, comme...
00:17:16On sent bien les 7 ans d'âge.
00:17:18Et encore, vous n'avez eu qu'un petit bout,
00:17:20parce que là, je ne sais pas si vous voyez,
00:17:21mais c'est comme une boulette
00:17:23qui fait 2 cm d'épaisseur, normalement.
00:17:25Peut-être pour Éric. J'ai l'impression qu'il est intéressé.
00:17:27Oui, non, ça va, mais...
00:17:29Demain, peut-être ?
00:17:30Ah, putain !
00:17:31Bon, j'en ai encore le goût, dans la bouche.
00:17:33Et ça a quel goût, alors ?
00:17:35Eh bien, j'ai une bonne nouvelle, Benjamin !
00:17:36Non, non, non.
00:17:38Non, malheureusement, la réserve de Jérémy a disparu.
00:17:40Il a trouvé des amateurs.
00:17:42J'ai réussi à écouler les stocks,
00:17:43au gré des projections, parce que...
00:17:47Ça ne m'aurait plus d'essayer, quand même,
00:17:48parce que je suis quand même très avide de curiosités culinaires.
00:17:50T'imagines un fromage dur comme du béton,
00:17:53très, très dur, très salé,
00:17:55qu'en fait, que tu laisses dans le coin de la joue...
00:17:59Ça ne se marre pas, alors ?
00:18:00Non, ça se suce, oui.
00:18:01C'est une erreur que j'ai faite.
00:18:03J'ai croqué dedans, et toutes les saveurs se sont libérées d'un coup.
00:18:06J'avoue que c'était un peu surprenant.
00:18:08Et c'est un peu le symbole même, en vrai, de l'Asie centrale
00:18:10et du passé en Asie centrale,
00:18:11que sont les routes de la soie des caravaniers,
00:18:13parce qu'en fait, c'est un aliment qui se conserve
00:18:16pendant très longtemps et qui était embarqué
00:18:18par les caravaniers qui partaient plusieurs semaines,
00:18:20qui avaient besoin d'aliments qui se conservaient.
00:18:22Et en plus, ça avait la vertu de couper la soif,
00:18:25parce que ça crée de la salive, beaucoup,
00:18:27donc ça donne la sensation de ne plus avoir soif.
00:18:30C'est assez énergétique.
00:18:31Tu n'as plus envie de rien.
00:18:337 ans, tu peux le garder un an à la maison.
00:18:35Tu peux le garder, oui.
00:18:36Pas de grosse différence.
00:18:37Pas de problème, oui.
00:18:38On n'a pas de fromage pour vous aujourd'hui.
00:18:41Jérémy m'a ramené le chapeau traditionnel.
00:18:43C'est celui que j'avais sur la tête, celui-là ?
00:18:45Oui, c'est celui que tu avais sur la tête.
00:18:46Si ça tente Benjamin...
00:18:47C'est du local.
00:18:49C'est le Kalpak Kyrgyz.
00:18:51En fait, dans ces pays,
00:18:53pour montrer leur identité nationaliste,
00:18:58les Kyrgyz ont porté ce chapeau,
00:18:59les Tajiks ont porté un autre chapeau,
00:19:01les Ouzbeks, un autre chapeau.
00:19:03Et c'est vrai que depuis l'époque soviétique,
00:19:05qui avait eu, à ce moment-là,
00:19:08ils avaient réuni un peu tout le monde sous la même identité,
00:19:10maintenant, il y a un peu un retour aux sources, à la culture,
00:19:14et les Kyrgyz sont très fiers d'aller au champ avec le Kalpak,
00:19:16donc ce chapeau,
00:19:17donc ils sont costards avec ce chapeau,
00:19:19au champ ou dans la ville,
00:19:21et donc ils m'en donnaient, en fait.
00:19:22C'était leur fierté aussi de m'en donner.
00:19:24Ils revendiquent leur identité de base.
00:19:25Oui, complètement.
00:19:27Donc c'est pour ça qu'il y a aussi un retour à la langue,
00:19:28il y a un retour aux yurts,
00:19:29parce que pendant la période soviétique,
00:19:31il y a eu plutôt un afflux vers la ville,
00:19:35puisqu'il y avait des maisons pour tout le monde.
00:19:37Maintenant, il y a une fierté de revenir à la steppe pendant l'été.
00:19:42En mode de vie traditionnelle.
00:19:43Voilà. Bon, maintenant, c'est des semi-nomades,
00:19:44parce que dans le passé, ils restaient à la steppe l'été, l'hiver,
00:19:48mais c'est vrai que l'époque fait que les enfants vont à l'école,
00:19:52les adultes travaillent,
00:19:54et donc c'est pour ça qu'on parle de semi-nomades.
00:19:57Bon, 4 ou 5 kilos de matériel pour 3 mois de marche en autonomie,
00:20:04qu'est-ce qu'il y a dans votre sac ?
00:20:05Ou qu'est-ce qu'il n'y a pas, d'ailleurs, qui manque ?
00:20:07Du coup, ça simplifie la liste du thème.
00:20:11En fait, il y a tout l'essentiel qu'il me faut pour ne pas être en danger,
00:20:16pour pouvoir biwaker en montagne.
00:20:19Après, c'est sûr que je réduis le confort,
00:20:24je réduis...
00:20:25Voilà, on voit que je pèse chaque équipement,
00:20:28parce qu'en fait,
00:20:29et je pense que ce n'est pas Benjamin qui va me contredire,
00:20:31mais si on devient rigoureux sur 10 grammes, 50 grammes,
00:20:35en fait, additionné, au bout d'un moment,
00:20:37on est capable de gagner quand même pas mal de poids.
00:20:39Et par exemple, le fait de prendre un couteau qui fait 5 grammes
00:20:43plutôt qu'un couteau qui fait 50 grammes,
00:20:45ça paraît dérisoire comme ça,
00:20:46mais si on fait ça pour chaque item de son sac à dos,
00:20:50on peut vraiment s'alléger sans pour autant omettre le couteau
00:20:54ou omettre chaque chose.
00:20:56Donc, c'est toute une stratégie comme ça qui fait que, voilà, la tente.
00:20:58Je n'ai pas de tente, c'est une bâche de biwak.
00:21:00J'ai un matelas mousse qui est coupé en deux.
00:21:02J'ai un sac à dos qui n'a pas d'armature pour s'alléger,
00:21:05mais ça se mord aussi la queue, parce qu'un sac à dos qui n'a pas d'armature,
00:21:08il va être confort que avec un poids léger.
00:21:10Donc, voilà, des chaussures pareilles, des chaussures basses.
00:21:13Une seule paire de chaussures pour 2000 kilomètres ?
00:21:15Alors, non, dans le film, ceux qui regardent bien,
00:21:18on voit que je n'ai pas la même paire de chaussures au début et à la fin.
00:21:21En fait, j'ai fait le choix de chaussures de trail
00:21:23pour le confort, pour l'agilité.
00:21:26Par contre, des chaussures de trail,
00:21:28ça a une durée de vie beaucoup moins importante
00:21:30qu'une paire de chaussures en cuir de randonnée plus rigide.
00:21:33Donc, je m'étais débrouillé.
00:21:34J'avais trouvé quelqu'un à Bishkek, la capitale du Kyrgyzstan,
00:21:37qui faisait le trajet jusqu'à Osh,
00:21:39qui était à mi-parcours de mon itinéraire,
00:21:42et je lui avais donné une paire de chaussures.
00:21:43Comme ça, j'ai pu changer les pneus à mi-parcours.
00:21:46Bon, alors, je n'avais pas repéré les chaussures,
00:21:47mais j'ai repéré dans le film que c'est le même t-shirt
00:21:49du premier jour au dernier.
00:21:50Ça, par contre, c'est vrai.
00:21:52Il y avait plusieurs versions ou c'était le même vraiment
00:21:54du début à la fin ?
00:21:55Non, non, non, non, c'est le même que je l'avais régulièrement.
00:21:57Mais c'est vrai qu'en fait, si, après, j'avais la doudoune.
00:22:01Je me débrouillais, en fait, pour faire le temps que je lave le t-shirt.
00:22:05Je mettais ma doudoune sans t-shirt.
00:22:06C'est plein de petites astuces comme ça.
00:22:08Sur le moment, ce n'est pas très confortable,
00:22:10mais en fait, c'est super confortable de marcher
00:22:12avec un sac à dos léger.
00:22:13Donc, j'étais prêt à payer ce prix-là.
00:22:16Alors, vous l'avez dit, vous partez de cartes et de récits
00:22:20pour tracer un parcours sur des endroits
00:22:22où il n'y a pas forcément de sentiers.
00:22:25Là, on n'est même pas hors des sentiers battus.
00:22:28On est hors des sentiers tout court sur ces périples.
00:22:31Oui, c'est l'idée.
00:22:32C'est ce qui me motive aussi, c'est de sortir des sentiers battus.
00:22:36Là, il y a eu un gros travail avant de partir sur la logistique.
00:22:41Souvent, on me demande, est-ce qu'il y a eu un travail physique,
00:22:44mais pas tant par rapport à la logistique.
00:22:46En fait, j'ai utilisé les cartes soviétiques
00:22:48parce que les militaires soviétiques
00:22:50avaient cartographié toutes les républiques soviétiques
00:22:54pendant leur histoire en vue d'un éventuel envahisseur
00:22:58et en vue d'une connaissance précise du terrain.
00:23:01Donc, ils ont envoyé plein de gens en montagne
00:23:02qui sont revenus avec des tracés
00:23:03et ça a donné des cartes très précises
00:23:05qui datent d'avant 1991.
00:23:07Donc, j'ai utilisé cet outil.
00:23:08Et en plus, j'ai utilisé les vues satellites
00:23:10qui sont faciles maintenant, à l'époque d'aujourd'hui.
00:23:13L'œil des satellites voit tout
00:23:16et la surface du globe est scannée.
00:23:19Donc, on peut quand même utiliser cet outil.
00:23:21Et en croisant les deux, j'arrivais à me dire,
00:23:23ce col était toujours utilisé
00:23:24parce que je voyais des traînées parallèles des troupeaux
00:23:28laissées dans les alpages au passage du col.
00:23:32Et c'est ça qui m'a aidé à créer mon itinéraire
00:23:35et à emprunter des cols qui appartiennent au passé.
00:23:38Il y a aussi des petites séquences.
00:23:42Là, vous êtes dans la jungle, Kirghiz.
00:23:43Oui, c'est les surprises en cours de route, ça.
