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00:00 - Et vous écoutez Culture Média sur Europe en 9h30, 11h avec Thomas Hill.
00:04 - Et nos deux indispensables du jour qui nous ont rejoints, Héloïse Bois pour les séries.
00:08 - Salut Héloïse. - Salut Thomas, bonjour à tous.
00:10 - Et Sébastien Bordenave pour les bandes dessinées. - Bonjour tout le monde.
00:13 - Mais ce matin on va parler d'abord d'un livre, de votre roman, votre dernier roman,
00:17 Frank Thillier, le 24ème, c'est ça ? - 24 déjà, oui.
00:20 - Si je ne m'abuse. Votre dernier roman qui s'appelle "Nordfairville" qui m'a vraiment transporté.
00:25 D'ailleurs le livre est accompagné lui-même d'un billet de train qui va de Montréal à Nordfairville.
00:31 C'est une ville qui n'existe pas, on peut le dire tout de suite.
00:34 Vous vous êtes inspiré d'une ville située tout au nord du Québec, c'est ça ?
00:37 - Oui, oui, c'est ça. La ville d'inspiration c'est Shefferville qui existe bel et bien.
00:41 Il se passe des choses tellement terrifiantes à Nordfairville que voilà, j'ai préféré la créer.
00:45 Parce qu'il y a des personnages, des vraies personnes qui pourraient se sentir visées à Shefferville.
00:50 Et vous avez remarqué, le billet de train n'est pas très cher donc la destination n'est pas très touristique.
00:55 - Ah parce que c'est un environnement qui est très dur, très hostile.
00:59 Pourquoi vous êtes intéressé à cet endroit ?
01:01 - En fait, ça parait à l'origine d'un voyage que j'ai fait au Québec il y a à peu près 5 ans.
01:05 Je suis passé 3 semaines là-bas et j'avais été séduit par cette nature incroyable, gigantesque, mais très hostile aussi.
01:12 Vraiment, il y avait une dualité comme ça et je me suis dit, peut-être un jour il y aura un moyen de raconter une histoire.
01:17 J'étais plus parti sur une espèce de huis clos en me disant, voilà, il y a des gens qui vont se perdre dans la nature.
01:21 Et bonjour, je me suis mis à faire quelques recherches.
01:25 Alors déjà, j'ai découvert l'existence de ces villes minières qui exploitent le minerai de fer, donc très isolées,
01:30 vraiment dans le Grand Nord avec des conditions climatiques extrêmes.
01:33 Et je me suis dit, comment des gens peuvent vivre là-bas ?
01:36 Enfin, c'est un vrai... - C'est terrible, ouais.
01:37 - Quand on est dans cette ville, on est enfermé en fait.
01:39 Il n'y a pas de route, il y a 13h de train. - Il y a juste un train pour accéder.
01:42 - Et donc j'avais le décor, vraiment le décor de mon roman.
01:45 Il manquait le fond et puis parfois il y a des coups de chance dans l'écriture.
01:48 Enfin, chance si on peut dire ça comme ça, mais j'ai découvert l'existence de ce phénomène sociétal au Québec
01:56 qui est une surreprésentation de la violence faite chez les femmes autochtones par rapport à la population des femmes générales.
02:03 Et je me suis dit, voilà, j'ai les deux éléments.
02:05 J'ai à la fois mon décor, mon ambiance et puis un sujet de fond que je vais essayer d'exploiter dans une histoire policière.
02:13 - Parce que c'est une ville qui est peuplée d'autochtones, d'aborigènes, les Innus,
02:17 qui souffrent de voir leur territoire qui est toujours plus exploité, accaparé par les Blancs.
02:22 Eux existent vraiment, c'est un peuple qui existe vraiment.
02:25 - Oui, oui, oui. Alors les gens connaissent par exemple les Inuits, parce que le Canada c'est gigantesque.
02:29 Il y a plein de communautés autochtones, dont les Inus, où il y a quelques communautés au Québec.
02:34 Et à Sheffieldville, donc cette ville qui existe, il y a effectivement aussi une réserve autochtone.
02:39 Alors là, quand on parle de réserve, on ne parle pas de... On peut imaginer les tentes, tout ça, mais ce n'est pas ça en fait.
02:43 C'est vraiment un quartier dans la ville où on a sédentarisé les autochtones.
