La Pologne à la croisée des chemins, 20 ans après son adhésion à l'Union européenne
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00:03 Bienvenue dans les informés de l'Europe, votre rendez-vous du dimanche.
00:07 Pour décrypter l'actualité européenne, à mes côtés François Bodonnet,
00:09 rédacteur en chef de la rédaction européenne de France Télévisions.
00:12 Bonjour François.
00:13 Bonjour Benjamin.
00:14 Et cette semaine à un mois des élections européennes,
00:16 nous démarrons une série d'émissions spéciales consacrées à différents pays.
00:20 Aujourd'hui direction la Pologne, un pays qui a rejoint l'UE il y a tout juste 20 ans,
00:24 c'était le 1er mai 2004.
00:26 Mais avant tout François, je vous laisse nous présenter nos informés de la semaine.
00:29 Aujourd'hui nous sommes avec Anna Kowalska,
00:31 qui est journaliste correspondante à Paris de la TVP,
00:34 qui est la télévision publique polonaise.
00:37 Et puis avec Marc Semo, journaliste spécialiste des questions internationales
00:41 pour le journal Le Monde et le magazine Challenge.
00:44 Avant de parler des enjeux des élections européennes en Pologne
00:47 et de leurs conséquences pour le reste de l'Europe,
00:49 François, je vous propose de nous faire une petite fiche mémo sur ce pays avant.
00:52 Oui, alors il faut commencer par dire que la Pologne est un grand pays,
00:55 un grand pays européen, on le sait assez peu en fait en France.
00:59 Grand par son histoire très riche, bien sûr,
01:00 grand par son nombre d'habitants, 37 millions d'habitants,
01:04 et aussi par sa superficie, qui est légèrement inférieure à celle de l'Allemagne.
01:08 Un pays qui s'est incroyablement enrichi depuis son entrée dans l'Union européenne il y a 20 ans.
01:13 Aujourd'hui, la richesse de la Pologne est supérieure, par exemple,
01:16 à celle de l'Autriche ou de la Belgique.
01:18 Sur le plan politique, après 8 ans, on va dire, de démocratie illibérale,
01:23 avec un pouvoir sans partage du PiS, le parti droit et justice des frères Kaczynski,
01:28 une droite ultra conservatrice et eurosceptique.
01:31 Le pays s'est choisi il y a quelques mois maintenant,
01:33 un premier ministre pro-européen, Donald Tusk.
01:36 La Pologne, qui est le plus fidèle soutien de l'Ukraine, sa voisine,
01:39 mais qui subit également le plus durement les conséquences de la guerre en Ukraine.
01:44 Une Pologne polarisée, écartelée,
01:47 entre les soutiens d'un président eurosceptique et ceux d'un premier ministre pro-européen.
01:51 C'est ce que nous décrit depuis Varsovie, Martin Chabal, le correspondant de France Info.
01:57 La Pologne est de plus en plus divisée sur le sujet de l'Union européenne.
02:00 On a d'un côté la Pologne, pays frère de l'Ukraine,
02:02 grand soutien de Kiev au sein de l'UE.
02:04 De l'autre, des campagnes en colère contre les importations de grains ukrainiens
02:08 qui déstabilisent le marché local.
02:10 Alors le volet militaire est forcément l'une des principales préoccupations ici.
02:14 Aider l'Ukraine, c'est empêcher la Russie de se rapprocher de la Pologne.
02:17 L'aide financière de l'UE est aussi très importante pour la Pologne,
02:20 qui accueille encore environ près d'un million de réfugiés ukrainiens.
02:23 Mais après deux ans de guerre, le sentiment anti-européen est de plus en plus fort.
02:27 Notamment chez les agriculteurs qui subissent de plein fouet les conséquences de la guerre.
02:31 Surtout que dans ce contexte très compliqué, Bruxelles tente d'imposer son pacte vert,
02:36 la goutte de trop pour les agriculteurs qui jugent ces nouvelles règles écologiques
02:39 beaucoup trop restrictives.
02:41 Les élections européennes pourraient donc souligner le fort contraste
02:44 entre les anti- et les pro-européens.
02:47 - Martin Chabal à Varsovie, merci beaucoup.