00:23:45Mais j'y vais aussi pour ça,
00:23:47même si sur le moment, ça paraît comme un obstacle.
00:23:49En fait, je le sais à l'avance qu'il va y avoir cette part d'inconnus
00:23:53et que je risque peut-être de faire un détour,
00:23:55de rebrousser chemin.
00:23:56Mais c'est ce qui fait aussi le sel de ma marche,
00:23:58cet inconnu, quoi.
00:24:00Notamment, j'imagine, pour traverser les rivières,
00:24:03il n'y a pas des ponts, vu qu'il n'y a pas de sentiers.
00:24:05Et puis surtout, en terre de cavaliers.
00:24:07Le Kirghizstan, c'est une terre de cheval, de cavaliers.
00:24:11Donc, rien n'est fait pour le piéton.
00:24:13Les traversées de rivières, elles se font à cheval.
00:24:16Et parfois, les bergers ont l'habitude de traverser une rivière.
00:24:19Donc, ils vont me dire que c'est possible, sauf qu'ils le font à cheval.
00:24:21Et moi, j'arrivais avec mes baskets et en fait...
00:24:23Ça passe pas pareil.
00:24:25Ça m'a amené à faire des détours ou à prendre des risques aussi.
00:24:29Parce que quand on est tout seul pour traverser une rivière,
00:24:31ça peut être compliqué.
00:24:32Il faut être capable de jauger à quel moment on dit stop, quoi.
00:24:37Parce que le courant peut être trop fort.
00:24:40Mais c'est un gros travail sur soi aussi,
00:24:42de prendre la peur comme un signal,
00:24:44plus que comme un blocage.
00:24:46Et de se dire que là, j'ai peur, donc il faut que je fasse gaffe.
00:24:49Pas là, j'ai peur, donc j'y vais pas.
00:24:51C'est là, j'ai peur,
00:24:52donc il faut que je sois plus attentif et concentré, quoi.
00:24:55Vous vous êtes retrouvé dans la peau un peu de Benjamin Védrine,
00:24:58qui est un adepte du solo sur les parois montagneuses.
00:25:03Jérémy, il a été obligé de s'y mettre aussi.
00:25:05Je sais pas si c'était prévu, mais...
00:25:06C'est vrai que j'y ai pensé quand j'ai su que t'allais voir le film à Val d'Isère.
00:25:10Je me suis dit, il va s'y retrouver pour être dans ce passage.
00:25:13Mais non, moi, c'était pas trop prévu.
00:25:15Moi, mon truc, c'est de marcher plutôt à l'horizontale.
00:25:17Benjamin, c'est plutôt à la verticale.
00:25:19Donc des fois, il y a des petits passages comme ça qui surprennent.
00:25:23C'est vrai qu'à ce moment-là, on en revient aux cartes.
00:25:25En fait, les cols soviétiques sont cotés.
00:25:29Comme en escalade en France, il va y avoir des cotations pour les difficultés.
00:25:33Donc on va dire qu'il y a trois grandes cotations.
00:25:35La première, on peut passer avec des animaux de bas.
00:25:38La deuxième, on peut passer à pied.
00:25:40Et la troisième, on passe à pied, mais avec de l'équipement.
00:25:43Et moi, je me limitais aux deux premières cotations.
00:25:46Et ce col-là, le col de Bévette, était sur la carte avec la deuxième cotation.
00:25:50Donc moi, j'en avais fait plein, des cols comme ça.
00:25:52Donc j'y suis allé, et en fait, je me suis retrouvé devant
00:25:54une falaise noire.
00:25:56Et après, c'est la question de se dire, le col, il est juste là.
00:26:00C'est soit je fais le détour de jour, soit je prends un peu de risques pour y passer.
00:26:04Des fois, c'est dur de faire demi-tour.
00:26:06Ça, c'est la bonne décision.
00:26:07Et en faisant des recherches, en rentrant en France,
00:26:10j'ai fait des recherches sur ce col, et en fait, il a été...
00:26:12La première cotation, c'était la troisième.
00:26:14Le soviétique, l'explorateur qui était venu au milieu du XXe siècle là-bas,
00:26:20il a donné la troisième cotation,
00:26:21sauf qu'au moment de mettre sur la carte, je pense qu'il y a eu une erreur.
00:26:24Et ce qui explique cet obstacle, oui.
00:26:27Bon, et puis, il y a un rituel dans les expéditions de Jérémy.
00:26:30Il l'a dit, il a un relationnel particulier avec les ours.
00:26:32Donc il en croise à chaque fois.
00:26:34Et en kyrgyzstan, ça l'a fait aussi.
00:26:37Oui.
00:26:38C'est des ours qui sont agressifs à cet endroit ou non ?
00:26:41Non, mais en fait, j'ai appris du coup au cours de mes marches,
00:26:45parce que les gens ont souvent très peur des ours,
00:26:46même les gens sur place ont très peur des ours.
00:26:50Un ours, il va être agressif.
00:26:51Alors là, je parle pour les ours bruns.
00:26:53Il va être agressif si tu as un comportement irrespectueux vis-à-vis de l'ours.
00:26:58Donc ça peut être de le surprendre parce qu'il y a du bruit
00:27:01et qu'il apparaît derrière un buisson d'un coup
00:27:04et là, vous vous retrouvez nez à nez proche.
00:27:05Là, ça peut être dangereux.
00:27:07S'il y a les petits, il y a une mère avec ses petits, par exemple,
00:27:10ça peut être compliqué.
00:27:11Donc c'est pour ça que là, on remontait.
00:27:13Donc là, il y a Aubin qui m'avait rejoint à ce moment-là de la marche, un ami.
00:27:16Et on remontait et on sifflait régulièrement pour se faire entendre
00:27:19parce qu'il y avait beaucoup de bruit avec la rivière
00:27:22et on avait peur de surprendre l'ours.
00:27:23Et au final, l'ours, quand il nous voit, il part en courant.
00:27:26Aubin, on ne le voit pas, mais il part en courant dans l'autre sens.
00:27:29Et moi, je pense au film, donc je sors la caméra.
00:27:31Déjà professionnel de l'image.
00:27:34Bon, le film s'appelle Le fils du vent.
00:27:38Il a reçu des récompenses dans pas mal de festivals,
00:27:42les bourses exp aussi.
00:27:442000 kilomètres, combien de dénivelé positif ?
00:27:46Parce que ça, c'est plus le credo de Benjamin, les dénivelés positifs.
00:27:4990 000 mètres.
00:27:5090 000 mètres.
00:27:51Donc il y a un peu de vertical, quand même.
00:27:532000 kilomètres, 90 000 mètres dénivelés,
00:27:56combien de temps il faut, Benjamin Végoyne, à votre rythme ?
00:27:59Le temps qu'il a mis Jérémy.
00:28:01C'est de la marche ultra légère, ce qu'il fait, donc c'est rapide.
00:28:04Non, et puis c'est dur, je pense.
00:28:06Autant sur un sentier, il y a des records sur des sentiers,
00:28:10sur le Gervin, sur ce genre de sentier.
00:28:12Sur un sentier comme ça, le fait que, déjà, il n'y a pas de tracé exact,
00:28:17on ne sait pas si les cols passent,
00:28:19il y a forcément des détours entre la trace que j'avais prévue à l'avance,
00:28:24qui était un peu floue, qui était ma main courante,
00:28:26et la trace finale, où je voyais.
00:28:29Parce qu'il y a des fois, on m'a dit, va pas par là, passe plutôt par là.
00:28:33Il y a des fois, j'ai fait un détour,
00:28:36du fait d'une rivière, par exemple, du fait d'une frontière aussi.
00:28:39Bon, et pour prendre le temps de filmer l'ours,
00:28:41en tout cas, ce n'est pas un record que Benjamin tentera tout de suite le vôtre.
00:28:46Il en a d'autres dans les tuyaux.
00:28:48Vous êtes adepte des ascensions express.
00:28:51Vous n'aimez pas trop traîner en montagne, encore moins y dormir, je crois.
00:28:54Ça dépend, en fait, parce que j'aime le voyage quand même.
00:28:58Et une expédition pour faire un record, ça prend du temps en soi.
00:29:01Donc, c'est un petit peu le paradoxe de ces projets.
00:29:03Parce que votre prochain objectif, c'est le K2,
00:29:05le deuxième sommet le plus haut de la planète, 8611 mètres,
00:29:10qui est souvent considéré comme le 8000 le plus difficile à atteindre.
00:29:14C'est une réputation méritée ?
00:29:17Oui, ça dépend dans quel angle de vue on définit cette difficulté.
00:29:22C'est-à-dire que la voie normale que je vais utiliser,
00:29:25évidemment que techniquement, à mes yeux,
00:29:28elle ne représente pas de difficultés particulières.
00:29:31C'est une via ferrata de haute altitude, en fait.
00:29:34C'est-à-dire que si l'équipement est installé comme chaque année,
00:29:39il l'est généralement grâce aux agences
00:29:41qui sont payées par des riches clients, généralement, européens...
00:29:44Pour mettre des cordes fixes ?
00:29:45Pour mettre des cordes fixes, voilà, jusqu'au sommet.
00:29:47Eh bien, c'est ce que je dis, c'est une via ferrata de haute altitude.
00:29:50Moi, là où se joue le challenge,
00:29:52ce n'est pas comme la plupart de mes expéditions
00:29:54où le but est d'ouvrir un nouvel itinéraire technique, etc.
00:29:57C'est avant tout de performer sur le point de vue physique et mental
00:30:00et dans le but de réaliser une ascension record,
00:30:04donc une ascension rapide, la plus rapide.
00:30:06Et ça, on le voyait déjà depuis les années 80, même avant.
00:30:13Mais l'alpinisme, finalement, depuis le début,
00:30:16a été conduit par des personnes, des acteurs
00:30:19qui ont toujours voulu, pour beaucoup, aller vite.
00:30:22Et on le voit depuis les années 1700, le 18e siècle.
00:30:26On en parlait la dernière fois avec Kylian Jornet,
00:30:28il a un fichier Excel très riche de plein de dates d'ascension
00:30:32avec déjà les premiers alpinistes qui marquaient leurs horaires, etc.
00:30:35Donc, ce n'est pas nouveau du tout, ce n'est pas moderne,
00:30:38comme certains médias pourraient le faire croire.
00:30:41Et là où je voulais en venir, c'est que la première ascension
00:30:44d'un 8000 à la journée, c'était Christophe Viellecky,
00:30:46c'était en 84, c'était sur le Broad Peak,
00:30:49et il avait mis 15h40.