02:47 Parce qu'ils avaient du boulot, on leur a dit "il y a du travail", on leur crée des baraquements,
02:51 on leur dit "ben voilà, vous allez travailler à la mine, vous verrez, vous aurez de l'argent, vous pourrez acheter des choses".
02:54 Et en fait, voilà, on les a un peu... Oui, ils sont devenus sédentaires, ils ont perdu un peu leurs instincts de chasseurs,
03:02 puis surtout devenus dépendants du capitalisme, alors qu'eux vivaient dans la nature incroyable.
03:07 Et ça se passe encore comme ça aujourd'hui au Québec et dans ces villes isolées.
03:11 C'est vrai que j'avais envie d'en parler et aussi parler de mettre à l'honneur ces femmes qui sont aussi malmenées dans ces comodités et à l'extérieur aussi.
03:19 Parce qu'on va suivre deux personnages principaux dans cette histoire.
03:22 D'abord Léonie, elle est métisse, à la fois blanche et inoue.
03:26 Et le roman, il s'ouvre sur le viol qu'elle a subi dans cette petite ville à l'âge de 16 ans.
03:31 Et donc, 20 ans après, alors qu'elle a quitté ce lieu maudit pour elle et qu'elle est devenue entre-temps lieutenant de police,
03:37 elle est appelée à retourner sur place pour dénouer le crime atroce d'une jeune française.
03:42 Et puis l'autre personnage, c'est qu'elle va être aidée dans son enquête par le père de la jeune fille,
03:47 qui est lui-même criminologue et qui débarque de France pour essayer de comprendre ce qui est arrivé à sa fille.
03:52 Ce sont ces deux personnages principaux qu'on va suivre tout au long de ce livre.
03:56 Oui, alors je voyais que ça reste un roman français quand même.
03:59 C'est pour ça qu'il y a le père qui a l'habitude de travailler avec la police sur des enquêtes criminelles.
04:05 Il est criminologue, il n'est pas flic, mais en tout cas, il a l'habitude de rentrer dans l'esprit des tueurs.
04:09 Il apprend que sa fille est décédée dans cette ville incroyablement éloignée, très inhospitalière.
04:16 Il se dit "mais pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?" Donc il va partir là-bas.
04:19 Et ce qui est intéressant avec ce personnage, c'est qu'il est un peu naïf par rapport à ce qui se passe là-bas.
04:24 C'est-à-dire que c'est le personnage qui ne connaît rien et qui débarque là-bas.
04:27 Il a même oublié son bonnet quand il débarque et en fait, il a les oreilles comme ça, qui sont sur le point d'exploser.
04:31 À qui on va expliquer les choses en fait ? À qui Léonie, le deuxième personnage, va dire "voilà, ici ça se passe comme ça,
04:36 il y a telle population, il y a la météo, il y a les températures".
04:39 Donc ça me permet à moi, l'auteur, de faire passer tous mes messages à travers ce personnage.
04:43 Et c'est un beau duo parce qu'elle a connu cette ville, elle connaît les gens.
04:49 Mais par contre, elle est assez débutante, elle est très procédurale, alors que lui a l'habitude de rentrer dans la tête des tueurs.
04:57 Donc ils vont faire un duo comme ça, qui est un peu explosif au début parce qu'elle, elle ne veut pas de lui évidemment.
05:01 Puis on imagine lui, sa psychologie, c'est quand même sa fille qui a été...
05:05 C'est horrible pour un père, donc on se dit "il a de la tête assez froide pour pouvoir faire ça".
05:11 Donc voilà, on a ce duo qui se crée comme ça dans des conditions...
05:13 Qui fonctionnent très bien, effectivement.
05:15 Et alors on aurait pu ajouter un troisième personnage principal, c'est le Grand Froid,
05:18 parce qu'on est plongé au cœur du blizzard tout au long de ce roman.
05:20 Et ça participe aussi beaucoup à l'ambiance du livre.
05:23 Moi ça m'a rappelé un peu les livres de Jack London, par exemple, par moments.
05:27 C'est très réussi, on va continuer à parler de ce livre "Norfairville" de Frank Thillier.
05:31 Et puis dans un instant, on va retrouver Héloïse Goua pour le premier Indispensable du jour.
05:35 On va rigoler un petit peu avec la série "Fiasco".
05:38 C'est la série dont tout le monde parle en ce moment.
05:40 Et on va rire.
05:41 Il y a de très bons moments dans cette série.