02:49 La Pologne est un cas à part en Europe parce que,
02:52 à l'inverse d'un grand nombre de pays de notre continent,
02:54 les électeurs polonais passent de la droite ultra conservatrice vers le centre droit.
02:59 Les élections européennes devraient conforter ce glissement.
03:02 Et le nouveau gouvernement a beaucoup de travail, on va le voir,
03:05 pour restaurer l'état de droit qui avait été supprimé, on le rappelle,
03:08 par la démocratie libérale mise en place par le PIS, le Parti droit et justice.
03:12 - Alors on va reparler justement de tout ça dans les prochaines minutes.
03:15 Mais d'abord une question pour vous, Anna Kowalska.
03:17 François le disait tout à l'heure, votre pays est le grand gagnant de son intégration dans l'UE.
03:22 Pourquoi cette adhésion a-t-elle été plus bénéfique pour la Pologne que pour la Hongrie, par exemple ?
03:26 - Il y a beaucoup de raisons.
03:27 La première, la plus simple, c'est effectivement l'accès aux fonds européens.
03:29 La Pologne en a reçu 160 milliards net en 20 ans.
03:33 Mais ça, c'est juste une partie d'une explication,
03:35 parce que tous les pays de la région, selon leur superficie,
03:38 nombre d'habitants en ont reçu autant.
03:42 Je pense qu'il y a surtout un grand nombre d'investissements étrangers
03:45 qui est arrivé en Pologne déjà après 90, mais en Suisse surtout après 2004,
03:49 beaucoup plus que par exemple en Slovaquie ou en Hongrie,
03:52 parce que la Pologne est plus grande, la Mendev est très qualifiée.
03:55 Et c'est surtout aussi un pays où la Mendev,
03:59 donc les habitants vol-preuvés qui sont pro-européennes,
04:01 il en a été très complexé par notre histoire communiste.
04:05 La Pologne aujourd'hui sont ceux qui travaillent le plus dur,
04:08 qui sont aussi très entrepreneurs.
04:10 Il y a une énorme diversification de ressources en Pologne.
04:13 Par exemple, en Slovaquie, c'est l'industrie automobile qui règne.
04:15 En Pologne, ce n'est pas du tout le cas.
04:17 On exporte les fenêtres, les voitures, les fruits et légumes.
04:20 Il y a aussi des services à la personne,
04:22 services financiers qui sont très développés.
04:24 Donc, tout ça crée une réussite économique qui, effectivement,
04:27 est plus grande que dans d'autres pays.
04:29 Aujourd'hui, le PIB de la Pologne, depuis 20 ans, a augmenté de 100%.
04:34 En Hongrie, de cinquantaine de pourcent.
04:36 Les Polonais sont aujourd'hui en moyen plus riches que les Grecs.
04:39 Les Portugais, dans cinq ans, selon la Banque mondiale,
04:41 vont être plus riches que les Italiens,
04:43 dans dix ans plus riches que les Britanniques.
04:45 C'est quelque chose qui n'était pas imaginable il y a encore quelques années.
04:48 - Marc Semo, est-ce qu'on peut dire pour autant,
04:50 à travers cet exemple polonais qui nous montre
04:52 qu'en Europe, les élargissements fonctionnent,
04:54 qu'ils fonctionnent ?
04:55 Par exemple, qu'un pays plutôt pauvre, au départ,
04:58 peut en quelques décennies rattraper,
05:00 même dépasser, des pays entrés avant lui ?
05:02 - Anna l'a très bien dit.
05:03 Ça dépend notamment de la vigueur de la société civile.
05:06 Et effectivement, ce miracle polonais,
05:07 parce qu'on peut dire clairement que c'est un miracle,
05:09 il y a vingt ans, la Pologne était,
05:11 au moment de la chute du mur,
05:12 plus exactement il y a plus de vingt ans,
05:13 la Pologne était plus ou moins dans la même situation économique
05:15 que l'Ukraine aujourd'hui, vous l'avez très bien dit.
05:17 Elle a dépassé le Portugal comme pipe par habitant,
05:20 elle talonne l'Espagne, elle va bientôt dépasser l'Italie.