00:30:51La trace était déjà faite par une équipe qui était là pour lui.
00:30:54Et de nos jours, en fait, il y a suffisamment de clients de 8000,
00:30:58de personnes qui montent là-haut,
00:30:59pour que finalement, moi, je n'ai pas à avoir d'équipe.
00:31:02Profiter du travail.
00:31:03Et puis, voilà, un certain opportunisme
00:31:06qui fait que j'attends que la trace soit faite
00:31:09et je m'entraîne énormément pour essayer d'être le plus rapide possible
00:31:12le jour J.
00:31:13Alors, vous avez quand même, Benjamin,
00:31:14une relation particulière avec cette montagne, avec le K2.
00:31:17On vous voit là en train de l'escalader, c'était il y a deux ans ?
00:31:20C'était il y a deux ans, 2022.
00:31:23Ça, c'était du coup après avoir réussi le Broad Peak,
00:31:26que j'avais gravi deux fois.
00:31:28Et puis, l'idée m'était venue, du coup,
00:31:30à la suite de ces deux ascensions sur le Broad Peak,
00:31:31de tenter le K2, qui est le voisin, le grand frère du Broad Peak.
00:31:35Et ce qui n'était pas du tout prévu à la base sur ce projet-là,
00:31:38mais l'attraction de cette montagne sur place
00:31:41est telle que je n'ai pas pu résister.
00:31:43Vous n'avez pas pu résister, vous avez failli y rester, d'ailleurs,
00:31:45sur cette face.
00:31:47Oui, j'ai eu un grave souci, en fait, à partir de 8300 mètres.
00:31:50J'ai eu une hypoxie sévère,
00:31:52donc ce n'est ni un oedème cérébral, ni un oedème pulmonaire,
00:31:54mais dans tous les cas, ça a atteint le cerveau
00:31:57et ça m'a provoqué, du coup, une altération de la conscience,
00:32:00une fatigue excessive soudaine.
00:32:02Et ça, c'est les dernières images avant que j'ai ces problèmes.
00:32:07Et malgré tout, en fait, j'ai continué à monter
00:32:10après le Cerak Bottle Neck qu'on voit ici même,
00:32:13au-dessus du Cerak Bottle Neck, jusqu'à à peu près 8400 mètres.
00:32:16Mais je vous avoue que ces souvenirs, je ne m'en souviens quasiment pas.
00:32:19Donc, pour le film, on a reconstitué ces images
00:32:23pour donner un petit peu l'ambiance de ce que j'ai vécu là-haut.
00:32:27Donc, heureusement, j'avais une certaine conscience
00:32:29qui me permettait de pouvoir passer d'une corde à une autre
00:32:32sans faire de mauvais pas.
00:32:34Mais par contre, j'aurais pu rester dans le sens où je me laissais aller
00:32:39régulièrement, en fait, en position fétale, je me laissais aller.
00:32:43Et c'est des personnes qui étaient dans l'ascension,
00:32:48qui ont prévenu des personnes qui descendaient.
00:32:50Et ces personnes-là m'ont aidé, m'ont assisté, en fait,
00:32:53m'ont réveillé d'une certaine manière et puis m'ont motivé à redescendre.
00:32:57Et puis, ils m'ont aussi, notamment c'est le cas d'un Mexicain,
00:33:01ils m'ont gentiment prêté de l'oxygène pendant quelques temps.
00:33:05Et en fait, l'hypoxie sévère, c'est un problème qui se résolve
00:33:10très rapidement, c'est-à-dire qu'une fois que je suis retourné
00:33:13à 8300 mètres, où il y avait du coup un peu plus d'oxygène
00:33:15et puis j'en consommais moins puisque je descendais,
00:33:17eh bien, j'ai retrouvé tous mes esprits.
00:33:19Comme si de rien n'était.
00:33:21Comme si de rien n'était.
00:33:22Mais bon, je sentais que j'avais pris un gros coup quand même.
00:33:24Et puis, il y en a beaucoup qui sont malheureusement restés
00:33:26sur ces montagnes qui sont toujours des alpinistes qui ont craqué
00:33:30en très haute altitude.
00:33:31Dans quel état d'esprit vous y retournez sur cette montagne
00:33:34avec ce passif derrière vous ?
00:33:38J'y retourne comme...
00:33:38Il y a de l'appréhension ?
00:33:40Il y aura forcément un peu de l'appréhension sur place.
00:33:42C'est évident.
00:33:43Je ne vais pas le cacher.
00:33:45Par contre, j'y retourne quand même avec pas mal de maturité.
00:33:48Ça, c'est sûr.
00:33:48C'est-à-dire que si je n'avais pas eu cette expérience sur le K2
00:33:52et que j'étais ressorti de l'expédition 2022 avec la réussite
00:33:56sur le Brod-Pic et que ça se serait arrêté là...
00:33:57Vous l'aviez gravé en 7h30, à peu près.
00:33:59En 7h30, et bien, potentiellement, je serais resté
00:34:02sur quelque chose de très positif.
00:34:04J'aurais pu être amené à me casser les dents, finalement,
00:34:06sur le K2 cette année.
00:34:08Vous savez que vous n'êtes pas infaillible, en fait.
00:34:10Ah ben là, oui.
00:34:10Non, non, c'est sûr que là, le coup était tellement colossal
00:34:15et traumatisant qu'évidemment que je considère le projet différemment.
00:34:21Et vos proches, comment ils le considèrent ?
00:34:23Et vas-y, oui.
00:34:25Qu'est-ce que tu as changé pour que ça ne se repasse pas ?
00:34:28Et bien, en fait, c'est que si tu veux, dans les Alpes,
00:34:30sur les sommets de 4000 mètres, je sais que j'ai une grande résistance
00:34:34aux efforts répétés et du coup, je sais que j'étais capable
00:34:36de faire un Mont-Blanc, puis après un Mont-Rose de manière très rapide,
00:34:39donc de récupérer très rapidement.
00:34:41Et je pensais pouvoir mettre ça en place également sur le 8000.
00:34:45Ça n'a pas été du tout le cas.
00:34:46C'était une erreur.
00:34:47Et donc, la première chose que finalement, j'ai acquis comme savoir,
00:34:51c'est que voilà, cette année, je ne vais faire que le K2.
00:34:54Je ne vais pas faire le broad-peak deux fois avant de faire le K2.
00:34:58Ça m'a été également confirmé.
00:34:59– Tu n'as pas payé la facture du broad-peak, en fait.
00:35:01– Ben, j'ai payé un grand coup de fatigue sur le broad-peak
00:35:07que je n'ai pas forcément bien ressenti.
00:35:08Et sur le K2, évidemment que je l'ai payé parce que, voilà,
00:35:11je n'étais pas du tout en condition, en fait, pour faire le K2.
00:35:14J'avais vraiment les yeux plus gros que le ventre à ce moment-là.
00:35:16Et je me calais, en fait, sur ce que je pouvais faire dans les Alpes.
00:35:19Et tant qu'on n'a pas eu l'expérience d'aller à 8000,
00:35:22c'est vraiment pas évident parce que chaque personne est différente, quoi.
00:35:25Les physiologies ne réagissent pas de la même manière, si tu veux.
00:35:30Et chaque individu, et ça, on ne peut pas l'anticiper à l'avance.
00:35:33C'est ça qui n'est pas évident.
00:35:34Mais donc, cette année, voilà, je ne ferai que le K2.
00:35:36Je me concentre sur la montagne, un peu comme un laser, quoi,
00:35:39plutôt que de vouloir diffuser ma lumière sur tous les sommets alentours.
00:35:44Chose que j'ai du mal à faire d'habitude parce qu'il y a le gâchère brouilleux.
00:35:46Il y en a plein que j'aimerais bien grimper.
00:35:48Mais voilà, j'aimerais bien faire bien les choses.
00:35:50Et puis, je m'entraîne davantage spécifiquement, voilà.
00:35:54Le Broad Peak, on l'avait dit, c'était 15h30, le record.
00:35:56Il a été descendu à 7h28.
00:35:58Là, sur le K2, il y a un record aussi qui existe.
00:36:01Oui, il y a un record qui existe, c'est Benoît Chamoux.
00:36:03Ah, donc ça date ?
00:36:0486.
00:36:05Donc, c'était deux ans après l'ascension de Christophe Jaleki sur le Broad Peak.
00:36:10Donc, c'était pareil, c'était les débuts des ascensions, des 8000 à la journée.
00:36:14Alors, sur le K2, il me semble...
00:36:17Alors, sur le Broad Peak, il y avait une équipe qui faisait la trace.
00:36:19Et sur le K2, j'aimerais bien avoir la confirmation.
00:36:21Je ne suis pas totalement sûr de ça.
00:36:23Donc, si des personnes nous regardent, ils ont des informations sur Benoît Chamoux.
00:36:26Mais Benoît, effectivement, il avait mis 23h.
00:36:2823h.
00:36:29Depuis le camp de base avancée.
00:36:31Benoît Chamoux qui est mort, malheureusement, sur ces derniers 8000.
00:36:34Il tentait les 14 8000 à cette époque.
00:36:35C'était au camp de Shenzhonga, il me semble.
00:36:36Il y avait l'Ouretan devant.
00:36:37Voilà.
00:36:38Et l'Ouretan a réussi à faire le sommet, mais Benoît Chamoux n'est jamais redescendu.
00:36:42Oui.
00:36:44Donc, là, le record devrait être battu.
00:36:47Enfin, en tout cas, c'est l'objectif, de façon assez nette.
00:36:51Avec une petite particularité, c'est que Benoît Chamoux, comme les autres,
00:36:56était redescendu à pied.
00:36:57Là, l'idée, c'est de redescendre en volant.
00:36:59Oui, c'est un peu de faire du Chamoux-Boivin, quoi, un peu.
00:37:02Parce que Boivin avait décollé du camp 4 en Deltaplane.
00:37:05Donc, c'était un Deltaplane de 20 kilos à l'époque,
00:37:08qui était porté par des porteurs souvent pakistanais,
00:37:10dont Little Karim, notamment, qui était venu dans le Vercors aussi.
00:37:14Et puis, Benoît Chamoux, qui, effectivement, était dans un but de vitesse.
00:37:17Et maintenant, avec les voiles légères qu'on a,
00:37:19les monosurfaces, qui sont des voiles d'à peu près un kilo,
00:37:22ça permet de pouvoir, du coup, combiner un petit peu les deux,
00:37:25c'est-à-dire d'être rapide, tout en pouvant redescendre en parapente.
