Category
🗞
NewsTranscription
00:00 D'un côté, les Russes arrivaient, et de l'autre côté, les Anglais arrivaient aussi.
00:05 Nous nous étions pris à la fin en tonaille, si l'on peut dire.
00:08 Évacués du camp à pied, naturellement, le long des routes.
00:12 Et au petit bonheur, la chance, celui qui pouvait pas suivre était exécuté sur place.
00:18 On nous poussait devant nous comme des moutons, quoi, en colonne le long des routes.
00:22 Les civils allemands étaient calvetrés chez lui, on les voyait plus.
00:26 La peur, la peur des Russes.
00:28 Dans notre périple, disons, j'entendais dire les gens,
00:32 ben les Russes, ils vont tous vous tuer.
00:34 Et ça leur faisait une peur immense.
00:36 C'était la grande pagaille, chez eux.
00:39 D'ailleurs, comme soldats allemands, c'était presque que des Ukrainiens
00:44 qui étaient dans l'armée allemande.
00:46 Certains Allemands, même, nous ont aidés,
00:49 en nous passant des petits sachets avec des œufs dedans.
00:53 Ça, je l'avoue.
00:54 Nous n'avions plus nos têtes, si l'on peut dire.
00:56 On avait très peu à manger.
00:58 Qu'est-ce qu'on pouvait choper le long des routes ?
01:00 Des fraises de l'herbe.
01:02 Ce qui se trouvait, même un morceau de cheval, une fois,
01:04 j'ai pris en passant avec les mains.
01:07 J'ai mangé du chenil mort, mais j'en suis pas mort.
01:11 Je ne faisais quand même que 33 kilos lorsque je suis rentré.
01:15 Là-dedans, je flottais.
01:16 Elle sort de Buchenwald, cette veste.
01:19 Je l'ai eue depuis Buchenwald jusqu'à la fin.
01:22 Elle a passé toutes les étapes d'Aura à Ravensbrück.
01:27 Je l'ai toujours eue sur le dos.
01:29 À quel moment et dans quelles conditions est-ce que vous avez été libéré ?
01:33 Je me suis un peu libéré tout seul, en colonne, au détour d'une route.
01:39 Il y avait un fossé profond.
01:40 Et là, je me suis jeté dans le fond du fossé.
01:43 Et tous les compagnons et compagnes sont passés sans me voir.
01:48 Combien de temps êtes-vous resté seul, comme ça,
01:52 en train d'errer, j'imagine, en Allemagne ?
01:56 Une huitaine de jours.
01:57 Je mangeais des tablettes de chocolat.
02:00 J'étais tombé à Parchim, sur un camp de prisonniers de guerre français
02:06 qui travaillaient pour une usine de barbalade pour les troupes allemandes.
02:11 Et eux avaient du chocolat, mais ils n'avaient pas de tabac.
02:15 Alors que moi, j'avais cambriolé un bureau de tabac.
02:18 Moi qui ne fume pas, une tablette de chocolat, tabac en échange.
02:22 Que faire quand on se trouve tout seul, isolé, sur des milliers de kilomètres ?
02:26 Vous savez, c'est impressionnant de se retrouver seul comme ça.
02:30 Je me rencontrais un coup, une vache dans un bois, une vache toute seule.
02:36 Je lui ai dit en allemand, "tu viens avec moi", elle m'a suivi.
02:39 Et je l'ai ramené au commandant de prisonniers de guerre.
02:43 J'ai été délivré le 5 mai.
02:45 C'était les Russes qui m'ont délivré.
02:47 J'ai été donc au commandant,
02:50 et je lui ai demandé comment j'allais pouvoir rentrer de là-bas.
02:54 Et il m'a dit par Sébastopol.
02:56 Pour moi Sébastopol, ça se trouvait en Russie, ça ne se trouvait pas de l'autre côté.
03:00 Et c'est là que je me suis enfui des Russes une nouvelle fois.
03:03 Je suis passé sous un pont, j'ai rejoint la zone anglaise.
03:07 Et le 21 mai, j'étais arrivé à la maison, à Luché-Pringé, dans la Sarthe.
03:14 Personne ne m'a reconnu.
03:16 Je leur faisais bonjour dans le car comme ça en passant.
03:19 Je les connaissais, mais eux, bon, personne ne m'a reconnu.
03:22 Je devais avoir changé de tête et de corps sans doute.
03:25 J'étais trois jours à dormir dans mon lit, avant de pouvoir héberger.
03:31 C'est l'histoire de survie.
03:34 [SILENCE]