05:22 Donc c'est une vraie success story.
05:23 La société civile explique beaucoup de choses.
05:25 Cette vigueur, cette mobilisation, cette volonté de revanche.
05:28 On a été arraché à notre histoire par le communisme.
05:32 On veut revenir en Europe et à l'Occident.
05:37 Ensuite, il y a un autre élément qui montre malgré tout
05:39 que l'économie n'est pas tout.
05:40 Encore aujourd'hui, une majorité de Polonais, 56 %,
05:45 ne veulent pas de l'euro.
05:47 Alors, il y a des aspects économiques,
05:48 parce qu'elle permet aussi de faire du dumping au niveau monétaire.
05:51 Mais surtout, c'est aussi cette idée,
05:53 ben voilà, cette indépendance si chèrement acquise,
05:55 il ne faut pas oublier que la Pologne avait été rayée de la carte
05:57 au XIXe siècle, il n'y avait plus que l'Empire ottoman
05:59 qui continuait à la reconnaître.
06:01 Ils tiennent à ces éléments de l'indépendance.
06:05 Et je terminerai là-dessus.
06:06 Il n'y a que ça ?
06:07 Et on voit, oui, pardon pour le refus de l'euro, il n'y a que ça.
06:10 Mais ce qu'on voit aussi aujourd'hui,
06:14 c'est qu'on l'a vu avec la victoire du PiS.
06:16 Alors, justement, la Pologne a fait cette expérience
06:19 de l'impasse de l'ultrapopulisme avant les autres pays européens.
06:22 Et c'est pour ça qu'elle en sort aujourd'hui.
06:23 Mais tout ça n'a pas empêché qu'en 2015,
06:26 le PiS, le Parti droit et justice, ait remporté les élections.
06:31 Donc, ça montre que c'est beaucoup plus complexe
06:33 qu'une simple question de bien-être et de niveau de vie.
06:35 Alors, justement, un succès économique.
06:37 Mais François, vu de Bruxelles,
06:39 l'élargissement à la Pologne n'a pas eu que du positif.
06:42 Non, ça n'a pas été un long fleuve tranquille
06:44 depuis ces 20 dernières années et en particulier parce que le PiS,
06:48 on l'a dit, avait créé en Pologne une démocratie illibérale,
06:52 par exemple, en sapant carrément l'indépendance de la justice.
06:56 Et on peut même dire que c'est même pour la Pologne
06:58 et aussi pour la Hongrie qu'a été inventé un principe
07:01 qui n'existait pas jusqu'à présent.
07:03 C'est le principe de conditionnalité du versement des fonds européens.
07:07 En gros, si un État ne respecte pas l'État de droit,
07:10 il ne reçoit pas l'argent de Bruxelles.
07:12 Et c'est pour la Pologne, entre autres, que ça avait été inventé.
07:14 Alors, après, il y a eu la guerre en Ukraine
07:16 qui a quand même complètement fait bouger les lignes.
07:18 On l'a dit, beaucoup de réfugiés ukrainiens, beaucoup d'armes,
07:22 toutes les armes qui partent en Ukraine passent par la Pologne.
07:25 Les militaires ukrainiens sont également formés,
07:28 par exemple par les Français, sur le sol polonais.
07:33 Et puis, il y a eu l'élection de Donald Tusk,
07:36 donc qui est l'ancien président du Conseil européen.
07:37 Donc aujourd'hui, on peut dire que la Pologne est de retour en Europe.
07:41 Et d'ailleurs, début mars, la Commission européenne a dit
07:43 qu'elle allait débloquer 137 milliards d'euros pour la Pologne d'ici 2027.
07:48 C'est une manne absolument gigantesque d'argent.
07:51 Elle a aussi donné de l'argent aux fermiers polonais.
07:53 Donc, vous voyez, tout ça est très politique,
07:56 même si tout n'est pas complètement rose quand même,
07:57 parce que par exemple, Donald Tusk, pro-européen,
08:00 a dit qu'il refusait le principe de solidarité dans le pacte asile-migration.
08:05 Vous savez que les pays européens devront accueillir des migrants.
08:09 Ceux qui ne veulent pas devront payer 20 000 euros par personne.