00:37:29C'est vous qui allez le porter, le parapente ?
00:37:31Je vais le porter tout le long,
00:37:32mais je le déposerai à un camp intermédiaire,
00:37:36c'est-à-dire que je l'emmènerai, je pense, vers 7500 mètres.
00:37:39Et ensuite, je le porterai de 7500 à 8600 mètres, oui.
00:37:431100 mètres, oui.
00:37:44On dépasse les 5 kilos de Jérémy, là, sur le poids du sac, sur le K2 ?
00:37:48Non, non, non, on ne dépasse pas, non.
00:37:50Non, non, on est moins...
00:37:51Qu'est-ce que tu as dans le sac à dos quand tu pars sur une journée comme ça ?
00:37:53Il n'y a vraiment rien, en fait.
00:37:54Là, par exemple, on a prototypé un sac qui fait 65 grammes,
00:37:58tout compris, le zip compris, le serrage dorsal et tout.
00:38:03Et puis, dans ce sac, je mets une pharmacie pour le minimum,
00:38:07c'est-à-dire pour le DEM cérébral, le DEM pulmonaire,
00:38:10pour pouvoir redescendre.
00:38:11Mais c'est vraiment très, très minime comme équipement pharmaceutique.
00:38:16Et puis ensuite, j'ai une paire de gants en rab,
00:38:19j'ai quelques vêtements, si jamais,
00:38:21mais la plupart des vêtements, à partir de 8000, en fait, je les ai sur moi.
00:38:24Et évidemment, ce qu'il y a dans le sac, c'est la voile de parapente.
00:38:26Après, l'eau, etc., c'est tout mis dans un gilet,
00:38:29que j'ai, à même le corps, quasiment,
00:38:31de manière à garder l'eau au chaud, parce que sinon, évidemment...
00:38:35Par exemple, tu prends combien d'eau ?
00:38:36Parce que j'imagine que tu ne peux pas prendre de l'eau...
00:38:39Ou alors, il faut faire fondre de la neige, quoi.
00:38:40C'est le problème de ces ascensions.
00:38:42C'est que, dans l'idéal, il faudrait un litrage conséquent
00:38:47qui m'empêcherait d'aller vite.
00:38:48Et du coup, je vais consommer à peu près 4-5 litres d'eau max.
00:38:55Je pars avec un litre d'eau au début,
00:38:57puis après, je fais fondre de l'eau, effectivement,
00:38:58dans une tente que j'aurais préinstallée à l'avance.
00:39:01Et puis après, je repars avec un litre d'eau.
00:39:03Donc, j'ai deux litres en mouvement.
00:39:06Et puis ensuite, le reste de l'eau,
00:39:08c'est que c'est moi qui vais le boire pendant ma pause, en fait.
00:39:12Mais c'est un gros souci.
00:39:13D'autant plus qu'avec le froid, on se déshydrate davantage.
00:39:16Sur le décollage en parapente du K2, ça n'a jamais été fait.
00:39:19Personne ne l'a jamais fait depuis le sommet.
00:39:21Donc, ça aussi, ce sera un beau défi.
00:39:24Vous avez l'expérience d'avoir décollé en parapente d'un 8000.
00:39:27C'était au Broad Peak, donc en face.
00:39:29On voit ces images.
00:39:31Il y avait la place pour se lancer.
00:39:34C'est la même chose au K2.
00:39:35Vous savez si, techniquement, il y a de quoi
00:39:38rentrer la voile et courir ?
00:39:40En fait, ce qui est drôle sur le Broad Peak,
00:39:41c'est que ce n'était pas prévu à l'avance non plus de décoller de ce sommet.
00:39:44Parce qu'on ne savait pas si c'était possible au niveau du relief,
00:39:47au niveau de la place disponible autour du sommet.
00:39:49Et puis, c'est en y allant une première fois qu'avec Nicolas Jean,
00:39:51on s'est aperçu que c'était possible.
00:39:53Et donc, sur le K2, évidemment que ça serait magnifique
00:39:56de pouvoir redescendre comme ça, parce que, pour moi,
00:39:58c'était le plus beau vol de ma vie, encore aujourd'hui.
00:40:03Ça, c'est évident.
00:40:04Et puis, ça combine en fait deux sports qui sont totalement différents,
00:40:09un qui est au sol, un qui est dans les airs.
00:40:12Et même si on pense que c'est extrêmement facile,
00:40:14il y a quand même un stress
00:40:16que tu ressens énormément avant le décollage.
00:40:19Que ça se passe bien, en gros, parce que tu peux très bien avoir
00:40:22beaucoup de problèmes au décollage et à l'atterrissage également.
00:40:26Mais voilà, de pouvoir voler au-dessus du baltoreau,
00:40:28d'atterrir à côté du camp de base après avoir gravi un 8000,
00:40:30c'est une sensation assez exceptionnelle.
00:40:32Combien de temps il a fallu ce jour-là pour redescendre de 8000 ?
00:40:36À peu près 20 minutes.
00:40:37Donc, j'ai pu manger des pancakes très rapidement.
00:40:43Bon, parler du stress, effectivement,
00:40:45là, ce jour-là, ça s'est bien passé, les conditions étaient réunies,
00:40:47mais ce n'est pas toujours évident de décoller en très haute altitude.
00:40:52Là, en fait, typiquement, c'est du camp 3 du Broad Peak
00:40:54et c'est un endroit où il y avait du vent arrière,
00:40:57donc qui n'est pas du tout favorable pour pouvoir décoller.
00:40:59Et effectivement, le manque d'oxygène oblige,
00:41:03ça rend ces décollages encore plus ardus.
00:41:07Ça, c'était un décollage qui aurait pu très bien,
00:41:11encore plus mal finir, puisque, voilà,
00:41:146 mètres plus loin, il y avait une partie de glace, en fait,
00:41:17et donc j'aurais pu très bien glisser.
00:41:19Mais bon, ça fait partie du jeu.
00:41:22On essaye de les gérer au maximum, ces dangers,
00:41:25donc c'est des prises de risques que des fois, on assume,
00:41:27comme quand on a décollé à ce moment-là,
00:41:29on savait qu'il y avait quand même le risque de ne pas y arriver.
00:41:32Et en fait, il faut comprendre aussi que c'est tout bête,
00:41:35mais la neige s'enfonce légèrement,
00:41:36donc ça crée des faux pas, des déséquilibres.
00:41:38Et c'est entre autres pour ça aussi que je tombe à ce moment-là.
00:41:41En tout cas, pour arriver à ce double défi,
00:41:44notamment le sprint du K2,
00:41:46vous êtes lancé dans une préparation presque olympique,
00:41:48j'ai envie de dire.
00:41:49Je crois que c'est la première fois, en tout cas,
00:41:51que vous suivez un entraînement aussi pointu.
00:41:53Mais c'est vrai qu'alors, c'est la première fois, effectivement.
00:41:56Il y avait quand même déjà l'année dernière, pour Chamonix-Zermatt,
00:41:59pour relier vraiment le plus vite possible Chamonix-Zermatt
00:42:02en ski de rando,
00:42:03que je m'étais appliqué à cette rigueur,
00:42:07si j'ai envie de dire,
00:42:08à partir du mois d'octobre jusqu'au mois d'avril.
00:42:11Et là, on essaie de faire la même chose,
00:42:12mais un peu plus pointu, effectivement,
00:42:14où en fait, on généralise l'entraînement.
00:42:18Donc, il n'y a pas que l'entraînement physique,
00:42:20mais il y a également la partie mentale qui est tout aussi importante
00:42:24et qui est inhérente à un bon entraînement en général.
00:42:27Et puis, il y a aussi un petit peu l'aspect nutritionnel,
00:42:30même si ce n'est pas un côté sur lequel j'ai vraiment envie
00:42:34de me concentrer parce que j'aime trop la nourriture
00:42:37pour pouvoir m'abstenir de certaines choses.
00:42:40Jérémy, il n'y a plus de fromage à vous proposer.
00:42:42Mais quand je parle sur le point de vue nutritionnel,
00:42:44c'est notamment sur la stratégie d'ascension, en fait.
00:42:47C'est combien de sucre je vais devoir prendre
00:42:53pour maintenir un degré d'éveil suffisant
00:42:59pour éviter l'hypoxie sévère.
00:43:01Et en fait, on sait que ça a des liens.
00:43:03Il y a aussi, au camp de base, notamment,
00:43:06maintenir une flore intestinale en bon état.
00:43:08Ça paraît tout bête, mais en fait, c'est entre autres pour ça
00:43:11qu'il y a beaucoup de personnes en expédition
00:43:13qui ratent leur expédition
00:43:14ou qui réduisent leur degré de performance.
00:43:17Donc ça, c'est toutes des choses que j'acquis, en fait,
00:43:20au fur et à mesure des rencontres que je fais aussi,
00:43:23c'est pas que grâce à mes coachs que j'avais déjà,
00:43:25mais c'est notamment en parlant à Kylian aussi,
00:43:27Kylian Djanet, que j'ai réussi à avoir
00:43:31de plus en plus de connaissances et ça m'aide.
00:43:33J'espère que ça m'aidera du moins à aller vers le K2
00:43:38de manière plus sereine.
00:43:40On vous voit en train de faire des tests.
00:43:44Ça, c'est après Manon. C'est dans le Jura.
00:43:47Donc c'est un test avec des skis,
00:43:48avec un tapis qui est légèrement incliné,
00:43:51avec les skis parce que finalement,
00:43:52c'est mon outil d'entraînement l'hiver
00:43:54puisque j'habite un village où je démarre
00:43:57à côté de chez moi, ski au pied, tout l'hiver.
00:43:59Donc c'était plus pertinent.
00:44:01Et le but, effectivement, c'est de connaître mes seuils exacts.
00:44:04Donc là, on mesure le taux de lactatémie
00:44:08et puis également la VO2max,
00:44:10mais c'est avant tout de connaître les seuils
00:44:11pour pouvoir mieux gérer les entraînements
00:44:15en fonction de mon métabolisme, en fait.
00:44:18Et puis, je précise que ça fait partie d'une websérie
00:44:22sur votre préparation pour le K2.
00:44:24Premier épisode est en ligne.
00:44:25Il y en aura d'autres sur votre chaîne YouTube.
00:44:28On vous voit craquer là, quand même.
00:44:29Ça fait du bien de voir Benjamin Vélune craquer.
