Jérôme Durain analyse le narcotrafic et préconise des mesures

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Président de la commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre, le Sénateur de Saône et Loire Jérôme Durain dresser l'état des lieux dans une interview. Le phénomène est malheureusement grandissant. L'élu préconise des remèdes face à ce fléau.
Transcript
00:00 Qu'est-ce qui vous a le plus surpris dans votre travail d'enquête et finalement d'investigation
00:07 sur les narcotrafics ? L'ampleur, l'enracinement et la complexité du narcotrafic, son expansion
00:17 territoriale, plus aucune commune, plus aucun territoire n'est épargné. Désormais la France
00:24 des sous-préfectures est elle aussi touchée par le narcotrafic. Donc c'est ce côté massif et
00:32 inquiétant qui est le plus frappant à l'issue des travaux de la commission d'enquête. On a le
00:37 sentiment que les chiffres ne cessent pas d'augmenter. Est-ce que c'est quelque chose
00:41 que vous avez mesuré ? Tout à fait, les chiffres augmentent en termes de production de produits,
00:48 donc d'arrivée et de submersion du pays, notamment pour la cocaïne, donc de saisie par les douanes
00:56 et les services de répression. Les chiffres de la criminalité ont été très importants l'année
01:02 dernière, notamment avec des narcomicides. Et puis il y a tout ce qu'on ne voit pas derrière
01:08 les chiffres, des phénomènes plus insidieux. On parle beaucoup des Antilles comme une grosse
01:13 porte d'entrée, notamment pour la cocaïne. Comment combattre entre guillemets cette réalité ? Il
01:24 faut des moyens, des moyens renforcés qui ne sont pas à la hauteur, des moyens humains pour les
01:29 douanes, la gendarmerie, la police, les magistrats. Il faut des moyens techniques, notamment maritimes
01:38 et aériens. Il faut qu'on, parce qu'on y consacre une très grande importance dans notre rapport,
01:45 qu'on s'intéresse aussi au contrôle pour éviter que le report se fasse de la Guyane,
01:50 les fameuses mules, vers les Antilles, ce qui est le cas. Donc il faut une action globale,
01:55 particulièrement aux Antilles, qui sont durement touchées, notamment par la criminalité associée,
02:02 notamment par le trafic d'armes. Qu'est-ce qui vous a le plus surpris en France métropolitaine ?
02:07 Dans les villes où vous êtes rendu ? La banalité de la consommation et du trafic,
02:16 qui est sans doute mal perçu et mal apprécié par beaucoup de nos concitoyens, qui se disent
02:25 finalement "bon la consommation de drogue c'est les autres, ça me concerne pas, le narcotrafic
02:29 ne concerne pas mon territoire". Or c'est partout et on voit des gendarmes, des policiers, des
02:36 douaniers qui sont en première ligne, qui se battent avec beaucoup de détermination et qui
02:41 nous demandent de l'aide parce que le phénomène est en train de nous submerger. Il y a un nouveau
02:48 phénomène qui s'accentue de livraison à domicile, comment les enquêteurs peuvent lutter contre ce
02:56 phénomène ? C'est un des aspects essentiels de notre rapport, c'est la question de taper les
03:04 criminels au portefeuille, il faut démanteler les réseaux, c'est-à-dire que les points de deal,
03:07 évidemment il faut s'y attaquer, il faut les supprimer, essayer d'empêcher le trafic dans
03:15 l'espace public, mais s'agissant des uber-cheats, puisque c'est comme ça que ça se développe
03:21 désormais, c'est le signe de narcotrafiquants qui sont extrêmement agiles, extrêmement adaptables et
03:28 qui trouvent toujours de nouveaux moyens parce qu'ils ont des capacités financières quasi
03:32 illimitées. Donc il faut taper au portefeuille pour démanteler ces réseaux. Est-ce que vous avez
03:37 estimé le nombre de personnes qui vivent de façon importante du trafic de la drogue ? Une estimation
03:47 de l'INSEE donne le chiffre de 240 000 personnes en France qui vivent du narcotrafic. Il y a 3 000
03:55 points de deal, il y aurait un millier de chefs de réseaux, de clans, mais c'est des chiffres qui
04:05 sont évidemment dans l'économie grise, qui sont très difficiles à estimer, mais c'est assez
04:08 considérable. Et au-delà de ces chiffres, c'est l'importance que ce trafic, notamment ces
04:16 ramifications financières, ont pris dans l'économie légale qui nous inquiète. Donc la porosité entre
04:21 économie légale et économie du narcotrafic est un des sujets d'inquiétude majeure. Quelles sont
04:27 pour vous les trois priorités dans les années à venir ? Les trois priorités c'est évidemment la
04:34 question de la lutte contre le blanchiment, s'attaquer aux avoirs criminels parce qu'on
04:40 peut s'intéresser aux petites mains du trafic, mais ça ne permet pas de démanteler les réseaux. La
04:45 deuxième priorité c'est sans doute d'endiguer un phénomène émergent de corruption, dite
04:52 basse intensité, c'est-à-dire qu'il faut qu'on se protège parce que c'est par ces faiblesses
04:56 humaines ou ces menaces d'ailleurs, il n'y a pas que la pas du gain, il y a aussi les menaces que
05:00 le narcotrafic prospérait. Et puis la troisième priorité c'est de se doter d'un arsenal législatif
05:08 complémentaire à ce qui existe. Je pense aux repentis, je pense à une nouvelle organisation
05:14 d'un procédure judiciaire pour ce qui concerne le narcotrafic avec un vrai chef de fila et nous
05:19 proposons un parquet national antistupéfiant, comme ça existe pour le terrorisme, comme ça
05:24 existe en matière financière, et une espèce de DEA la française construite autour de l'OFAST,
05:31 l'Office français antistupéfiant. Voilà, c'est les trois priorités qui permettront je pense dans
05:35 les années à venir de lutter contre le narcotrafic. Les préconisations du ministre de la justice
05:40 telles qu'il les exprimait vont dans le bon sens ? Oui ça va dans le bon sens, ça manque sans doute
05:45 d'une vision globale et je pense que l'apport de la commission conforte cette série de propositions,
05:53 les quatre idées que le ministre a émises, mais il faut aller beaucoup plus loin et c'est une chaîne
06:00 le narcotrafic qui part de la production, qui va jusqu'au blanchiment, ça peut partir de Colombie
06:05 et se terminer à Dubaï, donc il faut s'intéresser à tous les maillons de la chaîne et je pense que
06:10 notre principal apport, le principal acquis de cette commission d'enquête, c'est d'avoir des
06:15 propositions pour toute cette chaîne.
06:16 Merci.

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