08:13 Il a dit ça, c'est hors de question, on ne le fera pas.
08:15 Alors voilà pour l'aspect économique.
08:16 On va évoquer dans quelques instants des questions plus politiques.
08:19 Avec vous, Marc Semo et Anna Kowalska.
08:21 Vous restez avec nous pour la suite des informés.
08:22 Après, le Fil info à 10h moins 10 avec Claire Chicaglini.
08:26 La version du policier à l'épreuve d'une reconstitution des faits.
08:29 Elle a débuté ce matin à Nanterre, sous haute surveillance.
08:32 Le motard qui a tiré sur Nahel explique avoir fait un usage légitime de son arme.
08:37 Les passagers de la voiture conduite par l'adolescent affirment le contraire.
08:40 La vidéo du tir devenu viral avait provoqué des émeutes
08:43 d'une violence inédite depuis 2005 partout en France.
08:47 Emmanuel Macron plaide pour un changement de politique des Européens vis-à-vis de la Chine.
08:51 Dans un entretien à la Tribune dimanche, selon le chef de l'État,
08:54 la deuxième économie mondiale est devenue surcapacitaire
08:57 et non plus seulement un marché de débouchés.
08:59 Le président veut donc davantage de réciprocité.
09:02 Demain, Xi Jinping entame une visite d'État en France de deux jours.
09:05 Le Brésil engagé dans une course contre la montre
09:08 pour venir en aide à près de 70 000 sinistrés.
09:10 Ils enfuient les inondations meurtrières du sud du pays.
09:13 Un million de foyers sont privés d'eau courante.
09:16 Un coup de théâtre qui pourrait sauver à tous.
09:18 Les créanciers de l'ancien fleuron de la tech française
09:21 sont finalement prêts à refinancer une partie du groupe.
09:23 Le géant de la cybersécurité doit faire face à une dette de 4,8 milliards.
09:28 Les informés de l'Europe, la suite.
09:40 Et ce matin, nous évoquons les 20 ans de l'intégration de la Pologne
09:44 dans l'Union européenne en compagnie de nos informés.
09:47 Anna Kowalska, journaliste correspondante à Paris de la télévision publique polonaise
09:51 et Marc Semo, journaliste spécialiste des questions internationales
09:54 pour le journal Le Monde et le magazine Challenge.
09:56 On a évoqué les questions économiques.
09:58 On va évoquer peut-être aussi la politique.
10:00 Anna Kowalska, avec un autre aspect intéressant d'évolution de la Pologne,
10:04 c'est que votre pays prouve qu'il est possible de revenir vers une démocratie libérale.
10:09 Mais c'est difficile.
10:10 C'est très difficile.
10:11 Donald Tusk a gagné les élections parce qu'il a promis 100 réformes pour 100 premières jours.
10:16 Il en a réalisé 17 parce que, comme dit le gouvernement,
10:20 il est très difficile justement de progresser dans un État
10:24 où la loi était tellement massacrée.
10:27 C'est une situation pendant des années.
10:30 Aujourd'hui, le gouvernement a du mal à progresser
10:32 parce que le président Andrzej Duda, qui en Pologne constitutionnellement,
10:36 signe toutes les lois.
10:37 - Donc il faut tout retricoter, toutes les lois ?
10:39 - Il faut quasiment.
10:40 Il y a beaucoup de chantiers, très grands chantiers.
10:42 Première, la justice, qui est tribunal constitutionnel,
10:46 par exemple, le Conseil national de magistrature,
10:48 qui ont été remplacés par les gens de parti
10:51 et qui aujourd'hui sont considérés par le communauté internationale
10:59 comme non démocratiques.
11:00 Ça, il faut absolument changer.
11:02 C'est un chantier qui a été ouvert.
11:03 Par ailleurs, c'est la raison pour laquelle la Commission européenne
11:06 a débloqué les fonds de plan de relance,
11:09 parce que le ministre de la Justice a proposé un plan de réforme,
11:12 mais qui ne va pas arriver tout de suite, encore une fois,
11:14 parce que le président essaie de bloquer toutes les lois.
11:17 Un autre grand chantier, ce sont les médias publics,
11:21 surtout télévision et radio public, donc médias audiovisuels.