00:44:31Ah oui, non, mais en plus, ce genre de test, c'est terrible.
00:44:34C'est un effort tellement court que c'est...
00:44:36Il me faut à peu près cinq heures pour me mettre en place.
00:44:38Donc là, ça va durer 30 minutes.
00:44:40Ça, c'est le seul test.
00:44:41On est sûr qu'à la fin, de toute façon, on va craquer.
00:44:43Ça ne s'arrête pas le craquage.
00:44:46Le tapis ne gagnera jamais.
00:44:49Bon, Benjamin ne fait pas que du ski de rando sur tapis
00:44:52pour préparer le K2,
00:44:54mais là, on vous a fait dormir en altitude aussi pendant cette...
00:44:58Parce qu'en fait, là, le but, c'était de dormir à 4000 m à peu près.
00:45:01Alors, je n'ai pas eu ressenti de symptômes particuliers
00:45:04pendant cette nuit-là.
00:45:05Tout s'est bien passé.
00:45:07Dans les Alpes, étant donné que je monte souvent à 3000,
00:45:09même en hiver, il n'y avait pas tant de risques que ça.
00:45:13Et le but, c'est vraiment avant tout d'avoir une référence
00:45:16sur un test que je vais pouvoir faire sur place.
00:45:18Qui est le test HRV, alors c'est les abrévations en anglais.
00:45:21Mais en gros, le principe est simple.
00:45:23C'est juste, de temps en temps, avoir une mesure
00:45:28pour définir mon degré de fatigue, en gros.
00:45:31Et c'est un protocole qui est simple,
00:45:33qui est 4 minutes couchées, 4 minutes debout,
00:45:37connecté avec une application sur le téléphone
00:45:39et une ceinture cardio.
00:45:42Et puis, ça permet, en fait, après,
00:45:43j'envoie ces données-là à Jonas, qu'on vient de voir, et Léo Viré.
00:45:47Et eux, en fait, ils ont un logiciel
00:45:49qui calcule, en fait, mon degré de fatigue.
00:45:51Alors, c'est un indice qu'ils trouvent.
00:45:54Moi, je ne pourrais pas expliquer tout ça,
00:45:55mais c'est assez intéressant dans le sens où, par exemple,
00:45:57j'aurais fait ce test-là la veille de ma tentative au K2, il y a deux ans.
00:46:01Vous auriez su qu'il ne fallait pas y aller.
00:46:02Potentiellement, on aurait su qu'entre le système orthosympathique
00:46:05et parasympathique, on aurait pu établir le fait
00:46:08que ce n'était pas une bonne idée.
00:46:11Bon, on verra si toute cette préparation minutieuse
00:46:16apporte ses fruits.
00:46:17Je disais, ce n'est pas que du ski de rando sur tapis.
00:46:20Vous avez un environnement, la Serche-Vallée,
00:46:22qui se prête à des grandes sorties.
00:46:25Oui, c'est un peu comme disait Jérémy,
00:46:27c'est des grandes lignes de relief.
00:46:29Et là, notamment, c'est la ligne de relief
00:46:31qui entoure toute ma vallée.
00:46:32Donc, c'est le grand fer à cheval de la vallée de Serche-Vallée.
00:46:36Et le but, c'était de partir de Briançon
00:46:38et de relier tous les sommets un petit peu principaux à ski,
00:46:42parce que c'est un sport magnifique.
00:46:44Et puis, la neige, on n'en aura peut-être pas dans 50 ans.
00:46:47Donc, c'est bien d'en profiter un peu.
00:46:49Non, c'est des beaux projets locaux.
00:46:51110 km, 16 sommets, 11 850 m de dénivelé,
00:46:55deux jours, forcément.
00:46:57Oui, après le dénivelé, tout ça, finalement,
00:47:00on s'en fout un petit peu, mais c'est vrai que c'est quand même...
00:47:02Ça se sent quand même dans les jambes.
00:47:03Non, c'est ça, c'est que c'est important quand même
00:47:05de le définir un peu à l'avance sur juste la faisabilité de la chose,
00:47:07savoir si le corps peut faire ça en un jour,
00:47:10en deux jours, en trois jours.
00:47:10Et là, c'était bien de le faire en deux jours.
00:47:13Vous avez lâché les skis cet hiver,
00:47:15quoique pour l'approche, vous étiez dessus,
00:47:18mais pour réaliser une trilogie de très hauts niveaux
00:47:21en alpinisme, en hivernale,
00:47:23avec votre copain Léo Billon dans le massif du Mont-Blanc.
00:47:26C'est vrai que ça me paraît loin maintenant parce que...
00:47:27Oui, c'était cet hiver.
00:47:28Oui, c'était cet hiver.
00:47:29Non, c'est vrai que moi, j'ai vraiment plaisir chaque année
00:47:32à pouvoir combiner plein de sports différents dans l'année
00:47:35parce que l'alpinisme est tellement varié, vaste,
00:47:38comme le terrain de jeu l'est d'ailleurs, varié et vaste.
00:47:42Et donc là, c'était en face nord des Drus, ces images,
00:47:45c'était sur la voie des Guides,
00:47:46une magnifique voie très, très belle en dry tooling.
00:47:50Et notre but, c'était d'enchaîner effectivement les Drus,
00:47:52les Droites et les Grandes Jaurasses par leur face nord.
00:47:56Au début, en six jours, dans notre tête.
00:47:58Et puis en fait, au fur et à mesure d'en parler,
00:47:59on s'est dit, tiens, peut-être en trois jours,
00:48:01c'est peut-être pas impossible.
00:48:03C'était une super belle aventure avec Léo,
00:48:05Léo que je connais depuis le lycée,
00:48:07qui est un compagnon de la section sport nature du lycée du Diwa.
00:48:11Et finalement, c'était un petit peu une sorte d'aboutissement pour nous.
00:48:15En tout cas, j'espère qu'on fera peut-être mieux, mais...
00:48:18Ça, c'est les Droites.
00:48:19Ça, c'est les Droites, c'est la Rême-Vimal,
00:48:21c'est dans le Grand Bouclier à droite.
00:48:22Et le début, là, c'est sur une grande pente de neige
00:48:26où c'est très, très dur de se protéger, en fait.
00:48:28Donc c'est pendant pas mal de temps du solo à deux où on grimpe.
00:48:33Et là, c'est une des longueurs difficiles
00:48:36qui emprunte pas d'ailleurs l'itinéraire historique,
00:48:38mais qui emprunte une variante qui avait été faite
00:48:40pour grimper en libre,
00:48:42donc en libre afin d'éviter de tirer sur tout ce qu'il y a sur la montagne.
00:48:46Et notre but, c'était effectivement d'avoir des styles un peu différents.
00:48:50Donc sur la voie des Guides, on a réussi à libérer toute la voie
00:48:52et à faire la première à la journée.
00:48:54La Rême-Vimal, on l'a faite à la journée, ça avait déjà été fait également.
00:48:57Et Nosiesta, qui était vraiment une des grandes références
00:49:01de cette face nord des Grandes Jorasses,
00:49:03qui était un peu un mythe pour beaucoup de personnes.
00:49:05Eh bien, cet itinéraire n'avait jamais été fait à la journée,
00:49:09et encore moins dans des conditions comme ça, où c'était tout sec, en fait.
00:49:12Et bon, moi, là, c'était une erreur de ma part.
00:49:14Je suis allé dans un endroit où ça n'allait nulle part.
00:49:17Donc c'est pour ça que je le crie très fort,
00:49:18parce qu'en fait, c'est un peu comme Jérémy était sur le vent tout à l'heure.
00:49:21On ne peut pas vraiment faire ressentir aux gens
00:49:22ce qu'on ressent dans ces moments-là, c'est extrêmement difficile.
00:49:26Mais pour autant, on veut le faire partager,
00:49:28et c'est pour ça que j'ai laissé la GoPro allumée.
00:49:30J'ai complètement oublié la présence de cette GoPro.
00:49:32Et j'étais vraiment sur un...
00:49:34C'est un peu primitif comme émotion.
00:49:37On a l'impression qu'on va tomber,
00:49:39et du coup, qu'on va se casser tout le corps entier.
00:49:42Et puis après, l'arrivée, du coup, est d'autant plus incroyable
00:49:46comme dénouement, un dénouement heureux, heureusement.
00:49:49Et puis voilà, de nuit, il faisait quand même bien froid,
00:49:52et puis on savait qu'on avait terminé.
00:49:54On voit les lumières de Chamonix derrière.
00:49:55Non, c'est Courmailleur.
00:49:56Ah, c'est Courmailleur, on est de l'autre côté, évidemment, au Jauras.
00:49:58Mais la pittéria était fermée.
00:50:00C'était une des grandes déceptions de la trilogie.
00:50:03Je vois que tu fais plein, plein de sports.
00:50:05Comment tu fais, par exemple, pour maintenir un très haut niveau en escalade ?
00:50:08Parce que je sais qu'il faut de la discipline,
00:50:10il faut être hyper rigoureux en escalade.
00:50:11Oui, oui.
00:50:12Est-ce que tu en fais juste de temps en temps et c'est un peu inné
00:50:15ou est-ce que tu maintiens régulièrement ?
00:50:17Alors, pour l'alpinisme, pour ça, c'est vrai que pour la trilogie,
00:50:19je m'étais quand même entraîné tout l'automne et tout l'hiver en escalade.
00:50:23Et donc, j'ai essayé de faire des cycles, en fait, souvent.
00:50:27Là, en ce moment, du moins, depuis pas mal d'années,
00:50:29où je fais des cycles où je vais grimper pendant 5-6 mois.
00:50:32Et ces 5-6 mois, en fait, je grimpe, je grimpe.
00:50:35Mais par contre, j'ai des acquis d'années précédentes, d'années d'avant.
00:50:39Et c'est des années pendant lesquelles je me suis investi en escalade
00:50:41pendant 6-7 mois, un peu plus, avec des amis qui grimpent beaucoup.
00:50:45Et ça m'a permis d'atteindre un certain niveau.
00:50:47Et puis après, c'est un peu comme le vélo, ça ne s'oublie pas.
00:50:49Alors, c'est dur.
00:50:50Effectivement, c'est un sport qui est très laborieux
00:50:52parce que dès qu'on arrête, on perd beaucoup.
00:50:54Mais par contre, on retrouve vite les bonnes sensations, etc.
00:50:58Et je maintiens toujours un niveau d'endurance
00:51:00quand même constant dans l'année.
00:51:03Et là, après la trilogie, typiquement, j'ai quasiment arrêté de grimper.
00:51:05Je grimpe une à deux fois par semaine maximum.
00:51:08Et je me réentraîne en endurance
00:51:10de manière vachement plus importante.
00:51:13Bon, dans cet hiver bien rempli,
00:51:15vous êtes allé faire aussi un petit tour en Norvège.
00:51:17Vous en avez parlé de Kilian Jornet,
00:51:19qui est aussi un adepte des records et des ascensions express.
00:51:22Et vous êtes allé...
00:51:25Pour moi, c'est une inspiration qu'il a.
00:51:27C'est un alpiniste avant tout.
00:51:29C'est un passionné. Moi, je l'ai vu dans son terrain de jeu.
00:51:32C'était très important pour moi d'aller le voir chez lui.
00:51:34Alors, j'ai eu l'impression parfois, pas au début,
00:51:37mais en tout cas, de le déranger
00:51:39parce que c'est particulier d'être un sportif que tu ne connais pas
00:51:41qui vient te voir.
00:51:42Oui, c'était votre première rencontre.
00:51:44C'était notre première rencontre.
00:51:45Et puis, en fait, je me suis rendu compte le premier jour,
00:51:46il m'a emmené là-dedans.
00:51:48C'est pour ça que je dis que c'est un alpiniste avant tout.
00:51:51Et c'est moi qui lui ai demandé la corde pour un passage
00:51:52parce que ça ne me plaisait pas de prendre autant de risques
00:51:56à ce moment-là.
00:51:57C'était assez drôle, mais ça m'a énormément plu.
00:52:00J'étais comme un poisson dans l'eau avec Kylian Mbappé.
00:52:03Donc, c'est des choses qui resteront déjà gravées dans ma mémoire.
00:52:07J'espère que lui, ça l'a aussi fait plaisir de m'accueillir comme ça
00:52:10pendant quelques jours chez lui.
00:52:13Et puis voilà, les sommets norvégiens,
00:52:15ils n'ont rien à envier aux Alpes.
00:52:16C'est incroyable.
00:52:17Il y a un potentiel pour le ski, un potentiel pour l'alpinisme.
00:52:21C'est plein d'aventures.
00:52:22Il n'y a personne.
00:52:24Typiquement, dans ce vallon-là, il n'y avait strictement personne.
00:52:26Parce qu'on n'est pas à très haute altitude en Norvège.
00:52:29Non, c'est des sommets qui sont à moins de 2000 mètres.
00:52:31Mais généralement, on démarre à zéro,
00:52:34entre zéro et 200 mètres.
00:52:36Donc, ça fait quand même des dénivelés qui sont importants quand même.
00:52:39Avec des belles pentes aussi qui permettent.
00:52:41On a vu que Kylian Jornet avait les skis sur le sac.
00:52:44Ce n'était pas pour la photo,
00:52:45c'est parce que derrière, vous enchaîniez des couloirs.
00:52:47Là, ça faisait des belles conditions d'hiver.
00:52:50Mais typiquement, ça, c'est des conditions « norvégiennes ».
00:52:53Kylian me confirmait qu'il ne fallait vraiment pas
00:52:56vouloir attendre le soleil pour aller en montagne.
00:52:59Donc, il a vraiment l'habitude d'aller en montagne seul
00:53:02dans ce genre de conditions.
00:53:04C'est vraiment quelqu'un qui pratique beaucoup seul la montagne, comme moi.
00:53:07C'est quelqu'un qui pratique la haute altitude, comme moi.
00:53:10Et en fait, dans ces domaines-là,
00:53:13on est très peu nombreux.
00:53:15Donc, c'est un plaisir, c'est un honneur de pouvoir échanger
00:53:18avec un gars comme lui, qui a une vision de performance,
00:53:22mais qui a aussi une passion pour l'alpinisme en général.
00:53:25Il a une vraie culture de l'alpinisme.
00:53:27Il connaît énormément tout ce qui a été fait dans les Alpes.
00:53:30Il connaît énormément ce qui a été fait dans l'Himalaya.
00:53:32Il a vachement plus d'infos que moi sur la Magic Line,
00:53:35qui est la magnifique arête du K2.
00:53:38Il a tenté aussi le Shisha Pangma en plein hiver,
00:53:42sans permis, sans visage.
00:53:44Il y a plein d'histoires. C'était captivant.
00:53:46Il a fait le record de l'Everest, d'où l'ascension de l'Everest,
00:53:48aussi, il y a quelques années, en 2017, si je me souviens bien.
00:53:51Oui, et là, ce qui est le plus intéressant, dans son cas,
00:53:53c'est notamment la tentative qu'il a effectuée l'année dernière
00:53:56sur l'arête ouest de l'Everest,
00:53:58en finissant par le couloir Ambène.
00:54:00Et c'est fort.
00:54:02C'est du style alpin à 8000.
00:54:04Alors, hybride, parce que c'est vrai qu'il y a l'Icefall qui est équipé,
00:54:07mais ensuite, il part s'enfiler tout seul.
00:54:09Et en fait, on ne se rend même pas compte de l'engagement que c'est.
00:54:12C'est incroyable.
00:54:14Dernier petit clin d'œil à vos réalisations de l'hiver.
00:54:16Il y en a eu d'autres, mais on l'a vu,
00:54:18vous étiez un adepte du ski de pente raide
00:54:20et vous êtes allé répéter la deuxième descente de l'Épéna.
00:54:23C'est dans le massif de la Vanoise.
00:54:25Ce sont vos images 360 degrés.
00:54:27On n'a pas l'impression que ça skie quand on est sur une montagne comme celle-là.
00:54:30Non, là, c'était à Califourchamps, mais sincèrement,
00:54:31il n'y avait pas d'autre moyen que de passer comme ça.
00:54:35Et oui, c'est une belle pente qui a été ouverte
00:54:37par Simon Elfringer et Xavier Cayolle récemment,
00:54:41peut-être une vingtaine de jours avant.
00:54:43Et en fait, nous, on a pu la skier,
00:54:45mais malheureusement, après une période de grand réchauffement,
00:54:48comme on en voit de plus en plus ces hivers,
00:54:52il y avait eu un isotherme à 4000 mètres.
00:54:55Et donc, la neige était principalement sur un fond dur, effectivement.
00:54:59Mais on s'est quand même bien régalé.
00:55:01On y est allé avec Nicolas Jean et un client qui s'appelle Olivier Reynaud.
00:55:04Et l'ambiance était vraiment fantastique.
00:55:07En plus, ça m'a fait un petit clin d'œil parce qu'à droite,
00:55:09il y a l'éperon Nord et c'était un éperon qu'on avait fait en hiver
00:55:12avec deux collègues, Léo Billon et Julien Ravanello.
00:55:15Et il y avait eu pas mal de personnes, notamment du groupe Militaire d'Haute-Montagne,
00:55:18qui avaient tenté de le faire à la journée et ils n'avaient pas réussi.
00:55:21Donc, c'était un beau clin d'œil.
00:55:23Simon Elfringer, guide grenoblois, alpiniste de très haut niveau,
00:55:27l'avait coté 5.6 sa première quelques jours avant vous.
00:55:30Vous l'avez décoté 5.4.
00:55:32Alors ça, c'est les cotations du ski de pente raide.
00:55:35C'est particulier, oui, les cotations de ski de pente raide.
00:55:36Mais il y a quoi, une petite rivalité entre vous
00:55:39sur l'appréciation de la difficulté d'une pente ?
00:55:42Nous, on y allait un petit peu, effectivement,
00:55:45avec l'intention de vouloir, d'une part, vivre quelque chose de fort,
00:55:47parce qu'on savait que n'importe quelle pente raide de cet Acabie
00:55:52procure beaucoup de sensations,
00:55:53et aussi un petit peu dans une intention de vouloir vérifier la cotation,
00:55:56parce que 5.6, ça ne s'était jamais vu dans les Alpes.
00:55:59C'était une cotation nouvelle.
00:56:00Voilà. Et finalement, avant qu'on le décote,
00:56:02j'étais presque le seul au monde à avoir vu les deux 5.6 qui existaient,
00:56:05à savoir ce qu'avait fait Kilian Jornet en Norvège,
00:56:08parce que j'ai pu le voir,
00:56:10et Lepena Fasnor, du coup, en Vanoise.
00:56:13C'était assez intéressant,
00:56:14juste à quelques semaines d'intervalle, de voir les deux.
00:56:17Et en fait, on a quand même beaucoup d'expérience
00:56:20avec Nicolas et Olivier, et tous réunis, finalement.
00:56:23On a un nombre de pentes raides qui dépassent les 400,
00:56:27je pense, je dirais, à peu près dans ces eaux-là,
00:56:28dans le cinquième degré, en gros.
00:56:30Et c'est vrai qu'en fait, on l'a décoté à 5.4
00:56:34par rapport à tout ce qu'on avait pu faire auparavant.
00:56:37En fait, il y a vraiment une hétérogénéité
00:56:39dans les cotations de skis de pentes raides dans les Alpes.
00:56:44On observe vraiment des disparités entre les massifs.
00:56:47Ça vient d'une culture, en fait, différente.
00:56:49Mais c'est vrai que pour le coup, 5.6, en fait,
00:56:52ça nous avait vraiment étonnés, parce que ça dépasse
00:56:56ce qui avait déjà été coté par les anciens, si tu veux.
00:56:58Et finalement, nous, on trouvait ça surprenant
00:57:01qu'on puisse encore trouver ça dans les Alpes,
00:57:03du ski à plus de 55 degrés pendant très, très, très longtemps,
00:57:06et même du 60 degrés.
00:57:08Et finalement, on s'est aperçus que Xavier et Simon
00:57:11avaient eu beaucoup d'affect pour cette descente, je pense.
00:57:15Et puis, un comparatif aussi avec des pentes qui étaient mal cotées.
00:57:19Donc, ça biaise énormément les références.
00:57:23Et puis, peut-être aussi un manque d'expérience par rapport à nous,
00:57:26et un peu d'emballement aussi, parce que voilà,
00:57:28il y a eu un très gros temps d'avoir fait quelque chose.
00:57:31Et je l'ai vécu. Quand moi, j'avais 18 ans,
00:57:32j'ouvrais beaucoup de pentes raides et j'avais surcoté
00:57:35certaines choses, mais pas volontairement.
00:57:37Et puis, après, certaines personnes étaient venues
00:57:39un petit peu me taper sur les dents, en disant, mais non, mais...