11:25 Mais tout ça est très compliqué,
11:27 justement parce qu'il y a des gens de parti qui sont mis un peu partout,
11:30 tribunal constitutionnel, Conseil de l'audiovisuel,
11:33 pour les changer, il faut attendre, soit avoir la signature du président.
11:36 - Ça peut prendre combien de temps ?
11:38 - Ça peut prendre...
11:39 Conseil audiovisuel, je pense que c'est 2027,
11:42 mais les prochaines élections présidentielles, c'est dans deux ans,
11:45 moins que deux ans.
11:46 - Et le audiovisuel, la situation a été très tendue,
11:50 parce qu'il y a des gens qu'on est allé chercher,
11:52 dans leur bureau presque.
11:53 - Oui, moi je travaille pour la télévision publique,
11:56 je fais effectivement partie de cette nouvelle équipe
11:58 qui est arrivée après les élections.
12:00 En décembre, c'était très compliqué,
12:02 parce que les gens de parti, ancien parti,
12:05 qui a donc perdu les élections, bloqués des bureaux,
12:07 bloqués du siège de la télévision publique.
12:10 Et il ne faut pas oublier que c'est une télévision publique
12:12 en de plus vieilles en Europe, avec une très longue histoire,
12:15 télévision culte.
12:16 Donc c'était vraiment difficile à voir.
12:18 Mais ce qui est intéressant, c'était la réforme
12:20 que les Polonais attendaient le plus.
12:22 Une réforme de l'audiovisuel public,
12:24 parce que c'est devenu un tel outil de propagande
12:27 que plus personne ne voulait le regarder.
12:29 Et c'est devenu aussi un signe, un peu, de règne de peace en Pologne.
12:33 Encore une fois, avec la justice, qui est aujourd'hui
12:36 un très grand chantier, très difficile à résoudre.
12:38 - François ?
12:39 - Oui, je crois que c'est intéressant,
12:40 parce qu'effectivement, on voit que partout,
12:42 c'est l'audiovisuel public qui est au cœur,
12:45 je dirais, des préoccupations des politiques.
12:47 Et quand ils arrivent en place, ils essayent de modifier,
12:51 de changer cet audiovisuel public.
12:53 - Marc Semo, sur le plan européen,
12:55 les ambitions de la Pologne évoluent également,
12:58 en particulier sur le plan militaire.
13:00 Varsovie a pour ambition de créer la plus grande armée
13:02 de terres du continent.
13:03 Comment est-ce que c'est possible ?
13:04 Est-ce qu'on peut envisager que l'armée polonaise
13:06 soit plus forte que l'armée française, par exemple ?
13:08 - D'abord, il y a une prise de conscience de la part de Varsovie
13:10 de son rôle politique et historique en Europe.
13:13 Et de fait, aujourd'hui, l'Europe ira vers un triumvirat.
13:16 Aujourd'hui, le moteur de l'Europe, si on englobe tout
13:19 pour reprendre la problématique d'Emmanuel Macron,
13:21 y compris les questions de sécurité et d'autonomie stratégique,
13:24 c'est Paris, Berlin, Varsovie.
13:26 Alors, la plus grande armée d'Europe,
13:28 d'abord, il faut voir qui est son adversaire.
13:31 Ce que veut faire la Pologne, c'est une armée de masse.
13:33 300 000 hommes, ça serait la troisième de l'OTAN,
13:36 derrière les États-Unis et la Turquie.
13:38 Et l'idée là, c'est que son ennemi, la menace évidente,
13:43 c'est celle de la Russie.
13:44 On voit le conflit en Ukraine,
13:46 premier conflit de haute intensité en Europe
13:47 depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
13:49 C'est un conflit de masse.
13:51 Donc, le modèle d'armée qui était celui, par exemple, de la France,
13:55 parce qu'il n'empêche pas que la France garde un rôle leader
13:58 de par le fait qu'elle a l'arme nucléaire,
13:59 mais au niveau de l'armée elle-même,
14:01 qui est une armée de projection,
14:03 et ce qu'on a appelé un peu ironiquement une armée bonsaï,
14:05 c'est-à-dire capable de faire bien un peu de tout, mais en petit,
14:09 aujourd'hui, non, il faut une armée de masse.