00:57:41Et puis maintenant, je souscote un peu,
00:57:43mais là, sur le coup, sincèrement, 5.4, on était tous d'accord.
00:57:47À la fin de chaque descente, on fait un 3, 2, 1,
00:57:49et on donne notre cotation.
00:57:50Et là, on est...
00:57:51C'était unanime.
00:57:53Mais bien sûr, après s'être congratulé,
00:57:56puis après avoir fêté ça, voilà.
00:57:58Donc, il n'y a pas de rivalité entre Simon Welfringer
00:58:01et Benjamin Védrine ?
00:58:02Non, mais par contre, je pense qu'il ne faut pas qu'on ait peur
00:58:04dans notre culture, voilà, de remettre les choses en question.
00:58:07C'est hyper important pour qu'il y ait un lissage
00:58:09et pour qu'il y ait une bonne entente entre tout le monde,
00:58:11parce qu'après, sinon, ça crée des non-dits, ça crée des...
00:58:14Ça crée aussi beaucoup de peur, notamment, je donne un exemple,
00:58:18sur la compagne du client qui était avec nous,
00:58:21il ne comprenait pas pourquoi il allait dans un 5.6.
00:58:24Et du coup, ça biaise tout, parce que finalement,
00:58:25les gens pensent qu'ils ne sont pas capables de le faire
00:58:27parce qu'ils n'ont pas le niveau d'aller dans un 5.6.
00:58:29Alors qu'en fait, finalement, c'est accessible pour tous ceux
00:58:32qui font, par exemple, le couloir noir du coup de sabre
00:58:34dans les écrins, c'est accessible pour tous ceux
00:58:36qui ont déjà fait, par exemple, le Whimper à l'aiguille verte.
00:58:42Donc, ça rend plus accessible quelque chose
00:58:43qui voulait être rendu totalement élitiste.
00:58:47Des rivalités entre alpinistes, il y en a eu, dans les années 50,
00:58:50notamment René Demaison, qui était souvent contesté
00:58:53par une partie des guides de haute montagne de Chamonix.
00:58:56Et puis, il y a eu l'épisode Lachnall-Herzog à l'Annapurna.
00:59:01Si je ramène sur l'histoire de l'alpinisme et qu'on va parler
00:59:05de Serge Coupé, l'Annapurna, c'était le premier 8000 conquis
00:59:09en 1950 par des Français, le premier 8000 de toute l'histoire.
00:59:13Ce fut pas le seul.
00:59:14Il y en a eu deux des 8000 gravis par des Français.
00:59:18Le deuxième a moins marqué les esprits.
00:59:21C'était le Macallu, qui est quand même le cinquième sommet
00:59:23de la planète, qui était encore vierge en 1955.
00:59:26Une expédition française s'attaque à cette montagne.
00:59:29Il y avait votre père dans cette expédition, Denis Coupé,
00:59:32Serge Coupé, qui était le benjamin, je crois, d'ailleurs.
00:59:36C'était le plus jeune.
00:59:37C'était le plus jeune de l'époque.
00:59:39Il avait 29 ans.
00:59:41Il s'était retrouvé avec les...
00:59:42C'était des expéditions où on était sélectionnés pour partir.
00:59:46C'était l'équipe de France.
00:59:47Il y a un côté très national.
00:59:49C'était une expédition nationale et on était sélectionnés
00:59:52par la fédération.
00:59:54Il fallait...
00:59:57Avec un chef d'expédition.
00:59:58Avec un chef d'expédition, une structure, une hiérarchie
01:00:02qui n'avait rien à voir avec les expés d'aujourd'hui.
01:00:04Oui, on est dans un autre monde.
01:00:05C'était les débuts de l'Himalayisme.
01:00:09Ça, c'est votre père.
01:00:12Donc, pendant cette expé à 29 ans,
01:00:17il y avait une organisation presque militaire
01:00:20un peu sur ces expéditions avec beaucoup de porteurs,
01:00:22beaucoup de sherpas, une certaine hiérarchie aussi
01:00:24entre les participants.
01:00:26Oui, ils avaient un ordre, une hiérarchie très désignée
01:00:30pour savoir lequel allait faire le sommet en premier.
01:00:34Et par priorité aussi, si papa l'explique dans le livre,
01:00:39ils n'étaient pas sûrs que s'il s'était réussi au début,
01:00:44qu'ils laissent l'assaut numéro 4 se faire.
01:00:48Parce qu'en fait, le but était de conquérir le Macalu.
01:00:53Et donc, si c'était fait, eux n'étaient vraiment pas sûrs
01:00:55d'aller faire leur assaut.
01:00:58Donc, à la fin, c'est une expédition
01:01:00qui s'est très bien passée.
01:01:01Contrairement à la Napurna, il n'y a pas eu de polémiques,
01:01:03il n'y a pas eu de problèmes et ils sont tous rentrés.
01:01:07Et en fait, ça a peut-être été moins médiatisé
01:01:12parce que, justement, ça s'est bien passé.
01:01:13Là, on voit des images de l'époque, puisqu'il y avait un film
01:01:17tourné sur cette expédition nationale.
01:01:20Je parlais des sherpas.
01:01:21Je crois qu'il y en avait 50, 60.
01:01:24Oui, c'était des expéditions très lourdes.
01:01:26Alors, ils partaient aussi longtemps que toi.
01:01:29Avec un peu plus de matériel.
01:01:31Avec un peu plus lourd, quand même.
01:01:33C'est...
01:01:35Parce que le but est...
01:01:36On voit bien la différence entre les expés d'aujourd'hui
01:01:40et une expé comme ça à l'époque,
01:01:41où le portage était organisé, structuré.
01:01:45Ils avaient des mâles, ils avaient des tonnes de matériel.
01:01:49Malheureusement, ils en ont laissé beaucoup en route aussi,
01:01:51à l'époque, y compris l'oxy.
01:01:55Bon, une autre époque.
01:01:56Vous auriez aimé, Benjamin Védène, vivre cette époque de pionnier,
01:02:00en tout cas, pour ce qui est de l'Himalaya ?
01:02:03Après, la logistique, c'était effectivement...
01:02:07C'était normal à l'époque d'avoir autant d'éléments,
01:02:12d'avoir aussi une équipe conséquente avec des médecins.
01:02:15Mais par contre, le degré d'exploration était quand même...
01:02:20Il devait être excitant.
01:02:21C'était des explorateurs autant que des alpinistes.
01:02:24Donc ça, c'est sûr qu'on le jalouse.
01:02:26Je crois qu'ils ont mis trois jours de vol
01:02:29avec je ne sais plus combien d'escales pour aller à Katmandou.
01:02:32Oui, oui.
01:02:33Là, il n'y avait pas de cartographie GPS,
01:02:35il n'y avait pas de cartographie sous courant.
01:02:37Après, il y a aussi cette notion, justement,
01:02:38de ces équipes qui étaient créées.
01:02:41Ça devait aussi avoir un côté tensiogène entre certains membres,
01:02:44j'imagine, mais il devait y avoir aussi un côté sympathique
01:02:46de se retrouver tous ensemble.
01:02:48Et on en discutait notamment avec des collègues
01:02:51que ça pourrait être sympa d'essayer un jour
01:02:53de pouvoir faire une expédition avec, je ne sais pas,
01:02:55dix alpinistes français,
01:02:57parce que finalement, on part en équipe très réduite.
01:03:00Et de faire un gros objectif avec beaucoup de personnes,
01:03:03un peu la foire, ça me viendrait bien à l'idée un jour.
01:03:06Là, il y avait les huit meilleurs,
01:03:07puisque c'était une sélection nationale.
01:03:10Il y avait Lionel Therré, il y avait Jean Cousy,
01:03:12Jean Franco, Guido Magnone,
01:03:13qui sont des noms qui ont marqué l'histoire de la montagne,
01:03:17de l'Himalaya, des Alpes.
01:03:21Effectivement, il faut faire cohabiter
01:03:23toutes ces personnalités, ces égos.
01:03:24Votre père avait un caractère assez fort aussi.
01:03:27Oui, je pense qu'on peut le dire, oui.
01:03:29J'écoutais Benjamin tout à l'heure.
01:03:32Je disais, en fait, oui, il n'aimait pas monter en second,
01:03:36il n'aimait pas dépendre de quelqu'un d'autre
01:03:40accroché sur la même corde que lui.
01:03:41Et puis après, dans le livre, il dit à un moment,
01:03:44il dit qu'il avait fini par faire du solo,
01:03:48parce qu'en fait, il a vraiment fait des grandes courses
01:03:50en solitaire dans les Alpes, entre autres,
01:03:54mais au tout début du solo.
01:03:55Et il dit, de toute façon, j'ai préféré le solo
01:03:58parce que les gens se plaignaient.
01:04:00J'allais trop vite et je mangeais pas assez.
01:04:04Voilà comment il a été conduit au solo.
01:04:06Et après, forcément, ce genre de caractère
01:04:08dans une expé structurée, organisée avec une hiérarchie.
01:04:13Papa n'aimait pas trop la hiérarchie non plus.
01:04:15Donc c'était, je crois qu'il l'explique pas trop mal,
01:04:18j'ai l'impression qu'il a lu.
01:04:19– On sent dans ce livre que, par exemple, avec Lionel Therré,
01:04:22il n'y a pas forcément une grande affinité.
01:04:24– Oui, alors, il a tenu à rétablir un certain nombre de vérités
01:04:29et de les écrire pour laisser sa vérité avant de partir.
01:04:35Donc, je pense qu'il y attachait une grande, grande importance.
01:04:42– Alors, Lionel Therré, qui était la grande star de l'époque,
01:04:45alpiniste grenoblois, qui était fléché pour être le premier
01:04:50à franchir, enfin à gravir le Macalus si les conditions étaient réunies.
01:04:54Votre papa faillit lui griller la priorité, ce jour-là.
01:04:59– Oui, dans les jours qui précèdent, sur une reconnaissance,
01:05:04ils étaient deux, ils se sont posés la question
01:05:06de savoir s'ils désobéissaient et qu'ils allaient au sommet
01:05:09parce que je crois qu'ils étaient à 7 000.
01:05:12Et je pense que papa avait très envie d'y aller,
01:05:16mais il savait que ce n'était pas raisonnable.
01:05:19Il a demandé à son compagnon de cordée, on y va, on n'y va pas ?
01:05:23Et heureusement, on lui a dit non, parce que sinon,
01:05:26je pense qu'il ne s'aurait pas très bien passé.
01:05:28– Ça aurait peut-être créé une petite polémique au sein de cette équipe d'élite.
01:05:32Au final, les huit grimpeurs d'élite français
01:05:35ont fini par arriver au sommet du Macalus
01:05:38et lui, avec quelques jours de décalage.
01:05:40Là, je crois que d'ailleurs, ce sont les images qu'on voit,
01:05:42ce sont celles du jour où Serge Coupé a posé le pied au sommet de cette montagne.
01:05:49– Oui, ils ont eu des conditions fantastiques,
01:05:51a priori, d'après ce qu'il a relaté.
01:05:54Et il a un peu démystifié l'événement en disant qu'en fait,
01:05:59tout s'était bien passé, je pense qu'il serait monté,
01:06:01je ne sais pas, au pic Nord des Cavalles, ce n'était pas plus compliqué.
01:06:05– Oui, c'est presque trop facile, même, par rapport à ce qu'ils avaient envisagé.
01:06:09L'exploit avait peut-être un peu moins de saveur, finalement.
01:06:14– C'était très bien, d'ailleurs, qu'ils reviennent tous entiers, sans problème.
01:06:22C'est une expédition réussie.
01:06:26Après, il y en a eu beaucoup d'autres, là-bas, qui ne se sont pas si bien passées.
01:06:33Je pense qu'on réalise aujourd'hui l'exploit qu'ils avaient eu.
01:06:37Alors, peut-être qu'ils ont eu de la chance,
01:06:39puisque toutes les conditions étaient réunies,
01:06:40mais je pense que pour l'époque, c'était vraiment un exploit incroyable.
01:06:45– Oui, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
01:06:47C'est peut-être parce qu'il n'y a pas eu de drame
01:06:48que cette page de l'histoire de l'alpinisme mondial
01:06:52a moins marqué, peut-être, que d'autres.
01:06:55C'était en tout cas pas le seul exploit de Serge Coupé.
01:06:58Il a ouvert de nombreuses voies d'escalade, je disais,
01:07:00en Chartreuse, dans le Vercors, et surtout dans le massif de Loisan,
01:07:04une époque où l'activité escalade était encore peu pratiquée.
01:07:07Je crois qu'on grimpait sans casque, par exemple.
01:07:09– Ils grimpaient sans casque.
01:07:10– Ça fait souhaiter à Benjamin, mais…
01:07:13– Oui, ça fait penser aussi à Jean-Michel Camon qui grimpait sans casque.
01:07:15– Oui, c'est vrai.
01:07:16– Avec un foulard.
01:07:17– C'était un bonnet, je crois, pour se protéger des chutes de pierre.
01:07:21– Il y avait des chaussettes dans le bonnet au cas où il y a une pierre qui tombe.
01:07:25– En tout cas, ce bouquin nous plonge dans une époque
01:07:30d'une autre époque, avec d'autres codes.
01:07:32Une époque où le secours en montagne, par exemple, se faisait à Dodome.
01:07:35Votre papa, plusieurs fois, a redescendu des alpinistes,
01:07:38morts ou vivants d'ailleurs, sur ses épaules.
01:07:40– Oui, c'était une époque où le secours en montagne
01:07:42n'était pas structuré comme aujourd'hui, et où en fait,
01:07:45on voit à un moment les premiers gendarmes de haute montagne
01:07:48commencer à s'organiser pour faire des secours.
01:07:51Mais en fait, dès que le secours devenait compliqué ou technique,
01:07:55ils appelaient les meilleurs alpinistes de l'époque.
01:07:57Donc, papa explique que plusieurs fois, on lui demande…
01:08:01Alors, soit c'est des accidents auxquels il a été confronté
01:08:05parce qu'il était dans une voie à côté, ou pas très loin,
01:08:08et du coup, ils se sont déroutés pour aller porter secours
01:08:12ou redescendre des blessés, voire des morts.
01:08:16Ou alors, ils étaient sollicités pour aller monter des expéditions de secours.
01:08:21Mais c'était des vraies expéditions de secours.
01:08:24Il a arrêté sa carrière de haut niveau, en tout cas à 32 ans,
01:08:27ce qui est jeune, c'est pratiquement l'âge de Benjamin,
01:08:30qui n'a pas envie d'arrêter, j'imagine, pas tout de suite.
01:08:33C'était un compétiteur.
01:08:35C'était un compétiteur quand il a… Il y a eu plusieurs facteurs.
01:08:38Quand il a vu arriver d'autres qui pouvaient peut-être aller aussi vite que lui,
01:08:41je pense qu'il était moins motivé.
01:08:45C'est assez explicite.
01:08:47Il dit que la compétition était la motivation
01:08:53plus que l'alpinisme en tant que tel,
01:08:55ce qui était pour l'époque quand même assez disruptif.
01:08:58Et puis après, il a eu une famille
01:09:01et il savait quand même que ce qu'il faisait, c'était dangereux.
01:09:05Il a eu la sagesse d'arrêter avant que ce soit trop tard.
01:09:08Il vous a initiés, vous, à aller à la montagne, ces enfants ?
01:09:10Vous avez une sœur également ?
01:09:12Oui, alors on a fait des trucs quand on était gamins,
01:09:16mais en fait, il nous a jamais poussés à faire de la montagne
01:09:19parce que je pense qu'il avait une notion du risque
01:09:22et de la chance qu'il avait eue d'en sortir du bon côté.
01:09:25Donc il ne nous a pas forcément poussés à faire la même chose que lui.
01:09:28Et puis non, on n'avait pas forcément envie de faire la même chose que lui
01:09:31parce que de toute façon, il l'avait déjà fait
01:09:32et qu'on aurait vraiment du mal à faire aussi bien.
01:09:34Donc on a fait autre chose.
01:09:35Il est mort à 95 ans,
01:09:37ce qui est presque une exception parmi tous ceux qu'il a côtoyés
01:09:40dans sa carrière de grimpeur.
01:09:43Beaucoup sont restés sur les montagnes qui les attiraient tant.
01:09:47Ça s'appelle ma voix de la résistance au grand alpinisme
01:09:49puisqu'il a connu, quand il était lycéen à Chambéry,
01:09:53il a connu l'occupation italienne et allemande.
01:09:56Oui, il a été lycéen pendant la guerre et il a un peu pris le maquis.
01:10:03Il est monté dans les Boges, il a organisé un peu la résistance.
01:10:08Mais les marches d'approche qu'il a faites plus tard,
01:10:11c'était des marches d'approche qu'il a faites sur le capital
01:10:14qui s'était créé à ce moment-là,
01:10:15parce qu'en fait, il marchait énormément, il faisait du vélo,
01:10:18il faisait de la marche pendant la guerre pour être mobile,
01:10:23amener du matériel aux gens qui en avaient besoin.
01:10:27Oui, il a eu une vie très remplie.
01:10:30Voilà, elle est là, cette vie.
01:10:32Il n'a qu'un défaut, ce livre de 500 pages,
01:10:35c'est qu'il est un peu trop lourd pour que Jérémy puisse l'emmener
01:10:38en vadrouille, je ne sais pas combien il pèse,
01:10:41mais à mon avis, il ne passera pas le test.
01:10:45J'ai toujours des solutions, je pourrais par exemple me lire
01:10:48et m'enregistrer pour pouvoir le réécouter dans les oreilles.
01:10:52Écoute, moi, j'ai d'autres solutions à proposer
01:10:56à ceux qui font attention à partir léger en montagne,
01:10:59puisque les éditions Glena, notamment,
01:11:02ressortent des livres en forme à poche,
01:11:04donc beaucoup plus léger, ce sont les népalaises de l'Everest,
01:11:08Dan, Benoît, Jeannin, qui racontent l'histoire de neuf Népalaises
01:11:12qui vont s'émanciper de leurs conditions
01:11:15en gravissant justement les 8 000 qui les entourent.
01:11:18Et puis, il y a également un naufrage au Mont-Blanc,
01:11:20qui est un best-seller d'Yves Ballu
01:11:22sur l'affaire Vincent Don et Henri,
01:11:23une affaire qui a marqué les esprits en 1957
01:11:27de jeunes alpinistes qui vont mourir à portée de vue
01:11:31sous le Mont-Blanc au début de l'hiver.
01:11:34Et c'est cette affaire qui, derrière, incitera les autorités
01:11:37à créer du secours aux montagnes professionnelles,
01:11:40qu'on n'ait plus besoin de faire appel aux bonnes volontés de l'époque.
01:11:45Et puis, dernier livre en forme à poche,
01:11:48là, ce sont les éditions Paulsen qui s'y mettent aussi.
01:11:51C'est signé Jean-Michel Asselin, Patrick Edlinger,
01:11:53La liberté à mains nues.
01:11:55Et regardez bien cette couverture de Patrick Edlinger.
01:12:00Ça m'a fait penser à une image, là, c'est Benjamin Védrine.
01:12:04Cet été, elle a dit Bonnard.
01:12:06Voilà, il y a un lien quand même, Benjamin.
01:12:08C'était le clin d'œil, quand même.
01:12:10Je pouvais le faire à ce moment-là.
01:12:11Je me suis dit, allez, lâche les pieds.
01:12:13Voilà, Patrick Edlinger qui a aussi marqué
01:12:16des générations de grimpeurs dans les années 80
01:12:19avec ses solos très novateurs pour l'époque.
01:12:23Merci à tous les trois d'être venus sur...
01:12:27Je vais les rendre à Jérémy parce que j'ai l'impression
01:12:31que Benjamin, je ne sais pas, ce n'est pas son style.
01:12:33Je pourrais être attiré, mais une prochaine fois,
01:12:35en tout cas, le fromage m'attire davantage.
01:12:38Le fromage, il faudra qu'il en ramène de sa prochaine expédition
01:12:40parce que vous partez en Himalaya la prochaine fois.
01:12:43Oui, je repars en Himalaya, pas très loin du Pakistan.
01:12:46Je vais essayer de partir de Srinagar,
01:12:48la capitale du Cachemire indien,
01:12:49et marcher plein Est jusqu'au Népal pendant 3-4 mois.
01:12:54Très bien. Benjamin ira un peu plus vite sur son cadeau.
01:12:57On ne sera pas très loin.
01:12:58Mais vous ne serez pas très loin.
01:13:00Du haut de ta montagne, tu me verras peut-être.
01:13:04Merci en tout cas à tous les trois d'avoir partagé ces aventures.
01:13:07On se retrouve prochainement pour d'autres grands terres.