14:11 Et c'est là-dessus que misent les Polonais.
14:14 Ils ont acheté, par exemple, plus d'un millier de chars
14:16 aux Américains et aux Sud-Coréens, pour avoir le matériel.
14:20 Il y a une évidente complémentarité avec la France,
14:23 c'est-à-dire la France garde son siège permanent
14:26 au Conseil du sécurité, l'arme nucléaire,
14:28 et qui évidemment concerne l'ensemble des Européens,
14:31 même s'il est hors de question de partager la décision finale.
14:35 Et de l'autre, une armée polonaise de masse,
14:38 et qui en plus sera renforcée par des intégrations
14:41 qui seront de plus en plus évidentes avec l'armée ukrainienne,
14:43 qui par ailleurs sera l'armée non seulement la plus nombreuse,
14:46 mais celle qui aura eu aussi l'expérience du feu.
14:48 - Et depuis 20 ans, François, la Pologne se plaignait
14:50 de ne pas être écoutée, elle disait au capital de l'Ouest de l'Europe,
14:53 Paris, Berlin, "Attention, la Russie est un pays dangereux,
14:56 personne ne l'écoutait", ça a changé un peu ?
14:58 - Je crois que ça a changé, je ne sais pas ce qu'en pense un,
15:00 mais moi je crois que ça a changé parce qu'en fait,
15:02 aujourd'hui, la Pologne est prise au sérieux,
15:05 ça revient à ce que disait Marc, alors pour diverses raisons.
15:08 D'abord parce que c'est un rempart, on va dire,
15:10 entre l'Union européenne et un pays en guerre,
15:12 qui est l'Ukraine, aussi pour ces raisons des ambitions militaires
15:15 dont vous venez de parler, pour sa croissance économique,
15:17 dont on vient de parler également,
15:19 et puis aussi parce que le moteur franco-allemand
15:21 est en panne aujourd'hui, et donc il faut bien qu'il y ait une capitale,
15:23 d'une certaine façon, qui prenne la relève.
15:26 Il y a aussi évidemment l'élection de Donald Tusk,
15:29 qui est l'ancien président du Conseil européen,
15:30 ça c'est aussi une raison.
15:31 Et puis je crois que globalement, les positions de l'Ouest
15:33 envers la Russie sont en train de changer,
15:36 et l'exemple le plus marquant, c'est évidemment l'exemple français,
15:39 avec Emmanuel Macron, qui était sur une ligne, on va dire,
15:42 allez, un peu douce vis-à-vis de la Russie au début du conflit,
15:46 et qui maintenant est passé carrément sur une ligne plus dure,
15:49 qui est très proche finalement de la position polonaise, par exemple.
15:53 - François, il nous reste 30 secondes,
15:54 puisqu'on est à un mois du scrutin,
15:56 est-ce que le vote de la Pologne aura un rôle central
15:58 dans la composition du futur hémicycle ?
16:00 - Alors écoutez, il y a à peu près...
16:03 Enfin, le nombre de députés européens polonais, c'est 53.
16:06 Donc voilà, la question, ça va être de savoir
16:09 combien le PIS va envoyer de députés européens au Parlement européen.
16:15 Aujourd'hui, le PIS arrive en deuxième position dans les sondages en Pologne,
16:18 donc avec 25%.
16:21 Voilà, donc on va regarder ça,
16:23 sachant qu'en ce qui concerne les eurosceptiques,
16:25 le pays qu'il faut suivre, c'est surtout un pays voisin,
16:28 c'est la Hongrie avec le parti Le Fides.
16:31 - On aura évidemment l'occasion de reparler sur France Info,
16:34 dans les informés de l'Europe.
16:35 Merci beaucoup, Marc Semo, merci Anna Kowalska,
16:38 merci à vous également, François Bodonnet, d'avoir été avec nous.
16:40 La semaine prochaine, on parlera...
16:41 - On parlera d'Italie.
16:42 - Eh bien, rendez-vous dimanche prochain dans les informés.
16:45 Cette émission est à retrouver en intégralité en vidéo sur franceinfo.fr.
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